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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 11:35

 

CANDIDATS A L’EXIL FISCAL,

PARTEZ, ON NE VOUS RETIENT PAS !

 

Les différences de fiscalité entre pays dans un cadre d’économies ouvertes sont un frein récurrent à toute réforme visant à créer un impôt plus juste tout en restant efficace avec une problématique simple, et même simpliste : si l’on taxe trop, le contribuable franchit la frontière et s’installe ailleurs tout en continuant à avoir une activité dans le pays puisque nous sommes en économie ouverte. L’Etat se prive alors de recettes sans faire avancer d’un iota son ambition de prélever davantage les hauts revenus et les gros patrimoines. Les gouvernements de droite mettent cet argument en avant pour moins taxer les riches (« il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or ») et ceux de gauche pour ne pas appliquer complètement leurs promesses électorales. Tous reprennent en cœur l’antienne des économistes orthodoxes : « trop d’impôt tue l’impôt ».

 

Pourtant, cette vision hypocrite ou défaitiste ne tient pas la route parce que les pouvoirs publics ont beaucoup d’armes à leur disposition pour contrer les méfaits de l’exil fiscal. Les mettre en œuvre est une question de courage politique et de volonté. C’est vrai que du courage il en faut pour s’attaquer au pouvoir de l’argent. Au niveau local ou à celui des partis, un homme politique, quel qu’il soit, est naturellement porté à composer avec lui : il faut soigner les investisseurs pour qu’ils viennent dans les collectivités qu’on gère, il faut séduire les milieux d’affaire si influents dans les médias (qu’ils contrôlent le plus souvent) et puis, l’argent étant le nerf de la guerre, on a besoin de sponsors, même dans le cadre français (meilleur que la moyenne des pays occidentaux) où le financement des partis politiques est assez bien encadré. Au niveau des responsabilités gouvernementales, s’attaquer sérieusement (c’est-à-dire en allant au-delà des simples effets d’annonce suivis de mesures édulcorées)  aux « riches », c’est prendre le risque de, comme on dit, déplaire aux « marchés » et donc, pensent-t-ils, de saper l’économie.

 

Le courage politique, c’est d’abord de ne pas tolérer que des Etats voisins abritent les fraudeurs du fisc en toute impunité. Dans les années 1960, le général de Gaulle avait mis en demeure la principauté de Monaco de déclarer les Français résidant sur son territoire et de les obliger à payer les impôts qu’ils devaient à la France. Comme la principauté tardait un peu à coopérer, la France établit autour de la principauté un cordon douanier et de police des frontières pour systématiquement contrôler tous les véhicules entrant ou sortant du petit pays voisin. En trois semaines, l’affaire fut bouclée et, depuis, grâce à un bon accord, les Français de la principauté sont soumis au fisc français pour toutes leurs activités en France. Nous pourrions faire la même chose aujourd’hui avec la Suisse ou la Belgique, lieux de prédilection des candidats à l’exil fiscal. En matière de relations internationales, il y a deux manières d’agir, la publique et la discrète. La première, à coups de grands discours et de « mises en garde » est d’autant plus inefficace que le pays auquel on s’ « attaque » est grand et puissant. Ce type de langage est surtout à usage interne pour faire croire qu’on agit (cf les lamentables pressions de Sarkozy sur le Mexique dans l’affaire de nôtre compatriote Florence Cassey condamnée, semble-t-il injustement, à une lourde peine pour complicité avec des trafiquants de drogue). La seconde méthode est plus efficace. C’est la voie diplomatique : on fait savoir au gouvernement concerné que son attitude laxiste, voire complice, nous gène considérablement et que si elle continuait, cela serait susceptible de mettre en péril nos bonnes relations. On comprend alors qu’il peut y avoir des mesures de rétorsion (il y en a toujours de possibles) et il y a alors de bonnes chances que les choses changent. Johnny Halliday ou la famille Peugeot résidents suisses, c’est un peu trop fort. Nos amis suisses sont des gens réalistes. Ils seraient plus coopératifs s’ils avaient en face d’eux une réelle volonté politique.

 

Il y a surtout d’autres leviers à utiliser avec les fraudeurs eux-mêmes.

 

J’en suggère quelques-uns :

 

1/ Dresser une liste des fraudeurs installés à l’étranger uniquement pour échapper à l’impôt et la diffuser largement. Un artiste, un sportif ou un industriel qui travaille pour le grand public n’a pas intérêt à se mettre à dos une partie, peut-être majoritaire, de l’opinion. Il peut rapidement faire le calcul que sa mauvaise image peut être source de pertes, y compris financières, supérieures aux économies qu’il réalise en payant moins d’impôts. Ceci ne peut être fait, évidemment, que dans un contexte de moralisation de la vie politique et publique. On se souvient, à cet égard, du mal causé par l’attitude cynique de l’étalage de la réussite (par tous les moyens) d’un Sarkozy invitant au Fouquet’s des exilés fiscaux pour fêter sa victoire. Pour le moment, la prestation de nôtre président « normal » est davantage en phase avec une telle mesure.

 

2/ Faire voter une loi tendant à interdire de télévision et de radio tout artiste ou sportif qui ne serait pas en règle avec le fisc. On perdrait ainsi quelques footballeurs et joueurs de tennis de haut niveau qui pourraient se payer le luxe de snober les médias français. Mais la plupart rentreraient au bercail.

 

3/ La législation américaine impose à tout citoyen américain de payer des impôts aux Etats-Unis, qu’il habite les « States » ou qu’il vive ailleurs. Dans ce dernier cas, on constate ce qu’il paie à l’étranger, on calcule ce qu’il paierait aux Etats-Unis avec les mêmes revenus et on lui fait payer la différence. Quelques-uns choisissent de perdre leur nationalité, mais c’est très risqué, en particulier en termes de perte de protection juridique (surtout pour ceux qui choisissent de vivre dans un pays peu sûr) ; la plupart s’exécutent.

 

Une telle loi en France serait très efficace s’agissant des Français qui choisissent de vivre à l’étranger. Je suis bien placé pour savoir combien nos concitoyens concernés ont d’avantages : droit à l’enseignement gratuit dans les lycées français de l’étranger ou en France (les lycées de Ferney-Voltaire et d’Annemasse, à côté de Genève, abritent beaucoup d’enfants d’exilés fiscaux), droit à la sécurité sociale française, droit à une aide sociale s’ils sont nécessiteux, droit, évidemment, à la protection consulaire (la France est l’un des pays qui protègent le mieux ses ressortissants), droit aux transferts bancaires libres (ce qui n’est pas vraiment le cas des Français de France qui doivent justifier les transferts importants), etc. Il me parait choquant que les exilés fiscaux de Bruxelles et de Genève bénéficient de ces avantages.

 

4/ Je préconise une mesure supplémentaire qui, je crois, serait déterminante. Toute personne ayant vécu en France de longues années, a bénéficié de prestations quantifiables de la part de la collectivité nationale. L’école gratuite et obligatoire a un coût pour la collectivité : on l’estime à environ 500€ par mois pour un collégien. On peut faire ce genre de calcul pour toutes les prestations : de santé, aide au logement (sous toutes ses formes), aide à la famille (allocations naissance, parts fiscales, etc), mais aussi sécurité des personnes (dépenses liées à la police) ou de la Nation (défense), etc.

 

Lorsqu’un Français décide de quitter durablement le territoire français, je suggère que, outre l’imposition prévue au paragraphe précédent s’il souhaite conserver la nationalité française, on fasse une estimation de ce qu’il a coûté à la collectivité et qu’on le lui fasse payer. Je considère en effet immoral qu’une personne qui a bénéficié d’étude gratuites ou quasi gratuites en France aille ensuite « vendre » sa qualification dans un pays où elle sera mieux rémunérée pour la simple raison que cette rémunération est considérée là-bas comme le juste retour d’un capital (les frais de scolarité) investi. A titre d’exemple, les étudiants américains s’endettent parfois lourdement pour payer des frais de scolarité exorbitants (aux yeux des Français) et ils mettent vingt ans pour les rembourser, exactement comme on le fait avec un emprunt immobilier. Il est un peu trop facile de faire payer sa formation au contribuable français pour la rentabiliser ensuite ailleurs. J’appelle cela du vol.

 

Pour ceux qui seraient tentés de partir sans payer (on peut d’ailleurs envisager d’étaler le paiement dans le temps), trois types de coercition possibles : confiscation des propriétés immobilières ou foncières, interpellation lorsque le fraudeur remet le pied sur le territoire français et possibilité de demander l’extradition dans les pays avec lesquels nous avons des accords bilatéraux.

 

5/ Il y a probablement encore d’autres mesures possibles. Toutes ne me viennent pas à l’esprit et je ne veux pas faire de catalogue. C’est la philosophie de l’ensemble, le lecteur l’aura compris, qu’il faut considérer. Pour les mesures concrètes, on a d’excellents fonctionnaires à Bercy pleins d’imagination.     

 

XXX

 

Ce type de mesures nécessite une forte volonté politique. Je l’ai écrit plus haut. Il suppose aussi un changement de philosophie dans les rapports internationaux (que ceux qui pensent que les règles européennes ou autres nous lient les mains méditent l’exemple britannique : Londres a toujours obtenu toutes les dérogations demandées). Il ne s’agit pas de remettre en cause les bienfaits de la mobilité. Vivre à l’étranger quelque temps est un enrichissement qu’il convient d’encourager. Ce qu’il faut viser ce ne sont pas ceux qui cherchent la mobilité et la diversification de leur expérience professionnelle, personnelle et culturelle. Ceux-là doivent être accompagnés par des accords bilatéraux visant à les encadrer mais aussi à les protéger.

 

Les individus visés par les mesures que je préconise sont tout le contraire des cas précédents. Il s’agit de ceux qui se fichent éperdument de la collectivité nationale, qui méprisent en conséquence leurs concitoyens mais aussi les pays où ils s’installent, réellement ou fictivement. Ils ne sont à l’étranger que pour faire du fric ou, pis, ils continuent en fait à avoir des activités économiques en France mais s’installent (à temps partiel) à l’étranger pour échapper à l’impôt. C’est évidement à ceux-là qu’il faut faire la guerre.

 

Avoir des patrimoines de plusieurs millions d’euros, gagner des sommes si colossales que le commun des mortels a de la difficulté à même les imaginer et que les intéressés eux-mêmes ont du mal à dépenser (sauf à changer de Ferrari chaque mois ou à vouloir acheter des îles privées, que consomme-t-on de plus à partir de revenus de 100 000€ net par mois ?) et, dans le même temps, ne pas vouloir payer d’impôt dans un pays où, pourtant, les besoins non satisfaits pour la grande masse sont légion, relève pour moi du cynisme pur et même de l’asile psychiatrique.

 

En fait, nombre d’entre eux le font simplement parce qu’ils s’imaginent que la valeur d’un individu est proportionnelle à sa feuille de paye et à son compte en banque. Ils vivent avec le système dont ils sont les esclaves et, finalement, les victimes. Changez le système et beaucoup changeront. Le gouvernement vient de décider que, dorénavant, les dirigeants d’entreprises publiques ne pourront plus avoir des rémunérations supérieures à vingt fois le plus petit salaire de leur entreprise. Certains ont ainsi vu leur rémunération divisée par trois ou par quatre. Combien ont démissionné ? Zéro. Faisons la même chose dans le privé, obligeons les grandes fortunes à se réinstaller en France si elles veulent y poursuivre leurs activités. Je fais le pari que la plupart reviendront. Pour les autres, il y a de magnifiques propriétés immobilières à récupérer.

 

Quant à ceux qui sont assez bornés pour partir quand même, qu’ils partent ! Nul n’est irremplaçable. Derrière chaque responsable, il y a un adjoint. Tout chef est suivi d’un sous-chef aussi bien formé que lui, aussi compétent que lui et qui rêve d’être chef. Le calife parti, un autre devient calife et on oublie vite l’ancien !

 

Alors, candidats à l’exil fiscal, partez, on ne vous retient pas !    

     

                                                                                  Yves Barelli, 5 septembre 2012
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