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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 16:10

Un nouvel épisode neigeux s’est abattu sur la France le 12 mars. 40 centimètres sur la Normandie, 20 sur le Nord, la Picardie et l’Ile de France. Les trains bloqués, les bus à l’arrêt, l’autoroute A1 paralysée, plusieurs centaines de « naufragés ». Et, comme d’habitude, la polémique. Mais que fait le gouvernement ?

Les témoignages entendus à la télé sont édifiants : « une pareille situation en 2013, quel scandale ! », « Ah, pauvre France, 5 cm de neige et c’est le chaos. Au Canada ou en Allemagne, avec dix fois plus, tout fonctionne normalement ! », « Nous sommes restés coincés toute la nuit et ils ne nous ont même pas apporté de l’eau ! » (Faut-il instaurer un droit constitutionnel à recevoir café et croissants ?), etc, etc.

C’est chaque fois la même chanson. Toutes les fois que la neige s’abat sur le pays, les mêmes qui, probablement, se plaignent en permanence de payer trop d’impôts et qui pensent qu’il y a trop de fonctionnaires, râlent cette fois parce qu’il n’y a pas assez de moyens de déblaiement et qu’ « ils » nous laissent tomber. Comme d’habitude aussi, les productivistes de tous poils, surtout quand ce sont eux qui touchent des dividendes, déplorent la perte de journées de travail, alors que, c’est bien connu, la neige n’est jamais un obstacle ailleurs (pour Singapour et Rio de Janeiro, ils ont raison !).

Quant aux médias, c’est l’aubaine. Les envoyés spéciaux, couverts de neige (cette mode nous est venue depuis quelques années des Etats-Unis : il faut faire de la téléréalité : les pieds dans l’eau quand il pleut, le front en sueur quand il fait chaud, etc), constatent, sur l’autoroute, que ça ne roule plus (on pourrait, aussi bien, sortir des images d’archive. Ça coûterait moins cher : ce sont toujours les mêmes !) et, panneaux de gares à l’appui, que les trains sont en retard. Ça meuble les journaux télévisés et ça fait de l’audience (c’est vrai qu’il est utile de savoir ce qui se passe, ne serait-ce que pour dire « j’y étais » ou, au contraire, « j’ai de la chance de ne pas y être »). Ça change un peu de la mort de Chavez ou du dernier règlement de comptes à Marseille et c’est un petit entracte dans l’élection du pape (on aura quand même droit à la fumée noire de la Chapelle Sixtine).

Trêve de plaisanterie. Certains disent déjà, se tournant vers moi : « il peut gloser, s’il était coincé lui-même, il réagirait autrement » (ça m’est arrivé il y a quelques années. C’est vrai que passer la nuit dans une voiture sur une autoroute sans bouger et sans savoir quand on va repartir, c’est pas rigolo).

D’ailleurs, je ne dis pas qu’il n’y a rien à faire. Les pouvoirs publics ont des responsabilités. Mais les citoyens aussi.

Météo-France a bien fait son travail. L’alerte neige a été donnée la veille et tout le monde était censé savoir à quoi s’en tenir. Les préfets et leurs services ont pris les bonnes mesures et les cantonniers ont fait leur travail. Le Premier Ministre a présidé une cellule de crise. Rien à dire. Ils ont fait avec les moyens dont ils disposent.

Mais doit-on équiper la ville de Paris de 500 chasse-neiges pour les utiliser une à deux fois par an (et encore pas chaque année) ? Faut-il équiper Marseille en moyens identiques pour la chute de neige qui frappe la cité phocéenne une à deux fois par décennie ? Ce serait coûteux et le rapport prix-avantage serait exorbitant. Ridicule, comme le sont ceux qui protestent (et, répétons-le, qui protestent aussi, souvent, contre les impôts). Seraient-ils d’accord pour payer une nouvelle taxe locale « intempéries » ?

Quant aux journées de travail « perdues », s’il vous plait, arrêtez de dire n’importe quoi. Une journée de moins est presque toujours rattrapée par un peu plus d’intensité dans le travail les journées suivantes afin de rattraper le retard. C’est comme le sommeil : après une nuit blanche, on rattrape. Et les 11% de chômeurs que nous avons, ça représente combien de journées perdues et de manque à gagner pour l’économie ?

Question responsabilités, j’en vois surtout deux.

Je n’ai pas tous les éléments pour apporter un jugement définitif, mais j’ai l’impression que la société qui exploite l’autoroute A1 (Paris-Lille) n’est pas exempte de critiques. Elle n’aurait pas dû laisser entrer les milliers de camions qui ont bloqué les voies et empêché les chasse-neiges de passer. J’avais eu le même problème il y a quelques années dans la vallée du Rhône. En plaine, la neige, même abondante, n’est pas un obstacle rédhibitoire pour une voiture normalement conduite (l’incompétence de nombreux conducteurs est, en revanche, un problème). Par contre, au premier raidillon, le poids-lourd se met en travers et bloque tout. C’est ce que j’avais constaté du côté de Montélimar.

Les autoroutes françaises sont parmi les plus chères au monde et les sociétés distribuent des dividendes juteux à leurs actionnaires. Avec ces sociétés, l’usager est en droit d’être exigent. Elles ont largement les moyens de déneiger car elles touchent, de fait, cette taxe-intempérie que j’évoquais plus haut.

La deuxième catégorie de responsables me parait être les usagers eux-mêmes, du moins certains d’entre eux. Les préfets ont signalé de nombreux camions qui ont circulé en dépit des interdictions. La course au profit de certains patrons les poussent à faire prendre des risques à leurs chauffeurs (et à la collectivité). Certains préfèrent risquer une forte amende plutôt que d’immobiliser leurs camions. Il faudrait peut-être un peu plus sévir. Les considérations économiques ne devraient pas primer sur tout. Quant aux automobilistes ordinaires, certains, « plus forts que les autres », commencent à doubler n’importe comment dès que la circulation est plus difficile. Ils contribuent ensuite fortement au chaos.  

En temps normal, déjà, nos autoroutes sont saturées du fait de poids-lourds qui se suivent à la queue-le-leu. On comprend que, en cas, d’intempérie, la situation vire au cauchemar. C’est notamment le cas de la A1. On touche là du doigt le sous-produit de cette mondialisation imbécile qui transporte d’un bout à l’autre de la planète ce qui pourrait très bien être produit près de chez nous. Encore faudrait-il décourager ces transports écologiquement néfastes et économiquement inutiles. Ce n’est, hélas, la tendance ni de l’UE, ni de l’OMC.  

Et les citoyens ? Sans vouloir me citer en exemple, je note que j’ai toujours dans ma voiture, même lorsque je ne sors pas de Paris, au moins une couverture (même en été, ce peut être utile, par exemple pour arrêter un début d’incendie) et une bouteille d’eau. Lorsque je sors de Paris, en voiture comme en train, j’ai, en outre, au moins un sandwich en réserve.

Je suis frappé de l’inconscience de nombreux automobilistes, y compris voyageant avec des jeunes enfants, qui ne prennent rigoureusement aucune précaution. Se comportant comme des montons, ils attendent simplement qu’on s’occupe de tout à leur place. J’entendais ce matin à la radio que les Anglais sont, à cet égard, davantage responsabilisés que les Français. Quand on prend la route avec un risque de neige, il faut assumer.

Ces inconscients sont évidemment fautifs. Mais les pouvoirs publics aussi, d’une certaine façon. Il faudrait faire beaucoup plus de prévention (d’une façon générale, sur la route, on ne raisonne que par sanctions : parce qu’on n’a pas le gilet fluorescent réglementaire, parce qu’on est en excès de vitesse, etc). En France l’information et la prévention sont déficientes. Les seuls « spots » de la prévention routière tendent davantage à culpabiliser l’automobiliste (en montrant, par exemple, les conséquences affreuses d’un accident) qu’à l’éduquer. C'est dommage. Inciter à rouler toujours plus lentement, ça ne suffit pas. 

Je propose que toute publicité à la télévision pour des produits liés à la route (en particulier ces pubs incessantes pour faire acheter des voitures) soit assortie d’une taxe (représentant, mettons, 10% du prix payé) afin de diffuser, sur les mêmes antennes et aux mêmes heures, une véritable information de l’automobiliste. Par exemple, la conduite sur neige ne s’improvise pas. Il y a quelques petits « trucs » que les automobilistes de pays plus froids connaissent et que ne connait pas forcément le Parisien moyen. La télévision et internet seraient un moyen adéquat de l’éduquer.

Un mot, enfin, sur notre pays, « au-dessous de tout » dès le premier flocon. Ceux qui le disent n’ont, ça se voit, jamais vécu à l’étranger. En Allemagne, les autoroutes sont dégagées, mais plusieurs heures seulement après la fin d’une forte chute de neige. Simplement, parce qu’il n’y a pas de miracle. La neige peut s’accumuler très vite et, à moins d’avoir un chasse-neige par kilomètre, on n‘a tout simplement pas le temps de déblayer au fur et à mesure. Hier, l’aéroport de Francfort, a été fermé. En Allemagne, pas plus qu’ailleurs, il n’y a de miracle. Sans doute, une meilleure discipline des usagers permet-elle d’atténuer les inconvénients mais elle ne les supprime pas.

J’ai vécu aux Etats-Unis : New-York, et même Washington, sont régulièrement paralysés par la neige. Même au Canada, où les citoyens acceptent de payer de lourds impôts pour financer un matériel, qui, lui, sert souvent, il arrive que routes et aéroports soient bloqués.

Je crois qu’il faudrait enfin revenir à une idée simple : la nature est la nature. On peut atténuer ses effets, on peut minimiser par la prévention et l’information, les pertes en vies humaines. Mais, on ne peut s’en affranchir. Les constructeurs en zone d’avalanche ou inondables l’ont appris à leurs dépens (ou, plutôt, aux dépens  de ceux qui y habitent).

Alors, respectons la nature et ses contraintes. Une chute de neige devrait être un moment festif pour les enfants (et pour les adultes) et ne pas être considérée comme une catastrophe nationale, « faisant perdre un jour de travail » et entravant notre « compétitivité ». Profitons des paysages, sortons les luges et faisons des concours du plus beau bonhomme de neige. Dans un siècle, lorsque le réchauffement climatique aura fait son effet, nos descendants regretteront cet heureux temps.

Je propose que toute alerte neige soit aussi l’occasion pour les pouvoirs publics de demander aux usagers des routes comme des transports en commun (hier, la SNCF aurait peut-être pu mieux faire, notamment en information, mais là non plus, il ne peut pas y avoir de miracle) de s’abstenir de sortir sauf nécessité absolue. Si l'incitation est insuffisante, la loi pourra s'en charger. Des entreprises et des écoles fermées trois à quatre jours par an, ce n’est pas la fin du monde. Laissons, ces jours-là, la chaussée aux services de secours du SAMU et des pompiers, aux services de voirie et aux seuls travailleurs des services publics (à titre d’exemple, les retards d’avions à Roissy sont davantage dus à l’impossibilité pour les personnels au sol de rejoindre l’aéroport, du fait des embouteillages exceptionnels, qu’aux problèmes techniques sur les avions du fait de la neige).

Et pour les autres, ces jours de congés supplémentaires seront l’occasion de dormir, de se retrouver en famille ou…, comme moi, d’écrire sur son blog. Les RTT, ça existe. Quant au dégagement de la neige, ceux qui pestent contre l’ « absence lamentable de service public, alors qu’on paye des impôts », feraient mieux de prendre une pelle et de dégager chaussées et trottoirs (obligatoire pour les riverains, mais combien le font ?) devant chez eux, plutôt que d’attendre qu’on fasse tout à leur place !

Bonnes vacances de neige…chez vous à Paris (et ailleurs) !

                                                                                  Yves Barelli, 13 mars 2013                                                        

 

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