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23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 11:11

La nuit dernière une voiture piégée a explosé devant l’ambassade de France en Libye. Le bâtiment est détruit à 80% et deux gendarmes français, qui gardaient l’ambassade, sont grièvement blessés.

On se souvient que c’est le président Sarkozy qui avait pris l’initiative de la guerre menée par l’OTAN contre la Libye en mars 2011. Il avait réussi à convaincre le Conseil de Sécurité de l’ONU d’autoriser l’intervention pour « protéger la population civile de Benghazi » et la Grande Bretagne et les Etats-Unis d’accompagner la France dans cette aventure militaire.

Résultat : une expédition qui est allée bien au-delà de l’objectif annoncé puisqu’elle s’est terminée par la conquête de la Libye et l’assassinat de Mouammar Kadhafi par des milices tribales hystériques. Du coup les Russes et les Chinois se sont sentis floués. Ils ne sont pas prêts de laisser faire une nouvelle intervention occidentale dans un autre pays arabe, notamment en Syrie.

Sur le plan intérieur libyen, le chaos a succédé au régime de Kadhafi. Ce pays, formé de communautés et tribus depuis toujours antagonistes (dont une partie soutenait Kadhafi et l’autre lui était hostile), est livré aux exactions de toutes sortes des milices, certaines islamistes (de diverses tendances), d’autres tribales, d’autres enfin constituées de trafiquants, notamment d’armes et de stupéfiants, et d’aventuriers avides de pillages. Règlements de comptes, vengeances et banditisme sont le lot quotidien des Libyens. Les batailles rangées à armes de guerre sont courantes, y compris à Tripoli, et la population vit dans la terreur.  

Aujourd’hui, le gouvernement libyen, qui n’a aucune légitimité puisqu’il n’y a pas eu d’élection, ne contrôle à peu près rien. Pis, les forces de « sécurité » (plutôt d’insécurité) sont noyautées par les islamistes salafistes les plus radicaux. On a de bonnes raisons de penser qu’elles ne sont pas étrangères à l’attentat qui vient de toucher notre représentation diplomatique.

Le chaos libyen s’est étendu à l’ensemble de la zone saharienne et sahélienne. Les milices d’AQMI, qui ont mis à feu et à sang le nord du Mali et ont commis atrocités et destructions de monuments et manuscrits précieux à Tombouctou, ont profité de la dispersion de l’arsenal libyen. Les terroristes qui ont assassiné plusieurs dizaines d’otages étrangers à In Amenas, en Algérie, sont venus de Libye.

Ce n’est pas la première fois que des djihadistes de la Libye « libérée » s’en prennent aux diplomates occidentaux. Le 11 septembre 2012, l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye a été assassiné à Benghazi, cette ville que les avions américains et français ont « protégée » en 2011.

On se souvient de ces foules libyennes hurlantes qui acclamaient la France en 2011 et disaient « merci Sarkozy ». C’étaient probablement les mêmes qui dansaient devant le cadavre tuméfié de Kadhafi. La France, parait-il « patrie des droits de l’homme » s’est faite la complice de barbares sauvages !

Je dis bien « la France » et non « Sarkozy », car le Parti Socialiste de Monsieur Hollande avait approuvé l’expédition militaire. Bien peu, à l’époque, avaient alerté sur les conséquences prévisibles de cette action irresponsable parce qu’irréfléchie. Je fais partie de ce petit groupe. Je n’en tire aucune fierté. Seulement de la tristesse.

Mais peut-être que ma lucidité rendra crédible ce que j’écris depuis plusieurs mois sur la Syrie où Hollande rêverait de rééditer l’action libyenne de Sarkozy si le Conseil de Sécurité le lui permettait (mais cette fois, aucune chance d’éviter les vétos russe et chinois) et si la capacité militaire de la Syrie, bien plus élevée que celle de la Libye de Kadhafi, n’était pas dissuasive. Alors, on se contentera d’armer les rebelles syriens, par ailleurs très bien fournis en armes et en argent pour en acheter par nos « amis » du Qatar, pays bien connu pour la défense des droits de l’homme (un poète ayant eu le malheur d’écrire quelques vers ironiques sur la famille Al Thani, propriétaire de l’émirat, vient d’être condamné à 20 ans de prison), pour la démocratie (il n’y a jamais eu d’élections et les partis et les syndicats sont interdits) et pour la déontologie (l’émir pense qu’il peut tout acheter. Apparemment, il a raison, notamment pour la France, mais aussi pour l’organisation de la coupe du monde de football, puisqu’il est probable que les décideurs de la FIFA ont été corrompus).

Les rebelles syriens ont quelque chance de l’emporter. On aura alors exactement la même situation qu’en Libye : dictature islamiste, chaos et dissémination d’un arsenal encore plus puissant que le libyen.

On trouve déjà des armes issues de Libye au Mali utilisées contre les soldats français. Nul doute qu’on trouve bientôt les syriennes, y compris dans nos banlieues desquelles sont issues quelques têtes brulées qui crachent sur la France et qui s’entrainent aujourd’hui en Syrie au djihad contre les mécréants français. Il ne serait pas étonnant que ces enfants perdus, émules du sinistre Merah, reviennent chez nous semer la terreur avec des armes françaises récupérée là-bas.   

Qu’on me comprenne bien. Je ne discute pas le fait que Kadhafi était un criminel et Al Assad une brute sanguinaire. C’est dramatique et tout ce qu’on pourra faire pour atténuer la bestialité du régime syrien doit être fait. Mais avant d’en changer, encore faut-il s’assurer qu’il existe une alternative et que cette alternative n’est pas pire que le régime actuel. Or c’est le cas en Libye : ils avaient certes un dictateur ne tolérant pas la contradiction, mais le peuple avait instruction, santé, sécurité sociale et l’un des plus hauts niveaux de vie d’Afrique. Maintenant, ils n’ont plus rien, et certainement pas la démocratie.

Je ne suis pas systématiquement hostile non plus aux interventions françaises à l’extérieur. J’ai approuvé l’intervention française au Mali et l’évolution de la situation sur place me donne raison. Si nous n’y avions pas été, les salafistes seraient aujourd’hui au pouvoir à Bamako pour le plus grand malheur des Maliens, sans doute aussi de leurs voisins et de nous-mêmes car ce pays serait devenu le centre mondial de la subversion  islamiste.

Il serait bon que nous ayons enfin une réflexion d’ensemble sur la problématique arabe et islamiste. Il faudrait aussi réfléchir à nos amitiés et mieux désigner nos ennemis. Lorsqu’on a deux ennemis, par exemple une dictature et l’obscurantisme islamiste, il faut voir lequel est le plus dangereux à court terme et procéder en deux temps. D’abord le danger djihadiste parce qu’il menace aussi, et même surtout, la France (nous sommes un pays laïque et ils ne peuvent le supporter). Ensuite, on pourra s’attaquer aux démocratisations, dans la mesure où on pourra apporter quelque chose de concret aux peuples (mais en ces temps de vaches maigres, on n’a pas grand-chose à leur donner, même pas des visas pour ceux qui fuient la dictature ou l’obscurantisme !).

                                                                                                          Yves Barelli, 23 avril 2013                                              

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