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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 14:36

Je ne sais pas dans quelle rubrique placer cette petite chronique. Francophonie ? Incivilités ? Marseille ?

Probablement les trois. Vous allez voir pourquoi.

Il y a dans le centre de la cité phocéenne, un grand jardin public qui continue de s’appeler le « jardin zoologique », bien qu’il n’y ait plus d’animaux depuis 25 ans. Situé dans le quartier où j’ai passé toute mon enfance et mon adolescence, c’est là où ma mère nous menait pour nous aérer. J’y ai peut-être fait mes premiers pas. On y placera probablement un jour une plaque commémorative !

Dans ce parc, dont l’accès était gratuit, on pouvait faire du vélo, de la trottinette (« patinette » pour les Parisiens), monter sur des ânes et des « vire-vires » (du provençal « vira » = tourner ; à l’époque, personne ne disait « manège », mot introduit par une émission de télévision « le manège enchanté ». Aujourd’hui, vire-vire est resté courant, mais les usagers sont plus partagés).

Nôtre passe-temps favori était toutefois de nourrir les animaux avec du pain dur. « Poupoule », une éléphante asiatique, était la plus aimée des enfants.

Depuis le départ des animaux, en 1988 (c’est vrai que leur espace vital était souvent restreint, mais ce qui s’est encore plus retreint, ce sont les crédits publics), les anciennes cages, toutes rouillées, avaient été laissées à l’abandon. Ce lieu mémorable de mon enfance faisait pitié.

L’année de « Marseille, capitale de la culture », dont j’ai parlé dans ce blog, aura au moins servi à quelque chose : apporter quelques crédits supplémentaires à cette ville qui en a besoin. Dans la période de vaches maigres que connait la France, c’est une aubaine.

On a donc lancé quelques travaux ici et là dans la ville. Le jardin zoologique en a profité. Toutes les cages ont été repeintes et, mieux, on a eu la bonne idée de remettre 150 animaux. Pas des vrais, des sculptures métalliques bien moulées et aux couleurs vives placées dans les cages aux emplacements des anciens locataires vivants du zoo ou à l’extérieur sur le gazon. Les enfants sont ravis et ceux dont les parents n’ont pas les moyens de les mener dans des parcs animaliers peuvent enfin parfaire leur vocabulaire de la faune sauvage.

Dans chaque section, des panneaux explicatifs contenant un historique sur les animaux, avec, souvent, les noms des pensionnaires qui ont le plus marqué la mémoire collective (Poupoule et quelques autres), ont été apposés. Excellent. Bien que connaissant parfaitement les lieux, en les parcourant en fin de semaine dernière, j’y ai appris quelques détails.

Félicitations pour ceux qui en ont eu l’idée.   

J’ajoute à cette appréciation positive, deux remarques qui le sont moins.

La première est qu’on a appelé ce zoo nouveau genre (j’ai failli écrire « new-look » mais je me suis retenu) le « funny zoo ».

Ce n’est pas une bonne trouvaille. « Funny » est un mot anglais pas très facile à dire. En bon anglais, il faut prononcer /fani/, avec un « a » articulé un peu spécial pour un gosier francophone avec la langue placée en haut du palais et un « y » en fait intermédiaire entre entre /i/ et /e/. Beaucoup disent /funi/, ce qui est ridicule. D’autres, sans doute, confondent le zoo « amusant » avec le prénom « Fanny », populaire à Marseille, depuis qu’il est associé à Marius dans l’œuvre de Pagnol. Et pour ceux qui ont compris qu’il s’agissait de quelque chose de pas triste, faut-il prononcer les deux mots à l’anglaise, /fani zou/ (avec un /ou/ aussi long qu’on jour sans pain) ou le premier seulement avec le deuxième à la française /fani zo/ ou même /fani zo-o/, ou laisser chacun se débrouiller comme il peut en articulant au mieux ? L’apprentissage de l’expression pour les enfants est décidément bien difficile. Autrefois, on mélangeait le français et le provençal, maintenant, en plus de quelques résidus de la langue de Mistral, il faut désormais mettre de l’anglais ! C’est plus compliqué avec l’accent que nous avons gardé qui se prête si  mal à la prononciation du vocabulaire d’Oxford. 

N’aurait-il pas été plus simple, et surtout plus joli, d’appeler ce zoo très inhabituel « le zoo rigolo » ? Rigolo, c’est un mot qui sonne bien, presque une onomatopée, et qui parle aux enfants, mais aussi aux adultes, beaucoup mieux que ce triste « funny ». Quand on cherche à tout prix la modernité en anglicisant, mal, le lexique, on est ridicule. Ce sont ceux qui ont trouvé cette appellation grotesque qui sont des « rigolos » !

Seconde remarque. On a mis des écriteaux précisant qu’il est interdit de monter sur les sculptures placées en plein air. Bien évidemment, personne ne respecte l’interdiction. C’est autrement plus « rigolo » de monter sur un cheval, un chameau ou, pour les moins athlétiques, un bouquetin, que de les contempler bêtement.

Une interdiction systématiquement et massivement bravée en toute impunité, ce n’est pas le meilleur moyen d’éduquer des enfants et de leur inculquer le civisme.

Si les panneaux n’ont été placés que pour décliner toute responsabilité en cas de chute d’un enfant du haut de ces « animaux », c’est plutôt minable. C’est à l’image de ces inscriptions  « eau non potable » qui fleurissent de plus en plus sur les fontaines publiques de nos villages provençaux. Les habitants de ces villages continuent d’en boire l’eau sans problème intestinal comme ils l’ont toujours fait, et les maires, également consommateurs, sont tranquilles. Si un usager a un jour des coliques, la responsabilité de la municipalité ne pourra être engagée. Tout le monde a l’air de trouver cela normal. Du moins les habitants des villages. Car, pour les autres, ceux de passage, ça oblige à demander à un autochtone si on peut quand même se désaltérer. Pour la même raison, on ne trouve plus de bacs à sable dans les parcs. Il est vrai qu’on n’ose pas y interdire, effectivement, les chiens. Alors, on préfère empêcher les enfants de s’amuser ! Décidément, le jardin zoologique (et tous les autres) de mon enfance était mieux !  

Il est vrai que dans cette société un peu particulière qui est désormais celle de notre pays, plus rien n’étonne, et notamment pas le fait que les enfants, à l’image de leurs parents, ne respectent plus grand-chose. J’ai écrit l’année dernière un texte sur les incivilités, porte ouverte, lorsqu’on laisse faire, à la délinquance, petite, puis moyenne et grande. Je ne dis pas que les enfants qui grimpent sur les animaux dans ce zoo rigolo sont des délinquants en puissance, mais l’accumulation du manque de respect des règles jointe à l’absence de sanction peut en prédisposer quelques-uns à franchir le pas. C’est vrai que les règles stupides ne méritent pas d’être respectées. Alors, essayons de faire de bonnes règles, c'est-à-dire des prescriptions logiques et susceptibles d’être suivies parce que comprises, et lorsqu’elles sont édictées, faisons-les appliquer !

Et pour les faire appliquer, à défaut de la coopération des parents, il faut du personnel habilité. Lorsque j’étais enfant, dans ce même jardin zoologique, et dans tous les autres jardins de la ville, il y avait des employés municipaux en uniforme qui veillaient au grain. Lorsque le « Monsieur à la casquette » sifflait dans notre direction, nous n’en menions pas large. Il n’avait pas besoin d’insister longtemps pour que tout rentre dans l’ordre. Aujourd’hui, les employés sont en civil et ils estiment que la police, ce n’est pas de leur ressort. Il est vrai que s’ils essayaient de faire appliquer la règlementation, ils risqueraient plus d’une fois de se faire « boxer ». Alors, ils préfèrent ne pas prendre le risque. Nul n’est obligé d’être un héros !

Autres temps, autres mœurs ! Les enfants sont plus libres maintenant qu’il y a trente ans. On ne va pas s’en plaindre. Mais s’ils étaient responsabilisés par les parents, les éducateurs, les employés municipaux, bref, la société, on s’en plaindrait encore moins !

Bonne chance quand même à ce zoo rigolo !

Post-scritum

Lors de mon dernier séjour marseillais, je ne me suis pas limité au zoo. J’en ai profité pour aller voir, de l’extérieur (car il n’ouvrira au public qu’en juin), le nouveau musée des civilisations européennes et méditerranéennes (MUCEM). Ceux parmi vous qui êtes des fidèles des « Racines et des ailes » sur FR3, vous en avez eu une présentation il y a quelques semaines.

Hélas, la réalité ne vaut pas la télévision. Ce musée, situé à l’entrée du port de Marseille, exactement à la jonction entre le Vieux Port et le port de commerce, présente l’aspect d’un grand parallélépipède à la façade toute noire. On dirait davantage un hangar qu’un musée de prestige. Je trouve ce moderne bien classique ! Finalement, on ne le voit pas trop, ce qui n’est pas plus mal avec un tel aspect. Il est bien plus petit que le fort Saint Jean et la cathédrale qui le dominent.

C’est bien d’aller chercher à grands frais des architectes de renom. Mais l’inconvénient est qu’ils n’ont pas vraiment la fibre marseillaise. Personnellement, j’aurais bien vu un bâtiment en forme soit de grande villa provençale, soit, encore mieux, de temple grec.

Il ne s’agit pas de refuser les apports extérieurs, bien au contraire. Ils peuvent être utiles lorsqu’ils enrichissent la personnalité et le patrimoine locaux, pas lorsqu’ils les nient. Les gens ont besoin de racines et d’identité. Cela est de nature à leur donner cette confiance collective sans laquelle on ne peut entreprendre et sans laquelle il n’y a pas de convivialité. Cette cité, souvent en proie au doute, en a besoin, plus encore que tout autre.

La cité phocéenne a été fondée au 6ème siècle avant Jésus-Christ par les Grecs de Phocée, d’où son surnom. Les gens cultivés et les lecteurs de ce blog (eux-mêmes cultivés !) le savent. Nous sommes la plus vieille ville de l’hexagone. Pourquoi ne pas être fiers de nos origines hellènes et méditerranéennes ? Pour cette raison, je trouve qu’une façade de musée aux couleurs marseillaises aurait eu sa place. Surtout pour un musée consacré aux civilisations méditerranéennes. Un mini Parthénon n’aurait-il pas eu davantage de visibilité et de représentativité que ce MUCEM à la façade noire?

Encore une occasion gâchée. C’est dommage.

Cela n’enlève rien, toutefois, à la beauté de la promenade piétonne qu’on a aménagée autour du fort Saint-Jean. La vue y est sublime. Vous allez dire que j’ai vraiment l’esprit exagérément critique. Peut-être, mais je ne peux m’empêcher d’observer que cette promenade de quelques dizaines de mètres de long est coupée par un petit escalier qui prive les handicapés de profiter du lieu. C’est d’autant plus navrant que la ministre déléguée aux personnes handicapée et future candidate à la mairie de Marseille est marseillaise. Je lui en parlerai la prochaine fois que je la verrai…

Désolé pour ces digressions marseillaises. Mais la France ce n’est pas seulement Paris et Versailles et si je parle un peu plus de la Provence, de l’Alsace et de la Bretagne que la moyenne de nos médias, cela équilibre. Et, de toute façon, je sais que mes lecteurs sont tous marseillais. Marseillais de naissance, d’adoption ou de cœur, au même titre que je suis Parisien, Breton ou Patagon !

      

                                                                                              Yves Barelli, 15 avril 2013               

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commentaires

C
Pardon. J’ai critiqué le mauvais français des pancartes et j’ai écrit marche-pied au lieu de marchepied ! J’avais un doute mais votre correcteur n’a souligné que rigolozoo. Je n’ai vérifié<br /> qu’après, trop tard… NB : j’ai entendu vraisemblablement Louis-Michel Bescherelle interrogé à la radio : on lui demandait s’il avait parfois un doute et ce qu’il faisait dans ce cas. Il a répondu<br /> qu’en cas de doute il ouvrait son Bescherelle...
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C
Cher monsieur, vous avez oublié de dire que les fameuses pancartes sensées interdire de monter sur les animaux, et qui servent de marche-pied, ne sont même pas écrites en bon français : "il est<br /> interdit d'y monter dessus". Bravo la culture ! J'avais pensé à "rigolozoo". Merci pour votre article.
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