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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 17:58

 

wpid-Euro-300x1991ère partie : une crise systémique. (Télécharger et/ou imprimer l'intégralité de cet article en pdf

Les 17 pays de la zone euro, réunis en sommet à Bruxelles le 21 juillet 2011, viennent d’adopter un nouveau plan(le deuxième) d’aide à la Grèce. Cette aide sauve la Grèce de la banqueroute et, du même coup, évite un naufrage immédiat de la monnaie commune, l’euro. De la position française – une aide publique européenne à la Grèce – ou de la position allemande – faire supporter aux banques créancières du pays hellène l’essentiel de l’effort – laquelle a prévalu ? Sans doute un compromis entre les deux. Mais cela est secondaire. La seule question digne d’intérêt est double : la Grèce est-elle sauvée ? l’euro est-il épargné ?

 

La réponse est deux fois non. La Grèce, compte tenu des plans successifs d’austérité qui lui sont imposés, va s’enfoncer un peu plus. Une croissance négative est prévue pour cette année et au moins pour l’année prochaine ; l’endettement grec est aménagé mais pas supprimé ; la compétitivité de l’économie grecque n’est en rien améliorée. Les agences de notation ne s’y trompent pas : sitôt le plan annoncé, elles ont à nouveau dégradé la Grèce, signe qu’elles ne croient ni en ce pays ni en la capacité de l’Union européenne de secourir durablement l’un de ses pays membres.

 

Quant à l’euro, les mêmes causes produisant les mêmes effets et son mode de fonctionnement n’étant en rien modifié, il est à prévoir que d’autres crises succèderont à l’actuelle crise grecque.

 

Le problème de l’euro n’est en rien conjoncturel. Il est structurel.

 

L’euro, une monnaie artificielle

 

1/ Cette monnaie est artficielle car elle constitue le cas inédit dans l’histoire économique mondiale d’une monnaie commune fonctionnant avec des économies reposant sur des budgets différents, des systèmes fiscaux divers et en l’absence d’un pouvoir politique homogène susceptible d’assurer une cohérence d’ensemble.

 

A dire vrai, ceux qui avaient imaginé cette monnaie dès la signature des accords de Maastricht en 1992 sous l’impulsion principale de la France de Mitterrand savaient parfaitement qu’il était illusoire d’avoir une monnaie commune sans pouvoir politique commun. Mais, convaincus de la nécessité d’une Europe fédérale, ils pensaient que l’instauration d’une monnaie commune, parce qu’elle nécessitait un pouvoir politique commun,allait accélérer l’établissement de celui-ci. (C’est notamment ce qu’a récemment expliqué Jacques Attali, qui avait participé à la négociation de Maastricht et qui se montre actuellement sceptique sur la pérennité de l’euro en l’absence d’une Europe fédérale).

 

Ce calcul s’est révélé faux. L’Union européenne est une zone de libre-échange dotée de règles qui certes s’imposent à tous les pays mais ces règles sont surtout destinées à assurer la libre concurrence. Il n’y a pas de règles fiscales communes (les taux d’imposition des sociétés vont de zéro à 50%), pas de lois sociales universelles, pas de politique industrielle à l’échelle de l’union et le budget européen n’est qu’une infime part de l’ensemble des budgets nationaux. La politique agricole commune a été en grande partie vidée de sa substance car il n’y a plus de protection aux frontières. Quant aux fonds structurels destinés à aider les régions en retard, les élargissements successifs et la modicité des programmes de l’Union en regard du PIB européen, en ont beaucoup diminué la portée. Si l’on ajoute à cela, les différences considérables des niveaux économiques dus à des élargissements précipités dictés par des considérations politiques en l’absence de toute logique économique, et les dérogations de tous ordres obtenues en particulier par la Grande Bretagne (pourtant l’un des plus gros pays de l’union mais qui ne participe ni à l’euro ni à Schengen), on doit reconnaitre que l’Union européenne est très loin de la construction de type fédéral rêvée par ses promoteurs.

 

L’Union européenne : un millefeuille institutionnel qui n’est jamais sorti du virtuel

 

2/ En dépit de ce qui précède, les dirigeants européens ont fait semblant de continuer de croire que la construction politique allait progresser. De réunions en sommets, ils ont édifié un millefeuilles institutionnel qui a une relative cohérence sur le papier mais qui, au-delà de quelques réalisations pratiques plus symboliques que consistantes, n’est jamais sorti du virtuel.

 

Ainsi, ont-ils créé l’espace Schengen(visas communs, plus de contrôle aux frontières intérieures) en 1985 (institutionnalisé à l’échelle européenne par le traité d’Amsterdam de 1997), l’euroen 2002, une "constitution" commune (refusée par référendum en France et aux Pays-Bas, mais chassée par la porte, elle est revenue par la fenêtre sous la forme du traité de Lisbonne en 2007), un « président » européen et même un « ministre des affaires étrangères » européen doté d’un corps diplomatique (ce qui n’empêche pas les Européens d’avoir des positions différentes et même parfois carrément divergentes sur quantités de dossiers essentiels !).

 

Bref, l'apparence d'une Europe fédérale, mais certainement pas la réalité. Non seulement parce que cette construction demeure largement théorique, mais parce qu’en plus, elle est à géométrie variable : 17 sur 27 ont adopté l’euro, les autres conservant leur monnaie, 25 pays sont dans l’espace Schengen mais celui-ci concerne aussi des pays hors Union (comme la Suisse) tandis que des pays de l’Union (comme le Royaume Uni) n’en sont pas membres. Au total, certains pays de l’UE ont l’euro et sont dans Schengen, d’autres ont l’un ou l’autre et une dernière catégorie n’a ni l’un ni l’autre. C’est un peu compliqué, même les spécialistes s’y perdent.

 

Une « construction » incohérente et incompréhensible qui relève souvent de l’illusion

 

Non seulement, cette « construction » est incohérente et relève souvent de l’illusion, mais elle est incompréhensible pour les peuples(et souvent pour leurs dirigeants). Preuve du caractère théorique de l’union, on continue dans chaque pays a avoir une vision purement nationale de la réalité : les prévisions météorologiques présentées à la télévision française s’arrêtent sur le Rhin, les forfaits des opérateurs de téléphonie et d’internet couvrent les communications de Lille à Ajaccio, mais Bruxelles, à 100 km, est exclu et pour le citoyen français Lambda, l’Allemagne ou l’Espagne restent l’ « étranger ». L’Espagne est tellement « étrangère » qu’on vient de loin pour y acheter alcools et tabacs, bien moins chers que de l’autre côté des Pyrénées (ce qui a décimé les bureaux de tabac français dans un rayon de 100 km puisque, en vertu de Schengen, le passage de la frontière est libre). Quant à l’Estonie, il parait que c’est l’Union européenne, mais on ne s’en aperçoit pas. Et, au fait, la Macédoine, c’est l’Union ? Et quand j’arrive à Stockholm, j’ai besoin d’une carte d’identité ? D’un passeport ? Je peux utiliser mes euros ? Ma carte vitale y est valable ? Et mon assurance auto ? Sans même parler de la barrière de la langue. Pour le citoyen, l’Europe est un continent, mais l’UE, ça n’existe pas!Les camionneurs polonais, qui sillonnent les routes allemandes et françaises pour des trafics locaux et qui ont des salaires deux à trois fois inférieurs à leurs homologues de ces pays, sont bien placés pour le savoir. Quant aux routiers français et allemands, soit ils s’alignent sur les salaires polonais, soit ils perdent leur emploi. Pour eux, l’Europe est un animal invisible mais malfaisant!

 

A suivre...

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Yves Barelli, le 24 juillet 2011

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