Notre président, qui a peu de principes, si ce n’est son attachement dogmatique à l’Union européenne et au capitalisme mondialisé, confond politique et vente de mauvais produits de consommation avec cette conviction, méprisante pour les gens, qu’on peut leur « vendre » n’importe quoi par la pub outrancière et par les grands « coups » médiatiques. Alors, pour briller au G7, où telle la grenouille de la fable, il veut paraitre un bœuf et essaie de se hisser à la hauteur de Trump (lui, est à la tête du plus puissant empire mondial, pas Macron !), il fait venir pour trois heures à Biarritz le ministre des affaires étrangères d’Iran (ce qui ne change rien à la politique américaine ni à celle des ayatollahs) et il se permet de montrer du doigt le président du Brésil qui laisserait bruler l’Amazonie, « notre poumon vert », en jouant au protecteur de la planète dans l’espoir puéril de se rendre populaire auprès des paranoïaques qui sont convaincus que la fin du monde est pour la fin de la semaine. Bolsonaro, que je n’aime pas beaucoup (mais là n’est pas la question), lui a retourné le compliment en le priant de s’occuper de ses affaires et en rappelant sèchement que le président français n’a pas été capable d’épargner l’incendie de Notre-Dame de Paris, autre joyau du patrimoine commun de l’humanité. Quand on lance en l’air des rafales de kalachnikov, il ne faut pas s’étonner de se prendre une balle perdue ! Les arroseurs sont souvent arrosés.
Macron ne connait pas la psychologie des peuples, ou alors, il s’en fout. Il ne comprend pas les Français (d’où le mouvement des « gilets jaunes », contestation la plus large du « système » depuis 1968). Pas davantage les Américains (il parle très bien anglais et sait probablement bien apprécier la psychologie des banquiers, mais pas du peuple ; pas non plus celle de Trump, plus représentative des Américains de base : ils n’aiment pas la flagornerie et ne raisonnent qu’en termes de rapport de forces, en l’occurrence pas à l’avantage de Macron). Encore moins celle des Latins, notamment les Brésiliens, qui n’acceptent pas d’être humiliés, surtout par des seconds couteaux.
Le Brésil est un pays-continent de 220 millions d’habitants, grand comme 17 fois la France avec un PIB qui n’est pas loin du nôtre (même si le Brésil est plongé dans une grave crise économique, sociale et sécuritaire depuis des années : beaucoup de choses vont mal dans ce pays, mais les Brésiliens n’aiment pas qu’on le leur dise, et ils ont raison, surtout quand le jugement vient d’un pays en déclin comme la France et d’un jeune président aussi contesté que l’est Macron).
Il y a cette année en Amazonie encore plus de feux de forêts que ces dernières années (mais pas plus qu’en 2005 : manquant sans doute d’images, nos médias ont repris celles de 2005, spectaculaires ; ce n’est pas la déontologie et l’honnêteté qui les étouffent !). Elles sont hélas dues non seulement au « changement climatique » (que beaucoup de scientifiques contestent) mais surtout aux pratiques locales (sur les parcelles agricoles, on brule les broussailles et les bois morts pour nettoyer ; pratique qui était courante en Europe il n’y a pas si longtemps et qui se fait encore ça et là, par exemple en Corse ; allumés sans précaution, ces feux peuvent se transformer en incendies incontrôlables). Malheureusement, Bolsonaro en allant toujours dans le sens des intérêts de l’agro-business, a lancé des signaux de laxisme qui expliquent les incendies involontaires incontrôlés mais aussi les volontaires destinés à augmenter les surfaces dédiées à l’agriculture et à l’élevage au détriment de la forêt.
Ces pratiques et cette tendance au recul de la forêt doivent être déplorées. Mais elles ne sont pas le fait du seul Bolsonaro (il y avait autant d’incendies sous Lula) et ne sont pas un monopole du Brésil : la situation est aussi grave, et même souvent pire, en Indonésie et en Afrique.
Après tout, l’Europe a défriché ses forêts pendant des siècles. Peut-on reprocher aux autres de faire pareil ?
La vérité est que les forêts tropicales disparaissent pour deux raisons principales. D’abord parce qu’il y a une explosion démographique, parfois exponentielle, dans beaucoup de pays du tiers-monde : plus nombreux, il est logique qu’ils cherchent à gagner sur la forêt. La seconde raison est liée à la mondialisation : on détruit les forêts en Indonésie pour y planter des palmiers qui fournissent l’huile de palme et d’autres productions tropicales exportées. Au Brésil, la forêt recule pour laisser la place à la production de soja que nous importons notamment en France.
Si on veut sauver les forêts tropicales, les solutions existent : préconiser dans le tiers-monde la politique de l’enfant unique qui a permis à la Chine de stopper sa croissance démographique et lui a permis de se développer ; en finir avec cette mondialisation stupide qui consiste à produire là où c’est le moins cher (parce que les salaires y sont plus faibles et les normes environnementales et sociales non respectées), transporter ces produits en polluant nos mers et nos autoroutes (par les bateaux qui fonctionnent au fuel lourd et les camions au gazole) et les vendre chez nous en y détruisant les emplois locaux.
Mais cela est évidemment contraire aux intérêts de ce capitalisme mondialisé dont Macron est le zélé serviteur. Il vient de ratifier un mauvais accord de libre-échange avec le Canada et s’apprêtait à faire de même avec le Mercosur (ratification qu’il « suspend » sans vraiment y renoncer). Alors, Monsieur Macron, si vous voulez « sauver » l’Amazonie, interdisez en France l’importation de soja (il est vrai que « votre » Union européenne vous interdirait une telle décision : alors, mettez fin à cette « Union » si néfaste pour tout le monde, ou taisez-vous ! Si la France n’est plus un pays indépendant par sa soumission à Bruxelles, respectez au moins l’indépendance du Brésil !).
Une dernière observation pour les traumatisés du « climat ». On leur a répété depuis des années que, s’il fait plus chaud, c’est notre faute à nous Européens parce que nous consommons « trop », parce que nous roulons en voiture et parce que nous jetons les bouteilles en plastique : la Chine, l’Inde, le Brésil, les Etats-Unis polluent et on nous met des taxes pour nous punir (alors que l’Europe rejette moins de 10% du CO2 dans l’atmosphère). Tiens, pour une fois qu’on accuse les autres, le Brésil en l’occurrence, ça soulage quand même un peu !
Mais, surtout, revenons aux réalités : il y a beaucoup de kilomètres carrés d’Amazonie qui partent en ce moment en fumée. On parle de l’équivalent de la surface de la Belgique. Mais la Belgique, c’est petit et l’Amazonie, c’est grand. Rassurez-vous : il restera encore beaucoup de forêts.
Et puis, seuls les imbéciles ne savent pas qu’une forêt, ça se régénère rapidement. Dans ma Provence natale, j’ai vu bruler beaucoup de pinèdes autour de nos villages. C’est un spectacle de désolation mais quand aucune habitation n’est touchée et qu’il n’y a pas de victime, cela n’est pas irrémédiable. Dix à vingt ans après, on n’en voit plus la trace et une nouvelle forêt, plus verte, plus puissante prend la place de l’ancienne. Aux Etats-Unis, dans les parcs nationaux (il n’y pas d’habitations), ils ont pour politique de laisser bruler jusqu’à ce que l’incendie s’arrête tout seul (par manque de bois à bruler ou par la pluie) : il y a quelques années, une bonne partie du parc national de Yellowstone a brulé (j’en ai vu les dégâts sur place) ; quelques années plus tard, tout est comme avant. En Amazonie, la puissance de la nature est telle que, moins de cinq après un incendie, la forêt est reconstituée : la preuve, il suffit d’abandonner une parcelle agricole sans la cultiver ou de laisser une route sans entretien : la forêt reprend sa place en quelques années.
Tout cela ne signifie pas que je préconise de ne rien faire. Mais gardons le sens de la mesure et des réalités, s’il vous plait !
Et quand à l’ « aide internationale » de 20 millions de dollars proposée par le G7, quelle honte, quel mépris, quelle humiliation pour le Brésil ! Une telle somme est une aumône dérisoire, c’est une goutte d’eau, c’est le cas de la dire s’agissant de la lutte contre le feu. 20 millions, c’est moins de 10% du prix d’un Canadair, avion que le Brésil a largement les moyens de se payer s’il le veut (d’ailleurs, il en produit, des Embrayer!).
Si Monsieur Macron a voulu involontairement renforcer la popularité de Bolsonaro, c’est réussi. Les Brésiliens, y compris ceux qui le combattent, font tous bloc derrière lui.
Quant au prestige à Rio de notre « petit » (comparé au Brésil) pays, il n’en sort pas grandi et je ne voudrai pas être ambassadeur de France à Brasilia en ce moment : la pente sera dure à remonter. Notre pays avait autrefois un grand prestige au Brésil. Ses élites parlaient souvent parfaitement français, le droit civil brésilien est encore totalement fondé sur le code Napoléon et quand on parlait culture, on pensait immédiatement à Paris : c’est là par exemple que le grand architecte Oscar Niemeyer trouva refuge lorsqu’il quitta le Brésil sous la dictature militaire ; c’est au bord de la Seine que s’établit aussi Chico Buarte, le grand maître de la samba. Et on pourrait citer bien d’autres noms, autant de ponts entre nos deux nations.
Les Brésiliens sans culture et sans imagination vont faire corps avec Bolsonaro, un jeune blanc-bec sans principes, sans culture mais pas sans ambitions et finalement assez comparable à Macron. Pour eux, tous les coups, toutes les outrances, tous les mensonges sont permis. Aussi nuls moralement l’un comme l’autre.
Les Brésiliens intelligents feront la part des choses. Ils savent que la France ne se résume pas à Macron pas plus que le Brésil à Bolsonaro.
Cette affaire, si dérisoire et si subalterne, ne mérite qu’une chose, qu’on l’oublie vite et qu’on revienne à nos fondamentaux : le Brésil et la France sont deux nations latines sœurs. Le reste n’est que mauvaise politique de caniveau!
Yves Barelli, 28 août 2019