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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 13:10

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Le logement est l’un des plus graves problèmes de la société française. Le spectacle des milliers de sans-abris est une honte pour notre pays. Des millions de personnes sont mal logées et, lorsqu’on n’a pas la chance d’être propriétaire, la recherche d’un toit est souvent un parcours du combattant. Tout le monde s’accorde à considérer que cette question est cruciale et qu’il y a urgence à trouver des solutions. Malheureusement, dans ce domaine comme dans d’autres, les promesses du président Sarkozy n’ont pas été tenues. Quant à la gauche, il ne semble pas qu’elle ait réellement pris la mesure du problème. En huit heures de débats télévisés lors des primaires socialistes, la question du logement n’a jamais été abordée. Cet « oubli » interpelle.

 

La pénurie de logement n’est pas seulement scandaleuse pour les SDF et les mal-logés. Elle est aussi l’une des causes du recul du pouvoir d’achat d’une partie de la population tandis que d’autres s’enrichissent (car c’est un jeu à somme nulle). De plus, la difficulté à se loger est un frein considérable à la mobilité. Beaucoup de travailleurs sont amenés à refuser un emploi lorsqu’il nécessite un déménagement. D’autres passent un temps considérable sur les routes ou dans les transports parce qu’ils travaillent loin de chez eux. Cela génère fatigue, stress, mais aussi gaspillages, pollution et dépenses induites par ces déplacements.

 

Il y a donc urgence à trouver des solutions pour des raisons tant sociales qu’économiques.

 

Que pourrait-on faire ? Je ne suis pas un spécialiste de cette question et ne prétends donc pas apporter des solutions techniquement et financièrement exemptes de toute critique. J’ai seulement des idées et des pistes qui me paraitraient utiles à explorer.

 

Un double constat d’abord : le financement du logement coûte cher à la collectivité. En dépit de cela, il n’y a pas assez de logements. La simple augmentation des budgets qui y sont consacrés n’est donc probablement pas la bonne solution. Cette augmentation serait d’ailleurs plus que problématique en période de restrictions budgétaires. Peut-être peut-on financer plus, mais il faut surtout financer mieux et, au-delà des dépenses, chercher aussi des recettes supplémentaires à affecter au logement et, peut-être, assises sur le logement.

 

Il me semble que des pistes de réflexion devraient être menées dans quatre directions : 1/ le financement du logement 2/ la fiscalité du logement 3/ le logement social 4/ une meilleure adéquation de l’offre et de la demande dans le secteur privé.

 

1/ Le financement public du logement est constitué par des aides directes, en général par des dégrèvements d’impôts, et par le financement des organismes d’HLM. On constate que la plus grande partie de ce qui relève du budget de l’Etat sert à financer l’accession à la propriété mais aussi l’achat de logements destinés à la location. Ce dernier financement est le plus injuste. Les divers outils qui le régissent, notamment la loi Sellier, la plus utilisée pour l’achat de logements neufs, permettent de subventionner les acquisitions par des propriétaires non occupants qui s’engagent à louer un certain temps le logement. Ces acquéreurs sont doublement bénéficiaires en tant que futurs loueurs et futurs réalisateurs de plus-values immobilières. Le bénéfice de la réduction d’impôt est proportionnel au montant de cet impôt. L’Etat subventionne donc d’autant plus le contribuable que celui-ci est riche. Il faut mettre fin d’urgence à ce scandale qui est non seulement immoral mais qui a un effet induit pervers : il pousse à la hausse le prix des logements neufs, écartant ainsi du marché du neuf nombre de personnes aux revenus moyens qui souhaitent se loger. La preuve que ce dispositif est pervers est que ce type d’investissements immobiliers se fait en quantité inverse des performances de la bourse : lorsque celle-ci dégringole (cas actuel), ceux qui ont de l’argent à placer se reportent sur l’immobilier, contribuant ainsi à la hausse des prix. En l’occurrence, le financement public des logements privés alimente la spéculation. A cette critique, la droite répond que, moral ou pas, ce type d’aide contribue à drainer l’épargne vers le logement. Mais à quel prix ? Cette subvention des propriétaires se fait au détriment des autres formes de financement du logement.

 

Je préconise donc l’arrêt de toute forme de subventions à l’achat de logements par des propriétaires non occupants et même une réflexion sur l’opportunité de continuer à aider à fonds perdus ceux qui les occupent. Je m’explique : l’Etat subventionne l’achat d’un bien qui normalement est appelé à prendre de la valeur. Il aide à fonds perdus la catégorie des gens qui peuvent acheter (seule une catégorie marginale de moyens revenus accède à la propriété seulement grâce à l’aide. Pour les autres, c’est un effet d’aubaine) et ceux-ci réalisent ensuite un bénéfice par la plus-value. Il me paraitrait juste de ne plus aider ceux qui, de toute façon, achèteraient. Quant aux autres, une autre solution devrait être explorée : prendre une part de la propriété. Exemple : le logement vaut 100 000€ et l’aide est de 10 000€ ; l’Etat est copropriétaire pour 10%. Si le logement est loué, il encaissera 10% du loyer et lorsqu’il sera vendu, cette proportion lui reviendra. Si on avait fait cela depuis vingt ans, non seulement les aides au logement n’auraient rien coûté, mais les recettes auraient été supérieures aux dépenses, permettant ainsi un meilleur financement du logement social.

 

2/ Le logement rapporte actuellement au fisc par les impôts locaux (taxe foncière et taxe d’habitation), par la taxation de la plus-value sur les résidences secondaires et par les droits de mutation (transactions et héritage). On admet généralement que les impôts locaux sont obsolètes et injustes car ils dépendent des localités (les collectivités riches taxent moins que les pauvres car, pour ces dernières, elles sont souvent la seule ressource et que l’impôt est assis sur une moindre valeur cadastrale), ils sont peu assis sur les revenus et leur calcul est fondé sur des valeurs très anciennes. Une réforme des finances locales devrait prendre ces éléments en considération. Il faudrait aussi supprimer les disparités entre les taux des droits à mutation (actuellement, par exemple, deux fois supérieures en Seine-Saint-Denis que dans les Hauts- de-Seine).

 

Mais, si on veut s’attaquer plus en profondeur aux inégalités, il faudrait taxer beaucoup plus lourdement l’héritage (pas seulement immobilier). Pourquoi ? Pas seulement parce que dans une société d’égalité des chances, il ne faut pas que les jeux soient faits dès la naissance. Mais aussi par souci de remédier au problème du logement. A Paris par exemple (l’exemple parisien est le plus frappant, mais le problème, certes à moindre échelle, existe partout) les annonces immobilières de biens à vendre dépassant 1 000 000€ sont monnaie courante. A 10 000€ le m2, cela fait une surface de 100m2. C’est loin d’être un château ! Prenons le cas d’un acquéreur non héritier devant emprunter 800 000€ (sur 1M€, cela nécessite déjà une épargne de 200 000€, ce qui n’est pas donné à tout le monde). Sur vingt ans, cela fera, avec les intérêts, de l’ordre de 1 400 000€ à rembourser, soit près de 6 000€ par mois auxquels s’ajouteront évidemment les charges de propriété. Comme on demande aux emprunteurs d’avoir des revenus au moins le triple du remboursement, il faut un revenu mensuel minimal de 18 000€ net pour acheter le logement. Ceux qui peuvent se payer de tels logements, en dehors des héritiers, ne sont pas légion. Paris est devenu un gigantesque monopoly où seuls ceux qui disposent d’un capital généralement inatteignable en une génération peuvent acheter. Moralité (si on peut utiliser ce mot !) : la non taxation de l’héritage est le principal facteur non seulement d’inégalités, mais aussi d’inflation. Taxer davantage l’héritage constituerait mécaniquement une pression à la baisse du prix de l’immobilier en même temps qu’il accroitrait les recettes fiscales.

 

Le gouvernement vient de se décider à augmenter l’impôt sur les plus-values des résidences secondaires. Cela va dans le bon sens. Il me paraitrait légitime de taxer aussi les reventes de résidences principales non seulement pour augmenter les recettes publiques mais aussi pour lutter contre la hausse exagérée de l’immobilier (si le vendeur n’a pas intérêt à vendre beaucoup plus cher que ce qu’il a payé parce qu’il sait qu’une bonne partie du bénéfice ira au fisc, il sera moins tenté d’essayer de faire ce bénéfice). J’y vois aussi une autre raison. Lorsqu’un bien immobilier voit sa valeur augmenter grâce à des dépenses publiques (par exemple, lorsqu’une nouvelle ligne de métro ou une voie rapide est ouverte, mécaniquement tous les logements du secteur voient leur prix augmenter, parfois considérablement). Est-il normal que la collectivité (donc les impôts de tous les Français) dépense de l’argent pour apporter un service supplémentaire à certains usagers (ça, c’est normal) et pour leur permettre, par-dessus le marché lorsqu’ils sont propriétaire (quand ils sont locataires, ils risquent au contraire de voir leur loyer augmenté), de faire de juteux bénéfices à la revente ? Je crois que non. Taxer les plus-values des résidences principales aurait donc le double avantage d’augmenter les recettes publiques (probablement de plusieurs milliards d’euros par an qui pourraient être partiellement affectés à l’amélioration des transports en commun puisqu’il y a souvent corrélation entre les deux) et de faire pression, là aussi, contre les hausses de prix.

 

Si une augmentation forte de la taxation des plus-values était décidée, elle risquerait de décourager les transactions et donc la mobilité. Le propriétaire occupant qui vend pour acheter un autre bien risquerait d’être injustement pénalisé. Une solution astucieuse serait alors de coupler la taxation des plus-values immobilières avec celle de l’héritage. Le vendeur ne serait pas obligé de s’acquitter de la taxe tout de suite et l’Etat conserverait un avoir sur la partie de la valeur du bien correspondant à l’impôt. C’est l’héritier qui devrait payer la taxe, et cela seulement s’il vend le bien. S’il le conserve, comme résidence principale ou secondaire, la taxe serait différée jusqu’à la réalisation du bien, éventuellement après sa transmission. Ce raisonnement pourrait être utilisé aussi pour l’héritage. Exemple : j’hérite d’une villa à Saint-Cap-Ferrat et j’ai un revenu moyen. Impossible de payer le lourd droit sur l’héritage (mais aussi l’impôt sur la fortune) préconisé par mon système. L’Etat prend une créance sur moi, en fait une partie de ma propriété. Je ne payerai que le jour où ce bien sera vendu par moi ou mes héritiers et l’Etat non seulement récupérera sa créance, mais profitera aussi de la plus-value. Cela répond accessoirement aux objections concernant l’impôt sur la fortune des petits propriétaires de l’île de Ré : dans le système que je préconise, on ne paye ni la propriété ni l’usage mais le revenu de la transaction, si elle se fait. Accessoirement, je crois qu’on pourrait réfléchir au bien fondé de l’impôt sur la fortune (à garder symboliquement pour des raisons d’affichage politique) sans doute plus injuste (car assis sur le patrimoine et non sur le revenu) qu’une taxation lourde sur l’héritage monétaire ou sur le fruit de la vente du patrimoine (cela vaut pour les logements comme pour les entreprises).

 

3/ Le logement social est un aspect important du problème global du logement. Des millions de gens sont logés en HLM. Ils bénéficient en principe de loyers plus faibles que les prix du marché. Dans certaines communes, jusqu’à 40% des habitants sont logés en HLM. C’est dire l’importance du secteur. C’est dire aussi les sommes considérables que l’Etat et plus encore les collectivités locales consacrent à son financement.

 

La construction et la gestion du parc social sont réparties en une multitude d’offices publics d’HLM. Leur gestion est souvent jugée opaque non seulement par les citoyens et les candidats au logement mais aussi par les élus appelés à voter les subventions. On a l’impression que, souvent, la finalité du logement social, offrir un toit à ceux qui ne pourraient payer des loyers dans le parc privé, est perdue de vue. D’abord en vertu de quotas d’appartements laissés aux bailleurs qui échappent difficilement à l’accusation de favoritisme. Mais aussi parce que les principes de gestion des offices publics ont des effets pervers. Ces offices ne sont certes pas des sociétés commerciales recherchant le profit, mais on leur demande d’équilibrer leurs comptes. D’un côté leurs dépenses d’investissement et de fonctionnement, de l’autre les recettes constituées par les subventions et les loyers. Ce dernier point pose problème. On ne loge pas, en principe, dans les HLM ceux qui disposent de heuts revenus (il y a malheureusement des exceptions, en particulier à Paris, dont la révélation au grand public a été source de scandale), mais on constate aussi que, de fait, il existe un plancher à ces revenus puisque les gestionnaires, et on les comprend, ont besoin de locataires solvables pour équilibrer leurs comptes. Le résultat est que les locataires du parc d’HLM ne sont pas nécessairement ceux qui devraient être logés en priorité (par exemple les SDF) et que nombre de ces locataires ont tendance à s’ « incruster » même lorsque leurs revenus augmentent et comme ce sont de bons payeurs, on ferme les yeux. Est-il normal d’offrir ainsi une rente à vie à certains locataires aux frais du contribuable ?

 

Autre problème du parc d’HLM : la création de ghettos en général ethniques avec tous les problèmes qui vont avec : pas de mixité sociale – et, souvent, ethnique -, délinquance, drogue, absence de perspectives pour les jeunes qui habitent ces grands ensembles. C’est le problème récurant et bien connu des « banlieues ».

 

Ne pourrait-on envisager de décloisonner secteur social et secteur « normal » ? Au-delà du parc existant (dont il serait illusoire de penser qu’on puisse le faire disparaitre par enchantement), il faudrait essayer de s’orienter vers l’acquisition par la collectivité (Etat ou collectivités territoriales) d’appartements au sein de copropriétés classiques, voire la prise en location de logements appartenant à des propriétaires privés dans lesquels seraient logés des personnes éligibles au logement social. Ce serait la seule solution pour favoriser la mixité. Accessoirement, c’est une solution aux refus de certaines municipalités de construire des logements sociaux. Ce système pourrait être couplé avec la réforme du système de location privée qui fait l’objet du paragraphe suivant.

 

4/ Une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de logement privé devrait être recherchée d’urgence. Trois types de problèmes affectent le secteur du logement privé.

 

Le premier est la liberté de fixation du loyer, en principe contractuellement, en fait à la discression du propriétaire lorsque l’offre est inférieure à la demande, lors de l’établissement d’un nouveau bail. Le blocage des loyers est illusoire. Il se crée en effet un prix du marché qui est incontournable (tout blocage durable entraine inévitablement une raréfaction de l’offre car il décourage un nombre croissant de propriétaires de mettre leur bien en location, mais aussi l’apparition d’effets pervers : « pas de porte », manque d’entretien, etc). Seule l’augmentation de l’offre peut stabiliser le marché, voire faire baisser les loyers. Acceptons donc le prix du marché, mais, parallèlement, ne tolérons pas les abus. Tout le prix du marché mais que le prix du marché ! Avant toute location, l’appartement devrait être inspecté par les pouvoirs publics afin de déterminer le juste loyer qui doit dépendre du prix du marché dans le quartier mais aussi du confort du logement. Seul ce type de contrôle et d’accord préalables pour autoriser le loyer est susceptible de mettre fin aux abus.

 

Un deuxième problème est constitué par la liberté du propriétaire (directement ou par l’intermédiaire d’un gestionnaire) du choix du locataire. Dans les situations de tension induites par la pénurie de logements qui affecte de nombreuses localités, les propriétaires, voulant s’entourer du maximum de garanties (et on ne peut les blamer de le faire) demandent quantité de justificatifs tels bulletins de salaires, avis d’imposition, comptes en banque, etc) et, souvent, qu’un tiers se porte garant. Mettant en concurrence les candidats locataires, ils sélectionnent celui qui présente les meilleures garanties. Ce système est scandaleux car humiliant pour celui qui s’y soumet et injuste car il barre l’accès au logement à des millions de gens, soit pour salaires insuffisants soit parce qu’ils n’ont pas des emplois suffisamment stables. Il existe ainsi toute une catégorie de personnes non éligibles au logement social et qui éprouvent les pires difficultés pour accéder au parc privé. Cela est socialement scandaleux et économiquement négatif car c’est un obstacle à la mobilité.

 

Mais il faut aussi se mettre à la place des propriétaires qui ne sont pas tous, loin de là, des vautours affamés. La loi protège heureusement les locataires mais, parmi ceux-ci, certains en abusent. Les expulsions des mauvais payeurs ne sont pas possibles en hiver. Un nombre considérable de décisions de justice contre des locataires ne sont jamais suivies d’effets. D’où les précautions légitimes que prennent les propriétaires. D’où aussi l’ampleur du parc de logements vacants que leurs propriétaires ont renoncé à mettre sur le marché. La souscription d’assurances privées qui garantissent l’encaissement des loyers coûte cher et ne garantit pas tout. Ce n’est donc pas la bonne solution, d’autant qu’elle ne supprime pas les deux premiers problèmes mentionnés ci-dessus.

 

Je préconise en conséquence la création d’offices publics du logement dépendant de l’Etat (donc des préfectures) ou des collectivités territoriales (le meilleur niveau doit être déterminé, le premier est plus « objectif » dans ses décisions, mais plus lourd) par lesquels passeraient les propriétaires qui souhaitent louer un bien et les candidats locataires.

 

Concrètement, le système fonctionnerait ainsi : a/ le propriétaire veut louer un logement, il s’adresse à l’office du logement qui inspecte le logement et fixe un loyer b/ si le propriétaire accepte la proposition (s’il la refuse, il n’a pas droit de louer), le logement est mis sur le marché c/ les locataires intéressés s’adressent à l’office public qui s’assure qu’ils sont solvables (s’ils ne le sont pas, ils sont orientés vers le logement social) et cet office attribue les logements à la location en fonction des désirs des candidats-locataires (localisation, surface, etc) d / le bail est double, d’une part entre le propriétaire et l’office public, d’autre part entre le locataire et l’office public.

 

Dans ce système, le propriétaire et le locataire ne sont jamais mis en relation, ils ne se connaissent même pas. Ainsi le candidat locataire n’a aucun justificatif à fournir au propriétaire. Le problème numéro deux ci-dessus est supprimé. Aucune discrimination fondée sur l’origine ethnique, l’état de santé ou autre n’est désormais possible.

 

En sens inverse, le propriétaire est assuré de toucher le loyer quoi qu’il arrive car c’est l’office public qui le lui paye. En cas de dégradation, il est indemnisé par l’office qui récupère l’argent, s’il le peut, sur le locataire indéliquat. De même si le locataire ne respecte pas ses engagements (bruit excessif, surpopulation notoire, activité commerciale non autorisée, etc), c’est l’office qui expulse et prend, le cas échéant, en charge les frais de procédure. On peut même envisager que le propriétaire puisse récupérer son logement à tout instant (on sait que la difficulté à le faire dans le système actuel décourage nombre de propriétaires de louer). Dans ce cas, le locataire serait relogé, dans un délai à définir, par l’office public ; le propriétaire prendrait à sa charge les frais de déménagement si le départ a lieu avant l’échéance du bail.

 

Le système serait financé par une contribution à part égale du propriétaire et du locataire, de l’ordre de 5 à 10% chacun. Par exemple, sur un loyer de 1000€, le locataire paierait 1100€ à l’office public qui reverserait 900€ au propriétaire. La différence paierait les frais de gestion de l’office, les défaillances non récupérées de loyers et les dégradations également non récupérées.

 

On peut estimer que ce système en permettant un meilleur accès des locataires au logement et des garanties solides pour le propriétaire, aurait pour conséquence de mettre davantage sur le marché de biens à louer, ce qui contribuerait à résoudre la crise actuelle du logement et, sans doute, par le jeu de l’offre et la demande, de desserrer la pression sur les prix.

 

Ce système devrait-il être obligatoire ou optionnel ? L’expérience, qui pourait être lancée par des tests sur certaines communes, le dira. On peut supposer que le système sera suffisamment attractif pour les propriétaires pour qu’ils y entrent, surtout s’il n’est pas trop coûteux. Le pourcentage du loyer à payer à l’office public par le propriétaire et le locataire dépendra du pourcentage de défaillances dans les paiements de loyers. Il est clair qu’en période de difficultés économiques, celui-ci sera plus élevé. Si les défaillances dues à la situation économique ou à des aléas de la vie (décès, maladie, etc) sont trop nombreuses, l’Etat pourrait prendre à sa charge une partie du déficit des offices de logement. On pourrait considérer cela comme une mesure sociale d’accompagnement du chômage. Elle serait financée par la fin des aides directes aux propriétaires et la hausse de la fiscalité sur le logement, notamment sur les plus values.

 

XXX

 

Voici donc les quelques pistes que je soumets à la réflexion. Certaines nécessitent des choix politiques. Comme tout choix, il faut en mesurer les avantages et les inconvénients. Aux responsables politiques de faire les arbitrages. Pour d’autres, notamment la proposition de créer des offices publics du logement, il s’agit de solutions à caractère essentiellement technique. Elles me paraissent plus consensuelles et pourraient être mises en œuvre indépendament des propositions à caractère plus politique.

 

Yves Barelli, 24 octobre 2011

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 22:27

carteLa France possède, en plus du français, presque une dizaine de langues autochtones (on ne se réfère pas ici aux langues issues de l’immigration, ni à celles des DOM-TOM) parlées sur son territoire. On les appelle généralement « langues régionales », terme plutôt réducteur. Il ne s’agit pas de patois ou de formes régionales du français, mais de langues considérées comme telles par les linguistes, avec un parler cohérent, une grammaire, un système lexical spécifique et une littérature souvent très riche. Ces langues, même lorsqu’elles possèdent des formes locales qui peuvent varier, ont une unité reconnue par les linguistes et elles sont normalisées.

 

Trois de ces langues ne sont parlées qu’en France, ou très majoritairement en France : le breton, l’occitan (qui déborde légèrement sur l’Espagne et l’Italie) et le corse (parlé aussi dans le nord de la Sardaigne). Deux autres sont à cheval sur l’Espagne et la France mais avec un domaine majoritairement espagnol : le basque et le catalan. Deux autres langues sont davantage parlées au-delà de nos frontières mais avec des formes spécifiques en France : l’allemand, dans ses formes alsacienne et mosellane, et le néerlandais, qui se limite en France à la région de Dunkerque.

 

Une autre « langue » est plus originale et moins classable : le « franco-provençal ». il s’agit en fait d’un ensemble de parlers apparentés utilisés en Savoie, en Dauphiné, en Suisse romande et dans la vallée italienne d’Aoste, qui présentent une évolution originale du latin autrefois parlé dans ces régions, mais qui, pour des raisons historiques, ne s’est pas réellement transformé en langue. L’appellation de franco-provençal est trompeuse. Ces parlers ne sont pas un mélange de français et de provençal (forme d’occitan) mais bien un embryon de langue originale.

 

La différence entre langue et dialecte est certes ténue. Un dialecte est une forme spécifique d’une langue dont les locuteurs se reconnaissent néanmoins dans l’unité de la langue. Ainsi, le bavarois ou le napolitain, toujours très utilisés, sont des dialectes de l’allemand et de l’italien. En quelque sorte, un dialecte devient une langue lorsqu’il s’émancipe de la langue mère. Ce fut le cas de toutes les langues romanes modernes qui se séparèrent au moyen-âge du latin dont elles sont issues. Parfois ces émancipations sont purement politiques lorsqu’elles ne reposent pas sur des bases linguistiques incontestables. C’est ainsi que la langue serbo-croate porte divers noms depuis l’éclatement de la Yougoslavie (serbe, croate, monténégrin, bosniaque) mais les linguistes continuent à ne considérer que le serbo-croate et l’intercompréhension reste totale. Parfois, ils hésitent : le corse est-il une langue à part entière ou un dialecte de l’italien ? On tend à considérer aujourd’hui qu’il s’agit d’une vraie langue, pas seulement pour des raisons politiques. Le provençal est-il une langue propre ou une variété d’occitan ? Pour les linguistes et pour moi, c’est de l’occitan. Mais peu importe, on peut avoir une même langue avec plusieurs varaintes comme on a un français du Quebec, un « British English » et un « American English ». Pour l’enseignement de l’occitan dans les universités étrangères (une cinquantaine dans le monde), on retient ses deux variétés principales, la languedocienne et la provençale, variétés d’ailleurs très proches.

 

Le français lui-même avait plusieurs dialectes assez différenciés, comme le picard, le normand, le berrichon ou le gallo, qui ont donné des littératures spécifiques. Certaines de ces formes restent parlées. Le gallo, parler de la Bretagne occidentale (qui n’a rien à voir avec le breton), est encore vivant et certains de ces locuteurs estiment qu’il s’agit d’une langue spécifique. Mais ce n’est pas l’avis des linguistes.

 

Les langues régionales ne sont pas des « patois », rôle dans lequel le centralisme français a voulu les confiner, c’est-à-dire des jargons locaux réservés à l’oral et aux usages familiaux non soutenus, mais des systèmes linguistiques aussi codifiés que n’importe quelle autre langue. Elles ont des normes fixées par des équivalents de l’académie française, plusieurs de ces langues ont eu ou ont un statut officiel (le catalan, par exemple, est la langue officielle de la Catalogne et du Pays valencien espagnols et de l’Etat d’Andorre, membre de l’ONU, l’occitan fut au moyen-âge langue officielle d’Etats souverains, notamment le Comté de Toulouse, celui de Provence ou le royaume de Béarn et cette langue eut même un prix Nobel de littérature décerné en 1904 à Frédéric Mistral pour son œuvre en provençal.

occitanie.jpg

 

Longtemps, les langues « régionales » de France ont été interdites, sacrifiées sur l’autel de l’unité nationale. L’officialisation du seul français remonte à l’édit de Villers-Cotterêt de 1539 qui stipulait que les textes officiels devaient être désormais rédigés en français. Mais jusqu’à la Révolution, l’occitan, en particulier, continua à être abondamment utilisé à l’oral dans les parlements du Sud, par exemple ceux d’Aix, de Toulouse, de Bordeaux, de Montpellier ou de Pau. Ce n’est qu’après 1789, après la suppression de toutes les institutions locales, que fut entreprise une chasse systématique aux « patois ».

 

Au milieu du 19ème siècle, les trois-quarts des populations occitanes ou bretonnes ne connaissaient pas le français. La francisation fit de grands progrès avec l’école obligatoire de Jules Ferry, mais la majorité des populations concernées restèrent bilingues jusqu’après la première guerre mondiale. La modernisation du pays, l’exode rural, les brassages de population modifièrent la situation dans l’entre deux guerres et un recul général et accéléré se produisit après 1945. Les parents s’arrêtèrent souvent de parler la langue régionale aux enfants ce qui entrava sa transmission, avec des situations locales variables. L’alsacien résista par exemple mieux que les autres et, à l’exception de Strasbourg, qui suivit le mouvement avec retard, toutes les grandes villes furent massivement francisées.

 

Aujourd’hui, quelle est la situation ? La plupart des langues « régionales » sont d’un usage résiduel. Comme il y a une chape de plomb sur le sujet, beaucoup de gens, même dans les régions concernées, croient qu’elles sont des langues mortes. Ce n’est toutefois pas encore le cas. 2 millions de personnes savent parler occitan (ce qui ne signifie pas qu’ils l’utilisent tous les jours) et 3 à 5 millions le comprennent (plus ou moins bien), l’alsacien est connu par 1,5 million de personnes, le breton et le corse par environ un demi-million de locuteur, le catalan et le basque par 100 à 200 000 personnes (en France, mais plusieurs millions en Espagne). Lorsqu’elles sont parlées, ces langues sont en général utilisées en famille ou avec les amis proches, très peu sur la voie publique, ce qui peut donner l’impression qu’elles ont disparu.

 

La France a opéré un véritable génocide culturel et linguistique qui n’a aucun équivalent en Europe. Sans même parler de l’Espagne où le catalan, le basque et le galicien sont officiels, avec donc une utilisation publique de la langue, un enseignement dans la langue et des médias utilisant abondamment ces langues, l’Italie ou la Grande Bretagne font une place notable à leurs langues régionales. Par exemple, le gallois dispose d’une chaîne à temps complet de télévision et ceux qui le souhaitent peuvent l’utiliser pour la justice et toutes leurs démarches administratives. Cela en conformité avec les recommandations de la charte européenne des langues misminoritaires, signée et ratifiée par presque tous les pays d’Europe, mais pas par la France.

 

Notre pays a néanmoins (timidement) évolué depuis quelques années. La loi Deixonne et diverses circulaires de l’éducation nationale ont introduit les langues régionales dans l’enseignement sur une base optionnelle. François Bayrou, béarnais occitanophone, a réussi, malgré des services réticents, à en élargir un peu la portée lorsqu’il a été ministre. Désormais, les maîtres du primaire peuvent utiliser la langue pour des activités d’éveil. 500 000 élèves sont ainsi initiés aux langues régionales Dans le secondaire, les langues régionales sont une matière à option avec trois heures par semaine et une épreuve au bac (on a créé des CAPES d’occitan ou de breton par exemple). 30 000 lycéens présentent chaque année cette épreuve au bac, dont environ le tiers dans les académies occitanes (le domaine occitan couvre le tiers sud de la France). A la télévision, France 3 a quelques programmes en langues régionales et il y a même une chaîne privée en breton (Breizh). Ces programmes, lorsqu’ils existent, répondent à une demande minoritaire mais non négligeable. Par exemple, l’émission « Vaqui » (une demie heure par semaine) sur FR3-Provence, a un taux de pénétration de 15 à 25% et les gens de tous milieux qu’on y voit s’exprimer montrent que le provençal n’est pas mort. Cette langue, comme le breton ou le corse s’appuient aussi sur une chanson moderne écoutée même par des personnes qui ne la comprennent plus beaucoup. Le corse est un cas particulier qui bénéficie du statut spécifique de la région corse qui prévoit une place pour sa langue. Deux autres aires linguistiques bénéficient indirectement de gros moyens, les Pays basque français et les Pyrénées Orientales. Ils sont fournis par les pouvoirs basque et catalan espagnols. Signalons enfin des initiatives locales à la limite de la légalité puisque seul le français est langue officielle de France : de nombreuses municipalités ou assemblées régionales et départementales ont placé des panneaux indicateurs dans la langue régionale. A Perpignan ou à Biarritz, toutes les indications sont bilingues. C’est souvent aussi le cas en Bretagne et de nombreuses localités provençales ont ajouté leur nom autochtone à l’entrée de la ville ou du village. A Toulouse, toutes les rues du centre historique ont des plaques de rues bilingues.

 

La situation évolue donc un peu. En mai 2008, une révision de la Constitution, a introduit une phrase qui dit que « les langues régionales font partie du patrimoine de la France ». Cette mention, certes sans portée pratique, est néanmoins symboliquement révolutionnaire. Dans le même temps, le Commissariat à la Langue Française a complété son nom en « et des langues de France ».

 

Il faudrait évidemment un peu plus de moyens, de volonté politique nationale (elle existe souvent en région : les 5 conseils généraux bretons et 500 municipalités de la région ont voté des vœux pour donner une plus grande place au breton ; on n’en a pas tenu compte) et une mobilisation des populations concernées (qui, pour l’heure, ont d’autres chats à fouetter : crise financière, chômage, etc) pour sauver les langues régionales promises à une mort probable d’ici une génération.

 

On ne préconise pas ici un retour aux particularismes locaux de l’ancien régime ni une balkanisation de notre pays. Nous sommes tous attachés à la langue française et à l’unité nationale. Là n’est pas la question.

 

La question est celle de la sauvegarde à la fois d’un patrimoine culturel et des identités.

 

On dépense de l’argent pour sauver des monuments en péril et on a raison de le faire. Quelques moyens pour produire des œuvres littéraires, artistiques ou audio-visuelles dans les langues de France permettraient à ceux qui souhaitent utiliser ces langues à côté du français de le faire plus facilement.

 

Dans ce monde déboussolé, les gens aspirent à préserver, voire à construire des identités. Cela n’est pas antinomique de la modernité. Elle peut même l’y aider. A Toulouse, les Toulousains d’adoption, venus grâce aux activités liées à l’aéronautique, ne sont pas les derniers à inciter leurs enfants lycéens à apprendre l’occitan. C’est un facteur d’intégration. J’avais constaté ce phénomène il y a bien longtemps lorsque j’enseignais le provençal au lycée de La Ciotat. Beaucoup d’originaires de Sardaigne (immigration traditionnelle) ou de Lorraine (liée aux chantiers navals) suivaient mes cours. Ils me disaient que c’était pour mieux s’intégrer.

 

Au-delà des moyens qui, même renforcés, ne suffiront pas à renverser le mouvement, ce qu’on demande est au minimum une reconnaissance posthume de l’apport des langues « régionales » à la culture française et européenne (on s’y intéresse aussi ailleurs : j’ai enseigné l’occitan dans la prestigieuse université Jagellone de Cracovie lorsque j’y étais consul général de France). Au moins que nos manuels d’histoire et de géographie mentionnent qu’en France, à côté du français, il existe d’autres langues qui ont contribué à forger ce que la France est. Est-ce trop demander ?

 

Sait-on que le mot français « amour » est emprunté à l’occitan ? Ce sont les troubadours du moyen-âge, qui écrivaient en occitan, qui l’ont transmis. Cet amour, nous l’avons donné à tous les Français. Nous leur demandons seulement, en échange, de moins nous mépriser.

 

Je mets en ligne en PDF un texte plus complet que celui-ci que j’ai écrit sur le sujet : « Les langues de France ». J’y renvois le lecteur curieux.

 

Yves Barelli, 8 octobre 2011

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 22:10

stationnement-copie-1.jpgL’ « insécurité », au sens restreint du terme (je ne parle pas ici de la sécurité ou de l’insécurité « sociale ») est devenue une préoccupation majeure de la société française et, à ce titre, un sujet du débat politique.

 

Le sentiment d’insécurité concerne des situations ou des actes très différents. Les violences physiques sont évidemment les plus graves. Elles sont malheureusement en hausse. Elles sont liées au grand banditisme, mais aussi à la montée de la petite ou moyenne délinquance, ainsi qu’à celle des violences privées, notamment dans le cadre familial. Les atteintes aux biens sont un autre fléau, certes moins grave de par leurs conséquences, mais qui traumatisent nombre de nos concitoyens qui en sont victimes.

 

La lutte contre ces formes de délinquance repose à la fois sur la prévention (dissuasion, mais aussi renseignement) et sur la répression. Cette dernière, seule, est insuffisante et cela est maintenant reconnu. Elle est néanmoins nécessaire et les angéliques qui ne misaient que sur la prévention et l’action sociale dans les « quartiers » le reconnaissent à leur tour. Les crimes et délits doivent être sanctionnés, de manière intelligente et adaptée. Pour les petits délits, la prison est rarement le meilleur remède car il est connu qu’elle est une école du crime. Les peines de substitution sont, à cet égard, plus adaptées, au moins s’agissant d’un premier délit.

 

Le débat sur l’insécurité se cantonne trop souvent à des considérations plus ou moins générales sur ce qui précède ou à des discussions entre experts de la police ou de la justice. Ce débat est utile. Il faut évidemment le continuer.

 

Il est une autre forme de délinquance, à première vue moins grave et, pour cette raison, négligée, mais dont la fréquence constitue en soi un phénomène grave. Ce sont les faits qui relèvent des « incivilités », c'est-à-dire tout ce qui va à l’encontre d’une vie harmonieuse en société, en d’autres termes, le fait d’agir sans aucune considération pour son prochain. Exemples : stationner anarchiquement, notamment au détriment des piétons ou sur les places d’handicapés, salir ou taguer un wagon de métro ou de train, jeter des ordures dans une décharge sauvage, injurier l’interlocuteur à la moindre remarque, même justifiée, passer devant les autres dans une queue, parler à voix haute au téléphone dans un lieu public sans respecter les panneaux qui interdisent les portables, laisser aboyer son chien au mépris des voisins ou le laisser déposer ses déjections sur les trottoirs, mais aussi manquer de respect à un enseignant, et bien d’autres choses qui, renouvelées quotidiennement, en deviennent insupportables et nous rendent nous-mêmes agressifs et parfois inciviques car ce phénomène est contagieux (pourquoi vais-je chercher une place de parking quand tous les autres se mettent en double file ou sur les trottoirs?).

 

J’ai un appartement dans immeuble de la première couronne parisienne qui a la chance de disposer d’un parking souterrain. Malheureusement l’entrée de celui-ci est souvent obstruée par des automobilistes qui trouvent naturel de laisser leur véhicule pour aller faire des courses ou même aller boire un coup dans un bistrot. Après de longs coups de klaxon, mais parfois après avoir alerté la police, on retrouve en général le propriétaire au bout d’un laps de temps, souvent court mais parfois long. J’ai ma statistique fondée sur un grand nombre d’observations : 10% s’excusent ou disent au moins qu’ils sont désolés. Le reste se répartit entre deux groupes à peu près équivalents : ceux qui reprennent leur voiture sans se presser et sans un mot, considérant sans doute mon attente comme « normale », et ceux qui, face à mon agacement, me déversent un tombereau d’injures, laconiques (« je t’em… », « enc… », etc) ou plus élaborées.

 

Les forces de l’ordre, il est vrai de plus en plus démunies de moyens en hommes et en matériel, semblent considérer que les incivilités sont un non évènement, une fatalité presque aussi inévitable que la pluie en automne. Traversant sur toute la longueur l’avenue principale de la banlieue parisienne évoquée plus, je me suis amusé un jour à suivre une voiture de la police qui remontait l’artère manifestement sans aucune mission urgente. J’ai compté 14 véhicules en double file, parfois de part et d’autre de la rue, ramenant les trois files de circulation à une seule. La voiture de police est passée tranquillement et ne s’est jamais arrêtée. Dans une autre commune, ce stationnement anarchique est toléré en face même du commissariat. Dans une troisième, située dans une autre région, le passage piéton, en face aussi du commissariat, est régulièrement obstrué en toute impunité.

 

Tout cela serait anecdotique si ces incivilités ne recouvraient un mal profond de notre société : le mépris de l’autre et, parallèlement, la perte presque totale de crédibilité de la police qui n’inspire plus, chez les délinquants, petits et grands, aucune crainte ni respect. Cela me parait grave. Ce n’est pas non plus une fatalité. Allez en Allemagne, aux Etats-Unis ou même en Espagne et vous verrez que notre pays se distingue hélas négativement.

 

Le maire de la commune évoquée plus haut auprès duquel j’ai fait part de mon incompréhension face à ce qui s’apparente à du laxisme s’est défendu en m’assurant que des contraventions étaient souvent mises aux véhicules en infraction. Avec quelle efficacité ? Lorsque des sanctions sont distribuées un peu au hasard, l’effet pédagogique est quasi nul. Ceux qui en sont les « victimes » prennent cela pour de l’injustice (« pourquoi moi et pas les autres ? », « quelques minutes en double file, ça ne gêne pas vraiment ! », etc) ou une sorte de taxe. J’ai noté au passage que ce type d’incivilité automobile (pour s’en tenir à celle-ci) concerne principalement deux catégories de lieux : les quartiers à fort peuplement « ethnique » ou les cités qui, souvent, sont devenues des sortes de territoires de non droit, dont les habitants ont gardé une culture non européenne (avec une différence : l’anarchie du tiers-monde est souvent sympathique et solidaire ; ici, elle devient agressive et égoïste) et ceux des quartiers les plus huppés, où, aux yeux de certains, l’argent donne tous les droits. Pour ceux qui pourraient penser que j’exagère, je tiens à leur disposition les itinéraires précis que j’emprunte régulièrement.

 

Si j’insiste sur ces exemples, ce n’est pas seulement parce que j’en ai assez de ne pouvoir accéder librement à mon parking, d’être dérangé dans le TGV par les portables ou de me faire injurier. Ce n’est pas non plus pour stigmatiser telle ou telle catégorie de citoyens. C’est surtout parce que j’estime que les incivilités non corrigées sont la porte ouverte à la petite délinquance qui, elle-même non sanctionnée à temps, conduit à la grande délinquance.

 

La vie en société comporte des avantages mais aussi des obligations. Ne pas se conformer à ces dernières, c’est le début du chacun pour soi, de la loi de la jungle qui, comme on le sait, frappe les plus démunis et les plus faibles. La vie en société doit être organisée. Comment ?

 

Je préconise en premier lieu l’éducation. J’ai la faiblesse de penser que l’immense majorité des gens ne sont pas foncièrement mauvais. Encore faut-il leur montrer que les règles sociales sont dans l’intérêt de tous, y compris le leur. Mais lorsque ces règles sont violées par beaucoup en toute impunité, le message vis-à-vis de l’ensemble de la population est catastrophique. « Ils » font n’importe quoi en toute impunité, « moi », j’ai pris un PV à 90€ pour avoir roulé à 53km/h sur une ligne droite déserte. La conséquence est que, désormais, nous sommes tous tentés de faire n’importe quoi : « pas vu, pas pris » ou, pis, « vu, mais pas sanctionné ». Il n’y a plus alors aucune moralité, individuelle ou collective.

 

Cette éducation doit commencer à l’école par le respect de l’enseignant, mais aussi par celui des valeurs de la République, y compris ses symboles. A cet, égard, j’estime que la suppression du service national a été une erreur. Je suis d’accord avec ceux qui préconisent le rétablissement d’un service, civil ou militaire, obligatoire.

 

Pour la minorité qui refuse de se conformer aux règles élémentaires de vie en société, les sanctions justes et proportionnées sont nécessaires. Il faut, là comme ailleurs, faire preuve d’imagination et de discernement. Par exemple, l’immobilisation pour 24 heures des véhicules en stationnement gênant. Sans PV à la clef, car ils ne servent à rien : ceux qui les payent n’ont pas conscience de la faute, ils sont convaincus qu’ils ne servent qu’à alimenter les caisses de l’Etat. Un commissaire de police m’a dit que ce type de sanction n’était pas prévu par la loi et les règlements. Modifions-les. Je préconise, pour les zones où le stationnement anarchique fait partie des mœurs de procéder en trois étapes : 1/ Campagne d’information 2/ Mettre les contrevenants sur une liste d’ « avertis » (cela se fait dans certains Etats américains, c’est bien), d’autant plus facilement que les contrevenants sont souvent des habitués facilement identifiables (voyez la sortie des écoles : ce sont toujours les mêmes qui gênent) 3/ Immobiliser ceux qui, après les premières phases, persistent. Les récidives systématiques pourraient aller jusqu’à l’immobilisation prolongée du véhicule ou le retrait du permis : un automobiliste qui, consciemment et systématiquement, ne respecte pas les règles n’a plus sa place sur la voie publique. Payer un PV ne devrait pas donner le droit de recommencer. Idem pour l’utilisation abusive de portables : 24 heures, pour commencer, de privation de son joujou favori serait certainement efficace.

 

Quant aux autres incivilités, là aussi, il faut trouver une méthode juste et des sanctions adaptées. Les petits caïds ou apprentis caïds (les « càcous » comme on dit à Marseille, ma ville natale) ont besoin de sanctions adaptées à leur arrogance. Les mettre en tenue de travail avec encadrement militaire si nécessaire pour les obliger à repeindre les cages d’escaliers de leur cité sous les yeux de leurs petits camarades me paraitrait une sanction bien adaptée : un petit apprenti chef de bande ainsi humilié perd toute autorité et en conséquence est moins dangereux. Ce type de sanction n’est pas seulement adapté aux incivilités, mais aussi à la petite délinquance. Un délinquant qui passe ne saurait-ce que quelques jours en prison acquiert son brevet convoité de « dur » et donc de modèle à suivre. Le faire balayer le sol de sa cité ou en repeindre les façades est autrement plus éducatif (avec, évidemment, la menace de sanctions plus classiques s’il ne comprend pas).

 

Voilà quelques pistes de réflexion que je vous soumets. Je redis ce que j’ai écrit plus haut et cela est ma conclusion : l’incivilité non corrigée mène à la petite délinquance qui, elle-même non sanctionnée, est la porte ouverte à la grande. Un enfant de maternelle qui frappe impunément un autre enfant ou qui parle n’importe comment à l’adulte, a besoin de se voir rappeler qu’on ne peut faire n’importe quoi dans une société civilisée.

 

 

Eduquons donc en premier lieu, sanctionnons ensuite si nécessaire mais avec des sanctions justes, adaptées, comprises et donc pédagogiques pour le délinquant et pour les autres !

 

Yves Barelli, 8 octobre 2011

 

 

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