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3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 13:38

L’inconvénient de ce qu’on appelle le « politiquement correct » est de cantonner la pensée dans une rhétorique et dans quelques vérités révélées qui empêchent toute réflexion et même tout début de débat.

La « construction » européenne fait partie de ce politiquement correct qui emprisonne dirigeants et peuples européens. Nous vivons désormais dans un régime de souveraineté limitée qui ôte presque toute marge de manœuvre aux gouvernements de l’Union européenne. Désormais, nous n’avons plus de politique industrielle puisque un volontarisme en la matière serait contraire aux sacro-saints principes de la libre concurrence, non seulement entre entreprises européennes, ce qui pourrait se comprendre, mais aussi vis-à-vis des biens et services importés de pays pratiquant le dumping commercial, social ou écologique. Nous n’avons plus non plus de politique agricole du fait de la PAC (il serait plus efficace et moins couteux de subventionner directement nos agriculteurs). Nous n’avons plus de contrôles aux frontières nationales du fait de l’espace Schengen (c’est pratique pour les citoyens, mais aussi pour les trafiquants et les terroristes). Nous n’aurons plus bientôt de politique budgétaire en vertu du traité Merkel-Sarkozy que la France de Hollande a entériné. Et pour le reste, les « directives » de plus en plus nombreuses de la Commission règlent chaque jour un peu plus notre vie quotidienne. Même pour changer le taux de TVA dans la restauration il faut l’autorisation de la commission (alors que, dans le même temps, les cigarettes sont deux fois moins taxées en Espagne qu’en France et que les Irlandais attirent les entreprises en pratiquant le dumping fiscal). 

Cet abandon de souveraineté est volontaire et nous nous y plions pour respecter ce qui est devenu politiquement correct par habitude, conviction de certains, intérêt d’autres. On a désormais pris le pli de se référer à l’Europe pour tout et n’importe quoi, exactement comme les dirigeants tchécoslovaques de l’époque communiste, que j’ai bien connus, célébraient sans arrêt et sans conviction l’amitié « éternelle » avec l’Union soviétique. Lorsque notre président s’exprime, il le fait désormais toujours devant un drapeau national flanqué d’un drapeau européen, drapeau qui est aussi systématiquement arboré sur le fronton de chaque ministère. Cet abandon est parfois pratique : il sert de cache-misère aux coupes budgétaires (on « transfère » du vent à l’Europe) et d’excuse pour les décisions impopulaires (« imposées par Bruxelles »). 

Je note au passage que jamais le peuple français, ni aucun autre peuple de l’UE, n’a été consulté sur cet abandon de souveraineté. Lorsqu’on lui a soumis en 2005 un projet de « constitution » européenne, le peuple l’a refusé. Faisant fi de ce vote, on lui a imposé le même texte sous un autre nom, sans, cette fois, le consulter.       

En démocratie, la souveraineté appartient au peuple (et non aux « marchés »). J’admets parfaitement intellectuellement que la notion de Nation ne soit pas figée. Je n’ai, personnellement, jamais fait de la France une religion. Je suis né dans une région qui aurait pu être grecque, italienne ou même allemande (elle a fait partie pendant plusieurs siècles de l’Empire Germanique). Je suis Français par hasard historique. Mais je suis Français, aussi, par choix car je me reconnais dans les valeurs de la République et je n’entends pas qu’on change ma nationalité sans me consulter.

Depuis 1789, il y a une Nation française souveraine, avec des élections, un parlement représentatif du peuple et un exécutif qui le représente et gouverne en son nom. Cette nation n’a pas toujours existé et ne sera peut-être pas éternelle. S’agissant de ma terre natale, j’accepterais, pourquoi pas, qu’elle soit remplacée par une nation provençale, une nation occitane ou même, à l’image de Singapour, par une république marseillaise si le peuple de cette terre le décidait. J’accepterais aussi, sans enthousiasme il est vrai, que la France se fonde dans une république, probablement fédérale, européenne si les peuples européens décidaient d’une telle fédération. C’est la loi de la démocratie. On n’est pas toujours d’accord avec les décisions prises, mais on les accepte si elles sont décidées par une majorité, le cas échéant qualifiée, du peuple. Le cadre géographique dans lequel s’exprime la volonté populaire peut se discuter. Certains estiment que de grands ensembles sont nécessaires. D’autres préfèrent des entités plus petites, plus proches du peuple. Plus important que le cadre est le consensus minimum sur lequel se fonde la démocratie, avec des valeurs, des références, une ambition et des pratiques communes. Pour le moment, s’agissant des Français, ce cadre est constitué par la France. Si on veut en changer, il faut le décider souverainement et trouver un nouveau cadre consensuel. Toute tentative d’imposer ce nouveau cadre sans y associer le peuple concerné est anti-démocratique.   

S’agissant d’une éventuelle fédération européenne, le peuple n’a jamais été consulté. Alors, qu’on lui pose la question une bonne fois pour toutes : « souhaitez-vous la création d’un Etat fédéral européen doté de la souveraineté internationale et, par voie de conséquence, acceptez-vous que l’Etat français abandonne sa souveraineté internationale en prenant le statut d’Etat fédéré membre de l’Etat fédéral européen ? ».

Si le peuple français et les autres peuples concernés disent oui à cette transformation institutionnelle, je l’accepterai. J’accepterai par voie de conséquence, moi qui suis diplomate de profession, que nous fermions nos ambassades pour les remplacer par des ambassades européennes et que notre siège de membre permanent du Conseil de Sécurité soit remplacé par un siège européen. De la même façon, j’accepterai la création d’une armée européenne, celle d’un ministère des finances européen, etc.

Mais tant qu’un tel vote n’aura pas eu lieu, permettez-moi, s’il vous plait, de m’insurger contre des décisions bruxelloises sans légitimité démocratique, contre la création d’un soit disant service diplomatique européen et contre ces bannières bleues étoilées sur nos édifices publics.

Nous sommes actuellement dans la pire des situations institutionnelles. L’union européenne n’a ni le pouvoir ni la légitimité d’imposer les décisions d’un gouvernement européen qui n’existe pas. Mais les institutions supranationales sont suffisamment fortes pour entraver l’action des Etats. D’où la paralysie actuelle. Les fédéralistes européens estiment que ça ne marche pas parce qu’il n’y a pas de pouvoir politique européen. De leur point de vue, ils ont raison. Ceux qui pensent que les abandons de souveraineté ne sont ni souhaitables ni même possibles, dénoncent le « boulet » européen accroché à nos pieds. Tranchons donc ce débat en demandant au peuple ce qu’il veut : l’Europe souveraine ou la nation souveraine. Dans tous les cas, arrêtons avec la situation actuelle, à la fois contraignante, inefficace et anti-démocratique.    

En dénonçant le carcan européen, je sais que je choque certaines âmes généreuses qui ont érigé la « construction » européenne en idéal métaphysique. Pour eux, l’ «Europe  unie» est un dogme qui ne souffre pas la discussion (comme tous les dogmes, qu’on ne cherche pas à prouver, par définition, car on demande d’y croire par un acte de foi). Mais comme je suis laïque dans une république laïque, j’estime que les dogmes de la religion Europe doivent rester du domaine privé. Ceux qui ont la foi peuvent y croire. Je suis un mécréant et je n’y crois pas. C’est mon droit.

Et si je n’y crois pas, j’ai quelques bonnes raisons de ne pas y croire.

Depuis le milieu du moyen-âge qui a vu émerger les grandes langues européennes sur les décombres du latin et, parallèlement, se construire des consciences nationales à la place de l’ancien monde romain, cinq grandes nations, l’anglaise, la française, l’allemande, l’italienne et l’espagnole, ainsi que plusieurs autres nations aussi respectables mais de moindre importance, se sont partagées l’espace ouest-européen (plus à l’Est, la Russie joue évidemment aussi un rôle essentiel, mais elle n’est pas concernée par l’Union européenne).

 Deux d’entre elles, ont tenté, à plusieurs moments de l’histoire, de dominer l’Europe : la France de François 1er, de Louis XIV, de Napoléon, de de Gaulle et de quelques autres, et l’Allemagne du Saint Empire Romain Germanique médiéval, de Bismarck, de Hitler et, j’ajouterai, de Merkel. L’Angleterre, elle, a conquis le monde, ne s’intéressant au continent que pour s’assurer qu’aucune puissance hégémonique n’y émergeait. Quant aux deux autres, l’Espagne et l’Italie, elles n’ont aujourd’hui qu’un rôle secondaire, la première étant davantage liée à l’Amérique latine qu’à l’Europe, la seconde, sans doute échaudée par l’expérience mussolinienne, ayant volontairement renoncé depuis 1945 à toute hégémonie internationale (ce qui ne l’empêche pas de jouer un grand rôle économique et culturel). Je n’oublie pas une sixième puissance, l’empire des Habsbourg, mais il a disparu en 1918, laissant un vide non comblé en Europe centrale.

Toutes les fois que l’Allemagne ou la France ont tenté de dominer l’Europe, tous les autres ont fait front pour s’y opposer. C’est ainsi qu’on a échappé à une Europe napoléonienne et à une Europe hitlérienne, et c’est tant mieux. Si les petites nations européennes sont si enclines à faire confiance à l’OTAN, c’est qu’elles préfèrent dépendre de Washington plutôt que de Paris ou Berlin. C’est plus loin et cela les rassure. En fait, en Europe, les puissances se neutralisent. Elles ne s’ajoutent pas et cela est antinomique avec un pouvoir européen unifié.  C’est cette constatation géostratégique d’évidence qui me fait dire qu’il n’y aura jamais, à vue humaine, d’Europe unie, ou alors sous la simple forme d’un appendice de l’OTAN. On peut le regretter. Cela cadre mal avec la religion européiste, mais c’est un fait. Qu’on me prouve le contraire !

Lorsque la « construction » européenne a commencé après la seconde guerre mondiale, elle fut l’œuvre tant des Etats-Unis, qui y avaient intérêt, que de la France pour qui la défaite allemande dégageait un espoir de créer, à nouveau, une Europe à son image. L’Angleterre laissée dehors, les dirigeants français eurent l’illusion de réaliser le vieux rêve hégémonique de tous les conquérants hexagonaux : la direction politique du continent, l’utilisation à leur profit de l’industrie allemande et l’ouverture de marchés captifs pour leur agriculture.

Dans ce cadre-là, le soit disant couple franco-allemand était une union asymétrique dont Paris avait la direction : le guidon pour Paris, les pédales pour les Allemands. Ces derniers y trouvèrent certes leur compte : ils pouvaient reconstruire une puissance industrielle sans effrayer leurs voisins. Ils pouvaient alors se montrer dociles envers la France, dans la mesure où Paris n’était pas en contradiction avec Washington. On voit, là, la limite de la puissance du coq gaulois. Cette limite apparut lorsque le général de Gaulle quitta le commandement intégré de l’OTAN et mit sur pied une force de dissuasion nucléaire nationale : aucun des partenaires européens de la France ne le suivit. On put certes encore quelque temps forcer la main de l’Allemagne dans des compartiments du jeu où les intérêts américains n’étaient pas directement concernés. Ariane, Airbus (qui ne seraient plus possibles avec les règles actuelles de l’union européenne) en sont les exemples les plus remarquables, mais aussi quasiment uniques.

Mitterrand réussit encore à imposer Maastricht et le principe de l’euro. Ce fut la dernière concession allemande, obtenue en échange du feu vert pour la réunification.

Aujourd’hui, le pouvoir a changé de main. L’Europe française a laissé la place à l’Europe allemande. Mais celle-ci n’a pas les mêmes ambitions politiques que celle imaginée sur les bords de la Seine. Berlin sait que l’Allemagne peut encore faire peur par son trop grand poids économique mais aussi par un passé encore prégnant. La seule ambition pour l’Europe concoctée sur la Spree est celle des équilibres budgétaires, de la monnaie solide et des politiques d’austérité imposées aux peuples. Ce n’est pas très excitant.

D’ambition internationale, point. L’Allemagne n’en a pas, si ce n’est de vendre ses Volkswagen et ses BMW dans le monde entier. Cette nation vieillissante en déclin démographique avancé gère sa rente économique en bon père de famille raisonnable qui ne prend aucun risque (et qui fait travailler sur son territoire des dizaines de milliers de Polonais et de Roumains payés 3€ de l’heure). La plupart des autres peuples européens sont dans le même état d’esprit. On gère l’économie et les caisses de retraite. Pour le reste, on fait confiance aux technocrates de Bruxelles, on accepte d’être les sous-traitants de l’industrie allemande et on s’en remet totalement aux Etats-Unis pour assurer la sécurité extérieure. En échange, on accepte d’envoyer quelques bataillons en Iraq et en Afghanistan et quelques policiers au Kosovo, chaque fois comme supplétifs des donneurs d’ordres américains.

Il y a deux exceptions à cette servilité des peuples européens, l’anglaise et la française. J’ai beaucoup d’admiration pour la Grande Bretagne, même si je ne partage pas souvent les choix idéologiques de ses dirigeants. Mais je leur reconnais une logique et une grande continuité : le Royaume-Uni est un allié stratégique des Etats-Unis, pas un satellite (et il arrive aux Anglais d’agir sans ou même contre les Américains ; la guerre des Malouines en a été un exemple). Les Anglais ont compris que l’Union européenne ne leur servait à rien. Ils gardent un pied à l’intérieur seulement pour la contrôler, et ils ont raison. Si un jour, peut-être proche, ils constatent que l’UE les gêne, ils partiront sans état d’âme.

Le cas français est plus paradoxal. Nôtre pays, objectivement, n’a plus intérêt à supporter les règles encombrantes de l’Union européenne qu’il n’a plus aucune chance de diriger. Les conférences de presse à Berlin de Sarkozy puis Hollande en compagnie de Madame Merkel sont devenues pathétiques. La chancelière laisse parler le coq gaulois, qui aime ça, pour ne pas se mettre dans la position gênante de diriger seule l’Europe, mais c’est pourtant la réalité. L’Europe est dirigée depuis Berlin et nul n’est dupe. Dans les chancelleries européennes, et non européennes, la posture française fait de plus en plus rire. Un rire ironique chez ceux qui ont toujours pensé que la France était une grenouille toujours tentée de se faire plus grosse que le bœuf. Un sourire attristé chez les amis de la France, et il y en a encore beaucoup, qui commençaient à désespérer de notre capacité à relever la tête. Je dis bien qui commençaient, au passé. L’intervention française au Mali, comme il y a dix ans notre opposition à la guerre en Iraq ou, comme il y a quelques semaines, notre vote positif à l’admission à l’ONU de la Palestine en tant qu’Etat observateur, montrent que, parfois, la France est encore la France. Un peu comme un vieux monsieur qui a trop baissé les épaules et qui, soudain, relève la tête.

Feu de paille cette posture malienne de la France ou vrai réveil ? On verra. Mais pour l’heure, même si les « européistes » semblent un peu ébranlés par le silence assourdissant de nos « partenaires » qui se cachent la tête dans le sable (de chez eux ; il y en pourtant moins qu’au Mali), le langage du politiquement correct continue. L’incurable Madame Guigou a une fois de plus pris le Thalys de Bruxelles et en est revenue, oh victoire, avec la promesse (ou, du moins, l’impression) que l’Union européenne allait envoyer 400 « formateurs » de l’armée malienne (quand, comment, qui va payer ? Et ces formateurs, ils vont parler allemand aux soldats maliens ?). Le président Hollande, dans son discours par ailleurs magnifique de Bamako, s’est cru obligé, une fois de plus de citer l’ « action » ( !) de l’Union européenne en faveur du Mali. Il n’a pas vraiment insisté. Il parait que la haute hiérarchie militaire française lui a fait comprendre que nos soldats étaient bien plus efficaces seuls ou aidés d’auxiliaires africains plutôt que flanqués de militaires européens sans connaissance du terrain et avec des chaines compliquées de commandement. C’est la réalité : l’Europe pour la galerie. Quand cela devient sérieux, seules la France et la Grande Bretagne, qui ne sont pas membres permanents du Conseil de Sécurité pour rien, font le poids. Les Allemands et les autres n’ont ni les moyens ni l’envie d’aller se battre pour défendre ce qui est pourtant aussi leur Liberté. Ils acceptent à la rigueur l’envoi de bataillons symboliques sous commandement américain. Ils se sentiraient humiliés de combattre sous les ordres de Français ou d’Anglais. C’est un fait aussi. Prouvez-moi le contraire !   

Allons, cessez de rêver ! L’Union européenne n’existe pas en tant que puissance politique et militaire. Et ce n’est pas demain matin, ni même après-demain, qu’elle sera prête d’exister. Et c’est tant mieux. Si on avait une vraie Europe politique et militaire, elle ne serait tout simplement jamais intervenue au Mali. Elle aurait sagement attendu que les Américains y aillent et quand bien même l’aurait-elle décidé, avant que la décision soit prise, les islamistes auraient eu largement le temps d’arriver à Bamako.

Pas de politique de défense (autre qu’en simple appui de l’OTAN), pas de politique étrangère concordante (je ne dis même pas commune, je dis « concordante » : voyez les votes à l’ONU sur tous les sujets importants), pas de politique commerciale autre que l’ouverture tous azimuts des frontières, pas de politique industrielle autre que le simple respect de la concurrence, forcément « pure et parfaite », pas de politique sociale, pas de politique fiscale. Oui, une monnaie unique, mais tellement incongrue avec des économies disparates que l’Europe épuise toutes ses forces pour sauver cette monnaie artificielle, avec pour résultat une croissance zéro et un chômage record. Seuls les naïfs peuvent se réjouir de l’appréciation de l’euro par rapport au dollar : elle ne résulte pas de la force de cette monnaie, mais tout simplement de la politique monétaire américaine qui fait baisser le dollar pour favoriser les exportations (idem pour la Chine, le Brésil et tous les autres : eux ont une politique monétaire cohérente avec la politique économique et la politique tout court. Seule l’Europe n’en a pas).

Alors à quoi sert encore l’Union européenne ? Pas à grand-chose. L’harmonisation des normes et des règlementations là où c’est utile pourrait aussi bien, et peut-être mieux, être faite par des accords intergouvernementaux. La Suisse en a passé avec tous ses voisins et elle n’est pas membre de l’UE. Il existe toute une batterie d’organisations internationales qui règlent les relations entre les Etats. A titre d’exemple, l’OACI règlemente parfaitement l’aviation civile dans le monde entier. On n’a pas besoin de l’UE pour voler en sécurité. En Europe même, existe le Conseil de l’Europe dont sont membres tous les Européens, pas seulement ceux de l’UE. C’est une organisation souple dans le cadre de laquelle un grand nombre de conventions internationales sont négociées.    

La preuve que l’Union européenne n’est pas indispensable est le fait qu’elle n’a aucun équivalent dans le monde. Les autres regroupements régionaux (Mercosur, ASEAN, ALENA, etc) sont de simples zones de libre-échange et de coopération où n’existent quasiment aucune supranationalité. Des secrétariats limités assurent le minimum de coordination. Rien d’équivalent, nulle part, à la commission européenne. Ceux qui justifient l’existence de l’union européenne comme rempart indispensable à la guerre ne connaissent pas bien le monde. Les conflits actuels sont intra-étatiques, pas interétatiques. Le Canada et les Etats-Unis ne se font pas la guerre, la Corée et le Japon non plus, pas plus que l’Argentine et le Brésil. Et il y a des instances internationales pour régler les conflits, en premier lieu le Conseil de Sécurité de l’ONU. Quant à la taille « critique » pour exister économiquement, c’est une pure fiction. La Suisse compte parmi les pays les plus riches de la planète sans être membre d’aucune structure supranationale. Il en va de même de la petite Corée. Et de bien d’autres.

Et puis, « taille critique » pour quoi ? L’Europe est incapable d’avoir des entreprises industrielles, commerciales ou aériennes européennes. Renault collabore avec Nissan, pas avec Volkswagen. Air France avec Delta Airlines, pas avec Lufthansa. Pourquoi ? D’abord, parce que la commission n’encourage pas les accords intra-européens avec son absurde politique de la concurrence. Ensuite, parce qu’on recherche des alliances sur tous les continents, là où sont les marchés. Enfin et surtout, tout simplement parce que ce n’est pas dans la culture européenne. Depuis le moyen-âge, et j’en reviens à ce que j’ai écrit plus haut, il y a une Allemagne, une France et une Grande Bretagne qui sont en concurrence et qui, dans la compétition qui les oppose, cherchent des alliés hors Europe et non à l’intérieur. L’argument économique de la « taille critique » ne tient pas. Quant à la politique, la défense ou la diplomatie commune, c’est l’absence complète.

Les pays extérieurs à l’Union européenne ne s’y trompent pas. Pour eux, l’Europe est une entité géographique sans consistance politique, économique et culturelle. Si vous avez regardé la télévision ces jours-ci, combien de drapeaux européens avez-vous vu déployés par les Maliens ? Aucun. C’est la France qu’ils acclamaient, pas l’Europe. C’est Hollande qui est applaudi, pas Barroso ou Van Ruypen.    

Je peux affirmer que, en trente ans de carrière internationale, je n’ai jamais rencontré aucun désir d’Europe, sur aucun continent. En revanche, le désir de France, d’Angleterre ou d’Espagne, lui, est une réalité. A Bamako ou à Alger, on ne veut avoir de relations qu’avec la France parce que nous partageons une langue, une culture, des références, souvent une éducation, communes. Spontanément dans les réunions internationales, les délégués francophones se concertent et sympathisent, même s’ils ont des positions qui peuvent diverger. Ils le font pour la raison indiquée plus haut : une langue et des références partagées. On peut communiquer avec d’autres, par exemple par le moyen de l’anglais, mais ce n’est qu’une communication, pas cette complicité intellectuelle qui fait que, avec des francophones, nous ne sommes pas vraiment des étrangers. C’est exactement pareil pour les Anglais avec les Africains anglophones, les pays du Commonwealth, mais aussi avec les Indiens et quelques autres formés dans le moule éducatif anglais et cela explique aussi la complicité naturelle anglo-américaine même si, parfois, des nuances existent. Quant aux Espagnols, il est clair qu’ils seront toujours infiniment plus proches des Latinos que de n’importe quel Européen. Ceux qui prétendent le contraire sont éloignés des réalités. Ils vivent dans un rêve. En fait, le plus souvent, ils ne connaissent ni l’Europe, ni le monde. Ils ne peuvent s’échapper de leur dogmatisme.

Alors, désolé pour la pensée unique, les dogmes et le rêve européen. Je considère que l’Union européenne a fait son temps. Elle est devenu un carcan qui empêche les Européens, chacun au travers de son pays, d’avoir le rôle qui devrait être le leur dans le monde.

Si je suis « souverainiste » français, comme on dit, ce n’est ni par romantisme ni par nationalisme malsain. Ceux qui me connaissent savent que j’ai de la famille et des amis dans un grand nombre de pays européens. C’est pour cela que j’aime la France et tous les autres pays européens (mais aussi non européens). Lorsque je suis en Espagne ou en Tchéquie par exemple, je parle espagnol ou tchèque avec les habitants de ces pays. Je m’y sens comme chez moi. J’aime ces pays, comme j’aime l’Allemagne, l’Autriche, l’Angleterre, l’Italie et tous les autres. Mais je les aime parce que c’est l’Allemagne, l’Espagne, etc, pays de grande culture et de convivialité. J’aime la bière allemande et le vin français. Je ne veux pas boire un mélange infâme qui aurait le nom de « boisson européenne moyenne » labélisée par la commission de Bruxelles.

L’Europe est riche de ses différences et de ses cultures qui ont traversé les siècles. Les unifier, c’est les détruire. A l’image de ces coproductions cinématographiques insipides calibrées pour passer partout mais qui ne passent nulle part.

Vive l’Europe. C’est-à-dire vive la diversité européenne.

Peu constructive, me direz-vous, cette critique. Les solutions alternatives à l’Union européenne telle qu’elle ne fonctionne plus existent. Ce n’était pas le sujet du jour de les dire. Je renvois le lecteur aux textes antérieurs qu’il m’a été donnés d’écrire. Ils constateront que, par exemple, je ne rejette pas l’euro en tant que monnaie commune. Moi et quelques autres, nous estimons qu’on pourrait le garder comme unité de compte et moyen de paiement international à côté de monnaies nationales (voir mon texte « crise de l’euro » de septembre 2011).

Quant aux relations internationales, je ne rejette pas la coopération franco-allemande lorsqu’elle est utile. Mais je ne veux pas non plus la privilégier. (Je ne rejette pas non la coopération avec les Etats-Unis. Dans certains domaines, comme la lutte contre le terrorisme ou les hautes technologies, elle est nécessaire, tout simplement parce qu’on ne peut négliger la première puissance mondiale). Mais les solidarités latines et aussi celles avec tous les pays francophones, ceux d’Afrique en premier lieu, me paraissent plus « naturelles » pour la France et plus mutuellement avantageuses. Croyez-moi, cela fait déjà beaucoup de monde. La France, hors Union européenne, serait loin d’être isolée. Et, de toute façon, l’Union européenne sans la France (ou la Grande Bretagne), cela ne voudrait plus rien dire.

Nous pourrions alors construire d’autres formes de coopération entre pays d’un même continent (et je n’oublie pas les Européens de l’Extrême-Est. Ils habitent le même continent que nous). Une coopération plus démocratique, plus efficace, plus humaine aussi que le monstre bureaucratique que nous avons créé. Quelque chose destiné à servir les peuples européens. Pas à les asservir.   

                                                                                              Yves Barelli, 3 février 2013              
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commentaires

D
Monsieur,<br /> il est rare que je lise autant d'informations pertinente et avec une analyse aussi juste.<br /> Membre de Debout la république, et "souverainiste" pour les même raisons que vous je trouve vos textes remarquables.<br /> Continuez svp à marcher en dehors des sillons de la pensée unique.<br /> Merci.
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Y
<br /> <br /> Merci pour votre encouragement. Nous sommes plus nombreux que ce qu'on croit à être lucides...<br /> <br /> <br /> <br />

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