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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 15:15

Depuis plus d’une semaine, c’est le grand émoi, le suspense frissonnant, l’attente insupportable ! Mais quand le bébé royal anglais va-t-il enfin se décider à naître ?

Cette fascination des médias pour tout  ce qui touche à la gente royale est aussi étonnante que ridicule. Passe encore les aventures du prince et des princesses de Monaco. Ils font un peu partie de la famille pour nous Français (et plus encore pour ceux qui, comme moi, ont des origines niçoises). Passe encore l’abdication des monarques hollandais ou belge. Bien que n’ayant pas plus de pouvoirs que nos présidents de la 4ème république, il s’agissait néanmoins de chefs d’Etats en exercice de pays qui nous sont proches (et, s’agissant de la Belgique menacée d’éclatement, le rôle du roi n’est pas négligeable). Le Royaume-Uni l’est lui aussi, mais dans le cas du rejeton de Kate et Williams, la perspective du règne est encore très lointaine.

Que les Anglais soient massivement attachés à la monarchie, personnellement je ne l’approuve pas, mais je le comprends. Tous les peuples ont besoin de racines, de repères et de valeurs partagées. L’ « Union Jack » (drapeau britannique), l’hymne « God save the Queen » (« Dieu sauve notre reine »!) constituent des points de ralliement pour des millions de gens. Hier soir sur les Champs-Elysées, lorsque le vainqueur du tour de France, le britannique Christopher Froome, s’est découvert sur le podium pour écouter l’hymne de son pays, il ne pensait sans doute pas aux paroles insignifiantes de cet hymne, mais il communiait avec 60 millions de Britanniques et, au-delà, avec la cinquantaine de pays du « Commonwealth » qui se reconnaissent une communauté de destin avec les Anglais, « sujets » de sa « gracieuse majesté ». Etre « sujet » dans ce pays qui inventa la démocratie moderne est, d’évidence, ironique, mais les Anglais assument et chacun sait qu’ils ont beaucoup d’humour, même si cet humour n’est pas toujours compréhensible au-delà du « Channel ».

Considéré sous l’angle de la cohésion nationale et des valeurs collectives du peuple britannique (plutôt des peuples car les Ecossais, les Gallois et les Irlandais ne sont pas des Anglais, ce qui est officiellement admis), je respecte le symbole que représente la monarchie anglaise pour tous les pays (il y en a seize) qui ont le reine Elisabeth comme chef d’Etat. Les Anglais sont des pragmatiques. Ils ont créé des institutions démocratiques bien avant la Révolution française, mais ils ont gardé l’apparat d’une monarchie qui ne sert à rien sur le plan politique mais qui symbolise la Nation et, last but not least, qui engendre de formidables recettes touristiques et télévisuelles. Après tout, la France républicaine continue à être fière du château de Versailles du « roi soleil », mais aussi de tous les symboles, à commencer par l’Arc de Triomphe de Paris, de l’empire de Napoléon. Alors, si les Anglais veulent continuer à demander à «Dieu», de « sauver » leur reine, même lorsqu’ils sont athées, pourquoi pas ? Libre à eux.

Mais moi je suis Français et pas Anglais. Mes collègues ambassadeurs britanniques sont des « ambassadeurs de sa Majesté » (c’est écrit sur l’attaché-case standard fourni par le « Foreign Office » qu’ils ont tous). Personnellement, cela me gênerait. Je préfère représenter la République et je préfère les paroles de la Marseillaise à celles de l’hymne anglais. La République, la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, cela me touche. Pas la révérence devant un bébé royal dont le seul mérite est d’être un « fils de » et qui passera sa vie à aller en carrosse de château en château. Je préfère les gens qui, grâce à leur travail et à l’école républicaine, se sont fait tout seul.

Mon attitude et mon opinion sont loin d’être isolées. Elles sont même majoritaires dans notre pays. Selon un sondage réalisé cette semaine, les deux-tiers des Français estiment que la naissance du bébé royal anglais est un non évènement et les trois-quarts disent, comme moi, qu’ils s’en fichent.

Alors, messieurs des médias, de grâce, respectez le public auquel vous vous adressez. La minorité qui s’intéresse à la famille royale britannique peut se brancher sur le câble sur la BBC ou écouter la radio anglaise via internet (la BBC a des émissions en français, pour ceux qui ne comprennent pas la version originale). Elle peut aussi se procurer les quotidiens anglais. 

Laissez la famille royale anglaise aux Anglais et épargnez les Français d’informations sur des évènements qu’ils considèrent à une écrasante majorité comme des non-évènements. Votre persistance à en faire des sujets faisant la une de vos journaux et l’ouverture de vos bulletins d’informations est insupportable. Elles constituent un « bourrage de crâne » inadmissible.

Défendez plutôt les valeurs de la République et faites-en la promotion. Ce serait plus utile. Ce qui se passe à Trappes et ailleurs, où ces valeurs sont bafouées par des énergumènes qui crachent, le plus souvent en toute impunité, sur la France, montre qu’il y a urgence.

Les Anglais sont respectables car ils respectent leurs symboles et leurs valeurs. Inspirons-nous de leur civisme. Au lieu de n’en retenir que l’aspect folklorique, tirons-en les conclusions et les enseignements pour notre pays.

En attendant de faire enfin votre travail, messieurs les journalistes, merci de ne plus nous parler (avant la dernière page de vos journaux), de la naissance du dernier rejeton royal.

Parce que, franchement, on s’en fout !

                                                                                              Yves Barelli, 22 juillet 2013               

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