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16 octobre 2019 3 16 /10 /octobre /2019 09:29

Le parti « Droit et justice » (PiS), au pouvoir en Pologne, sort renforcé des élections législatives du 13 octobre avec une majorité absolue de sièges tant à la Diète qu’au Sénat, les deux chambres du parlement. Cette nouvelle victoire éclatante n’est pas due au hasard mais aux choix politiques, économiques, sociaux et sociétaux qui expliquent le succès dans la plupart des pays est-européens (y compris la Russie de Vladimir Poutine) de ce que les médias occidentaux défenseurs du « système » européiste appellent les « populistes ». Cet ancrage fort résulte d’une synthèse réussie entre valeurs réputées de « droite » (défense de l’identité et des valeurs traditionnelles, refus de l’immigration) et celles réputées de gauche (politiques sociales de redistribution et protection des plus faibles, largement issues de l’ancien système communiste) dans un contexte de forte croissance économique, de faible chômage, de sociétés homogènes grâce au refus de l’immigration et de politiques économiques indépendantes grâce au refus de l’euro.

1/ Le PiS ( « Prawo i Sprawiedliwość », c’est-à-dire « droit et justice ») de Jarosław Kaczyiński (il n’a aucune fonction gouvernementale – c’est Mateusz Morawiecki qui est Premier Ministre - mais il est l’ « homme fort » du pays), avec 44% des voix  remporte haut la main la majorité absolue à la Diète (235 députés sur 460) et au Sénat (majorité absolue aussi). Son score est encore en hausse par rapport aux législatives de 2015 (37%) grâce notamment à une participation en hausse (65% de votants, ce qui est plus que d’habitude dans ce pays où l’abstention est traditionnellement forte). L’opposition centriste « libérale » et européiste (celle qui a les faveurs de Bruxelles, des médias occidentaux bienpensants et de Macron) ne recueille que 27,3% des voix tandis que « Lewica » (« la gauche »), issue des anciens communistes a 12,6%, le « parti paysan » (PSL, une petite formation, qui existait déjà sous le régime communiste) a 8,6% et une formation traditionnaliste centrée sur les valeurs de la famille chrétienne 6% (ce sont les seules formations représentées au parlement, le seuil étant de 5% des voix).

2/ Le paysage politique polonais semble durablement ancré. Cette stabilité n’a pas été toujours le cas dans la Pologne postcommuniste.

Un petit rappel historique est nécessaire pour en comprendre l’évolution. Les Polonais sont passés dans l’enthousiasme au capitalisme de type occidental en 1989 en rompant spectaculairement avec le régime communiste qui avait été instauré après la seconde guerre mondiale. Le mouvement « Solidarność » de Lech Wałesa épaulé par le pape polonais Karol Wojtiła (Jean-Paul II, ancien archevêque de  Cracovie) et encouragé par le capitalisme alors triomphant de Reagan et Thatcher semblait promis à un brillant avenir.

Mais bien vite les Polonais ont déchanté : à l’ordre communiste s’est substitué un ordre clérical réactionnaire qui a rogné sur toutes les libertés individuelles (par exemple en supprimant le droit à l’avortement et en instaurant des cours obligatoires de catéchisme dans les écoles) et qui, pis encore, est systématiquement revenu sur la protection sociale de l’ancien régime en décrétant une « thérapie de choc » pour passer d’un régime économique à l’autre qui a entrainé un recul généralisé du niveau de vie des classes populaires (parallèlement à l’enrichissement d’une minorité), une forte montée du chômage (qui n’existait pas auparavant) et la vente à prix bradés des entreprises nationales aux intérêts capitalistes étrangers.

Résultat de cette politique dogmatique calamiteuse : les Polonais ont eu le sentiment que le nouveau régime était bien pire que l’ancien et ont rappelé au pouvoir les anciens communistes avec l’élection en 1995 à la présidence de la république d’Alexander Kwaśniewski, jeune et brillant leader qui contrastait avec l’ordre clérical nouveau (athée, il vivait en concubinage et avait été ministre sous le communisme). Lui aussi suscita beaucoup d’espoirs [je l’ai connu, ainsi que Wałesa, lorsque j’ai été consul général de France à Cracovie pendant quatre ans]. Hélas, les néo-communistes se sont crus obligés eux aussi d’appliquer les recommandations du FMI, des Etats-Unis et de l’Union européenne ; ils en ont presque rajouté dans la « réaction », par exemple en soutenant l’agression américaine de 2003 contre l’Irak.

S’ensuivit une période d’instabilité avec des taux record d’abstention aux élections (plus de 60%) : la gauche battue aux législatives de 1997 mais Kwaśniewski réélu en 2000 (quant à Wałesa, complètement déconsidéré en Pologne mais toujours populaire sur les plateaux de TV occidentales ou dans les conférences grassement rémunérées, il n’a recueilli qu’un humiliant 3% des voix), un régime de cohabitation avec la montée d’une majorité de centristes (l’Union pour la Liberté – UW -, conforme au rêve de Bruxelles d’avoir partout des gouvernements partageant sa vision mondialiste et à sa dévotion – l’un de ses dirigeants, Donald Tusk, battu aux élections, est aujourd’hui l’insolite « président » inconsistant d’une UE sans politique commune et sans avenir).

En 2005, un nouveau parti émerge, le PiS des frères jumeaux Kaczyiński : Lech est élu président de la République (il décèdera en 2010 dans un accident dramatique d’avion qui décimera une partie de la classe politique du pays) mais il doit composer avec les européistes de l’UW tandis que le vote de gauche s’effondre, probablement durablement.

Las de ces jeux stériles pis que la 4ème République française, les Polonais envoient enfin en 2015 au parlement et à la présidence une majorité cohérente, celle aujourd’hui au pouvoir, de Droit et Justice, que les présentes législatives viennent de renforcer.

3/ Quelles sont les recettes du succès du PiS ? Les mêmes qu’en Hongrie ou en Russie, mais aussi, sous des formes un peu différentes, des majorités au pouvoir en Tchéquie, en Slovaquie ou en Slovénie et aussi dans l’Italie de Salvini, écarté du pouvoir par une sorte de coup d’état parlementaire mais qui y reviendra, renforcé, lors des prochaines élections si ses excellents sondages se maintiennent.

La réussite du « populisme » à l’Est et en Italie vient de la synthèse des valeurs réputées de « droite » et celles réputées de « gauche » :

- la défense des valeurs traditionnelles fondées sur la promotion de la Nation, sur son identité chrétienne (même lorsque, comme en Tchéquie, il y a une majorité d’athées) et sur la valeur de la famille avec un père et une mère : Ne jamais oublier qu’il s’agit, sauf la Russie, de petits pays souvent menacés dans leur histoire : c’est un miracle si la Pologne existe encore ! Si vous allez à Cracovie, vous entendrez chaque heure de l’une des tours de l’église Notre-Dame s’envoler une mélodie claironnée par un pompier ; elle s’interrompt brusquement parce qu’elle commémore la fin tragique d’un guetteur sur les remparts qui, en 1241, sonna l’alerte face à l’invasion tatare et mourut transpercé par une flèche ; cette mélodie, qui ouvre les programmes de la télévision nationale, est l’un des symboles de la Pologne ; vous comprendrez alors pourquoi ce peuple, qui faillit être anéanti plusieurs fois, et encore au 20ème siècle par Hitler et Staline, tient à son intégrité, à ses valeurs et à son homogénéité et pourquoi il refuse une immigration musulmane qui lui rappellerait l’invasion des Tatars au 13ème siècle ; chez nous, il est de bon ton d’occulter l’histoire nationale, « construction » européenne oblige, à l’Est elle est omniprésente dans les esprits et, sauf chez quelques mondialistes des capitales, qui aiment à s’exprimer en anglais pour nos télés, elle fait l’unanimité.

- Des politiques sociales qui contrastent avec les préceptes du FMI et de l’Union européenne, et qui sont largement reprises de ce qui prévalait sous le communisme où régnait l’égalitarisme, la protection sociale, en particulier des plus faibles, et l’absence de chômage. Ainsi, le gouvernement du PiS a rétabli, comme avant 1989, la retraite à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes (dans le même temps où, à l’Ouest, on allonge cet âge), il a considérablement augmenté les allocations familiales (100€ par enfant jusqu’à 18 ans), il dispense les jeunes d’impôt sur le revenu et a augmenté les bourses scolaires et pour étudiants.

- Cette politique sociale est possible en Pologne (mais aussi dans d’autres pays de l’Est, telle la Tchéquie où les salaires réels ont été augmentés de 15% l’année dernière) parce que la croissance économique, « boostée » par la consommation et les délocalisations d’industries importée d’Europe occidentale (mais aussi les fonds structurels européens), est au rendez-vous : +5% en Pologne en 2018. Cela permet un chômage quasiment inexistant : 3% en Pologne, en Tchéquie et en Hongrie.

Le refus du passage à l’euro est l’une des recettes du succès : ces pays ne sont pas dépendants de la banque centrale de Francfort et ils peuvent ajuster tant la valeur de leur monnaie que leurs budgets. A titre d’exemple, la Tchéquie avait choisi une couronne sous-évaluée par rapport à l’euro et au dollar, ce qui lui a permis de faire monter en puissance la compétitivité de son industrie (automobile notamment, mais pas seulement) ; maintenant que la compétitivité est là, on peut faire remonter le cours de la monnaie : la couronne s’est appréciée de 20% depuis deux ans.

- Ajoutons un autre facteur capital de succès à l’Est : ces sociétés sont homogènes car il n’y a pas d’immigration extra-européenne et que les inégalités (héritage du communisme) sont moins fortes qu’à l’Ouest. Une conséquence est la faiblesse de la délinquance et des relations sociales plus apaisées. L’attachement à l’ordre est à la fois l’héritage de l’environnement germanique (surtout en Tchéquie et Hongrie mais aussi, dans une moindre mesure, en Pologne) et du communisme. Dans ces pays, on n’aime pas les incivilités, les délinquants, les marginaux et ceux qui refusent de travailler (en Hongrie, par exemple, tous les chômeurs sont tenus d’effectuer des travaux d’intérêt collectif, ce qui a le triple effet positif de ne pas encourager l’oisiveté, d’avoir partout des gens effectuant des « petits boulots » utiles, bien que, en Occident considérés comme non « rentables » - accompagnement de personnes âgées, gardiens, guichetiers – et de permettre à ceux qui ont perdu un travail de se réinsérer dans le tissu social.

XXX

Ces recettes devraient être considérées comme allant de soi et, si nos dirigeants n’étaient pas englués dans leur dogmatisme et leur ignorance, devraient être copiées chez nous.

Au lieu de cela, notre presse (lorsqu’elle s’intéresse à ces pays, ce qui est assez rare) dénonce les violations de l’ « état de droit » en Pologne ou en Hongrie. Mais l’état de quel droit ? Celui des délinquants, des marginaux et des capitalistes qui exploitent le peuple ? Si vous en avez l’occasion, parlez avec n’importe quel touriste hongrois ou tchèque qui visite Paris : il est tellement effrayé par ce qu’il y voit : agressions, saleté, incivilités, impression de pagaille généralisée et de règne des malfrats, qu’il a envie de repartir et de ne jamais plus revenir. Parlez-lui alors de l’état de droit à Varsovie qui serait menacé selon l’UE, et il vous dira que notre état de droit, il n’en veut pas. Vous-même, allez dans ces pays et prenez le métro à Prague (je reviens d’Asie, je dirais la même chose pour Tokyo ou Pékin) : propre et fréquenté par des gens normaux, pas par des individus qui semblent sortis tout droit du monde de Quasimodo de Victor Hugo.

L’explication du succès de Kaczinski, de Poutine ou d’Orban est là. Ceux qui ne le comprennent pas ne comprendront jamais rien parce qu’ils vivent dans un monde totalement imaginaire qui n’a rien à voir avec la réalité, un monde où ils nomment liberté ce qui est la loi de la jungle, un monde où il croit que le « vivre ensemble » est possible avec des gens qui le refusent, un monde où le délinquant est davantage protégé que la victime.

Ce monde-là, les Polonais n’en veulent pas. Moi non plus./.

Yves Barelli, 14 octobre 2019     

                                     

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