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2 mai 2015 6 02 /05 /mai /2015 19:02

Le collège correspond en France au niveau intermédiaire d’éducation entre l’école primaire, où on apprend les fondamentaux, et le lycée, qui se termine par le baccalauréat, diplôme obligatoire pour entrer à l’université. Les quatre années passées au collège sont donc importantes car elles servent notamment d’aiguillage vers des études longues ou au contraire plus courtes. Le collège est en principe unique, c’est-à-dire avec le même enseignement pour tous, alors que les filières sont différenciées à partir du lycée.

1/ Les élèves qui arrivent en sixième (la première année du collège, vers onze ans) ont en fait des niveaux très différents. Certains ont déjà un niveau de connaissances et de culture générale assez élevé, ce qui peut laisser espérer pour eux des études longues, y compris à l’université. D’autres savent à peine lire et écrire : on considère que 20% des élèves qui arrivent au collège ne sont même pas aptes à saisir le sens d’un texte simple, ce qui montre un niveau en français très bas, mais ce qui les handicapent aussi pour les autres matières (en mathématiques, par exemple, il faut comprendre l’énoncé du problème, ce que beaucoup ne peuvent pas).

L’entrée de tous les élèves au collège, quel que soit le niveau des connaissances qu’ils ont acquises en primaire, résulte du désir, louable, de démocratisation de l‘enseignement. Autrefois (il y a un siècle), seuls ceux qui réussissaient le « certificat d’études », à la fin du primaire, passaient au collège ; les autres étaient orientés vers l’apprentissage ou la vie active. Aujourd’hui, tous entrent au collège et terminent ce niveau par le « brevet des collèges », porte d’accès au lycée.

La démocratisation était souhaitable et on peut, à première vue, considérer qu’il s’agit d’un progrès. Toutefois, à y regarder de plus près, lorsqu’on constate que de nombreux élèves qui ne sont pas au niveau passent de classe en classe et trainent des carences de base qu’ils ne combleront jamais, on peut s’interroger sur le bien-fondé du même collège pour tous : les élèves en difficulté accumulent les frustrations, perdent en fait leur temps (quel intérêt, par exemple, de tenter d’étudier deux langues étrangères, qu’ils seront toute leur vie dans l’incapacité absolue d’utiliser, alors qu’ils ne maitrisent même pas le français ?) et freinent les bons élèves qui souhaiteraient aller plus vite.

Pour différencier, de fait, les bons élèves et les moins bons, on avait des matières optionnelles différentes avec certaines sections, plus difficiles, dans lesquelles se réfugiaient les meilleurs élèves. Ainsi, le latin et même le grec ancien permettaient de dégager une certaine élite. Mais, au fil du temps, ces matières ont eu moins de succès, y compris pour les bons. Une nouvelle façon de sélectionner a été la création de classes « européennes » au sein desquelles, des élèves sélectionnés avaient des cours renforcés de langues étrangères. La plus difficile consistait en l’introduction de l’apprentissage de l’allemand dès la sixième, suivi deux ans plus tard de l’anglais. Les élèves qui suivaient cette filière incorporaient les meilleures classes au lycée avec quelques cours dans l’une de ces langues (par exemple l’étude de la biologie partiellement en anglais). Cela était très efficace.

2/ Le gouvernement actuel a décidé de réformer le collège. Prenant acte de l’inégalité entre les élèves selon qu’ils suivaient des « classes européennes » ou non, la réforme projetée vise ni plus ni moins à supprimer ces classes.

Cette suppression s’accompagne de l’introduction d’heures pluridisciplinaires au cours desquelles, les élèves sont pris en charge par plusieurs professeurs en même temps et y étudient un thème spécifique vu sous l’angle de plusieurs disciplines. Par exemple, on étudiera le « développement durable » ou la « citoyenneté », chaque professeur apportant ses compétences propres.

3/ Ce projet de réforme est critiqué de toutes parts.

D’abord s’agissant de la suppression des classes européennes. On souligne qu’il était bon que les meilleurs élèves puissent approfondir une étude, linguistique ou autre. On craint désormais, à juste titre me semble-t-il, un nivellement par le bas. On remarque aussi que l’existence de ces classes européennes était un moyen d’éviter le tout anglais. En les supprimant, on risque de porter atteinte à la présence même de l’enseignement de l’allemand au collège. On aura en effet l’anglais pour tous, suivi de l’espagnol, plus facile que l’allemand, pour tous. Les partisans du « couple » franco-allemand dénoncent le coup porté à notre coopération avec l’Allemagne et le risque de voir, en rétorsion, le français disparaitre des collèges en Allemagne. Jean-Marc Ayrault, ancien premier ministre mais aussi ancien professeur d’allemand, a pris la tête des protestataires.

S’agissant des études de thèmes poly-disciplinaires, on dénonce une réforme « gadget » artificielle qui n’apportera pas grand-chose. Ces études de thèmes prendront la forme de textes rédigés par les élèves qui risquent de n’être que des « copies-collés » pompés sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Il y a une trentaine d’années, on avait déjà créé quelque chose d’un peu similaire avec les « 10% pédagogiques », au cours desquels on sortait les élèves pour leur faire étudier des sujets poly-disciplinaires (par exemple, dans une ville du littoral, on allait voir les pêcheurs pour étudier leur travail). Le résultat, dans la plupart des cas, était en fait des vacances supplémentaires, les élèves se perdant dans la nature au deuxième jour. On a déjà préparé le terrain à ce genre d’aberration en introduisant l’année dernière dans le primaire de telles études de thèmes une demi-journée par semaine. Les municipalités ont été obligées de recruter des « animateurs » pour s’occuper de ces activités. Le résultat le plus fréquent est que ces activités se transforment en fait en garderies.

4/ Cette réforme des collèges est en fait dictée à la fois par l’idéologie égalitariste de certains socialistes actuellement au pouvoir en France et un « cache-misère » car, compte tenu des restrictions budgétaires, on ne mettra pas un euro de plus dans l’enseignement.

Mais croire qu’on peut masquer les inégalités sociales (ou ethniques) en faisant semblant de les ignorer, c’est comme casser le thermomètre pour ne pas voir la fièvre.

Or ces inégalités sont profondes. Elles viennent du laxisme généralisé de la société, du recul de l’écrit face à internet et aux médias audiovisuels et d’une immigration mal contrôlée qui s’est traduite par l’existence de quartiers ou de villes entières peuplées de populations d’origine étrangère qui ne peuvent et, de plus en plus, ne veulent pas s’intégrer.

L’effort du gouvernement pour s’occuper des enfants issus de l’immigration est pathétique et ridicule. Croit-il qu’en nivelant pas la bas, on trouvera la solution ? Croit-il qu’en introduisant dans les programmes d’histoire un chapitre obligatoire sur l’islam on règlera le problème du refus d’un certain nombre d’élèves musulmans de se couler dans le moule de la laïcité ?

5/ Il me semble qu’une véritable réforme de l’enseignement devrait partir des réalités, plutôt que de l’idéologie.

Elle devrait, à mon sens, s’orienter dans deux directions.

La première est de tenir compte des inégalités initiales (c’est à la société de lutter contre les inégalités ; l’école ne peut remédier seule aux carences de la société). Pour les élèves les plus faibles, il s’agit de fournir les fondamentaux qui leur manquent : savoir lire, écrire, compter, connaitre les grandes dates de l’histoire de France et les grandes lignes de notre géographie (les élèves de la fin du 19ème siècle, cette période glorieuse du début de l’enseignement obligatoire avec son armée de « hussards de la République », ces instituteurs qui apprenaient aux petits paysans à être de bons Français, ces élèves, donc, connaissaient l’histoire de leur pays, apprenaient la liste des départements et étaient capables de rédiger un texte simple avec le minimum de fautes d’orthographe). Pour les élèves les meilleurs, ceux qui possèdent parfaitement ces « fondamentaux », on peut, et on doit, aller plus loin.

La seconde direction est de remettre au goût du jour les principes de l’éducation et de la discipline. Inculquer aux élèves le sens de l’effort mais aussi le respect de l’autorité me paraissent les réformes fondamentales à mettre en place parce qu’il s’agit d’un préalable à l’acquisition des connaissances et de la méthode pour progresser.

La plupart des classes de collège sont devenues en France des espaces où les élèves font ce qu’ils veulent et où le maitre a le plus grand mal à travailler et à faire travailler. La discipline doit revenir, le respect strict des règles aussi et les sanctions pour ceux qui ne les respectent pas sont une nécessité.

C’était la philosophie de l’instruction sous la 3ème République. Elle a donné de bons résultats. Il faut y revenir. Cela n’est pas seulement nécessaire à la formation d’élèves d’un niveau minimal suffisant. Cela est nécessaire aussi, et surtout, pour former les citoyens dont ce pays a besoin. Un élève qui ne respecte pas l’autorité du maître, qui ne se lève pas lorsqu’il entre en classe, qui jette des papiers à terre ou qui prend la parole sans y être invité en toute impunité sera plus tard un adulte qui ne respectera ni son prochain ni la société. Tout simplement parce qu’on ne le lui aura jamais appris.

Une école où on enseigne le respect et les règles jointe au retour d’un service civique ou militaire obligatoire me paraissent une nécessité du moment.

Malheureusement la réforme imaginée par le gouvernement ne va pas dans cette direction.

Yves Barelli, 2 mai 2015

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commentaires

T
Oui, l'école publique, un lieu à éviter.<br /> Cela ne suffisait pas que les élèves soient soumis à d'énormes et nombreuses pressions sociales relayées par le collège, ce qui donne un état d'esprit et des problèmes peu propices au travail.<br /> Cela ne suffisait pas que les enseignants soient sans cesse pris entre le marteau de leur mission et l'enclume du "pas de vague".<br /> cela ne suffisait pas que le niveau général n'ait pas cessé de baisser du fait de la massification, de la diversité culturelle, il faut maintenant adapter l'enseignement aux minorités venues de l'extérieur et laminer tout ce qui pourrait mettre en lumière cette baisse de niveau : les options pour les meilleurs; <br /> Je crois que nos dirigeants veulent une France à leur image, paupérisée intellectuellement. <br /> Le problème c'est que les enseignants n'ont pas évolué dans leur mentalité : ils tiennent toujours autant aux formes anciennes d'enseignement. (leur fonction, leur image) Le jour où ils accepteront de se remettre en cause, de sortir de l'entre-soi, on pourra espérer de vrais changements bénéfiques.
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