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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 23:38

Dans le flot des mauvaises nouvelles qui constituent en ce moment le quotidien de notre pays, il en est parfois qui réjouissent le cœur.

 

Je viens de voir sur France 2 un reportage sur la petite ville bretonne de Carhaix-Plouguer, dans le Finistère. On y fait état de la décision du bureau de poste local de rendre à la langue bretonne la place qui devrait partout être la sienne. Désormais, toutes les inscriptions sont bilingues.

 

Cette initiative n’est pas isolée dans cette sympathique ville. La municipalité montre l’exemple avec les inscriptions sur la voie publique, mais aussi, et c’est encore mieux, la diffusion de documents administratifs en langue bretonne. Dans le cours du reportage, on voit ainsi des livrets de famille bilingues. Le maire, interviewé, souligne à juste titre qu’une langue qui n’est pas visible est une langue morte, même si elle est encore parlée au fond des chaumières.   

 

C’est un exemple à suivre qui montre que, même dans le cadre d’une attitude timide des pouvoirs publics nationaux (c’est un euphémisme pour dénoncer la méprisante ignorance des langues dites régionales), les collectivités locales ont tout de même quelques marges de manœuvre pour promouvoir les langues de France autres que le français. Cela va des subventions aux associations culturelles à l’aide à l’édition de livres ou de CD en passant par les panneaux routiers et les noms de rues bilingues. De telles actions sont sans doute insuffisantes mais, à la décharge des collectivités concernées, reconnaissons que cette période de crise n’est pas tellement propice à la générosité et que la population n’est pas toujours demandeuse. Il suffit pourtant de se promener aux quatre coins de l’hexagone pour constater qu’elles existent. Je n’ai pas connaissance d’autres bureaux de poste bilingues ailleurs qu’à Carhaix, mais l’initiative pourrait faire des émules. En revanche, les panneaux bilingues ne sont pas rares. A titre d’exemples au gré de récents voyages, je citerais Biarritz, Perpignan et Toulouse (il y en a beaucoup d'autres). Dans cette dernière ville, il parait que le métro parle aussi occitan, mais je ne l’ai pas vérifié.

 

Je renvoie les lecteurs à l’article que j’avais consacré sur ce blog le 9 octobre 2011 aux « langues régionales de France, patrimoine méconnu ». J’y rappelais que, en dépit du silence assourdissant de la presse dite nationale, en fait parisiano-centrique, pour laquelle le côté extérieur du boulevard périphérique est déjà terre de mission, les langues « régionales » de France ne sont pas encore mortes. Le breton, mais aussi l’occitan, le basque, le catalan, le corse ou l’alsacien (forme locale d’allemand) sont parlés en France par deux à quatre millions de personnes, qu’elles sont enseignées (insuffisamment) à l’école, diffusées (à doses homéopathiques) sur FR3, et comprises, plus ou moins, par une bonne dizaine de millions de personnes (y compris dans une grande ville comme Marseille) qui ne savent plus les parler mais qui en ont gardé l’accent et un riche lexique local (procurez-vous, si vous êtes curieux, les lexiques de « parler marseillais » : des centaines d’expressions occitan pur jus ou à peine francisé que nous employons tous les jours sans même, souvent, savoir que ce n’est pas du français).

 

Tout cela n’est pas du folklore, mais une part essentielle de l’identité des gens. Dans ce monde déboussolé où on perd nos repères, ce n’est pas négligeable. 

 

Chez la plupart de nos voisins, ce type de considérations est une banalité. On trouve normal que les langues parlées autres que la langue officielle de l’Etat aient droit de cité. Au Pays de Galles et en Ecosse, les langues celtiques de ces terres sont reconnues, enseignées, diffusées, subventionnées. Dans la Vallée d’Aoste et au Sud-Tyrol, le français et l’allemand sont langues officielles à côté de l’italien. Pour ne pas parler de l’Espagne où, comme on commence enfin à le savoir en France, le basque et le catalan sont non seulement langues officielles d’Euskadi et de Catalunya, mais sont aussi langues d’enseignement et langues des médias.

 

Le Conseil de l’Europe, cet organe pan-européen qui siège à Strasbourg (et qui n’a rien à voir avec l’Union européenne) a été à l’origine d’une convention internationale signée en 1992 et ratifiée par presque tous les pays d’Europe, sauf la France, et qui s’appelle la « charte européenne des langues régionales ou minoritaires ». Cette charte prévoit le droit pour toute personne parlant une langue régionale de l’utiliser dans la vie quotidienne (y compris donc à la poste), mais aussi, si elle le souhaite, en justice et son droit à recevoir un enseignement dans sa langue.

 

Cette charte est effectivement appliquée un peu partout dans notre continent. Lorsqu’on entre dans les régions concernées, on le voit immédiatement aux panneaux routiers bilingues. Mais, cela va bien au-delà.

 

En revanche, dans la ville où siège le Conseil de l’Europe, pas un mot, pas une inscription en alsacien. Curieux, non ?

 

Le candidat François Hollande avait inscrit dans ses propositions électorales l’engagement de ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

 

Louable intention, en espérant que, une fois ratifiée, on se donnera les moyens de l’appliquer.

 

Le président de la république n’a été élu que depuis six mois. Reconnaissons que les urgences de toutes natures sont telles qu’il est compréhensible que cette ratification n’ait pas constitué la toute première priorité.

 

Nous osons croire que cet engagement sera tenu. François Hollande est né en Normandie et a passé son enfance à Neuilly. Mais il a fait ensuite l’essentiel de sa carrière politique en Corrèze, département du Limousin où l’usage de l’occitan est encore vivant. La Corrèze a joué un rôle important du temps de la splendeur de la civilisation occitane. Plusieurs troubadours y ont vu le jour, à commencer par le plus célèbre d’entre eux, Bernart de Ventadour qui, au 13ème siècle, anima la cour d’Aléonor d’Aquitaine, d’Henri Plantagenet (qu’il suivit en Angleterre) et de leur fils Richard Cœur de Lion, tous éminents occitanophones (les rois d’Angleterre étaient en même temps ducs d’Aquitaine).

 

Parmi les poésies les plus fameuses de Ventadour, il y a celle-ci :

 

« Lo temps vai e vèn e vire

   Per jorns, per mes e per ans

  E èu, non sai que dire

  C’ades es us mon talan… »

 

(Le temps va, vient et revient – par les jours, les mois, les ans – et moi, je ne sais que dire – car cela ajoute à mes tourments).

 

Monsieur Hollande, depuis 2010, on a inscrit dans la Constitution que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Alors, ne laissez pas s’éterniser le temps qui ne pourra qu’ajouter du tourment à un trésor menacé. Par égard aux habitants du département qui vous a tant donné et conformément à votre engagement,

 

NE TARDEZ PAS A FAIRE RATIFIER PAR LE PARLEMENT FRANÇAIS LA CHARTE EUROPEENNE DES LANGUES REGIONALES ET MINORITAIRES !

 

                                                                                              Yves Barelli, 9 novembre 2012 

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