Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 août 2018 6 18 /08 /août /2018 20:00

 

Le Monténégro est un petit pays de l’ancienne Yougoslavie. Petit mais très varié, avec une côte découpée sur laquelle tombe souvent une montagne abrupte. J’ai eu la chance d’habiter ce pays il y a environ dix ans et d’y avoir quelques amis qui m’invitaient à des balades en bateau avec eux. C’est l’une d’elles que je décris ici. Elle se passe en juillet 2007.    

 

La mer et la voie terrestre n’offrent pas les mêmes visions des paysages. C’est en particulier le cas de la Bouche de Kotor et de la péninsule de Luštica que nous avons empruntée ou contournée en bateau à moteur grâce à Janko Vukotić, franco-monténégrin de Podgorica qui a une enbarcation de ce type et une grande maison juste au bord de la Bouche de Kotor.

 

Une grande maison traditionnelle sur la Bouche de Kotor

 

Nous quittons Podgorica en voiture un peu après 8 heures du matin et empruntons la route la plus directe vers Kotor qui passe par Cetinje, Budva et le tunnel, qui vient d’être modernisé et réouvert, qui relie les abords de l’aéroport de Tivat à l’ancienne Cataro. Trafic intense en cette journée estivale. Beaucoup de touristes le long des plages de Budva. Journée chaude (une trentaine de degrés au bord de la mer, plus à Podgorica) et ensoleillée.

 

Nos hôtes possèdent une grande maison en style traditionnel, c’est à dire vénitien, en belles pierres de taille avec un bâtiment principal (qui leur appartient) et deux ailes (qui appartiennent à d’autres). Cette demeure avait été acquise par le père de Janko dans les années 1950 à son retour d’Amérique où il avait réalisé quelques économies. Dans la salle de séjour trône une statue du grand-père de Janko qui avait été officier de l’armée du Monténégro du temps du royaume avant 1918. Au rattachement à la Yougoslavie, il avait suivi le roi Nicolas dans son exil en France, ce qui explique la double nationalité de sa descendance.

 

La maison est située dans le petit hameau de Ljuta, à 8 km au nord de Kotor. Il faut quitter la route principale qui passe un peu en retrait de la mer à cet endroit, et s’engager sur un étroit chemin goudronné qui longe le bord de l’eau. La maison est de plein pied sur la berge. Il n’y a qu’à traverser le chemin, où il n’y a aucun trafic car il s’arrête un peu plus loin. Le bateau est amaré sur le petit quai.

 

Un bateau à moteur de sept mètres

 

Après un café dans la maison, nous embarquons, Lenka, Eva, Janko, sa femme et moi. Ce bateau n’est pas celui de Janko, pas encore prêt, mais celui d’une connaissance.

 

Le bateau a sept mètres de long, il peut recevoir huit à dix passagers (qui seraient un peu à l’étroit: à cinq ou six, c’est mieux). La petite cabine est équipée de deux mini couchettes un peu spartiates, d’un réchaud, d’un frigo et, évidemment, d’un poste de pilotage. La vitesse de croisière est d’un peu moins de 20 km/heure. Le réservoir a une capacité un peu supérieure à  cent litres de gasoil, ce qui permet des croisères d’une douzaine d’heures sans avitaillement. Ce bateau est utilisable surtout pour le cabotage. Il pourrait à la rigueur traverser l’Adriatique jusqu’en Italie, mais ce ne serait pas prudent à la fois parce que le temps peut changer assez rapidement et parce que le croisement des très gros navires est dangereux. Il est assez stable, mais peu conseillé par gros temps.

 

Nous commençons notre équipée un peu après 11 heures et nous nous dirigeons d’abord sur la ville de Kotor, à une demie heure, où nous faisons le plein à la station service du port. Belle vue sur la cité médiévale et ses remparts.

 

A midi, nous entâmons les trois heures de voyage qui nous mèneront à Bigovo, petit hameau autrefois de pécheurs situé de l’autre côté de la péninsule de Luštica, côté adriatique donc. Nous allons par conséquent remonter l’intégralité de la Bouche de Kotor, gagner la haute mer et contourner la totalité de la péninsule. A Bigovo, s’achève cette péninsule qui se poursuit par un littoral tout aussi rocheux mais plus classique en direction de Budva (quelques minutes en voiture mais une heure de plus en bateau).

 

La Bouche de Kotor: un fjord de 30 kilomètres entourré de montagnes

 

La Bouche de Kotor, grand fjord d’une trentaine de kilomètres, unique dans la sud de l’Europe, est un bras de mer fermé qui se compose de trois golfes successifs séparés par des chenaux étroits: le golfe de Kotor-Risan, le plus intérieur, celui de Tivat, au milieu, et celui d’Herceg Novi, qui communique avec la mer adriatique.

 

Deux grandes péninsules montagneuses, d’une quinzaine à une vingtaine de kilomètres de long sur quelques kilomètres de large contribuent à dessiner cette configuration particulière de la Bouche: celle de Tivat, au centre du bras de mer, et celle de Luštica, bordée à la fois par la Bouche et par l’Adriatique. En face de la péninsule de Luštica, une autre péninsule, celle de Prevlaka, moins longue et moins large, mais aussi haute, complète le dispositif pour fermer la Bouche. Cette dernière péninsule sert de frontière entre le Monténégro et la Croatie sur la plus grande partie de sa longueur tandis que sa pointe est intégralement croate et constitue l’extrêmité méridionale du (relativement) grand voisin du Nord.

 

Remontée du golfe de Kotor

 

On longe d’abord la rive gauche du golfe de Kotor avec la petite cité de Prčan, ses palais du 18ème siècle et son église, de la même époque, qui est surmontée d’un campanile de style vénitien (de forme carrée terminée en sommet par une pyramide élancée). L’un des palais, que l’on voit bien depuis le bateau, a trois grandes fenêtres. Une légende dit que trois soeurs, éprises du même marin, guétaient son retour depuis ces trois fenêtres. Prčan, également accessible par une jolie petite route qui longe la Bouche, appartient à la péninsule de Tivat ; la localité est dominée par le mont Vrmac, haut de 768 mètres.

 

Sur l’autre rive, on longe la localité de Dobrota, avec son église Saint Ilijja, de même style vénitien dont le campanile est actuellement en cours de réparation, puis le hameau de Ljuta, d’où nous sommes partis tout à l’heure. A cette hauteur, la Bouche a deux kilomètres de large avant de se retrécir considérablement en face de Perast.

 

Perast et ses deux îlots-musées

 

Perast est l’une des plus belles perles de la Bouche de Kotor. Cette petite cité ancienne dont les palais se reflètent dans les eaux tranquilles de la Bouche, est l’une des villes soeurs de Kotor qui depuis le moyen-âge s’adonnent à la navigation. Elle connut son heure de gloire, elle aussi, au 18ème siècle. La petite cité possèdait alors alors 44 navires, fabriqués sur place, qui sillonnaient la mer Méditerranée. Ses familles patriciennes édifièrent les palais que l’on voit aujourd’hui.

 

Perast, est elle aussi au pied de la montagne qui, à plus de 1000 mètres d’altitude, protège la Bouche sur son flanc Est tant des vents froids continentaux que des attaques terrestres. Elle se trouve à la confluence des deux ressèrements. Le premier sépare le golfe de Kotor de son prolongement, le glofe de Risan. L’autre permet de passer à travers un étroit chenal vers le golfe de Tivat qui constitue la partie centrale de la Bouche de Kotor.

 

Au milieu de ces passages et juste en face de Perast, les deux îlots de Saint Georges et de Notre Dame de Srkpijel, constituent des figures emblématiques de la Bouche souvent reproduites sur les couvertures de guides touristiques.

 

L’île de Saint Georges abritait au 12ème siècle un couvent bénédictin. Le clocher de son église est le seul de la région a ne pas être coiffé par un campanile vénitien. Il est octogonal sourmonté d’une coupole, plus petite mais de même forme et même teinte (gris clair) que la coupole de l’église.

 

L’îlot de ND de Srkpijel est artificiel. Il s’appuie sur des rochers qui affleuraient la surface de l’eau, ce qui était dangereux pour la navigation; ces rochers ont été complétés d’autres rochers amenés de la rive et des restes de navires échoués. L’église Notre Dame est baroque du 17ème siècle. Elle abrite, comme Saint Georges, de très belles fresques et peintures murales, oeuvre de Tripo Kokalja, dont l’une mesure dix mètres de long. Ces deux églises, qui abritent d’autres oeuvres d’art (icones, broderies, objets précieux de culte) ont été transformées en musées.

 

Le chenal de Verige, passage du golfe de Kotor à celui de Tivat

 

Nous quittons à présent (nous naviguons depuis une heure depuis Kotor) le golfe de Kotor par le chenal de Verige, large de seulement 300 mètres en son point le plus étroit. Autrefois une chaîne, dont on voit les points d’ancrage, reliait les deux rives et était remontée lorsque des pirates ou des bateaux ennemis étaient signalés.

 

Le chenal s’élargit ensuite progressivement. Nous croisons la ligne des bacs qui transportent les voitures d’une rive à l’autre entre Kamenari (il y avait là des carrières du temps des Romains, d’où son nom de „carrières“, de „kamen“, la pierre) et Lepetani. Les rotations sont fréquentes. Ces bacs sont très gros comparés à notre petit bateau et la masse d’eau qu’ils déplacent constitue un certain danger compte tenue des vagues qu’elles soulèvent. C’est pourquoi, il vaut mieux les croiser à bonne distance. Il en va de même des navires à moteur qui dépasent vingt mètres et qui sont souvent rapides. Eux aussi, provoquent des vagues dans leur sillage.

 

Le golfe de Tivat, plus vaste et plus aéré que celui de Kotor

 

Le chenal donne accès au golfe de Tivat qui est beaucoup plus vaste que celui de Kotor. Il constitue un grand triangle dont les côtés dépassent dix kilomètres. Il tire son nom de la ville de Tivat qui possède un port et qui s’étend sur le flanc sud du golfe. A son extrêmité, le golfe est bordé par l’aéroport de Tivat, l’un des deux aéroports internationaux du Monténégro.

 

Le golfe de Tivat est donc plus large que celui de Kotor. Il est plus aéré aussi car les montagnes qui l’entourent sont moins hautes. La ville de Tivat et son aéroport débouchent sur une plaine qui met aisément en contact la Bouche de Kotor, Budva et le littoral sud du Monténégro.

 

Nous longeons la partie nord du golfe de Tivat et la route qui suit sa berge. C’est une région urbanisée qui porte à la fois des installations industrielles (chantiers navals), militaires et balnéaires.

 

Le chantier naval de Bijela est le plus imporant du Monténégro (il y en a un autre à Tivat). C’est l’un aussi des plus actifs de la mer adriatique. Nous voyons quatre navires en construction, dont un très gros. Ils sont sur deux formes de radoub parallèles.

 

Les plages se succèdent désormais, avec leurs parasols, leurs restaurants et leurs hôtels. Cette côte fait partie de la commune d’Herceg Novi qui est un centre touristique important.

 

Entrée dans le golfe d’Herceg Novi

 

A nouveau, le golfe se retrécit. La partie la plus étroite, de l’ordre d’un kilomètre, ferme le golfe de Tivat et donne accès à celui d’Herceg Novi, le dernier avant la haute mer.

 

Ce détroit est propice à la défense. C’est pourquoi, il abrite, sur la même côte que Bijela, une base de la marine, celle de Kumbor. Une longue jetée terminées par un fort l’abrite. Cette base est connue pour l’entrainement de ses commandos de marine, mais aussi des équipes de la protection civile. En face de Kumbor, côté péninsule de Luštica, on peut apercevoir l’entrée d’une ancienne base de sous marins: une galerie de béton s’enfonce dans la montagne. La base est aujourd’hui abandonnée. D’ailleurs, la plus grande partie de l’ancienne flotte de Serbie et Monténégro, qui est revenue au Monténégro, seule des deux républiques à avoir un accès à la mer, est maintenant démentellée. Il ne reste que quelques vedettes garde côtes (les armes lourdes terrestres sont parallèlement détruites, y compris 60 des 61 chars qui avaient échu au Monténégro; le 61ème sera exposé dans un musée).   

 

Entre Bouche de Kotor et mer adriatique, la péninsule de Luštica

 

La péninsule de Luštica, auparavant assez éloignée de nous compte tenue de la largeur du golfe de Tivat, est maintenant toute proche. C’est une vaste montagne d’une quinzaine de kilomètres qui donne d’un côté sur la Bouche de Kotor (nous y sommes) et de l’autre sur l’adriatique (on va y aller). Cette péninsule est l’un des coins les plus sauvages du littoral monténégrin. On ne peut en atteindre qu’une minime partie par la route. Les quelques hameaux qui la parsèment sont peuplés majoritairement de serbes. La plus grande partie de la péninsule fait partie de la commune de Herceg Novi, souvenir de temps anciens où elle n’était accéssible qu’en bateau. Seule sa partie méridionale dépend de Tivat.

 

L’altitude de la péninsule dépasse 500 mètres en son point le plus élevé, mais rares sont les espaces à moins de cent mètres d’altitude, de sorte que la côte est le plus souvent constituée de falaises. C’est probablement la raison pour laquelle elle est si peu développée sur le plan touristique (et sur tous les autres plans).

 

Nous contournons sur 180° l’extrêmité de la péninsule. On longe sa côte rocheuse à quelque distance pour éviter d’eventuels écueils. Nous pourrions probablement nous en rapprocher encore davantage tant la montagne plonge abruptement dans la mer, mais mieux vaut ne pas prendre de risque. Les risques seraient toutefois limités car la mer est vite profonde: la plus grande partie de la Bouche a une profondeur de trente à quarante mètres. Tout à l’heure lorsque nous aurons franchi le dernier cap donnant accès à la haute mer, la profondeur atteindra 100 mètres à quelques encablures du littoral.

 

L’extrêmité de la péninsule abrite un hameau du nom de Rose. On y trouve des pécheurs, une école de plongée et des résidences secondaires. On peut aller jusque là par une petite route qui vient de Tivat et qui monte progressivement jusqu’au dessus du village. D’en haut, la vue est magnifique sur toute la partie antérieure de la Bouche de Kotor.

 

Cette partie antérieure, c’est notre troisième et dernier golfe depuis le départ, celui de Herceg Novi. Il a la forme d’une grande boucle qui s’enroule sur l’extrêmité de la péninsule de Luštica.

 

Au fond, à droite, nous apercevons la cité de Herceg Novi, sa vieille ville, ses trois citadelles, ses hôtels sur la berge et sa végétation sub tropicale plus exubérante qu’ailleurs sur le littoral monténégrin parce que la station est bien protégée des vents continentaux.

 

La péninsule de Prevlaka, frontière entre le Monténégro et la Croatie

 

Nous avons ensuite en face de nous la péninsule de Prevlaka, autre montagne qui émerge au dessus de la mer. Elle atteint environ 500 mètres de haut. Sur sa droite, on distingue le passage plus bas entre les montagnes par lequel s’engouffre la route qui va de Herceg Novi à Dubrovnik.

 

La ligne de crêtes de cette péninsule, théâtre d’affrontements armés entre serbo-monténégrins et croates lors du conflit yougoslave des années 1990, constitue la frontière entre le Monténégro et la Croatie. Des forces d’interposition des Nations-Unies s’y sont mintenues jusqu’en 2003.

 

Du bateau, nous voyons la route qui longe la péninsule le long de la mer côté monténégrin, puis le poste frontière et, au delà, la route en territoire croate dont nous sommes tout proche. L’extrêmité de la péninsule, le cap Oštra,  est entièrement située en territoire croate. Il mesure six kilomètres de long et est occupé par des installations militaires.

 

(à suivre)

 

 

Yves Barelli, 18 août 2018                

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Recherche