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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 15:02

La première phase du « mondial » de football qui se déroule actuellement au Brésil est terminée. Sur les 32 équipes qui avaient été retenues (à la suite d’une longue phase de matches de sélection), la moitié est éliminée. Les 16 rescapées ont entamé le 28 juin les huitièmes de finale qui, comme les matches suivants, sont à élimination directe. La finale, qui désignera le champion du monde, aura lieu le 13 juillet dans le stade mythique de Maracanã, à Rio de Janeiro.

Je laisse à de plus experts que moi (il n’en manque pas !) le soin de commenter le jeu des uns et des autres, les qualités comparées des joueurs et des équipes et les pronostics qu’ils en tirent. Je me contenterai de quelques observations qui, sans doute, tiennent plus à la sociologie et à la géopolitique qu’au sport.

1/ Ce rendez-vous quadri-annuel mondial reste la manifestation sportive (et même la manifestation tout court) la plus populaire de la planète. C’est en effet l’ensemble du monde qui a actuellement les yeux rivés sur le Brésil. Les audiences des chaînes de télévision battent des records (plus de la moitié de l’audience potentielle en France pour les matches des « bleus ») et, dans tous les milieux, le « mondial » est spontanément au centre des conversations. En France (mais aussi ailleurs, souvent même dans les pays qui n’ont pas été sélectionnés), les jours de matches, les spectacles (cinémas, théâtres, concerts) sont délaissés et les restaurants sont vides (sauf s’ils retransmettent la partie sur écran géant). Il s’agit donc d’un phénomène sociologique de masse qu’il serait ridicule, et méprisant pour ceux qui y sont partie, de négliger. D’ailleurs, les hommes politiques ne s’y trompent pas. Ils sont tous, évidement, des « fanas » de foot (ou ils font semblant) et sont capables de citer tous les joueurs de la sélection de leur pays. C’est vrai aussi que lorsqu’on s’intéresse au foot, ou que l’on fait semblant de s’y intéresser, on peut se faire rapidement des tas d’amis qui partagent la même passion.

2/ La mondialisation du foot-business est une réalité. La plupart des joueurs sélectionnés dans les équipes nationales évoluent le reste du temps dans des clubs, souvent prestigieux, les meilleurs étant situés en Europe. Certains se donnent à fond pour faire gagner leur équipe et leur pays. D’autres paraissent moins motivés. Non qu’ils méprisent nécessairement leur équipe nationale (après tout aller loin dans le mondial, accroit leur palmarès personnel, et donc leur valeur marchande), mais ils se donnent si intensément dans leurs clubs, où, souvent ils gagnent des sommes colossales (par exemple, près de 10 millions d’euro par an au Real Madrid pour Benzema, qui n’est pas le joueur le mieux payé au monde), qu’ils arrivent au « mondial » un peu fatigués et entre se « défoncer » pour l’équipe nationale et le club, le choix est vite fait : c’est le club.

Il n’est pas exclu que cette dichotomie entre équipes nationales et clubs explique, au moins pour partie, l’élimination précoce de pays comme l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne, d’autant que les grands clubs de ces pays ont souvent une proportion telle d’étrangers que, si on enlève, ces derniers, il n’y reste pas grand-chose.

Bref, nos joueurs de foot sont devenus des mercenaires du ballon rond. Ils vont de clubs en clubs, de pays en pays, vers les plus offrants. Pour ces joueurs, du moins pour beaucoup d’entre eux, le mot patriotisme national ou même local est devenu complètement étranger à leur univers mental. On se souvient par exemple de Zinedine Zidane, Marseillais adulé à l’époque dans sa ville natale qui, alors joueur du Real de Madrid, était venu au stade vélodrome et y avait marqué, apparemment sans état d’âme, le but qui éliminait l’équipe phocéenne de la coupe d’Europe. Personnellement, je trouve cela choquant. Les joueurs devraient avoir dans ces cas, un « droit de retrait ». Mais, ils ne pensent même pas à le demander. Leur seule patrie, c’est leur carrière et leur portefeuille.

3/ Cette indifférence, pour ne pas dire plus, envers le pays dont ils portent les couleurs a particulièrement été le cas depuis au moins une décennie des joueurs de l’équipe de France. On se souvient du spectacle indécent d’énergumènes donnant le visage affligeant qui a été celui des « bleus » en Afrique du Sud. On note aussi que, lors de l’exécution des hymnes nationaux, de nombreux joueurs « français » ne chantent pas la Marseillaise. Benzema, peut-être plus franc, ou plus cynique que d’autres, l’a dit un jour dans une interview : il ne se sent pas vraiment français. Cela est grave. C’est encore plus grave qu’on s’en accommode.

Cette année, il semble qu’il y ait un certain progrès, tout relatif néanmoins. On le doit probablement à Didier Deschamps, l’entraineur de l’équipe de France. Il a fait la chasse aux comportements inadmissibles des joueurs dont certains ont une mentalité de petits « càcous » de cités dont la seule ambition dans la vie est de gagner le plus de fric possible pour « rouler les mécaniques » au volant de leur Ferrari. De tels comportements sont désormais bannis et les joueurs, certainement bien « chambrés » par leur « coach », adoptent une attitude plus modeste. Certes, le naturel revient au galop en matière de mépris du public, qui pourtant fait le succès, et la fortune, des vedettes. On a ainsi vu l’arrivée la semaine dernière des joueurs français à Rio. Lorsqu’ils sont descendus du car, ils sont tous passés (sauf Benzema) devant les « supporters » rassemblés sans même un regard pour eux. Cela est inadmissible et je n’ai aucune sympathie pour ces gens-là.

Dans ces conditions, pour moi, l’équipe de France est en sursis. Les plus antipathiques, tels Ribéry, ont été écartés. Des jeunes ont intégré l’équipe. A voir donc quel sera leur comportement dans la suite du « mondial ». Personnellement, et compte tenu du passé, j’étais pour la Suisse contre la France au début du match qui a opposé les bleus aux Helvètes. J’ai changé en cours de partie quand j’ai constaté que le jeu français était bon. Mais pour la suite, mon soutien sera loin d’être automatique. Il dépendra du comportement des joueurs, sur le terrain et en dehors du terrain.

4/ Que le meilleur gagne, donc. Je n’ai pas d’à priori. Cela me ferait néanmoins plaisir que les Pays-Bas l’emportent. C’est un pays de taille réduite et ils ont été deux fois finalistes. Etre enfin champions serait justice. Je vais aussi soutenir par principe les petits pays contre les gros. Ce sera plus facile maintenant que bien des « grands » prétentieux sont éliminés.

4/ Les joueurs de l’équipe du Brésil ne m’ont pas fait très bonne impression pendant cette première phase. Leur qualification in-extremis, en fait grâce aux tirs aux buts, donc au  hasard, confirme cette impression. Ils devraient néanmoins probablement aller assez loin dans la coupe, mais je ne parierais pas cher sur leur victoire finale. Il y a une énorme pression sur les joueurs, ce qui, peut-être, ne les met pas dans les meilleures conditions.

D’autant que, cette année, le soutien du public brésilien n’est pas acquis d’avance. On sait que de fortes critiques ont été adressées aux autorités qui ont dépensé beaucoup d’argent pour cette manifestation alors que les besoins du pays en écoles, en hôpitaux et en transports ne sont pas satisfaits.

Des manifestations et des grèves, y compris de la police, avaient précédé le mondial (voir mon article du 22 mai « Brésil : le mondial sous haute surveillance »). Certains craignaient le pire pour le déroulement de la manifestation. J’avais écrit dans mon blog que je n’étais pas inquiet à ce sujet. J’étais convaincu que tout allait rentrer dans l’ordre sitôt le premier coup de sifflet lançant le premier match aurait retenti.

Je ne m’étais pas trompé. Non seulement les grèves et les manifs ont cessé, mais, jusqu’à présent, la logistique, très déficiente à quelques jours du début, a à peu près suivi. Les accès aux stades, bien que souvent pas terminés à temps, n’ont pas posé de problèmes insurmontables. On a bien constaté quelques « manques », par exemple une panne de sonorisation lors du premier match auquel la France a participé, ou encore des pelouses dans un état non optimal. Mais rien de rédhibitoire. On s’apercevra sans doute assez vite, après le mondial, que les stades, trop vites sortis de terre, ne tiendront pas la distance, mais les étrangers seront déjà repartis.

Reste l’après-mondial. Il risque d’être difficile pour le Brésil, les Brésiliens et leurs dirigeants. Si le Brésil est champion, ce sera un moindre mal. Si ce n’est pas le cas, la colère sera au rendez-vous.

5/ Le football est devenu un sport mondial. Toutefois, la suprématie européenne et latino-américaine reste écrasante. Sur les 32 équipes sélectionnées pour le « mondial », 13 sont européennes, 9 latino-américaines, 5 africaines, 3 asiatiques, plus les Etats-Unis et l’Australie. Pour celles qui sont qualifiées pour les huitièmes de finale, on a 6 européennes, 7 latinos, 2 africaines, les Etats-Unis et aucune asiatique.

Les meilleures performances des latino-américains sont liées au fait que la compétition se passe au Brésil (quand c’est en Europe, les Européens sont meilleurs).

La montée en puissance des Etats-Unis traduit un intérêt accru des Américains, de toutes origines, pour le ballon rond. Toutefois, la présence d’une forte communauté hispanique l’explique en premier lieu.

Les Asiatiques restent presque inexistants, ce qui enlève évidement à l’universalité du football. On joue pourtant de plus en plus au foot en Asie, notamment en Chine, mais les performances restent modestes. Elles devraient s’améliorer dans la prochaine décennie.

Les Africains progressent, notamment grâce à des joueurs qui évoluent dans les grands clubs européens, mais les résultats restent limités car ces pays ont relativement peu de moyens.

Parmi les qualifiés pour les huitièmes, la présence de l’Algérie doit être soulignée. Elle est inédite et méritée. Mais, vu de France, on doit regretter les débordements qui accompagnent toujours dans l’hexagone la célébration des victoires de l’équipe de ce pays : 74 interpellations, des voitures brûlées, des commerces vandalisés, la police attaquée. En outre, ce spectacle de drapeaux algériens dans les rues de nos villes laisse une impression de malaise. S’ils étaient accompagnés de drapeaux français, on s’en réjouirait. Ce n’est pas le cas. Le nationalisme hystérique est regrettable partout. En terre étrangère, il est inadmissible.

6/ Un mot sur l’arbitrage. Les arbitres ont une énorme pression sur les épaules. On comprend qu’ils hésitent à sanctionner l’équipe du pays hôte lorsque cent mille spectateurs sont derrière elle. Mais lorsque cela entraine des erreurs manifestes d’arbitrage, il y a problème. On l’a vu dès le premier match lorsqu’un pénalty a été sifflé sur la Croatie pour une faute imaginaire. Le foot est l’un des seuls sports où la plupart des arbitres se refusent encore à faire appel à la vidéo. Lorsqu’il y a erreur manifeste d’arbitrage (que l’on ose croire involontaire), celle-ci devrait être rectifiée. Ce n’est malheureusement pas le cas et c’est dommage.

7/  Une dernière remarque en guise de conclusion. Le football est un sport qui, comme tous les sports, est, ou devrait être, une activité noble. Cela devrait être synonyme de dépassement de soi, de courage, de solidarité, de fair-play pour les joueurs et de grand moment d’émotion collective, de plaisir du beau spectacle et de rassemblement patriotique pour le public.

L’enthousiasme des supporters est légitime. Il est lui-même noble car personnellement désintéressé. Mais vouloir gagner pour gagner, à tout prix, même au prix de la triche lorsqu’on peut (on se souvient de gestes lamentables, telle cette main de Maradona restée fameuse), me parait inadmissible. Je préfère que « mon » équipe perde dans l’honneur après avoir donné le meilleur d’elle-même que si elle gagne dans le déshonneur, c’est-à-dire par l’antijeu, les coups tordus et le manque de respect de l’adversaire.

Il faudrait surtout que les supporters se persuadent que l’adversaire n’est pas un ennemi mais un concurrent qui a les mêmes aspirations que « son » équipe et que « ceux d’en face » sont aussi respectables que « les nôtres ».

Et puis assez de ces psychodrames collectifs ridicules : quand on gagne, même par un but d’écart, on est les meilleurs et les autres sont des nuls ; quand on perd, bonjour le drame national. Les titres de la presse espagnole après l’élimination des « rojos » étaient tout simplement stupides : une catastrophe nationale, une humiliation insupportable. Quand on voit des « supporters » pleurer parce que « leur » équipe a perdu, cela est dérisoire. Il faut rappeler ces imbéciles aux réalités. Le sport est le sport et n’est que le sport. C’est ni l’alfa ni l’oméga du monde. Ces supporters sont en fait les victimes du système dans lequel il y a trop d’enjeux, financiers notamment. Les médias devraient être un peu plus responsables et éviter de faire trop monter la pression. Et lorsque celle-ci est trop forte, lorsque les succès montent à la tête, finalement le meilleur antidote est une bonne défaite. Cela dé-saoule ! Je me trouvais en Espagne lorsque ce pays a été battu 5 à 1 par la Hollande. Avant le match, il y avait des drapeaux partout et des fanfaronnades à la ronde (« nous sommes les plus forts », « ces moins que rien, on va en faire qu’une bouchée »). J’ai regardé le match dans un bistrot. L’ambiance est vite retombée. Deuil national ensuite. Et ce n’est pas qu’en Espagne. Ailleurs, c’est pareil. Vous ne trouvez pas cela idiot ? Moi si.

Alors que le meilleur gagne, quelle que soit sa nationalité. A condition que ses qualités morales soient à la hauteur de ses performances physiques.

 

                                                            Yves Barelli, 29 juin 2014 

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