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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 17:06

Les Alsaciens voteront le 7 avril sur le regroupement éventuel des collectivités de leur région, à savoir le conseil régional d’Alsace et les deux conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Cette manifestation de démocratie locale doit être saluée. D’abord parce qu’elle a lieu, fait hélas tout à fait exceptionnel en France. On le doit à une loi de 1994 qui avait introduit cette possibilité de consultation populaire, purement indicative pour le législateur et fortement encadrée par des conditions rigoureuses difficiles à réunir. Ensuite, parce qu’elle ouvre des perspectives intéressantes, pas seulement pour l’Alsace mais aussi pour d’autres régions de l’hexagone.

 Selon les sondages, une majorité de votants devrait se prononcer pour la fusion des assemblées et administrations régionales et départementales (la décision finale est de la prérogative du parlement, les régions françaises n’étant pas libres de s’auto-administrer). Il n’est toutefois pas sûr que le quorum (50% de votants et un oui rassemblant 25% des électeurs inscrits) soit atteint. La participation risque en effet d’être faible dans ce type de consultation, inédit et sans enjeu politique. De plus, face à la crise économique, beaucoup se sentent davantage concernés par la montée du chômage et la baisse du pouvoir d’achat que par les questions de gouvernance locale qu’ils ont, souvent, du mal à comprendre. Les récentes « affaires », en particulier celle de Jérôme Cahuzac, ex ministre du budget, qui avait effrontément menti devant la représentation nationale sur l’existence, avérée par la suite, d’un compte en Suisse probablement alimenté par un blanchiment de gains illicites (voir mon article dans ce blog), mais aussi d’autres qui ont touché l’ancienne majorité, peuvent, en jetant une suspicion sur l’ensemble de la classe politique, détourner des urnes une fraction accrue de l’électorat.

Espérons que les Alsaciens se déplaceront suffisamment nombreux pour approuver ce changement de la carte administrative de la France.

Il n’est pas inintéressant, au passage, de voir quelles sont les forces politiques pour et les contre. L’UMP (droite) est favorable. Le fait qu’elle gère la région (toutes les autres, sauf la Corse, où c’est plus compliqué, sont à majorité socialiste) n’y est sans doute pas étranger ;  la droite française est loin, en effet, d’être « régionaliste ». Pour la raison inverse, le PS, qui ne veut pas renforcer localement la droite, est réservé. Ce n’est pas non plus un « régionaliste » militant, c’est le moins qu’on puisse dire. Les Verts, qui souhaiteraient une dissolution de la France et de ses départements dans l’Europe unie, sont favorables, tandis que le Front de Gauche et le Front National, pour des raisons différentes (le premier, contre tout particularisme alsacien, à ses yeux à tendance cléricale et « réactionnaire », le second parce que cela « affaiblit » la France, rien de moins !) sont hostiles (ils ne sont toutefois pas vraiment suivis par les militants locaux).

Tout cela en dit long sur la conception de la démocratie locale des élites parisiennes, plus enclines aux calculs bassement politiques ou aux affirmations dogmatiques qu’à prendre en considération les aspirations des « ploucs » de province.       

Un système administratif inadapté

Qu’en est-il actuellement ?

Les anciennes provinces ont été supprimées par la Révolution de 1789. Elles correspondaient à des identités parfois fortes (Alsace, Bretagne, Provence, etc). Elles ont été remplacées par des départements plus petits dessinés pour que les citoyens puissent se rendre à cheval au chef-lieu en moins d’une journée. Ces départements, dans certains cas, restent des entités abstraites et artificielles. C’est le cas en Alsace. Dans d’autres, ils correspondent à des réalités anciennes (des sous-régions ou des mini-provinces, telles le Périgord, le Quercy ou la Touraine, mais dont les noms ont été changés) ou ont réussi à créer de véritables identités locales. Grosso modo, c’est à peu près aujourd’hui moitié-moitié. Supprimer les départements d’un trait de plume, comme on les a créés, n’est donc pas aussi simple qu’il peut y paraitre.

C’est cette légitimité souvent réelle des départements, mais aussi les réticences de type jacobin (on se méfie de régions trop fortes), qui ont fait que les départements ont été conservés lorsqu’on a créé dans les années 1960 les « régions », d’abord, simples groupements administratifs, puis véritables collectivités. Certaines de ces régions sont de pures fictions technocratiques (comme par exemple les « Pays-de-Loire », formés d’une partie de la Bretagne historique, du Poitou historique, de l’Anjou et du Maine) et d’autres des reconstitutions, approximatives, des anciennes provinces.

La grande réforme de « régionalisation » de 1981, souvent connue sous le nom de « lois Defferre », du nom du maire de Marseille et ministre de l’intérieur de François Mitterrand, a constitué une sorte de révolution dans une France si centralisée depuis 1789 qu’elle n’avait pas d’équivalent dans les grandes démocraties européennes. Comparée aux autonomies régionales allemandes, espagnoles et même italiennes, cette décentralisation à la française était, et reste, bien timide, mais elle marqua un progrès historique.

Aujourd’hui, le système administratif français est devenu inadapté.

Trois critiques, parfois contradictoires, lui sont adressées :

D’abord, les régions ont des compétences et des moyens très réduits. Sans même parler de la Catalogne ou de la Bavière, qui disposent de compétences quasi étatiques, les régions françaises, même les plus peuplées et les plus « riches », ont peu de prérogatives, comparées par exemple à leurs homologues italiennes. Elles n’ont aucun pouvoir « régalien » (police, douanes, impôts, etc). Ce n’est pas plus mal. Mais elles n’ont même pas de compétences fortes dans le domaine culturel ou linguistique. Cela est scandaleux. Ainsi, le conseil régional de Bretagne, mais aussi tous les conseils généraux (assemblées départementales) et quasiment tous les conseils municipaux bretons, ont voté des « vœux » pour donner à la langue bretonne un statut officiel et une place dans l’enseignement moins ridicule qu’aujourd’hui. Ces « vœux » ne sont, en vertu de la loi actuelle, que des vœux. Ils n’ont jamais été pris en considération.

Les véritables régionalistes, dont je suis, estiment que le rôle des régions devrait être en premier lieu de défendre et promouvoir les identités régionales qui, loin d’être une menace pour l’identité nationale, la complètent et la renforcent. Etre fier de son ancrage régional culturel et historique, c’est se sentir bien là où l’on vit et donc bien d’être Français. Ces identités restent fortes, mais elles n’ont pas de traduction institutionnelle. Si le rôle des régions est seulement d’ajouter un échelon administratif supplémentaire avec tous les doublons (régions-départements) et même « triplés » (Etat-région-département), voire plus (administrations communales et intercommunales), qui en découlent, cela ne sert à rien. Autant être directement « géré » par les administrations d’Etat. C’est plus simple et plus équitable (on ne voit pas ce que la démocratie gagne à avoir des taux différenciés de taxes locales diverses qui entrainent des inégalités entre citoyens, ceux des régions les plus pauvres étant souvent appelés à payer les taxes les plus lourdes pour compenser des recettes plus automatiques insuffisantes).

C’est le deuxième reproche, qui peut paraitre contradictoire avec le premier. L’autonomie locale et régionale peut être source de confusion et d’inégalités, sans même parler des risques de clientélisme et donc de favoritisme. Les régionalistes souhaitent de véritables régions responsables et appuyées sur des personnalités qui correspondent réellement au ressenti des populations. Mais, même pour ces régions, on ne concède actuellement, en guise de « libertés locales », que des prérogatives dérisoires par ailleurs sources d’inégalités. Ceci est vrai pour tous les échelons administratifs, pas seulement les régions. Ainsi, dans la région parisienne, l’impôt sur les transactions immobilières est deux fois plus élevé dans le département le plus pauvre, celui de la Seine-Saint-Denis, que dans le plus riche, les Hauts-de-Seine. A Marseille, ville « pauvre », la taxe d’habitation et la taxe foncière (impôts assis sur le logement), mais aussi le ticket de métro, sont très sensiblement supérieurs à ceux de Paris, où la collectivité est assurée de rentrées fiscales importantes grâce aux prix au mètre carré faramineux atteints par l’immobilier. Cette inégalité se retrouve aussi dans la qualité des écoles et collèges construits mais aussi dans les montants de l’aide sociale, les collectivités les plus riches pouvant se montrer les plus généreuses envers leurs « pauvres », relativement moins nombreux. Cela est évidemment antinomique avec le principe républicain de l’égalité de tous devant la loi.

On ne peut corriger ces inégalités que par un retour à davantage d’administration d’Etat pour tout ce qui est prestation identique sur l‘ensemble du territoire national (la multiplication, par exemple, des polices municipales pour pallier le manque de moyens de la police nationale ne me parait pas souhaitable).

Si je suis favorable au retour à la responsabilité de l’Etat (on peut « déconcentrer «  les décisions sans nécessairement multiplier les organes de décisions) pour les services publics à vocation nationale actuellement concédés, ou imposés, aux régions, départements et communes (parfois malgré ces collectivités sur lesquelles l’Etat se décharge de ses responsabilités seulement pour faire croire qu’il fait des économies), je suis en revanche fortement partisan de davantage d’autonomie pour tout ce qui tient aux personnalités régionales ou locales. Une compétence de la région pour, par exemple, les programmes scolaires d’histoire, de géographie, de langues, voire de sciences de la vie et de la terre (la faune et la flore ne sont pas les mêmes en climats océanique, méditerranéen ou de montagne). Un recrutement régional des enseignants et des fonctionnaires territoriaux éviterait les aberrations actuelles : un prof qui débarque à l’autre bout de l’hexagone dont il ne connait rien et qui enseigne mal parce qu’il se sent puni d’avoir été envoyé là et qu’il s’adresse à des élèves culturellement très éloignés de lui. En revanche, que, comme c’est le cas actuel, la région finance la construction et le fonctionnement des lycées, le département les collèges et les communes les écoles primaires, n’apporte rien au citoyen et est source de gaspillages. Ainsi, lorsqu’une école, un collège et un lycée sont côte à côte, cas fréquent, la gestion des cantines mais aussi celle des ramassages scolaires sont totalement séparés. Dans l’agglomération parisienne, on change souvent de commune, mais aussi de département, d’un côté à l’autre d’une même rue. Cas concret (que je connais bien) de deux lycéens fréquentant le même lycée (le plus proche du domicile de chacun) mais habitant de part et d’autre de la limite entre une commune relevant des Yvelines et une autre du Val d’Oise. Il faut bien des limites, c’est vrai ! Mais que la prise en charge des frais de transport scolaire ne soit pas la même entre les deux départements considérés ne me parait pas normal (le département le plus riche étant le plus généreux). Quant au lycéen qui habite un département et est scolarisé dans le département voisin, bonjour les formalités administratives interminables !

Une autre solution pour corriger les inégalités serait d’établir une péréquation entre ressources des collectivités, ce qui existe déjà partiellement. Mais si tout le monde a droit exactement aux mêmes prestations, autant les organiser de manière centralisée et donc plus cohérente. Ainsi une entreprise nationale des transports urbains pourrait-elle, sans doute, acheter les matériels à meilleur compte qu’une multitude d’entreprises dispersées. De plus, pour l’usager, avoir des titres de transport valables sur l’ensemble du territoire national serait plus pratique.

Le « millefeuille » administratif français actuel est incompréhensible

Le troisième reproche, qui découle des deux premiers, c’est l’existence du « millefeuilles » administratif actuel, parfaitement incompréhensible pour le citoyen, même bien informé des subtilités de l’administration de notre pays.

Considérons n’importe quelle ville, grande ou petite, ou village. A la base, on a la commune (50 habitants ou 2 millions, toutes fonctionnant selon le même schéma et les mêmes prérogatives, sauf quand une partie de celles-ci sont déléguées à une autre instance : pas simple !), compétente pour certaines fonctions de police (par exemple l’établissement d’un sens unique dans une rue, dans la mesure où la voie n’est ni nationale ni départementale), pour les écoles primaires et pour tout un ensemble de fonctions proches des citoyens. A Paris, Lyon et Marseille, il existe un autre échelon, l’ « arrondissement municipal », qui est une partie de la commune avec son maire (à Marseille, maire de « secteur », en général deux arrondissements : pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ! – il y a une explication : quand ils ont été créés par Gaston Defferre – celui des lois de décentralisation -, c’était pour mieux gagner les élections ; depuis, on les a gardés car, en France, quand on crée une administration ou un niveau de « démocratie », il est rare qu’on supprime ceux qu’ils remplacent), son conseil municipal, son administration et ses compétences particulières.

Au-dessus de la commune, la « communauté de communes », lorsqu’elle existe (cas de plus en plus fréquent), compétente par exemple pour le ramassage des ordures et, souvent mais pas toujours, pour les transports urbains. L’exécutif de ces « communautés » est constitué de délégués des conseils municipaux (qui se voient attribuer des indemnités supplémentaires). Il s’agit donc d’une démocratie au deuxième degré, plus éloignée des citoyens. Les résultats sont souvent aberrants. Ainsi la « communauté de communes de Marseille-Provence » inclue des communes très éloignées de Marseille mais en exclue d’autres plus proches. Nul n’est capable d’en citer les limites. Autre exemple à la limite du grotesque : Argenteuil et Bezons, villes de l’agglomération parisienne, dans le val d’Oise, ont formé à elles deux une « communauté de communes » à laquelle elles ont confié le ramassage des ordures et la supervision de quelques lignes locales d’autobus confiées au privé (qui complètent le réseau de base de la RATP - transports parisiens -) mais sur lesquels on a peint en grand (et sans doute à grands frais) « communauté d’agglomération d’Argenteuil-Bezons ». Désormais, en plus des hôtels de ville de ces deux localités, on a édifié un « hôtel de communauté ». Au lieu d’économies d’échelle, la création de cet OVNI se traduit par des dépenses supplémentaires et beaucoup de confusion.

Etage au-dessus du millefeuille, le département. A Marseille et à Lyon, et dans quelques autres grandes agglomérations, le département est à peine plus vaste et peuplé que la « communauté ». Il n’empêche : exécutifs différents, administrations spécifiques, budgets séparés.

Enfin, la région qui, on l’a vu plus haut, n’a pas remplacé le département.

Et puis, évidemment l’Etat, auquel s’ajoute depuis quelques années, l’Union européenne, « compétente » pour pas mal de décisions, sans d’ailleurs qu’on ait jamais demandé aux citoyens des pays-membres s’ils étaient d’accord pour ces abandons de souveraineté.    

Chaque niveau a ses propres compétences (il est souvent difficile de tracer les frontières), son propre exécutif et ses propres fonctionnaires. Savoir exactement à qui s’adresser pour ce qui concerne la vie de tous les jours du citoyen relève souvent du jeu de piste car tous les échelons ont leur administration particulière, leur directeur et leur élu délégué à  l’économie, l’action sociale, l’éducation, la culture, les routes, etc. Dans ce pays, demander une « aide » ou une subvention est compliqué. Ce ne sont pas nécessairement les plus nécessiteux qui les obtiennent mais les plus rompus aux arcanes de l’administration.

Pis, nos élus ont imaginé les financements « croisés ». Qu’es aquó ? Ce sont des  financements partagés, souvent sur une base de réciprocité : « je prends en charge une partie de ta dépense, tu me finances partiellement la mienne ». Ce système, source de confusion, déresponsabilise la collectivité en principe compétente. Prenons l’aménagement d’une piste cyclable dans une rue de ville. Cela relève en principe de la ville. Mais, le maire va solliciter des participations au financement. On fait alors une réunion entre fonctionnaires  des divers niveaux concernés (souvent plus d’une dizaine) qui examinent, d’abord s’ils sont d’accord avec le projet (qui correspond ou non à leurs propres priorités et possibilités budgétaires) et s’il existe une ligne budgétaire adéquate dans leur propre action. Ainsi, la communauté de communes, le département (parfois plusieurs), la région, tel ou tel ministère (en l’occurrence, économie, transports, environnement, équipement, etc), voire l’ « Europe » (sur des lignes budgétaires diverses), vont accepter de financer une partie de la dépense. Dans tous les cas, toutes ces administrations devront instruire le dossier (même si la dépense, pour certaines, est minime) et toutes les collectivités concernées devront prendre une « délibération » en bonne et due forme. On imagine les gaspillages de temps, et donc d’argent, que cela entraîne, la longueur des formalités administratives, mais aussi, dans beaucoup de cas, la gabegie qui en résulte. Le maire (j’ai plusieurs cas concrets en tête) va pouvoir se vanter devant ses administrés d’avoir été efficace et économe des deniers locaux : « j’ai obtenu des financements à hauteur – par exemple – de 60% du financement de « ma » piste cyclable ». Sous-entendu, « je suis un bon et j’ai de l’influence ». Mais que cette piste soit utile ou non est une question qu’on n’a même plus le temps de se poser (il fallait « saisir l’opportunité » des financements extérieurs). Souvent, si la collectivité devrait prendre en charge la totalité de la dépense, on serait plus regardant avant de l’engager. C’est donc une source de gaspillage, d’autant que les économies pour le budget local sont purement illusoires : ce sont les mêmes contribuables, in fine, qui payent.

Et les citoyens dans tout cela ? Ils ont de moins en moins droit au chapitre !

Il est clair en conséquence que la France nécessite une bonne réflexion d’ensemble sur son administration. Le but devrait être non de faire des économies à tout prix (c’est dans l’air du temps : on rogne sur tout) mais de prendre des décisions plus rationnelles et de faire que les citoyens se sentent plus concernés.

Savoir que c’est la commune, la communauté de communes, le département, la région ou l’Etat (j’exclue l’Union européenne, les lecteurs de ce blog savent ce que j’en pense) qui finance les écoles, les hôpitaux, les routes et les pistes cyclables, franchement les citoyens s’en fichent. Et ils s’en fichent d’autant plus qu’ils ont la conviction qu’ils ne sont jamais réellement associés aux décisions. Ils pensent, à tort ou à raison, et hélas, souvent à raison, qu’ils sont des « sujets » et non des citoyens parce qu’ils sont gouvernés par des élus professionnalisés de plus en plus éloignés des citoyens (être maire est devenu un « métier ») et des technocrates gérant les « collectivités » comme des entreprises. Les élections consistent à accorder des chèques en blanc pour 5 ou 6 ans et les dirigeants aux egos démesurés se font élire, par de moins en moins de votants, grâce à des campagnes de communications montées par des professionnels plutôt que sur de véritables projets politiques.

Une simplification de la gouvernance locale serait de nature à la rapprocher des citoyens. Laissons, par principe, à l’Etat et à ses représentants régionaux et locaux,  non seulement les compétences « régaliennes » (défense, finances, etc) mais aussi tout ce qui est d’intérêt national. La santé, l’éducation (sauf exception justifiée : voir infra) ou les grands axes routiers, par exemple, entrent dans cette catégorie. Il en va de la cohérence (on a tronçonné, ainsi, l’ancienne route nationale 7, de Paris à Nice, en une quinzaine de routes départementales. C’est ridicule). Il en va aussi de l’égalité entre les citoyens. Tous ont droit également à l’éducation, aux soins, aux transports et aux routes.

Une véritable régionalisation pour les régions à forte personnalité historique et culturelle                                                               

Il convient, en revanche, de laisser aux échelons régionaux et locaux ce qui est spécifique ou ce qui correspond à des identités fortes.

Il existe des « régions », qui sont souvent de véritables « nations », qui ont des identités qui ont été forgées par plusieurs siècles d’histoire. L’Alsace, la Bretagne, la Provence ou la Corse ne devraient pas être de simples entités administratives. Ce sont des Nations historiques (la Bretagne, la Provence ou le Béarn, autrefois indépendants, ont été incorporés à la France sur la base d’une union conservant, en principe, les spécificités locales ; on sait ce qu’il en est advenu) avec leur propre culture, souvent leur propre langue. Ces spécificités ne sont pas en opposition avec la France. Elles y participent, complètent la personnalité nationale et la renforcent. Comme la Bavière ou la Sicile, elles devraient être dotées de compétences étendues et spécifiques. Le modèle des « communautés autonomes » espagnoles me parait valable pour la France. En Espagne, chaque « communauté » (c’est-à-dire région) a des compétences proportionnelles à sa personnalité culturelle et historique. C’est le cas aussi des 5 régions à statut particulier d’Italie. Si la Bretagne veut donner un statut officiel au breton, elle devrait en avoir le droit, comme l’ont fait pour leurs langues d’autres régions européennes.

La véritable régionalisation que j’appelle de mes vœux devrait impliquer non seulement des compétences « à la carte » mais aussi un remodelage de certaines régions selon les choix des citoyens.

Réorganiser les régions en associant les citoyens à la réforme

Le remodelage concerne le nombre et les limites des régions. Il ne s’agit pas de créer des régions « à taille européenne ». Cela ne veut rien dire : il y a moins de Länder en Allemagne que de régions en France, mais si certains sont immenses d’autres sont minuscules (la Sarre est plus petite que la Moselle et Hambourg et Brème, simples villes, sont aussi des Länder). Idem en Italie (le petit Val d’Aoste est une région) ou en Espagne (la « Rioja » est plus petite qu’un département français alors que l’Andalousie est immense).

Dans ces conditions, la réunification de la Bretagne, de la Normandie ou de l’Occitanie (du moins sa partie centrale) seraient envisageables, comme seraient envisageables des petites régions à statut particulier pour le Pays Basque français et la Catalogne Nord.

Le remodelage concerne aussi l’organisation interne des régions. Le principe de l’incorporation des départements dans les régions en tant que simples subdivisions administratives devrait être la règle, du moins si les citoyens de la région le souhaitent. Cela est la réalité en Italie et en Espagne, où les administrations des « provinces » sont incorporées à celles des régions ou communautés autonomes. Le projet de l’ancienne majorité, en France, de faire élire des conseillers chargés de siéger en même temps dans les assemblées régionales et départementales, allait dans le bon sens. Il est dommage que le président Hollande ait combattu ce projet.

Dans les régions qui le souhaitent, comme cela semble le cas en Alsace, la suppression des départements pourrait être actée. La remise au goût du jour des « pays », qui correspondent à peu près aux arrondissements départementaux (le plus souvent 3 ou 4 par département), sans que cela entraîne la création de nouvelles administrations concurrentes aux actuelles, pourrait être une solution car ces « pays » sont plus proches des citoyens. Ce type de subdivision infrarégionale existe dans plusieurs pays : les « contés » américains et britanniques, les « Kreis » allemands, les « okres » tchèques, les « powiat » polonais, les projets de revitalisation des « comarcas « espagnoles, et quelques autres du même genre. Cette solution a ma préférence.

L’initiative alsacienne est un bon début.

Certains diront qu’il y a des réformes plus urgentes à faire et que ce type de préoccupation détourne de ce qui devrait être la priorité des priorités, la lutte contre le chômage. Mais avec de tels raisonnements, on ne ferait jamais rien. L’homme ne vit pas seulement de pain, même si le pain est indispensable. Avoir des racines, des identités, des valeurs, c’est important aussi.

La démocratie locale et l’attachement à son ancrage régional sont non seulement souhaitables dans l’absolu, mais, même d’un point de vue purement utilitaire de lutte contre le chômage, elles peuvent être utiles. Le développement économique est souvent lié aux soubassements culturels. D’autres phénomènes ont aussi un lien avec lui. La hausse de la délinquance, des incivilités et l’incapacité de nombre de nos concitoyens à accepter la moindre discipline collective, ce qu’on appelle le « civisme », (cela concerne les « jeunes » des banlieues populaires mais aussi les candidats à l’exil fiscal des  quartiers plus huppés, sans même parler des hommes politiques qui mentent cyniquement devant la représentation nationale) ont aussi à voir avec la perte des identités.

Pour toutes ces raisons, si j’étais Alsacien, je voterais oui au regroupement des collectivités de la région.

                                                                                  Yves Barelli, 6 avril 2013                         

 

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