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18 juillet 2017 2 18 /07 /juillet /2017 13:19

Après la marginalisation internationale de la France sous Hollande, ponctuée de quelques rodomontades incompréhensibles et, pour tout dire, ridicules, la France semble, avec Macron, refaire surface. Nous avons enfin un « vrai » président et cela est positif, même si certaines de ses initiatives sont contestables. Pour autant, les signaux envoyés sont contradictoires, mêlant gestes d’indépendance et de soumission, assurant l’armée de sa sollicitude tout en humiliant publiquement son chef d’état-major et en coupant outrageusement dans les crédits de défense, pourtant notoirement insuffisants au regard des missions, coupures budgétaires qui frappent aussi l’intérieur et les affaires étrangères, mettant ainsi en péril tant la sécurité des citoyens que la représentation de la France dans le monde.  Où veut en venir le nouveau président français ? Saura-t-il se donner les moyens (pour le moment, ce serait plutôt le contraire) de sa politique (à la visibilité encore bien faible, si tant est que, au-delà des effets de « com », il ait vraiment une politique) ?

1/ J’estime positif l’accueil à Paris de Vladimir Poutine et de Donald Trump. Cela contraste avec la timidité, voire l’hostilité dont font preuve à peu près tous les autres dirigeants ouest-européens dont le « politiquement correct » se confond avec un anticommunisme et antisoviétisme primaires transposés à la Russie de Poutine, à leurs yeux pas très différent de Brejnev et même de Staline, et avec un « anti-populisme » qui place le président américain, qu’ils considèrent comme peu, voire pas, légitime, au rang de Marine le Pen ou de Nigel Farage, voire de Mussolini. Cette attitude pitoyable de politicards hypocrites qui frayent avec tous les dictateurs de la terre, du moment qu’il y a des affaires à faire avec eux, tout en parlant, la main sur le cœur, de « démocratie », de « liberté » et de « morale », donne tout simplement la nausée et, arrière-pensées ou pas du président, je lui rends, dans le cas d’espèce, hommage. Il donne l’impression (il est trop tôt pour savoir si c’est une simple impression ou une réalité plus solide) de faire enfin à nouveau exister la France après l’effacement presque total de notre pays sous le calamiteux mandat de Hollande.

Le tapis rouge déployé pour le président américain par Macron est un modèle de diplomatie. Trump est rentré à Washington visiblement conquis par le jeune Macron. A cet égard, je ne partage pas la critique de certains qui se sont émus du fait que le président français utilise plus fréquemment que ses prédécesseurs (Sarkozy et Hollande sont nuls en anglais) la langue de Shakespeare. Je suis pourtant moi-même pointilleux sur le sujet (j’ai été chef du service des affaires francophones au Quai d’Orsay et je reste un militant de la francophonie). Mais s’il est hors de question de prononcer un discours officiel en anglais, il est en revanche utile de pouvoir s’exprimer en privé dans la langue d’un interlocuteur qui ne maitrise pas le français. C’est ce que j’ai toujours fait et Macron, qui parle bien anglais, a raison de le faire. Aussi bon que soit un interprète, il est toujours un frein à un dialogue direct. Mon expérience me l’a toujours fait constater. En tout cas, notre président a été efficace et c’est tant mieux.

Avec Poutine, même s’il y avait davantage de motifs de friction et bien que Poutine ne parle pas français ni Macron russe (c’est un avantage de Merkel et de Poutine de bien maitriser la langue de l’autre et cela facilite leur dialogue), le courant semble avoir passé.

2/ Je suis en revanche doublement critique s’agissant de la venue à Paris de Benjamin Netanyahou. Le premier ministre israélien est un extrémiste notoire habité par la certitude à la fois d’avoir raison (au besoin contre tout le monde) et d’avoir un pouvoir sans limite du fait que ce n’est pas le président américain qui impose sa volonté à Israël mais le contraire du fait que le « lobby » juif est majoritaire au Congrès de Washington (quant aux Européens, France comprise, ils sont, pour les Israéliens, quantité négligeable et contraints, de toute façon, d’obéir aux Etats-Unis, et donc à Israël).

Dans ces conditions, parler de relance du « processus de paix » avec le premier ministre israélien est, dans le meilleur des cas, sans objet compte tenu des circonstances, et, dans le pire, une gesticulation hypocrite peu glorieuse pour masquer l’incapacité ou le manque de volonté de peser sur la politique agressive d’Israël (plutôt que des mots, il vaudrait mieux revoir l’accord de commerce entre l’UE et Israël, scandaleusement bienveillant envers un Etat qui viole toutes les résolutions du Conseil de Sécurité depuis soixante ans).

La deuxième raison, plus grave, pour laquelle je pense qu’il n’y avait pas lieu d’inviter Netanyahou à Paris, est qu’on l’a indument associé à une question intérieure française, celle de la déportation de compatriotes juifs pendant la seconde guerre mondiale. Ce fut un épisode noir de notre histoire mais j’estime avec le général de Gaulle, François Mitterrand et beaucoup d’autres responsables français, passés ou présents, que la « vraie » France était à Londres et dans les maquis de la Résistance, pas à Vichy et que, en conséquence, ce n’est pas la France qui commit ce crime mais le régime de Pétain. Le discours de Macron, avant-hier, prononcé en présence d’un premier ministre étranger auquel on confère un droit de regard sur ce que nous faisons (qu’il s’occupe plutôt des crimes commis par son armée ou ses colons en Palestine occupée !), est indécent parce qu’injuste envers les Français dans leur ensemble et spécialement injurieux envers les milliers de résistants qui ont laissé leur vie pour lutter contre l’occupant allemand et leurs « collabos » français (avec, en outre, une contradiction : les Allemands, eux, ne seraient pas collectivement responsables pour les crimes de Hitler, mais nous oui !).

J’espère qu’un jour, un président français responsable reviendra sur cette dérive amorcée par Chirac (mais avec des précautions de langage), amplifiée par Sarkozy et Hollande et désormais portée au-delà des limites de la décence par Macron.                       

3/ Il est encore trop tôt pour porter un jugement argumenté sur la politique de Macron vis-à-vis de Merkel.

Au premier degré, elle se place dans la droite ligne de la soumission de Hollande. Macron, comme son prédécesseur, est allé, dès sa prise de fonction se faire adouber par la chancelière. Les mauvaises langues, dont moi, disent qu’il est allé prendre ses ordres à Berlin. Si c’est le cas, cela est indigne de notre pays, l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité et puissance nucléaire, ce qui le place, dans la hiérarchie mondiale, au-dessus de l’Allemagne. Sans même parler de la seconde guerre mondiale dont, n’en déplaise à certains, les effets perdurent encore aujourd’hui, même s’ils sont atténués.

Mais certains commentateurs, sans doute bienveillants envers Macron, laissent entendre que cette soumission à Merkel n’est qu’apparence et que, par ses initiatives, notamment avec Poutine et Trump, Macron entend en fait contourner Merkel pour redonner à la France le rôle qu’elle a perdu sous Hollande. Après le « brexit », la France est la seule puissance nucléaire de l’UE et cela lui assure, à terme, plus de poids qu’à l’Allemagne. Ces commentateurs ajoutent parfois, ou le laissent entendre, que Macron veut revenir le plus vite possible dans les « clous » des 3% de déficit budgétaire « imposé » par Bruxelles, pour encore mieux assurer notre indépendance.

J’espère qu’ils ont raison. Je suis personnellement plutôt sceptique, d’autant que les 3% signifient coupes budgétaires (cf paragraphe suivant), ce qui est en contradiction avec une supposée indépendance militaire et diplomatique, mais attendons. Nous verrons.

4/ Ces coupes budgétaires, inévitables ou pas (je crois qu’on pourrait et on devrait les éviter mais j’accepte le débat), sont un très mauvais signal.

On demande à notre armée des efforts considérables pour accomplir les nombreuses missions qu’on lui assigne : sécurisation d’une zone au Sahel aussi grande que l’Europe, participation au conflit de Syrie-Irak, sécurisation du territoire métropolitain dans le cadre de l’état d’urgence, qui s’ajoutent à une présence mondiale et multiforme en conformité avec le rôle international de la France.

Les moyens, en particulier en matériel, dont disposent l’armée française sont notoirement insuffisants (à titre d’exemple, on manque cruellement d’hélicoptères de combat). Les matériels sont souvent obsolètes et pas assez nombreux, les nouvelles technologies pas assez utilisées. Comparée aux Américains, l’armée française, à bien des égards, est celle du pauvre.

Il serait évidemment irréaliste d’ambitionner les mêmes moyens que les superpuissances que sont les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, la Chine et la Russie, mais il est urgent à la fois de mieux définir les missions de l’armée française (j’ai toujours estimé qu’il ne nous revenait pas de participer aux guerres de Syrie et d’Irak : c’est l’absurde et criminelle interversion de Bush en Irak qui a créé le chaos au Moyen Orient, aux Américains de réparer les conséquences de leurs erreurs ; en revanche, nous devrions intervenir encore plus intensément en Afrique, notre région « normale » de présence, ne serait-ce que pour réparer la stupide intervention en Libye sous Sarkozy ; s’agissant de l’état d’urgence en métropole, des interventions militaires et policières ponctuelles dans certaines « cités » gangrénées par l’islamisme et le grand banditisme me paraitraient plus utiles que de voir ces militaires arpenter nos rues équipés d’armes dont ils n’ont quasiment pas le droit de se servir : un militaire n’est pas formé pour jouer au policier municipal !) et de faire passer le budget de la défense à au moins 2% du PIB.

Emmanuel Macron a réitéré son engagement d’atteindre ces 2% avant la fin 2022 mais que vaut cet engagement lorsque, dans son premier budget, il ampute les crédits de la défense de 850 millions d’euros ? Ce n’est pas seulement un mauvais signal, mais c’est une faute politique majeure.

Cette faute est encore amplifiée par les amputations des budgets d’autres ministères, notamment de l’intérieur et des affaires étrangères.

Pour m’en tenir au ministère que je connais le mieux, celui des affaires étrangères (désormais affublé du nom de « Europe et affaires étrangères », tout un programme !), ce sont 280 millions de crédits en moins pour le prochain budget (sur un budget total de l’ordre 13 milliards, contributions aux organisations internationales et aide au développement compris, cela représente une baisse très significative). Cela va se traduire pour moitié par une diminution des crédits pour l’ « aide au développement » (sur lesquels il est vrai il y aurait beaucoup à dire, ces dépenses étant souvent inutiles) et pour l’autre moitié pour les crédits de fonctionnement de nos postes diplomatiques et consulaires, déjà considérablement affectés par les coupes budgétaires depuis des années (toutes les fois que j’ai vu passer en ambassade une mission d’inspection, je savais que cela se traduisait pas des suppressions de postes) alors qu’on demande toujours plus à nos postes : par exemple pour s’occuper des Français de l’étranger (y compris les « expatriés fiscaux » partis pour échapper à l’impôt en France mais qui continuent à « exiger » leurs droits !) ou des touristes de passage en difficulté, les seuls dont on s’occupe car susceptibles de retombées négatives en France. En revanche, notre action culturelle est sacrifiée : le budget cumulé de nos centres culturels était inférieur (il y a quelques années lorsque j’étais en poste dans les Balkans) aux moyens engagés au Kosovo pour une opération qui n’a profité, en fait, qu’aux Américains et aux gros bonnets des mafias albanaises. C’est encore pire maintenant. Aujourd’hui, la plupart de nos ambassades n’ont plus les moyens minima de fonctionner et le corps diplomatique (comme ailleurs les policiers, les militaires, les enseignants, les douaniers, les personnels médicaux, les pompiers, etc, etc : quand on fait des économies sur l’administration, on casse les services publics et donc on casse l’Etat et donc on pénalise les Français!) est démotivé.

Ces coupes budgétaires et cette politique générale anti-fonctionnaires (dont on gèle, à nouveau, le point d’indice) sont en contradiction avec l’objectif affiché de redonner à la France la place internationale perdue sous Hollande, mais aussi de garantir tout simplement la sécurité et une vie quotidienne décente des Français.

Monsieur Macron, il faut choisir : ou vous respectez l’objectif des 3% « imposé » par Bruxelles et Madame Merkel (sans, dans le même temps, augmenter les impôts des plus riches qui, dans l’Europe de Schengen, risqueraient de s’installer dans les pays d’à côté, et sans, non plus, toucher à l’assistanat de catégories volontairement oisives de la société, car on veut maintenir la « paix sociale », en fait la paix ethnique), ou vous voulez donner les moyens à l’Etat de fonctionner afin de permettre à la France de maintenir son « rang » !

Si vous choisissez la première option, votre accueil réussi de Trump à la Tour Eiffel et aux Champs-Elysées n’aura tout simplement servi à rien. Demandez alors à Madame Merkel d’envoyer ses troupes au Mali à notre place et cédez-lui notre siège de membre permanent du Conseil de Sécurité, et les responsabilités qui vont avec !

Personnellement, ce ne serait pas mon option et je suis en conséquence inquiet.

Le problème avec Macron est qu’on a du mal à déceler un dessein dans son action. Veut-il autre chose que le pouvoir (apparent, si le réel est ailleurs) pour le pouvoir ?

Notre président est un pragmatique machiavélique. C’est à la fois une qualité car il est moins prisonnier du dogmatisme que ses prédécesseurs. C’est aussi un défaut car il privilégie le court terme au long terme et l’apparence de l’action à l’action.

Espérons que l’aspect « qualité » l’emportera et que, par pragmatisme, le président redressera la barre avant qu’il ne soit trop tard.

Yves Barelli, 18 juillet 2017                               

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commentaires

R
c'est un bilderberg mis en place par l'oligarchie et élu avec 57% d'abstention plus les bulletins nuls ou blancs
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