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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 22:46

 

primairessocialistes.pngAvec plus de deux millions de participants, trois denses débats télévisés ayant attiré chacun cinq millions de téléspectateurs, une compétition entre les six participants de bonne tenue et sans dérapage, la primaire « citoyenne » a, jusqu’à présent, constitué un succès pour le parti socialiste. Le pari était risqué tant vis-à-vis de l’organisation d’un exercice inédit en France, de l’inconnue quant à la participation et du risque d’affrontements destructeurs entre candidats qui n’était pas à exclure.

 

Je reconnais d’autant plus volontiers ce succès que je n’étais pas favorable à l’exercice. J’estimais qu’il appartenait aux membres du parti à la fois d’élaborer le programme socialiste et de désigner le plus apte à le défendre devant les électeurs. L’intérêt manifesté dans le public comme le nombre relativement important des électeurs qui se sont déplacés (dans l’absolu et plus encore compte tenu de la novation et de la relative complexité du vote, hors et en nombre plus restreint que les bureaux habituels) montrent que cette primaire citoyenne correspondait sans doute à une attente plus forte que celle que j’avais prévue. Je m’y rallie donc par réalisme. Avec cette primaire, on peut penser que cette formule sera pérenne, non seulement au PS, mais aussi dans d’autres formations politiques, y compris à droite. Je note accessoirement que les dérives de type américain (débauche de moyens, excessive personnalisation au détriment des idées) qui constituent un réel danger dans ce type d’exercice, n’ont pas eu lieu. Je m’en félicite.

 

Une fois de plus, les instituts de sondages, en dépit de la nouveauté et de la difficulté de l’opération, ont bien fait leur travail. Ils avaient prévu l’avance de François Hollande (qu’ils avaient certes exagérée), la deuxième position de Martine Aubry et même qu’Arnaud Montebourg avait des chances de faire un bon score, ce qui s’est confirmé. Ils n’avaient toutefois pas anticipé l’ampleur de la défaite de Ségolène Royal et avaient légèrement surestimé le score d’Arnaud Montebourg.

 

Les débats télévisés de cette primaire ont mis en évidence le clivage idéologique qui existe non seulement au sein du PS mais aussi de la gauche. Cela n’est pas nouveau. Il y a longtemps que les courants socio-démocrates (ou socio-libéraux) et socialistes plus radicaux s’opposent. Le clivage existait déjà du temps de François Mitterrand avec une aile gauche chevènementiste et un courant droitier autour de Michel Rocard. Il s’est accentué lors du référendum sur la constitution européenne en 2005.

 

S’il y avait un certain équilibre au sein du PS entre ailes gauche et droite sous Mitterrand, le balancier s’était nettement porté vers la droite dans les années 1990. Cela était dans l’air du temps : effondrement du communisme, hégémonie de l’idéologie néo-libérale, émergence d’une « pensée unique » dans laquelle nombre de dirigeants socialistes ont cru devoir se fondre. Le gouvernement Jospin, avec ses privatisations massives et ses baisses d’impôts pour les plus hauts revenus, a confirmé la dérive. Comme disait Guy Bedos : « Il parait que Jospin a été de gauche. Mais, on ne le voit plus ». L’élimination du candidat socialiste dès la premier tour de la présidentielle de 2002 a montré que l’électorat de gauche ne comprenait pas ce cheminement et ne l’approuvait pas.

 

Le référendum européen de 2005 a hélas confirmé que la direction du PS, sous la houlette de son premier secrétaire François Hollande, n’avait pas compris le message du « peuple de gauche ». Il s’est prononcé pour l’Europe des marchés financiers, de la déréglementation, des privatisations, des démantèlements de services publics et du moins disant social, une Europe prison des peuples et paradis du grand capital.

 

Les Français se sont massivement prononcés contre cette Europe-là, mais le PS l’a majoritairement soutenu. Dès lors, une partie de son « aile gauche » a préféré quitter le parti. Jean-Luc Mélenchon a pris le large, comme Chevènement l’avait fait quelques années plus tôt.

 

D’autres sont restés. On les retrouve aujourd’hui autour d’Arnaud Montebourg, mais aussi de Benoît Hamon, qui, lui, soutient Martine Aubry.

 

Le score réalisé par Arnaud Montebourg – 17% - au premier tour de la primaire est bon. Il est le reflet de l’existence d’une forte minorité qui estime que la seule réponse socialiste à la crise économique et financière réside dans la remise en cause fondamentale du système, y compris certains de ses dogmes tels le système monétaire européen ou l’ouverture exagérée des frontières, en d’autres termes sur la nécessité de se protéger de la dictature des « marchés », des institutions financières, de la logique des délocalisations et des baisses de salaires par la « démondialisation ».

 

Si on ajoute au score de Montebourg, la force de ceux qui préconisent des solutions voisines à l’extérieur du PS, notamment autour du Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon et d’une partie des écologistes, on constate qu’il existe un fort courant favorable à des positions de combat anticapitaliste plus radical et plus novateur.

 

Ce courant n’est toutefois pas majoritaire. Les deux candidats arrivés en tête, François Hollande et Martine Aubry, restent sur des positions qui n’augurent ni une remise en cause fondamentale dans la posture du PS ni une rupture dans les positions du gouvernement de la France si la gauche arrive au pouvoir. Les aspects les plus négatifs et les plus scandaleux du sarkozisme seront certes gommés, et on peut s’en féliciter, mais je doute que la fin du tunnel soit vraiment au rendez-vous. Pis, je crains des désillusions chez ceux qui auront porté le PS au pouvoir. Mais je souhaite me trouver. Les prévisions pessimistes sont parfois démenties !

 

Au premier tour de la primaire, je me suis prononcé pour Arnaud Montebourg. Cela ne m’a pas empêché de trouver que les autres candidats étaient de bonne qualité. On peut estimer qu’un programme politique n’est pas globalement le meilleur tout en trouvant du bon dans les propositions et des qualités chez ceux qui les défendent. L’ « ordre juste » de Ségolène Royal et ses idées sur la participation citoyenne me plaisent, Manuel Valls a de bonnes idées sur la sécurité, je n’oublie pas le bon bilan ministériel de Martine Aubry, la réflexion approfondie de François Hollande sur la fiscalité est positive et la proposition courageuse de dépénalisation de la consommation de cannabis de Jean-Michel Baylet mérite considération.

 

Je souhaite que les deux candidats du second tour sachent raison garder et qu’ils se souviennent qu’ils auront à gouverner ensemble si, comme on le souhaite, le candidat socialiste l’emporte en 2012. Je souhaite aussi que le futur président, s’il est de gauche, ait le souci de former un gouvernement représentatif de la diversité des composantes de la gauche et qu’il confie des responsabilités gouvernementales à ceux qui seront les plus à même de les exercer. Je verrais bien, par exemple, Valls comme ministre de l’intérieur, Montebourg à la justice et Baylet aux PME. Je souhaite aussi que Ségolène Royal puisse occuper une fonction en rapport avec son rôle passé et les idées novatrices dont elle est capable.

 

En ce qui me concerne, je ne prendrai pas part au deuxième tour de la primaire qui sera probablement gagné par François Hollande. Je ne me reconnais pas beaucoup dans son programme mais c’est un rassembleur capable de battre Sarkozy. Sera-t-il un bon Président ? Là, je ne me risquerais pas à parier.

 

Je voterai probablement (mon choix sera fonction, in fine, de la campagne) au premier tour de la présidentielle pour Jean-Luc Mélenchon bien que je ne sois pas en accord avec l’intégralité de ce qu’il préconise et s’il y a un socialiste au second tour de la présidentielle, ce que je souhaite, je voterai pour lui. Sans illusion. Nous en reparlerons…

 

Yves Barelli, 9 octobre 2011

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