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11 octobre 2019 5 11 /10 /octobre /2019 00:22

C’est un « jeu » dangereux (et meurtrier par ses « dégâts collatéraux ») qui se joue depuis le 9 octobre à la frontière entre la Turquie et la Syrie du fait de l’intervention de l’armée turque dans le nord de ce pays contre les positions kurdes. Cette intervention, sans doute de caractère limité, était prévisible. Elle embarrasse les principaux acteurs présents sur le terrain (forces gouvernementales syriennes, Russie, Etats-Unis et, dans une moindre mesure, Iran – les pays de l’Union européenne sont, pour leur part, hors-jeu depuis longtemps -) et pourraient avoir des répercussions peu prévisibles (notamment la réaction américaine). Elle montre en outre, ce qui, hélas, était connu, le manque de maturité et de sens politique des Kurdes, manipulés par les forces extérieures, occidentales en particulier, et non payées de retour pour leur participation, souvent héroïque, à l’anéantissement de l’ « Etat islamique » (« Daesh »).

1/ L’armée turque a commencé son opération qui vise à prendre le contrôle d’une bande de trente kilomètres de large sur plusieurs centaines de long à l’intérieur du territoire syrien le long de la frontière turco-syrienne afin d’y déloger les milices kurdes qui se sont appropriées le terrain depuis quelques mois en y chassant les islamistes de Daesh et en y instaurant un pouvoir autonome de fait.

2/ Les Kurdes syriens avaient, avec la bénédiction et l’aide logistique et militaire des Etats-Unis et de leurs alliés, lutté victorieusement contre les terroristes de Daesh. Ils avaient réussi, ce faisant, à créer un « Kurdistan » autogouverné. Ils étaient convaincu que, ayant joué le rôle de supplétifs de la coalition dirigée par les Américains, ceux-ci, à défaut de reconnaitre de jure l’indépendance de ce territoire kurde, au moins, leur permettraient d’établir, comme en Irak, un territoire de facto souverain et qu’ils les protégeraient d’une intervention de la Turquie, qui n’a jamais caché qu’elle empêcherait toute tentative de créer, en Turquie ou au-delà de ses frontières, un Kurdistan indépendant, rêve de ce peuple sans Etat auquel des promesses en ce sens jamais tenues ont été faites de façon récurrente depuis la fin de la première guerre mondiale (et la disparition de l’empire ottoman).

3/ Depuis le début de la guerre civile de Syrie (2012), la stratégie (si tant est qu’il y ait effectivement une stratégie) américaine n’a jamais été claire et a donné l’impression de naviguer à vue. Au début, le but avoué était le renversement du régime laïc de Bachar-el-Assad en favorisant la subversion islamiste, soutenue en particulier par l’Arabie saoudite et les autres monarchies wahhabites du Golfe (d’ailleurs rivales des Saoudiens, notamment le Qatar). La Turquie d’Erdoğan, qui se voulait le leader naturel (comme au temps de l’empire ottoman) des musulmans sunnites militants, a, comme les Américains et les Saoudiens, aidé les factions islamistes (de Daesh mais aussi affiliées à Al Qaida), y compris en les armant et en achetant le pétrole de Daesh, à tenter de renverser l’Etat syrien.

Ce parti-pris anti pouvoir laïc des Américains (mais aussi, contre toute logique, de la France de Hollande, encore plus anti-Bachar que les Américains d’Obama, d’abord, puis de Trump) a été une folie dont le résultat a été la création d’un « califat » islamiste (« Daesh ») sur la moitié des territoires syrien et irakien, avec la barbarie et la cruauté que l’on sait et avec, conséquence qui n’a pas été la moindre, la perpétration d’attentats terroristes islamistes meurtriers en Occident (souvent d’initiative locale mais encouragée par les victoires sur le terrain syro-irakien des bourreaux sanguinaires de Daesh). On était en pleine absurdité : les « démocraties » occidentales aidaient sur le terrain ceux qui égorgeaient et assassinaient aussi chez nous.

La Syrie laïque n’a pu résister à la subversion que grâce à l’aide russe (et, dans une moindre mesure iranienne). Poutine, auteur du retour de la Russie sur la scène internationale après les tristes palinodies de son prédécesseur Eltsine (qui a vendu le pays aux intérêts capitalistes étrangers et aux « oligarques », enrichis sur le dos du peuple), a renforcé la Russie et son armée et l’a envoyée en Syrie défendre l’Etat laïc (criminel certes, mais dans ce pays, ils le sont tous et, à tout prendre, mieux vaut un criminel laïc qui n’agit pas contre nous que des criminels islamistes dont le but avoué est la fin de la civilisation occidentale ; les Israéliens se s’y sont pas trompés : ils n’ont pas participé à la guerre contre la Syrie car ils n’ont aucune envie d’avoir un Etat islamiste à leur frontière) contre la subversion islamiste.

4/ Les Occidentaux et la Turquie (elle aussi frappée par des attentats terroristes), ont fini par comprendre que la subversion islamiste était plus menaçante pour eux que la Syrie de Bachar, quand bien même était-elle alliée de la Russie de Poutine, à leurs yeux le continuateur de la politique de l’ex URSS. Ils se sont en conséquence enfin décidés à concentrer leurs forces sur l’élimination de Daesh (quitte à laisser Bachar en place).

Les Américains, toutefois, échaudés par leur calamiteuse guerre contre l’Irak (2003), ont préféré ne pas intervenir directement (si ce n’est par les bombardements aériens et la présence de « forces spéciales » au sol : une « force spéciale » est constituée d’unités d’élite, peu nombreuses mais remarquablement performantes dont la présence n’est jamais avouée officiellement) et ont utilisé les milices kurdes.

5/ Après l’élimination de Daesh en tant que force organisée à assise territoriale (après les prises de Mossoul et de Raqqa, il n’y a plus de « territoire » de l’ « Etat islamique » ce qui ne signifie pas que le danger est écarté : les djihadistes qui n’ont pas été arrêtés ou qui n’ont pas fui sont disséminés et pourraient à nouveau être actifs lorsque l’occasion se présentera), la situation est la suivante : a/ l’autorité de l’Etat syrien est recouvrée sur les trois-quarts du territoire b/Un « Kurdistan » de fait a été constitué au nord de la Syrie c/Il y a encore une poche dans le nord-ouest de la Syrie (région d’Idlib) qui n’est contrôlée ni par l’Etat syrien ni par les Kurdes (c’est là où l’Etat syrien, les Russes, les Kurdes mais aussi les Turcs et les Américains avaient toléré le regroupement de ce qui restait de forces anti-Bachar hors Daesh, avec des restes de milices disparates ; les forces syro-russes n’ont pas encore donné l’assaut de ce réduit en attendant un moment plus propice, notamment pour ménager la Turquie vers laquelle des centaines de milliers de gens pourraient trouver refuge pour fuir les combats, s’ajoutant ainsi aux 3,6 millions de Syriens déjà présents sur le territoire turc – certains rentrent en Syrie ; il y a en fait un va et vient).

6/ Quelles sont les alliances et rapports entre Etats présents dans la région ?

La situation est complexe et avant de la préciser il faut rappeler une chose essentielle si on veut tenter de comprendre cet « Orient compliqué » (comme disait le général de Gaulle) : il n’y a pas un conflit mais des conflits dans le conflit ; il n’y a pas une alliance d’un côté opposée à une autre alliance de l’autre mais chacun a des intérêts individuels, parfois en concordance, parfois en opposition avec d’autres et l’axiome mathématique « les amis de nos amis sont nos amis et les ennemis de nos ennemis sont nos amis » n’a aucune valeur au Moyen-Orient : les alliances contrenatures conjoncturelles et changeantes sont le lot commun et des « amis » peuvent s’affronter. Il n’y a pas de « gentils » et de « méchants » à 100% (même si certains peuvent apparaitre plus « gentils » que d’autres) mais des protagonistes défendant des intérêts particuliers avec des stratégies évolutives.                                                 

La Turquie est un pays membre de l’OTAN, tout comme les Etats-Unis ou la France par exemple. Les Etats-Unis et la Russie s’affrontent sur de multiples « théâtres » dans le monde. Ils ont néanmoins toujours pris soin d’éviter un affrontement direct en Syrie. Pourtant, la Turquie d’Erdoğan a établi une coopération qui est devenue « stratégique » (c’est-à-dire pas seulement conjoncturelle) avec la Russie (alors qu’au début du conflit syrien elles étaient opposées), mais aussi l’Iran.

Au début du conflit syrien, les Kurdes de Syrie avaient des relations plutôt correctes avec l’Etat syrien de Bachar. Les deux se battaient contre l’islamisme et étaient en différend avec la Turquie qui, elle, avec les Occidentaux, soutenaient  en fait Daesh. Cette conjonction remontait aux fondements de l’Etat syrien, dominé par la minorité alaouite alliée à toutes les autres minorités (chiites, chrétiens et Kurdes) contre la majorité sunnite (dont est issu l’islamisme).  

Lorsque le recul de l’Etat syrien (à partir surtout de 2014) a entrainé une sorte de vide dans le nord de la Syrie et que les Kurdes ont réussi à résister à l’avance de Daesh, puis ont gagné du terrain, ceux-ci ont réussi à contrôler la longue bande de terrain qui va d’Idlib à l’Irak le long de la frontière turque (c’est là où ils sont présentement et où ils sont attaqués par les Turcs). Leur situation était toutefois fragile : d’un côté, les Turcs, bien décidés à ne pas tolérer un « Kurdistan » ; de l’autre Daesh, toujours menaçant ; sur un troisième côté, enfin, l’armée syrienne, en phase de reconquête. Sans compter les dangers internes : dans « leur » Kurdistan, les Kurdes sont moins nombreux que les Arabes.  Ils ont alors choisi l’alliance avec les Etats-Unis, garantie à leurs yeux d’être « sanctuarisés ».

7/ Cette sécurité n’était qu’illusion. Les Américains n’ont pas d’intérêts vitaux en Syrie et, maintenant que Daesh n’est plus une menace, l’alliance avec les Kurdes (pauvres, ne maitrisant aucune ressource naturelle et entourés d’ennemis avec lesquels les Américains ont intérêt à composer) ne leur sert à rien.

La géostratégie de la Syrie a changé. D’une part, le renforcement et donc la pérennité de Bachar sont désormais admis tant par les Américains (même s’ils ne le disent pas), les Turcs (ils peuvent s’en faire un allié contre les Kurdes puisque l’ambition de l’Etat syrien est de recouvrer le contrôle de la totalité du territoire) que les Israéliens (qui n’ont jamais voulu sa perte).

Mais il y a une autre raison, capitale : désormais, l’ennemi numéro un des Saoudiens et autres monarchies du Golfe, mais aussi des Israéliens et donc des Américains (qui n’ont rien à refuser à l’Etat hébreu qui contrôle, de fait, le Congrès à Washington) est l’Iran. Cela est une chance pour Bachar : plus personne n’éprouve le besoin de le combattre, d’autant que, et cela est important, tout le monde a intérêt à avoir de bonnes relations avec la Russie : elle est le seul élément stable et solide dans la région alors qu’on ne sait ce que feront les Américains. Aussi, l’Arabie saoudite, affaiblie, cherche à séduire Moscou (qui peut transmettre les messages avec Téhéran). Israël a d’excellentes relations avec la Russie, de même que la Turquie et l’Iran. La clef de toute solution au Moyen-Orient passe donc par Moscou, pas par Washington (pour le moment).

Et tous ces acteurs parlent avec Ankara. Que pèsent les Kurdes face à la Turquie ? Rien. Pas seulement sur le plan militaire. Mais sur tous les autres plans aussi. La Russie est l’alliée de fait de la Turquie qui, par ailleurs, est toujours membre de l’OTAN. De par le monde, beaucoup ont leurs propres séparatistes. Donc, pas de sympathie à priori avec les Kurdes, les seuls à contester le statuquo territorial (en Syrie, en Turquie, en Irak et, potentiellement, en Iran – même si, pour le moment, ils ne contestent pas l’Etat iranien).

Et l’Europe dans tout cela ? Mais quelle Europe ? Politiquement, l’Union européenne n’existe pas, si ce n’est comme un appendice de l’OTAN. La France et la Grande Bretagne ont participé à la guerre des Américains en Syrie, mais sans aucune autonomie et seulement comme petite force d’appoint. Si les Américains lâchent les Kurdes, aucun Européen ne pourra rien pour eux, si ce n’est de prononcer quelques discours larmoyants à l’ONU.

8/ Que va-t-il se passer maintenant ?

Vladimir Poutine a été prévenu par Erdoğan de l’intention de ce dernier d’intervenir en Syrie. Sans doute a-t-il essayé de l’en dissuader ou, au moins, d’en limiter l’ampleur. Trump aussi. En annonçant deux heures après l’entretien téléphonique avec le président turc le retrait des forces spéciales américaines de la zone, cela, aussi, a équivalu à un feu vert.

La réaction de Bachar a été, en apparence, plus véhémente. Il ne pouvait en effet ne pas réagir à ce qui est, de par le droit international, une agression caractérisée. Il aurait même dit qu’il s’y opposerait militairement. Mais sans le feu vert russe, cela est improbable.

Une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU est en route. Les consultations à huis-clos ont déjà commencé. On peut s’attendre à des discours très fermes des pays européens, la France en premier lieu. Paroles qui se perdront dans l’océan… Y aura-t-il mise aux voix d’un projet de résolution ? Ce n’est même pas sûr. On se contentera sans doute d’une déclaration de la présidence du Conseil de Sécurité appelant la Turquie à la « retenue ».

Cette saisine du Conseil de Sécurité se place dans un contexte d’affaiblissement durable du multilatéralisme. Il y a longtemps que les Américains, les Israéliens et quelques autres agissent quand et où bon leur semble sans aucun mandat international. Pourquoi pas la Turquie ? Quand bien même y aurait-t-il une résolution du Conseil de Sécurité, elle ne pourra que rester lettre morte.

Un gain de sable pourrait néanmoins se glisser dans les rouages. Le Congrès américain n’aime pas beaucoup Erdoğan. Il pourrait voter des sanctions contre la Turquie et forcer Trump à les appliquer. Cela aggraverait encore la situation de l’économie turque, déjà peu flambante. Erdoğan pourrait se venger en ouvrant la route des réfugiés vers l’Union européenne. Je ne crois pas beaucoup à ce scénario, mais on ne sait jamais. La tension turco-syrienne dans la poche d’Idlib pourrait aussi dégénérer. Sans doute Poutine parviendra-t-il à calmer le jeu.

Mais même lorsque le pire n’est pas le plus probable, il n’est jamais totalement improbable.      

9/ Mon évaluation est la suivante : l’intervention turque va être très limitée et l’armée turque ne s’installera pas. Mais ils obtiendront ce qu’ils cherchent : on ne parlera plus de « Kurdistan » syrien. Les Kurdes vont rentrer dans le rang et chercheront un arrangement avec l’Etat syrien. Dans le meilleur des cas pour eux, ils obtiendront un régime de fait d’auto-administration qui ne sera même pas une autonomie formelle.

10/ Cela est triste pour ce peuple courageux qui mérite mieux mais auquel, malheureusement, il manque beaucoup de sens politique. On l’a constaté en Irak (avec une déclaration d’indépendance avortée). On le voit aujourd’hui en Syrie. De tous les « Kurdistan » possibles, celui de Syrie était le moins viable. Il n’a pu émerger, provisoirement, que par la faiblesse de la Syrie. Il était en fait condamné dès le départ. Je crois davantage à la pérennité de celui d’Irak. Le seul possible, à condition qu’il s’en tienne à l’autonomie théorique, même si elle a l’allure d’une indépendance que, pour le moment, les Kurdes n’ont pas intérêt à proclamer officiellement. Les relations internationales ne sont pas une affaire de sentiment, pas plus que de « bon droit » légitime, mais de rapports de force./.    

Yves Barelli, 10 octobre 2019         

                                               

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13 juin 2018 3 13 /06 /juin /2018 09:34

L’aveuglement, l’irresponsabilité et l’hypocrisie caractérisent l’attitude de l’Union européenne et de ses membres « européistes » (fort heureusement, le nombre des pays qui veulent se démarquer de cette politique suicidaire est en hausse rapide) envers le déferlement migratoire sur la partie du continent où on continue encore à vouloir, envers et contre tout, les recevoir. Contrairement à ce qu’en disent nos médias et nos dirigeants « bienpensants », il ne s’agit pas d’une question humanitaire mais de l’acceptation criminelle d’un honteux trafic d’êtres humains organisé conjointement par des « passeurs » sans scrupules qui gagnent beaucoup d’argent dans ce trafic et par des ONG (organisations non gouvernementales) qui, dans le meilleur des cas, sont myopes et dans le pire complices.

1/ La pire attitude dans la vie consiste à donner de faux espoirs aux gens.

C’est bien de sauver des gens de la noyade en Méditerranée. Bien entendu que face à une vie ainsi en danger, l’assistance est un devoir.

Mais en l’occurrence, nous sommes en face d’une situation où certains mettent sciemment en danger des êtres humains afin d’en obliger d’autres à leur porter secours. Pis, ceux qui leur viennent en aide en font leur métier, leur raison d’être et j’ajoute leur « business » car les ONG qui s’y dédient reçoivent des subventions publiques et leurs dirigeants ne sont pas des bénévoles mais des professionnels. Cette activité porte un nom : la « charité-business ». J’ai côtoyé quelques-unes de ces âmes charitables lorsque j’étais en poste diplomatique en Inde : elles venaient régulièrement visiter « leurs » pauvres et certains représentants de ces ONG étaient en conflit entre eux car en concurrence pour s’occuper des mêmes pauvres.

La situation est certes contrastée et je ne mets pas toutes les ONG dans le même sac. On trouve souvent le meilleur. Mais aussi le pire. Et parfois, les meilleures intentions peuvent être involontairement dévoyées. Ainsi, lorsque Coluche a créé les « restos du cœur », c’était à titre provisoire pour suppléer à la déficience des pouvoirs publics. L’institution s’est pérennisée. Aujourd’hui, les bénévoles des « restos » (et de quelques autres tels le Secours Catholique ou le Secours Populaire) sont toujours aussi méritants à titre individuel. Mais le système est en grande partie détourné par quelques « usagers » réguliers qui revendent les produits gratuits qu’ils y reçoivent : un trafic est né. Et quand certains « usagers » « exigent » en outre de ne recevoir que des produits « hallal », on atteint l’absurde : les bénévoles se font, involontairement (espérons-le) les complices de l’islamisme militant et conquérant.

2/ L’accueil des migrants est atteint du même syndrome que celui que je viens de décrire : bonne intention au départ, action nuisible à l’arrivée. Même la Croix Rouge est tombée dans la dérive. Au plus fort de la vague migratoire qui a submergé les Balkans à la suite de l’appel d’air de Madame Merkel (pas si désintéressée que ce qu’on a bien voulu en dire : elle a fourni de la main d’œuvre et des consommateurs au patronat allemand sur fonds publics payés par les impôts des classes moyennes), la Croix rouge ne s’est pas contentée de donner des secours aux migrants mais, de connivence avec les passeurs, elle leur distribuait des brochures écrites dans leurs langues pour leur donner quelques astuces afin de déjouer la surveillance des pays de transit peu « compréhensifs » face à ce trafic. Et pour mieux déjouer la vigilance des gardes-frontières, on leur donnait des téléphones portables.                             

Et c’est là qu’on touche du doigt non seulement le problème de la connivence des ONG avec les passeurs, mais aussi celui de l’ « appel d’air ». Là où on accueille « humainement » les migrants en les laissant entrer, en les logeant, en les nourrissant et en leur donnant un pécule, on encourage évidemment les arrivées et on favorise donc les filières de passeurs. Le ministre de l’intérieur l’a avoué (et il a scandalisé la gauche-caviar, dont une partie est devenue macroniste, composée de gens qui se disent généreux et qui, pourtant, n’ont pas l’air émus de voir dans nos rues des enfants de « migrants » de six ans mendier aux feux rouges, spectacle indigne d’un pays soit disant civilisé) : les migrants, composés, rappelons-le de clandestins qui ne sont pas des réfugiés politiques – ceux qui sont déboutés restent -, font leur « marché » en choisissant les pays les plus généreux. Pourquoi ne vont-t-ils pas en Arabie saoudite ou au Qatar ? Musulmans pour la plupart, ils y trouveraient les lieux de culte et la viande Hallal qu’ils exigent chez nous. S’ils n’y vont pas, c’est parce qu’ils y sont moins bien reçus que chez nous.      

En effet, quand le pays est moins accueillant, le flot se tarit de lui-même : la route des Balkans est maintenant abandonnée par les passeurs car les Bulgares et les Macédoniens  ont fermé leurs portes, les Grecs sont moins généreux, les Hongrois les incarcèrent s’ils franchissent la frontière (depuis, les Hongrois ont la paix : immigration zéro), les Croates et les Slovènes peu coopératifs et les Autrichiens les renvoient.

C’est ce qui avait incité les passeurs à choisir désormais la voie italienne. Départ la Libye ou la Tunisie. Abandon des migrants en mer, pas seulement parce que les passeurs n’ont aucun scrupule, mais aussi parce les bateaux des ONG les récupéraient et les débarquaient en Italie. 700 000 sont ainsi venus en quelques mois (dans le même temps presque plus par les Balkans).

Désormais, l’Italie, c’est fini grâce à la politique du nouveau gouvernement. Alors, vive la route espagnole ! Et quand les Espagnols en auront marre, les passeurs et les ONG choisiront peut-être la Corse où le président de l’Assemblée corse vient de faire sa première faute politique depuis son élection en se disant prêt à accueillir les passagers de l’Aquarius. Les Marocains qui rendent la vie impossible aux Corses ne lui suffisent-ils pas ? Il en veut d’autres ?

3/ Certains lecteurs vont peut-être me traiter de « cynique », voire de « populiste » ou même de « fasciste».

Je suis simplement réaliste et j’essaie d’être responsable. Je ne suis ni raciste ni anti-migrants par principe. La France a accueilli des millions d’immigrants depuis un siècle : les noms de famille polonais, italiens ou arméniens si courant en France l’attestent. Mais si leurs noms étaient difficiles à prononcer, ce ne fut jamais le cas des prénoms de leurs enfants car ils avaient à cœur d’en faire de vrais Français. Pas seulement pour les « papiers » mais dans leur cœur et leur tête. En classe à Marseille, j’ai eu beaucoup de copains d’origine arménienne ou vietnamienne et de bien d’autres contrées exotiques. Ils se prénommaient Michel, Robert ou Alain et ils se revendiquaient aussi Français que moi. Cette immigration-là a été une chance pour la France parce que les immigrés ne cherchaient pas seulement l’intégration mais l’assimilation.

Malheureusement ces temps sont révolus. On a désormais affaire à des immigrés qui revendiquent comme un droit de vivre, de parler, de s’habiller et de prier comme ils le faisaient chez eux. La France est devenue un hall de gare où on passe et un « no man’s land » où n’importe qui s’installe sans considération des autochtones et de leur mode de vie.

Pour moi, cela est inacceptable. Les boubous dans les rues de Dakar, c’est très joli et je souhaite que ce beau vêtement, qui est une part de l’identité locale y soit conservé. Mais à Paris, je n’en veux pas. Ce n’est pas du racisme de le dire, c’est de l’autodéfense pour mon pays et si je suis attaché à l’identité sénégalaise à Dakar, il me parait logique de conserver celle de la France à Paris. Dire le contraire est dogmatique, irresponsable et c’est être les idiots utiles de ceux qui veulent sciemment nous coloniser. Je ne parle pas des immigrés de base, mais de ceux qui prétendent les diriger, concrètement les islamistes (la majorité des immigrés sont musulmans, les autres posent moins de problèmes).

Oui à l’immigration choisie. Non à l’immigration subie. Vous les avez vus ces soit disant « famille syrienne » (qui viennent le plus souvent d’ailleurs) qui mendient aux portes du périphérique parisien en abordant les automobilistes avec des «Asalam ou aleikoum » sans même faire l’effort d’un « bonjour » ? Il est clair qu’ils n’ont aucune chance de s’intégrer et encore moins de s’assimiler. Principalement parce qu’ils n’en ont aucune envie.

4/ Le problème des « migrants » peut trouver trois types de solutions. La première est de faire le tri entre ceux qui ont vocation à devenir Français parce qu’ils le souhaitent vraiment et les autres. Les premiers, on les garde et on leur souhaite la bienvenue. Les autres, on les refuse. Devenir Français, cela demande un effort. Celui qu’ont consenti les immigrés du vingtième siècle : être né en Pologne et vivre à Liévin, ce n’était pas tous les jours facile.

Etre Français, cela se mérite. Il ne faut accueillir que ceux qui le méritent et, une fois accueillis, ne pas lésiner sur les moyens pour que cette assimilation soit une parfaite réussite. Ces candidats à l’immigration doivent se faire connaitre de nos ambassades. C’est là que le tri doit se faire et que des visas doivent leur être délivrés. Avec générosité mais avec discernement et sans démagogie : ceux qui sont inassimilables doivent être refusés sans états d’âme. On doit en particulier vérifier que leur mode de vie est compatible avec le nôtre.     

Ceux qui ne sont pas admis par la procédure initiale, sont des clandestins, donc en infraction. Dans l’écrasante majorité des pays du monde, l’entrée clandestine conduit à l’incarcération et à l’expulsion après avoir payé une amende. C’est ce qu’on fait aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, en Arabie saoudite, en Hongrie et dans une bonne centaine d’autres pays du monde. Pourquoi pas chez nous ?

La solution pour l’immigration non choisie, c’est donc la méthode hongroise. Réussite totale : ils n’en ont plus.

Et il y a surtout une troisième solution. C’est celle qui m’intéresse le plus. C’est la seule viable sur le long terme. Il s’agit d’organiser le développement intelligent de l’Afrique par une étroite coopération avec l’Afrique. Concrètement, pour un pays comme la France, c’est moins d’Europe (où on n’a rien à y gagner), et plus d’Afrique. C’est par un développement sur place qu’on résoudra le problème migratoire car c’est la pauvreté et l’appel d’air qui les font partir (on fait croire aux gens que c’est mieux en Europe où on peut vivre d’ « allocs » sans travailler, ce qui est hélas vrai. Quand je dois « on », ce sont à la fois les passeurs et une partie des immigrés déjà installés qui font croire à ceux de « là-bas » qu’ils ont réussi même quand ce n’est pas le cas). Le développement, cela signifie le développement endogène, contraire de la « mondialisation » néfaste pour tous. Cela signifie aussi en finir avec la croissance démographique exponentielle dont on ne parle jamais pour ne pas « stigmatiser » et aussi par intérêt (voyez par exemple les téléphones portables : dans le tiers-monde tout le monde en a maintenant, paradis pour les opérateurs Orange et autres). Si la Chine s’est développée, sans aucune aide étrangère (qui n’est jamais la solution), c’est en grande partie grâce à la politique de l’enfant unique.

Il y aussi un substitut à l’immigration définitive non choisie, c’est l’immigration temporaire organisée.

Elle existait jusque dans les années 1980, avant l’instauration des visas et avant la politique de regroupement familial, un véritable crime contre la Franc et contre l’Afrique car on a créé des millions de déracinés. On avait alors des jeunes célibataires qui venaient seuls et qui restaient deux ou trois ans. Tout le monde était gagnant : celui qui venait, qui apprenait à travailler comme en France, qui envoyait de l’argent au village et qui rentrait avec un petit pécule lui permettant de monter une petite activité économique au retour. Dans certains villages (je pourrais citer des exemples concrets), presque tous les jeunes venaient à tour de rôle.

Aujourd’hui, il y  a les chanceux qui obtiennent un titre de séjour ; ils ne repartent presque jamais car ils ne sont pas sûrs, si le retour n’est pas bon, d’avoir une deuxième chance de venir à nouveau ; ensuite, la famille vient et sans c’est irrémédiable : à la deuxième génération, celle née en France, on a des déracinés, pas vraiment Français (sauf pour les « papiers »), plus non plus Africains : pour un qui assume avec succès sa double culture, neuf ne sont plus rien et une proie pour le communautarisme hors sol. Le problème de nos banlieues est là : une immigration anarchique.

Quant aux autres, ceux à qui on refuse le visa, on en fait des frustrés, qui gardent une rancœur contre la France (en Algérie, c’est un terreau pour l’islamisme) ou qui tentent de venir avec l’aide des mafias des passeurs et de leurs complices des ONG : on les retrouve sous les tentes du canal Saint-Martin.       

Organiser l’immigration contrôlée et temporaire nécessiterait évidemment des politiques volontaristes. Par exemple des accords intergouvernementaux pour envoyer pour une durée déterminée des travailleurs chez nous, sans leur famille.

Mais dans le système qui est désormais le nôtre où on s’en remet totalement aux lois du marché, ces politiques volontaristes n’existent plus. On n’est même plus capable d’assurer de bonnes conditions de vie et de proposer une identité aux Français de souche. Alors, pour les autres, ceux qui nous rejoignent, sauf exception (il y en a quand même, heureusement), c’est presque mission impossible. Surtout quand des irresponsables prônent le « multiculturalisme » à notre pays avec ce paradoxe que les plus ardents défenseurs du multiculturalisme venu de l’extérieur, le refusent aux Corses, aux Bretons et aux Occitans.  

En attendant, il vaut mieux ne pas accueillir des gens auxquels on est incapable de proposer de véritables perspectives d’insertion dans notre pays.

N’en déplaise à ceux qui sont incapables de regarder la réalité en face, la solution, au moins à court terme, c’est celle choisie par la Hongrie et l’Italie. Immigration zéro (sauf pour ceux qui présentent toutes les garanties d’assimilation), interdiction de débarquer dans les ports, chasse aux passeurs (avec des sanctions dissuasives), expulsion des clandestins et interdiction aux ONG d’avoir des activités contraires à l’intérêt national.

Et si nos dirigeants européens actuels sont incapables de s’y résoudre (le dogmatisme les aveugle), espérons que les peuples se chargeront de le faire à leur place en votant comme les Hongrois, les Italiens ou les Autrichiens./.

Yves Barelli, 12 juin 2018                                                             

      

       

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12 juin 2018 2 12 /06 /juin /2018 16:28

La rencontre « historique » entre le président américain et le « président de la commission des affaire de l’Etat » (son titre officiel)  nord-coréen, qui s’est déroulée le 12 juin à Singapour, est intéressante à plus d’un titre : pour les relations entre les deux pays, pour leurs politiques intérieures (aspect essentiel), pour la situation en Asie du Nord-est (qui intéresse aussi la Corée du Sud, évidemment, mais également la Chine, la Russie et le Japon), mais aussi parce qu’elle a contribué à mieux cerner la psychologie des deux acteurs et qu’elle est l’occasion de porter un jugement hélas très critique sur les médias et les dirigeants européens, si embourbés dans leurs préjugés qu’ils sont incapables, pour la plupart, d’analyser une situation qui leur échappe (comme vient, par ailleurs, de montrer leur attitude affligeante lors du sommet du « G7 » qui vient de se tenir au Canada).

1/ Le fait que la rencontre ait eu lieu et qu’elle se soit déroulée, apparemment dans une atmosphère chaleureuse, en est le principal acquis et quasiment le seul : le document signé par les deux présidents est suffisamment vague pour satisfaire tout le monde. Il ne contient en effet pas grand-chose de concret. Les deux parties s’engagent sur la voie de la dénucléarisation de la « péninsule » coréenne (on évite de citer la seule Cirée du Nord, mais elle est la seule à posséder l’arme nucléaire). A supposer qu’elle soit effective, les experts s’accordent à dire que cela prendra du temps, au minimum dix ans.

Si l’engagement nord-coréen est à minima, celui des Etats-Unis l’est tout autant : pour le moment, les 35 000 « GI » qui stationnent en Corée du Sud vont y rester, les « sanctions » américaines ne sont pas levées (elles sont, de toute façon, d’une utilité plus politique que pratique) et il n’y aura pas d’échanges d’ambassadeurs, « pour le moment ». Quant au traité de paix mettant officiellement fin à la guerre de Corée (interrompue en 1952 par un armistice « provisoire »), on attendra aussi encore un peu. Le président Trump a accepté l’invitation de visiter Pyongyang et il a invité son homologue à la Maison Blanche. Ces visites auront lieu « le moment venu ».    

 Les petits gestes sont néanmoins au rendez-vous : les Etats-Unis ne renouvelleront pas, « pour le moment », les manœuvres militaires conjointes avec la Corée du Sud (cette  dernière n’y tient probablement pas, mais ce n’est pas elle qui décide) et les Nord-Coréens vont faciliter le rapatriement aux Etats-Unis des restes des soldats américains morts en Corée dans les combats ; cela s’ajoute à la libération il y a quelques semaines d’une poignée de détenus américains qui purgeaient des peines de prison en Corée du Nord pour « espionnage ».

2/ Seuls des commentateurs ignorants les réalités ou prenant les gens « de l’autre camp » pour des idiots pouvaient penser que la Corée du Nord allait accepter de renoncer unilatéralement et tout de suite, avec accueil sur place de vérificateurs pour s’en assurer, à sa bombe atomique sans rien de sérieux en échange alors que cette arme est sa principale garantie (les autres étant la protection chinoise et russe) de ne pas être agressée par les Américains (il ne faut tout de même pas oublier, ce que font beaucoup, que ce n’est pas l’armée nord-coréenne qui menace les Etats-Unis, mais le contraire compte tenu des forces colossales « yankee » en Corée du Sud et en mer de Chine).

En l’occurrence , je crois que Donald Trump a été plus intelligent que ces commentateurs bien plus royalistes (c’est-à-dire anti-communistes primaires voyant tout par le prisme occidentaliste déformant et ayant la vision simpliste d’un monde où les « gentils » - eux – ont le « devoir » d’imposer le « droit » aux « méchants » - ceux qui ne partagent pas leur vision angélique-) que le roi américain.

Donald Trump joue sur cette affaire, et quelques autres, une victoire aux élections de mi-mandat de l’an prochain et sa réélection ensuite pour un second mandat. Après les « victoires » remportées dernièrement sur la scène internationale et les avantages internes qui en sont attendus (économies et création d’emplois) à tort ou à raison (retrait de l’accord sur le climat, dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien – les Américains n’ont jamais pardonné l’humiliation de la prise d’otages de leur ambassade à Téhéran sous Khomeini - , alignement sur Israël – le « lobby » juif est puissant aux Etats-Unis, humiliation des Européens, vus comme faibles et ingrats car « protégés » par le parapluie nucléaire américain, au G7), il a quelques chances d’y parvenir. Un président qui montre les muscles est toujours populaire aux Etats-Unis.

Kim Jong un avait pour objectif une reconnaissance internationale. C’est fait. Pour y parvenir, il a fait comme Trump : d’abord montrer la force (la bombe et les fusées pour la porter) et la volonté de l’utiliser si nécessaire ; ensuite négocier. Cela est populaire en Corée du Nord (en Corée du Sud aussi d’ailleurs, en dépit des commentaires partiaux de la presse occidentale : le sentiment national est fort en Corée, tant au Sud qu’au Nord, et le fait qu’un dirigeant coréen puisse parler d’égal à égal avec le dirigeant de la plus grande puissance que la planète ait jamais portée, est populaire des deux côtés de la ligne de démarcation). De plus, les Nord-Coréens attendent de la détente, par le changement de priorité que cela va entrainer (l’économie désormais avant la défense) une amélioration de leur niveau de vie, ce qui n’est pas négligeable non plus.

3/ Dans les faits, toutefois, il ne faut pas attendre de changements drastiques rapides. La réunification n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais, au moins, le fait de ne plus parler de guerre nucléaire est positif (personne parmi les gens sérieux n’y croyait mais un accident avec enchainement incontrôlé est toujours possible, même s’il est improbable ; dans ce « danger imminent » mis en avant, les considérations internes ont joué le premier rôle : seuls quelques naïfs en Europe y ont cru).

Certains croyaient à une « réconciliation » américano-nord-coréenne sur le dos des Chinois et des Russes. Ils prenaient évidement leurs désirs pour des réalités. Pyongyang a avancé en concertation étroite avec Pékin et Moscou. Le président nord-coréen (qui s’était déplacé deux fois à Pékin ces derniers temps) s’est d’ailleurs rendu à Singapour à bord d’un avion chinois. C’est dire que les Chinois n’étaient pas hostiles à la rencontre de ce jour.

Plus intéressantes sont les perspectives de rapprochement concret entre les deux Corée. Le président sud-coréen y est favorable (à la différence de ses prédécesseurs, des « faucons »). Lui aussi veillera à ne pas froisser son « allié » et « protecteur » américain bien que ce soit l’intérêt sud-coréen de s’en émanciper. En Asie, on sait être prudent et patient.

On peut en revanche s’attendre à un rapprochement économique et humain (voyages des citoyens), pas à pas, entre les deux Corée. Le Sud a de l’argent, le Nord des besoins. L’intérêt économique s’ajoute donc ici aux aspirations politiques. Même sans le dire, chacun veut travailler à la réunification à terme de cette grande nation.

4/ Venons-en aux commentaires de nos journalistes et de nos politiques.

Je les qualifierais majoritairement d’insignifiants, de partiaux (quand on est partial en s’alignant sur d’autres, on est insignifiant) et, souvent, de prétentieux (et quand on n’a pas les moyens de la prétention, c’est encore pire).

La plupart des commentateurs ont évidemment totalement collé à la vision manichéenne selon laquelle Kim est « méchant » et le président américain, malgré ses défauts (dont le majeur est d’être un « populiste », donc une espèce de Le Pen), est tout de même le représentant d’une « démocratie », donc de notre bord, d’un pays « gentil », en un mot de notre monde (les autres étant des sortes d’extra-terrestres). Une telle attitude, lorsqu’on est un représentant du « système » (nos politiques) ou qu’on est un mercenaire payé par lui (les journalistes), est dans l’ordre des choses. Seuls les naïfs croient à l’objectivité de la presse.

Mais ils ont eu le tort en plus de se méprendre tant sur Kim Jong un que sur Trump.

Présenter le premier comme une sorte de Dalton de la bande dessinée aussi bête que méchant, est indigne d’un journaliste digne de ce nom. L’enchainement des évènements depuis un an montre qu’ils se sont trompés. Je passe sur la « méchanceté », le jugement est subjectif. Mais quant à la bêtise, c’est tout faux : ils sont obligés de reconnaitre maintenant que la stratégie nord-coréenne est la bonne. On voit d’ailleurs nos « commentateurs » très gênés par la tournure inattendue des évènements. La stratégie de Kim est d’ailleurs un classique enseigné dans toutes les écoles de guerre : montrer la force pour ne pas avoir à s’en servir. Se doter de l’arme nucléaire et persuader les autres qu’on n’hésitera pas à l’utiliser (sinon, elle ne sert à  rien ; c’est le principe de la dissuasion), y compris contre l‘hyperpuissance, était la seule façon d’être pris au sérieux.

Pour Trump, ils ont commis la même erreur. Ils l’ont sous-estimé et présenté comme une sorte de cinglé dangereux totalement imprévisible (être imprévisible pour le autres, c’est une qualité quand soi-même on prévoit). A leurs yeux, Hillary Clinton paraissait plus équilibrée. Mais paraissait seulement…

Ils n’ont pas vraiment compris la psychologie qui est majoritairement celle des Américains. Le continent américain (nord et sud) est violent et, sous des apparences souvent lisses et décontractées, on y est souvent brutal.

C’est un trait culturel que je connais bien parce que j’ai vécu trois ans à New-York et que j’ai passé trente ans à négocier avec des Américains. Pour eux, seul le rapport de force compte (et, en politique et diplomatie, on peut le comprendre puisqu’ils sont les plus forts) : on ne  cherche pas à séduire mais à imposer si on en a le pouvoir. Macron en cherchant à séduire Trump s’est totalement trompé. Dans une négociation, les Américains ont la même attitude que Staline (il y a de grandes affinités entre le fonctionnement des Américains et celui des anciens Soviétiques) : « en face, combien de divisions ? ». Trump l’a très bien compris au G7 : il n’a eu que mépris pour cette Union européenne sans pouvoir et ses membres sans pouvoir non plus et surtout sans volonté de s’opposer à leurs maitres américains (qui considèrent, à juste titre, les Européens comme leurs vassaux). Dans ces conditions, que Trump ait plus d’estime pour Kim Jong un, pour Poutine ou pour Xi Jing pin, que pour Macron ou Trudeau, cela ne m’étonne pas : le match n’est pas gagné d’avance avec les premiers alors que, face aux Américains, les seconds sont toujours perdants parce que, à la différence de de Gaulle, ils n’ont aucune volonté de gagner.

Je vous donne un exemple de mon expérience personnelle pour illustrer mon propos en essayant de ne trahir aucun secret diplomatique. J’ai eu à négocier dans les années 1990 un accord dans le domaine des organisations internationales des satellites de télécommunications au sein desquelles j’étais le représentant de la France. Les Américains ont voulu changer les règles du jeu (concrètement en allant vers la privatisation, ce qu’ils ont obtenu quelques années plus tard) ; il leur fallait les deux-tiers des pays pour y parvenir. La France s’y opposait.

Pour négocier, on le fait discrètement dans les couloirs ou un bistrot (là, il n’y a pas d’interprètes). D’entrée, j’ai dit deux choses au chef de la délégation américaine : la première est que j’acceptais de lui parler anglais seulement parce qu’il était incapable de s’exprimer en français (à INTELSAT, dont le siège est à Washington, il y a deux langues officielles et de travail, l’anglais et le français). J’ai marqué un premier point (d’autres, comme Macron, auraient montré qu’il est normal que tout le monde ne parle qu’anglais, ce qui place les anglophones en position de supériorité : la langue est toujours un élément de la politique et du statut). La seconde chose est que je lui ai dit que jamais il n’arriverait aux deux-tiers des voix si la France s’y opposait parce que la France n’était pas forte seulement de sa propre force, mais aussi de son influence et de ses amitiés dans le tiers-monde, à commencer par l’Afrique (Chirac a eu, avec succès, le même langage en 2003 au Conseil de Sécurité où nous avons réussi à bloquer le projet américain de résolution sur l’Irak).

Résultat de ma négociation : d’abord, les Américains sont intervenus à Paris pour essayer de me faire désavouer par mon ministre (ils n’hésitent jamais à utiliser tous les moyens ; parmi lesquels, l’espionnage). Echec. Ensuite, ils ont fait leurs comptes et se sont aperçu que ce que je disais était vrai. Ils sont alors devenus tout gentil avec moi et nous sommes parvenus à un bon compromis. J’ajoute que j’ai été soutenu par les Africains, pas par les Européens (sauf les Suisses, ironie, hors UE ; ils sont très attachés au service public, y compris international), dont la plupart ont comme culture de se coucher devant les Américains. Avec le chef de la délégation américaine, nous sommes devenus, une fois l’affrontement initial passé, les meilleurs amis du monde. Il n’avait en revanche que peu de considération pour mes collègues européens, toujours prêts à essayer de leur plaire et mettant un point d’honneur à essayer de parler un bon anglais, croyant ainsi pouvoir obtenir plus alors qu’ils obtenaient moins que moi (l’un de nos ambassadeurs à Washington qui a laissé le meilleur souvenir était moyen en anglais avec un très fort accent : il avait changé l’inconvénient en avantage car dès qu’il apparaissait à la télévision, on le reconnaissait tout de suite alors que les autres passaient inaperçus).

Si je vous ai compté cette anecdote, c’est pour vous montrer que pour obtenir un bon accord, il faut d’abord montrer sa force. Trump, Kim, Poutine et de Gaulle en son temps, l’ont  (ou l’avait) parfaitement compris.

Certes, Trump ou Kim sont brutaux. Ils paraissent même un peu rustres, pour tout dire pas franchement civilisés. Mais efficaces.

Monsieur Macron (et vos émules), pour parler aux Américains, il ne suffit pas de bien manier la langue anglaise (ce que vous faites mieux que moi, j’en conviens)!

Entre nos journalistes (et quelques hommes politiques) qui ont traité Trump et Kim d’idiots, et ces présidents, les vrais idiots, ce sont certainement les premiers.

La moralité de cette histoire devrait être d’essayer de voir à qui on a affaire, quelle est sa culture, quelles sont ses motivations et ses objectifs, de quels moyens dispose-t-il, avant de porter des jugements péremptoires sur des personnes et des situations que l’on ne connait pas. En tout cas, ne jamais sous-estimer l’interlocuteur./.     

Yves Barelli, 12 juin 2018                                                      

   

                                                             

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11 juin 2018 1 11 /06 /juin /2018 09:17

Le sommet qui s’est tenu les 9 et 10 juin à Quingdao avec la participation notamment des présidents Xi Jinping (Chine), Poutine (Russie), Modi (Inde) et Rohani (Iran) dans le cadre de l’Organisation de Coopération dite de Shanghai est important tant par ce que représentent ses participants que par les thèmes abordés. Ces sommets sont annuels et sont l’illustration du renforcement des liens de toutes natures qui unissent de plus en plus les trois géants euro-asiatiques (Russie, Chine, Inde) et de nouveaux pays qui s’y agrègent, parmi lesquels l’Iran, le Pakistan (c’est nouveau) et, encore en marge mais lié par d’autres canaux de coopération, la Turquie. C’est un véritable axe continental qui se met en place et qui entend présenter un front commun face à la prétention impérialiste des Etats-Unis de diriger seuls le monde. Obnubilés par les palinodies sans intérêt du G7, par le prochain sommet Trump-King Jong un et peut-être aussi par Roland Garros et le prochain Mondial, nos médias ont peu parlé de cette réunion essentielle. C’est dommage. Il faudra bien qu’ils s’y intéressent à l’avenir car la géométrie du monde est en train de changer.

1/ L’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) a été créée en 2001 à Shanghai par six pays : Russie, Chine et quatre Etats de l’Asie centrale ex soviétique (Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan et  Kirghizistan – il manque le Turkménistan) pour améliorer la coopération en Asie Centrale. L’OCS s’est élargie à l’Inde et au Pakistan en 2017. Plusieurs pays ont le statut d’observateur, ce qui leur permet de participer en tant qu’invités aux réunions, dont les sommets annuels : Iran, Afghanistan, Mongolie et Biélorussie. D’autres Etats ont le statut informel de « partenaires de discussion » : la Turquie, les pays du Caucase, le Népal et d’autres pays d’Asie.    

Le sommet de cette année a eu lieu à Qingdao, métropole portuaire du Shantoung, cette vaste péninsule qui s’avance en mer de Chine en face de la Corée, entre Pékin et Shanghai, et qui a donné à l’ « empire du Milieu » quelques sages dont Confucius.

Les pays membres de l’OCS  représentent globalement près de la moitié de la population et de la superficie mondiales, un PIB de plus du quart, de vastes ressources en énergies et matières premières et quatre des neuf puissances nucléaires.

Le lien peut être fait avec une autre structure de coopération existante, celle dite du processus d’Astana, qui réunit la Russie, le Kazakhstan, l’Iran, la Turquie et la Syrie et qui organise des réunions informelles (auxquelles participent une partie de l’opposition syrienne) pour discuter de la situation au Moyen Orient.          

2/ Les thèmes de coopération abordés officiellement cette année concernent :

a/ La lutte commune contre le terrorisme islamiste (tous les pays membres sont touchés) avec échange entre services de renseignement et facilitation des procédures d’extradition. 

b/ Sur la Syrie, au-delà de la rhétorique sur la recherche d’une solution politique juste, l’insistance à garantir l’indépendance nationale contre toute ingérence extérieure peut être vue comme un soutien au gouvernement légal du pays dirigé par Bacha-el-Assad. Le sommet a salué les efforts déployés par la Russie, la Turquie et l’Iran.

c/ Comme d’habitude, les questions commerciales ont occupé une place importante (à la demande des Chinois) avec l’encouragement, lui aussi rhétorique, aux investissements mutuels dans les pays membres. Visant les récentes décisions américaines, les membres de l’OCS ont appelé à « rejeter les politiques égoïstes, à courte vue, étroites et fermées » et à maintenir les règles de l’Organisation Internationale du Commerce.

d/ Les discussions informelles ont surtout concerné l’Iran. La présence de M. Rohani et la volonté de la Russie et de la Chine de préserver l’accord sur le nucléaire iranien (dénoncé par Trump) vaut clairement soutien à la République islamique. On ne sait si des dispositions plus pratiques ont été prises pour contrer les conséquences, notamment commerciales, des sanctions américaines. 

3/ Où en est-on de cette coopération ?

Le fait qu’elle existe depuis bientôt vingt ans est un bon signe en soi. Il montre une volonté d’agir en commun à la fois pour faire face à la menace islamiste et pour contrer l’hégémonie américaine dans le monde. Les trois grands pays ont compris qu’ils avaient intérêt à présenter un front commun parce que c’est la seule possibilité d’équilibrer le poids des Etats-Unis. Cela est d’autant plus positif que par le passé les conflits et différends ont été importants : Russie/Chine et Chine/Inde. Le fait que l’Inde et le Pakistan se retrouvent conjointement dans cette même structure de coopération est un autre point positif, même s’il est secondaire par rapport aux deux premiers.      

Sur le premier point, la sécurité, c’est plutôt un succès. Accessoirement, les Russes ont réussi à davantage impliquer la Chine dans les questions du Moyen-Orient sur lesquelles elle reste un peu en retrait (ce n’est pas encore une priorité pour elle). Le soutien explicite ou tacite des trois grandes puissances (Russie, Chine, Inde) tant à l’Iran qu’à la Syrie est un fait important. Si l’on ajoute que la Turquie va globalement dans le même sens, cela constitue désormais un fait majeur qui ne laisse d’ailleurs pas indifférents les autres acteurs majeurs du Moyen Orient que sont Israël et l’Arabie saoudite avec lesquels la Russie et, dans une moindre mesure, la Chine et l’Inde ont des canaux de discussion. Face aux hésitations ou à l’unilatéralisme des Etats-Unis et à l’absence de l’Europe, les trois sont désormais des partenaires incontournables.

S’agissant du second point, l’opposition à la volonté américaine d’hégémonie mondiale, les succès sont encore contrastés et globalement insuffisants. Les trois grandes puissances entendent échapper à la domination américaine dans les hautes technologies. Elles ont quelques réalisations dans ce domaine : systèmes autonomes d’internet, systèmes autonomes de GPS, présence spatiale qui les rendent à peu près indépendantes des Etats-Unis, à la différence de l’Europe et de la plupart des autres pays du monde.

Mais, pour le moment, les trois pays l’ont fait chacun chez soi sans beaucoup de coordination.

Dans le domaine essentiel du commerce mondial, les projets de banque commune d’investissement et d’autres fonds monétaires communs ont peu avancé. Or, si on veut contrer les Etats-Unis dans leur politique unilatérale d’interdiction du commerce avec les pays qui ne leur plaisent pas, tel l’Iran, il faudrait mettre sur pied des instruments efficaces (par exemple des cartes de crédit hors des systèmes américains) de nature à inciter les entreprises occidentales à braver les interdits américains. On peut imagier aussi qu’une monnaie (qui pourrait être le yuan ; la Chine a la seconde économique mondiale : il viendra sans doute un jour où sa monnaie s’imposera au niveau mondial face au dollar ; on en est encore loin). En ce domaine, l’OCS n’est pas encore allé au-delà des déclarations d’intention : il est clair que tant que le dollar sera la seule monnaie mondiale de référence et tant que le système  mondial international (FMI, Banque Mondiale) sera un instrument au service de Washington, il n’y aura pas de contestation possible de la domination américaine.  

Sans doute les disparités et les différences d’intérêts entre les trois grands sont-elles encore trop fortes : pour le moment Pékin veut continuer à commercer avec Washington et n’est donc pas encore prêt à engager la bataille. Cela viendra, mais ce n’est pas encore le cas.  La Russie va mieux car elle profite de la tendance à nouveau à la hausse du prix du pétrole, mais, si elle est un géant militaire et politique, elle est à peine une puissance économique moyenne qui n’est pas vraiment en mesure de peser seule sur l’économie mondiale (elle n’est pas non plus une force d’attraction suffisante en Europe). Elle aurait besoin de la Chine (tout en craignant de trop tomber sous sa coupe). Quant à l’Inde, son économie croît rapidement mais, partie de bas, elle a encore beaucoup de chemin à faire pour vraiment compter.

Le groupe de Shanghai compte déjà mais, objectivement pas assez pour être une véritable alternative aux Etats-Unis, notamment pour les pays du tiers-monde ou certains pays européens (ceux qui, en Europe centrale et, peut-être aussi quelques autres plus à l’ouest  comme l’Autriche ou l’Italie, ne sont pas satisfaits avec les règles de l’UE). En résumé, déjà un bon instrument de coordination politique et dans le domaine de la sécurité, mais pas encore dans celui de l’économie et de la finance.     

L’évolution des rapports de force est un processus lent. Pour inverser la suprématie américaine, il faut encore laisser murir. La Chine se donne encore vingt ans pour faire jeu égal avec les Etats-Unis et la place de la Russie et de l’Inde à cet horizon reste à déterminer. Cela ne devrait pas empêcher les membres de l’OCS de travailler à mettre sur pied, au-delà de la rhétorique, sans plus attendre, des instruments plus efficaces de coopération./.

Yves Barelli, 11 juin 2018                            

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1 juin 2018 5 01 /06 /juin /2018 19:31

La décision du président Trump de taxer à hauteur de 25% les importations d’acier et de 10% celles de l’aluminium en provenance de l’Europe et du Canada suscite dans nos médias et chez nos dirigeants, à commencer par le président Macron, les commentaires les plus farfelus, montrant, une fois de plus, que le dogmatisme libre-échangiste et européiste les aveugle.  

Je me contenterai, à ce stade, de quelques réflexions qui me paraissent de bon sens :

1/ Le président Trump fait ce qu’il a dit dans sa campagne électorale, c’est-à-dire la défense des producteurs américains et celle de l’emploi aux Etats-Unis.

2/ Cet exemple montre l’absurdité du dogme libre-échangiste. Quelle logique y a-t-il à produire à des milliers de kilomètres de l’acier (ou n’importe quel autre produit), à lui faire traverser les mers en les polluant, pour les vendre dans un pays où existent des capacités considérables de production locale ? C’est aussi absurde que trouver des pommes néo-zélandaises en vente sur les marchés normands, du raisin chilien en Languedoc ou des tomates andalouses en Provence.

Seul le dumping social, fiscal ou écologique en distordant les prix peut apporter une soit disant logique à l’opération. Le choix pour le consommateur ? Foutaises ! A titre d’exemple, n’y a-t-il pas suffisamment de modèles de voitures fabriquées en Europe pour nous éviter d’importer des voitures coréennes? Et quelle logique y a-t-il à faire venir de Pologne des machines à laver pour les vendre à Amiens ? Le dumping social serait-il la logique à retenir ?

Et est-il logique d’importer des tee-shirts du Bangladesh où les  ouvriers travaillent dans des conditions inhumaines pour 50 euros par mois ? Et si la compassion pour les Bangladeshi n’est pas votre truc, celle pour les anciens ouvriers français de Troyes, où on a fermé les usines textiles, devrait l’être, surtout du point de vue de votre portefeuille : vous payez les chômeurs de cette ville par vos cotisations sociales et vos impôts : l’avantage pour le consommateur est illusoire lorsque le même consommateur est contribuable et citoyen. Les plus de 10% de chômage dus aux délocalisations nous coûtent bien plus cher que les économies à l’achat.  

3/ Macron a estimé que la décision de son « ami » Trump est « illégale ». La belle affaire ! Les Etats-Unis font ce qu’ils veulent. Ils « tiennent » le monde et, plus encore l’Europe, par leur puissance militaire e leur domination dans tous les domaines.

4/ Lorsque les intérêts américains sont en jeu, il n’y a plus d’ « amis ». Macron en est pour ses frais. Pour l’acier, comme pour l’accord sur le climat ou celui sur le nucléaire iranien.

5/ La « riposte » européenne est une farce.  D’abord pour la raison indiquée au §3 : l’Europe dépend des Etats-Unis et pas le contraire. Ensuite parce que l’Union européenne n’est pas un pays mais un ensemble d’Etats aux intérêts divergents. Enfin parce que la seule raison d’être de l’Union européenne est d’être un « marché » totalement ouvert. Nos dirigeants appréhendent déjà les conséquences du protectionnisme américain. Ils craignent que les exportateurs chinois par exemple, parce qu’ils vendront plus difficilement leurs produits aux Etats-Unis, se retournent sur le marché européen pour les vendre. Ils ont raison. La commission européenne a souvent annoncé qu’on allait taxer des produits chinois. On n’a jamais rien fait tout simplement parce que c’est contraire à la philosophie de l’UE, ouverte à tous les vents : on n’y cherche pas l’intérêt des citoyens européens mais celui des capitalistes européens qui se sont délocalisés depuis longtemps : taxer les importations, c’est les taxer et donc on ne le fait pas.

6/ Lorsqu’on comprendra que le libre-échange est bon pour les capitalistes mais pas pour les peuples et que le seul principe avec une logique économique, sociale, environnementale et j’ajoute identitaire (un peuple devrait être fier de fabriquer ses propres produits plutôt que d’acheter ceux des autres, surtout lorsqu’ils sont produits de façon inéquitable) devrait être celui de produire là où on consomme, on aura fait un grand progrès et on aura débloqué des esprits perturbés par la propagande. Cela évitera les transports inutiles, le saccage de la nature et celui des hommes. On retrouvera aussi la diversité d’autrefois où le fait de passer une frontière et même de changer de région apportait le plaisir de découvrir l’exotisme et la diversité qui sont en passe aujourd’hui de disparaitre (les mêmes produits, les mêmes marques partout).

Le protectionnisme n’est pas antinomique à la coopération internationale. On peut échanger des produits qu’on n’en a pas chez soi et on peut unir ses forces pour fabriquer à plusieurs certains produits (exemple : Airbus). Mais acheter et vendre tout et n’importe quoi en faisant venir d’ailleurs ce qu’on a chez soi, excusez-moi, mais je trouve cela idiot et j’attends que nos soit disant spécialistes qui se répandent sur nos plateaux de télévision (mais lorsqu’on sait qui les paye, on comprend qu’il n’y a pas grand-chose à en attendre en matière d’objectivité) m’expliquent de manière convaincante que le libre-échange, c’est mieux : je les mets au défi.

En attendant, cette « guerre commerciale » entre Europe et Amérique m’amuse./.

Yves Barelli, 1er juin 2018                                      

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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 11:01

En rompant l’accord international sur l’arrêt du programme nucléaire iranien signé par son prédécesseur en compagnie des dirigeants iranien, russe, chinois, britannique, français et allemand, le président américain a ouvert une boite de Pandore extrêmement dangereuse pour le Moyen-Orient et la paix du monde. Il l’a fait sous la pression d’Israël et pour soigner ses soutiens internes les plus agressifs vis-à-vis de l’Iran, notamment (mais pas seulement)  le « lobby » juif. Par la même occasion, il a renouvelé, et même promis d’amplifier, les « sanctions » unilatérales des Etats-Unis (qui, du fait de leur poids dans le monde, vont bien au-delà des seuls Etats-Unis) dont il n’est pas sûr qu’elles soient très efficaces. Elles ne sont pas, en tout cas, de nature à empêcher l’Iran d’acquérir à terme l’arme nucléaire, nécessaire pour sa sécurité. 

1/ L’activisme dangereux de Trump doit évidemment être replacé dans le contexte interne américain (déterminant dans sa décision) mais aussi dans celui du Moyen-Orient, marqué par la volonté d’Israël et de l’Arabie saoudite d’en découdre avec l’Iran. J’y reviendrai plus loin.   

2/ L’accord conclu en 2015 entre l’Iran et le groupe « G5+1 » (les membres permanents du Conseil de Sécurité + l’Allemagne, avec, en plus, l’Union européenne, disons, à titre décoratif car sans pouvoir) échangeait le démantèlement des installations de production d’uranium enrichi (nécessaire pour fabriquer la bombe) contre la levée des sanctions occidentales (américaines et, comme souvent, européennes, l’UE ayant en général l’habitude de s’aligner sur Washington). Un système sophistiqué d’inspections internationales des installations garantissait la bonne exécution par l’Iran de ses engagements.  

Côté iranien, le principe de l’accord fut acquis par la victoire de la faction « ouverte » du régime islamique emmenée par Hassan Rohani, victorieux aux élections contre la faction plus conservatrice sur un programme de relative ouverture du régime à la fois à l’intérieur (domination moins pesante des religieux) et à l’extérieur (ouverture aux investissements étrangers avec son espoir de dynamisation de l’économie, grâce à la levée des sanctions). Cette ligne « modérée » et « moderne » obtint, peut-être à l’essai, l’aval du régime religieux, concrétisé par Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution et garant de la pérennité du régime autocratique chiite qui dirige l’Iran depuis la « Révolution »  khomeiniste de 1979, en ayant toujours à l’esprit que, en Iran, le président de la république et son gouvernement n’ont qu’un pouvoir limité et contrôlé, le dernier mot revenant à la hiérarchie religieuse.

3/ Côté occidental, l’accord apportait la garantie que l’Iran, au moins pour une à deux décennies (ensuite, on verrait, étant entendu que l’Iran renonçait, pour le moment, à l’arme nucléaire mais que, dans le même temps, il poursuivrait son programme balistique - quand on a la « bombe », il faut des fusées pour la porter - et son programme nucléaire civil - il n’est pas facile de passer de la capacité civile à la capacité militaire, mais quand on a la technologie, passer de l’une à l’autre n’est qu’une question de temps s’il y a une volonté politique et l’adhésion de la population pour consentir les sacrifices pour y parvenir -) ne se doterait pas de l’arme nucléaire, garantie, croyait-on, que d’autres pays de la région ne s’en doteraient pas non plus (Israël l’a déjà mais, si l’Iran l’acquiert, l’Arabie saoudite, la Turquie, voire l’Egypte pourraient suivre) et, en plus, offrait des perspectives intéressantes pour faire un commerce lucratif avec l’Iran, marché potentiellement considérable (80 millions d’habitants) et pays largement solvable grâce aux revenus tirés du pétrole.

Côté Russie et Chine, l’intérêt était à la fois de principe (les cinq puissances nucléaires « historiques », en même temps membres permanents du Conseil de Sécurité, ont un intérêt collectif et une action concertée contre la prolifération nucléaire) et stratégique, la fin des sanctions occidentales renforçant l’Iran, leur principal allié au Moyen-Orient.

4/ Alors pourquoi ce revirement américain ? Essentiellement pour trois raisons.

La première est, il ne faut jamais l’oublier, le traumatisme et l’humiliation causés par la prise d’otage de diplomates américains à l’ambassade US à Téhéran par des « étudiants » (en fait le pouvoir) en 1979 au début de la révolution islamique : des diplomates, les yeux bandés, promenés et insultés dans les rues de la capitale sans que les Américains n’aient rien pu faire (l’envoi d’un commando pour les délivrer avait échoué) avant qu’ils soient libérés. Difficile à pardonner et à oublier ! A ce grief historique sont venues s’ajouter des critiques de l’accord quant à son aspect imparfait et peut-être non durable.

Dans le concert des critiques, populaires aux Etats-Unis comme expliqué ci-dessus, le « lobby » juif a joué un rôle important. Ce « lobby » est constitué par les activistes de la « communauté » juive qui agissent de concert avec les milieux les plus extrémistes d’Israël (notamment son gouvernement actuel) et qui ont une influence déterminante sur la vie politique des Etats-Unis (il n’est pas exagéré de dire que ce ne sont pas les Etats-Unis qui « tiennent » Israël, ce qui serait logique compte tenu de l’aide multiforme apportée par les Etats-Unis à l’Etat hébreux, mais le contraire : c’est Israël qui, en grande partie, « tient » les Etats-Unis).

La seconde raison est liée à la première : Israël estime que sa sécurité est menacée par l’Iran à la fois parce que ce pays s’est placé à l’avant-garde des pays musulmans qui veulent libérer « Al Qods » (Jérusalem) de l’occupation sioniste, et parce que l’Iran est au centre de l’ « arc chiite », cet ensemble de pays où les chiites (l’un des deux grands courants, ennemis jurés,  de l’islam ; l’autre est le sunnite, majoritaire dans la « Oumma », la communauté des « croyants) : l’ « arc chiite » inclue aujourd’hui l’Irak (où les Américains sont néanmoins également influents), la Syrie (son régime est laïc mais les « Alaouites », une branche apparentée au chiisme, y détient le pouvoir) et le « Hezbollah » libanais. Ce dernier, qui représente les chiites du Liban, détient désormais la majorité au parlement et au gouvernement libanais car son influence va au-delà de sa « communauté » : c’est le Hezbollah qui a été en première ligne dans la résistance victorieuse à l’invasion du Liban par l’armée israélienne en 2006 : cette intervention israélienne irresponsable a fait basculer dans le camp du Hezbollah les chrétiens maronites qui étaient pourtant favorables à Israël auparavant. Le prestige et l’expérience combattante du mouvement chiite libanais expliquent que le Hezbollah est en première ligne en Syrie, avec l’Iran et la Russie, pour épauler les forces gouvernementales de Bachar-el-Assad.

Israël a donc deux bonnes raisons d’en vouloir à l’Iran : l’hostilité à son égard de Téhéran, qu’il estime fondamentale, et son alliance avec le Hezbollah.

Il existe une troisième raison au revirement américain : l’antagonisme entre l’Arabie saoudite et l’Iran qui recouvre la vieille haine entre sunnites et chiites qui date du 7ème siècle (succession du prophète Mohammed) et la rivalité des deux puissances majeures du Golfe pour dominer la péninsule arabique : la confrontation entre les deux a déjà commencé par combattants interposés dans la sanglante guerre civile qui détruit en ce moment le Yémen (avec une intervention directe des troupes saoudiennes et d’autres pays de la coalition sunnite).

Paradoxalement (mais les paradoxes sont très nombreux au Moyen-Orient), l’Arabie saoudite, pays de l’islam le plus « fondamental » et le plus « intégriste », celui du wahhabisme qui a inspiré Daesh et qui, en France par exemple, inspire l’antisémitisme de nombre d’islamistes de nos banlieues, a conclu une alliance stratégique de fait avec Israël contre l’Iran et le chiisme. Cette alliance rejoint les alliances stratégiques conclues par les Etats-Unis, d’une part avec Israël (pour les raisons évoquées plus haut) et d’autre part avec l’Arabie saoudite (du temps de la « guerre froide », les monarchies conservatrices étaient du côté américain et les régimes laïcs du côté soviétique, cet intérêt politique et militaire était doublé d’un intérêt économique, l’Arabie saoudite étant le principal fournisseur de pétrole aux Etats-Unis – ce deuxième intérêt est aujourd’hui moins évident car les Etats-Unis sont devenus autosuffisants grâce au pétrole de schiste).

5/ Le décor est donc planté : d’un côté, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et Israël. De l’autre, l’Iran et ses alliés de l’arc chiite, avec un soutient, au moins moral, de la Russie, de la Chine mais aussi de l’Inde (et peut-être de la Turquie).

Mais ce serait trop simple, et donc faux, de raisonner comme cela. Le Moyen-Orient est bien plus compliqué. Les ennemis des ennemis ne sont pas forcément des amis et vice-versa.

Il faut compléter le tableau :

La Syrie est l’alliée de l’Iran et du Hezbollah mais Israël préfère ménager le régime de Bachar-el-Assad : en dépit du contentieux historique (plusieurs guerres israélo-arabes) et territorial (Israël occupe depuis 1967 une portion de territoire syrien, les hauteurs du Golan, au-dessus du lac de Tibériade), elle préfère avoir affaire au régime laïc actuel plutôt qu’à un pouvoir islamiste ou au chaos. C’est pourquoi depuis le début de la guerre de Syrie, Israël ne se prive pas de bombarder sur le territoire syrien les forces du Hezbollah et de l’Iran (encore la nuit dernière) mais évite de toucher les forces syriennes et les forces russes.

La Turquie se veut la championne de l’islam sunnite dans la vieille tradition de l’empire ottoman. Mais, si elle a semblé prendre le parti de la subversion islamiste en Syrie au début, elle a pris aujourd’hui ses distances avec elle. Pour cette raison, alors qu’elle combattait le régime de Bachar au début du conflit, elle tend aujourd’hui à le ménager car elle a au moins un même intérêt objectif : supprimer le « réduit » kurde installé dans le nord de la Syrie (en liaison avec les Kurdes de Turquie, ennemis du régime d’Ankara), de sorte qu’elle verrait d’un bon œil la reconquête de l’ensemble du pays par les troupes de Bachar.

Les Américains s’étaient appuyés sur les Kurdes de Syrie et d’Irak pour éradiquer « Daesh ». Les « récompenser » par des territoires irait à l’encontre des intérêts turcs. C’est l’une des raisons du rapprochement turc avec la Russie (alors que les deux pays étaient dans des  «camps » opposés au début de la guerre de Syrie). On a aujourd’hui le paradoxe de la Turquie, pays membre de l’OTAN, qui a des relations avec la Russie, mais aussi avec l’Iran, qui s’apparentent de plus en plus à une alliance stratégique.

Pour compliquer le tout, il convient de noter que la Russie, alliée de l’Iran et de la Syrie, n’a pas de mauvaises relations avec l’Arabie saoudite (ce n’est ni le grand amour ni la coopération intense mais les relations sont correctes, y compris sur le plan commercial) et des relations amicales avec Israël (en dépit de divergences d’appréciations sur la région) : il y a des liens forts sur le plan culturel – nombreux Israéliens d’origine russe – et touristique – dispense de visas) ; Benjamin Netanyahou était l’invité d’honneur le 9 mai à Moscou à l’occasion de la célébration du 73ème anniversaire de la victoire sur le nazisme ; il a assisté avec Poutine pendant deux heures à la parade militaire sur la Place Rouge.

La vérité est que, aujourd’hui, au Moyen-Orient, c’est la Russie qui est au centre du jeu : les tergiversations américaines déroutent même leurs meilleurs alliés. Quant aux Européens, ils sont complètement absents et la Chine, qui coopère étroitement avec l’Iran (mais aussi avec l’Arabie saoudite) et n’a aucun antagonisme avec les autres pays de la région, préfère rester en retrait, attendant son heure (pour le moment, ses priorités sont en Extrême-Orient) qui viendra certainement un jour

6/ Quel sera l’impact des sanctions américaines ?

Une remarque préliminaire : elles ne sont pas nouvelles. L’annonce de leur levée en 2016 ne s’est pas encore réellement concrétisée. Les promesses de grands contrats commerciaux avec l’Iran étaient plus virtuelles et potentielles que réelles.

On doit s’attendre en toute logique à ce que les contrats déjà négociés et même signés par des sociétés européennes  soient annulés car les Etats-Unis ont les moyens de les obliger à le faire : tout ce qui est négocié en dollars relève, aux yeux des Américains, de la législation américaine, même quand les Etats-Unis ne sont pas directement concernés. Même lorsque le dollar n’est pas la monnaie utilisée, les Américains prétendent interdire des transactions s’ils les considèrent comme « incompatibles avec leurs intérêts stratégiques ». Dans la pratique, il n’y a aucune limite à l’unilatéralisme américain : dans le passé, des firmes françaises, par exemple, ont été condamnées par la justice américaine à des amendes de plusieurs milliards de dollars pour avoir commercé avec l’Iran ou Cuba ; si elles ne payent pas, elles sont entravées dans leurs opérations internationales et interdites d’activités aux Etats-Unis ; c’est pourquoi, elles ont toujours préféré payer. On peut donc penser que les sanctions américaines seront efficaces, au moins pour les Européens. Cela devrait toucher par exemple Total, Peugeot, Vinci ou Airbus, d’autant que certains éléments techniques des produits qu’on s’apprêtait à vendre contiennent de la technologie américaine soumise à autorisation (par exemple, des éléments des avions Airbus). Cela empêchera aussi sans doute l’Iran de reprendre ses ventes de pétrole en Europe (avec 2,7 milliards de barils/jour, l’Iran est parmi le cinq premiers exportateurs, mais il pourrait faire deux fois plus : en fait, l’impact des sanctions sera surtout de priver l’Iran d’un manque à gagner à cause de la difficulté d’augmenter ses exportations (en partie compensé par la hausse du prix du baril qui va résulter de la relative pénurie de brut au niveau mondial qui en sera la conséquence).    

Cela ne mettra pas l’Iran à genoux. Pour trois raisons.

La première est que le pays, habitué à l’embargo américain depuis 1979, est devenu largement autosuffisant pour l’essentiel de sa consommation. Je me suis rendu en Iran il y a deux ans (voir mon article sur ce blog du 17 avril 2016 : « Impressions d’Iran : voyage en république islamique »). Pas seulement à Téhéran mais aussi dans le pays « profond » (j’ai parcouru 1000km en voiture). Il n’y a pas de pénurie de biens de consommation car le  commerce est largement approvisionné en biens de toutes sortes. Même les i-phones et autres matériels électroniques des marques américaines y sont disponibles (ils sont importés, plus ou moins en contrebande, de Dubaï, du Qatar ou de l’Oman). Les Chinois (qui n’ont jamais appliqué d’embargo contre l’Iran) y vendent tous leurs produits.  Les Peugeot y sont fabriquées du fait de licences anciennes. Etc. A l’exportation, le pétrole n’est presque plus exporté en Europe (du fait de l’embargo ancien) mais la Chine et l’Inde, qui sont les deux premiers partenaires commerciaux de l’Iran, absorbent à eux deux plus de la moitié du pétrole iranien (le reste va surtout ailleurs en Asie, y compris au Japon et en Corée du Sud).

Le principal impact des sanctions sera donc surtout un manque à gagner comme vu plus haut et le renoncement des perspectives de renouveau technologique (avions, infrastructures et surtout amélioration des capacités pétrolières) auxquelles les Iraniens s’attendaient. Ce n’est pas dramatique. Ils achèteront chinois ou russe.

La seconde raison est politique et humaine. J’ai constaté moi-même en discutant avec de nombreux Iraniens, tant à l’intérieur de l’Iran qu’à l’extérieur (où résident de nombreux Iraniens réfractaires au totalitarisme religieux), combien le patriotisme est une valeur à peu près unanimement partagée, même chez les opposants au régime des « mollahs ». La civilisation perse est l’une des plus anciennes (haute Antiquité) et des plus prestigieuses (relisez les « Lettres persanes » de Voltaire) que la terre ait porté. Son influence reste forte non seulement chez ceux qui se réclament du chiisme, mais aussi en Asie centrale et en Inde (le persan en fut la langue de culture pondant trois siècles). Les Iraniens sont fortement attachés à leur pays, à leur civilisation et à leur histoire et ils en sont fiers. Le patriotisme, s’il tend à être considéré chez nous par certains comme une valeur ringarde, reste essentiel dans d’autres pays où les populations sont souvent disposées à consentir des sacrifices pour leur patrie : à titre d’exemple, Cuba malgré l’embargo, la Russie en dépit des « sanctions » occidentales aussi absurdes qu’injustes (elles ont entrainé un effondrement de la valeur du rouble mais les Russes ont fait corps et ont manifesté leur soutien au gouvernement en votant, pour la quatrième fois, massivement pour Poutine), et même la petite Corée du Nord (plus on la « sanctionne », plus l’adhésion au régime y est forte).

Il en ira de même pour l’Iran, j’en suis plus que convaincu. Comme beaucoup d’Iraniens, je suis réfractaire au totalitarisme religieux. Malheureusement, Trump va le renforcer. On peut s’attendre à ce que Rohani, qui avait tout misé sur l’accord nucléaire avec les Américains, soit balayé à la prochaine élection au profit de bien plus « conservateurs » (c’est-à-dire religieusement « bienpensants » ou « mieux-pensants ») que lui (d’autant qu’il n’y a pas que l’aspect religieux : en Iran, l’Etat contrôle plus de 50% de l’économie et de nombreux produits de première nécessité sont subventionnés : le programme de Rohani faisait le pari qu’en ouvrant l’économie et en la « libéralisant », donc en privilégiant l’économique au social, on aurait une amélioration de la vie des Iraniens ; du coup, ce programme risque de tomber à l’eau).

7/ Pour le moment, tout le monde temporise. Rohani, pris de cours par la fermeture américaine, essaie de sauver l’accord nucléaire avec les autres (et par la même occasion, sa position). L’ayatollah Khamenei attend pour voir. Les Européens attendant aussi : ils ne peuvent rien faire si ce n’est espérer, Trump n’étant pas éternel, que son successeur sera animé de meilleurs sentiments. Les Russes et les Chinois comptent les points et attendent, eux aussi, leur heure. Israël et l’Arabie saoudite sont les seuls à ce réjouir de la décision de Trump.

8/ Les Iraniens vont-t-ils reprendre leur programme nucléaire militaire?

Sans doute pas tout de suite (ils vont vouloir montrer que, eux, tiennent leurs engagements), mais à terme, cela est logique car nécessaire à leur sécurité. D’ailleurs, l’accord signé par Rohani ne faisait pas l’unanimité. Certains auraient préféré que le pays se dote le plus vite possible de la bombe en dépit des risques encourus dans la période délicate de l’avant-bombe : pas seulement les sanctions, mais, comme cela s’est déjà produit, attaques clandestines israélo-américaines contre le programme nucléaire (sabotage par attaques informatiques et assassinats ciblés d’ingénieurs travaillant sur le projet) et même guerre préventive israélienne et/ou saoudienne.

A terme, il est évident que seule la détention de l’arme nucléaire constituerait l’ « assurance tous-risques » contre une agression extérieure. L’exemple de la petite Corée du Nord, sauvée d’une agression américaine et même considérée en fin de compte comme un interlocuteur presque d’égal à égal par le géant américain, est là pour le prouver.

J’ai personnellement toujours pensé que le traité de non-prolifération, qui interdit en théorie l’accès à l’arme nucléaire pour tout pays autre que les cinq « grands » (US, RU, CH, GB, FR), membres initiaux et autorisés du « club » atomique et « gendarmes du monde » en vertu de la charte de l’ONU (ce sont les membres permanents du Conseil de Sécurité), n’était plus viable à partir du moment où un nouveau pays était, de fait, autorisé à rejoindre le club. Or, l’Inde et le Pakistan se sont dotés de l’arme nucléaire il y a déjà vingt ans  (les deux ont procédé à leur premier essai en 1998) : la « communauté internationale », comme on dit, a exprimé sa mauvaise humeur en boycottant pendant quelques mois les visites ministérielles puis tout est entré dans l’ordre. Pis, Israël a la bombe atomique (probablement avec l’aide américaine et, en tout cas, l’aval de Washington ; en voulant faire une exception pour Israël, les Etats-Unis ont de fait tué le traité TNP) sans doute depuis 1979 (détention avérée mais jamais avouée officiellement). Enfin, la Corée du Nord l’a depuis 2006 (elle n’est devenue probablement opérationnelle que depuis peu).

Deux remarques. La première est que, de fait, et paradoxalement, cette arme de l’apocalypse est devenue une arme de paix parce qu’apocalyptique. Depuis les terribles bombes américaines sur Hiroshima et Nagasaki, aucun pays ne l’a plus utilisée, même au plus fort de la guerre froide. L’Inde et le Pakistan, qui avaient eu trois guerres meurtrières après 1948, date de leur création sur les décombres de l’ancien empire britannique des Indes, sont maintenant en paix. On peut dire grâce à leurs bombes.

Les défenseurs du TNP sont assurément pleins de bonnes intentions : moins il y aura de puissances nucléaires, moins il y aura un risque d’accident.

Fort bien. Mais par quelle logique, par quelle légitimité, autoriser, de fait, Israël à avoir la bombe et pas l’Iran ? Et comment empêcher un jour d’autres d’avoir la leur : Arabie saoudite, Turquie, mais aussi Japon et d’autres ? Comment être considéré comme une grande puissance sans la bombe atomique ? Les réponses sont évidentes : si un pays, qui a la technologie, veut vraiment avoir sa bombe, on pourra lui rendre la vie compliquée pendant quelque temps, mais, au final, on entérinera (il y a d’autres éléments de la puissance, évidemment, notamment l’économie, mais, si la bombe n’est pas une condition suffisante de puissance, il n’est pas réaliste de dire qu’elle n’en est pas une condition nécessaire : dans un monde dangereux, le PIB est important, mais l’armée l’est aussi).

C’est ce qui me fait dire que l’Iran aura = certainement = un jour la bombe atomique. Regrettable, peut-être (sauf pour sa sécurité), mais inévitable assurément.                    

9/ Chez les Israéliens et les Saoudiens, la tentation de frapper fort et tout de suite l’Iran avant que la république islamique ne se dote de l’arme nucléaire est forte. Mais ils y regarderont sans doute à deux fois avant de le faire. L’Iran, c’est 80 millions d’habitants, une grande profondeur stratégique et une armée conventionnelle en elle-même plutôt dissuasive, avant même le renfort de l’arme atomique.

L’Iran n’est pas seul. La Russie et la Chine sont des soutiens de poids. Davantage d’ailleurs sur le plan diplomatique que militaire : elles n’interviendraient sans doute pas directement dans la guerre, mais leur voix est écoutée à Tel-Aviv, à Riyad et à Washington (Donald Trump est peut-être imprévisible mais ses conseillers savent jusqu’où ne pas aller : ils l’ont fait comprendre à Trump pour la Corée du Nord). D’autres pays prendraient le parti de l’Iran en cas de confrontation avec Israël : sans doute l’Inde, la Turquie et quelques autres. Ce n’est pas rien.   

Les tirs de missiles qui viennent de se produire entre Israël et les troupes iraniennes de Syrie annoncent-t-ils un début de guerre ? Je ne crois pas mais il y a toujours un risque d’engrenage, en l’occurrence du fait des Iraniens sur place. Les troupes qui y opèrent sont une partie de l’armée iranienne renforcée de milices formées de volontaires : les « gardiens de la Révolution » sont motivés et militants ; ils ne sont pas contrôlés par Rohani et relèvent directement de la hiérarchie religieuse (du moins peut-on l’espérer ; s’ils étaient des « électrons libres », le pire serait possible) ; ils n’ont jamais caché leur hostilité à l’accord nucléaire et leur souhait d’en découdre avec Israël. C’est évidemment dangereux.  

On peut espérer que l’engrenage ne se produira pas. Nul, en définitive, n’y a intérêt. Pas l’Iran, c’est évident. Mais pas non plus Israël : le pays a la bombe atomique et la meilleure armée du monde certes, mais sa petite taille et sa faible population le rendent vulnérable. Quant à l’Arabie saoudite, elle aligne sur le papier un arsenal impressionnant (elle a l’un des cinq plus gros budgets militaires du monde), notamment en avions, mais peu de pilotes et une armée dont la piètre performance au Yémen (en dehors de bombardements aveugles, les résultats sont plutôt lamentables) laisse penser qu’elle ne ferait pas le poids face à l’Iran.

XXX

Ma conclusion : Trump a agi en irresponsable. Les risques de conflagration généralisée sont réels. Toutefois, au risque de paraitre exagérément optimiste, je ne crois pas à une guerre totale entre Israël-Arabie saoudite et Iran. Les uns et les autres (les protagonistes sur place mais aussi les Russes et les Américains) ont tracé des « lignes rouges » : les politiques peuvent proférer des menaces ; leurs généraux et leurs conseillers sont là pour les ramener à la raison. Je n’exclue toutefois pas un accident et un enchainement.  

Yves Barelli, 11 mai 2018                                                                               

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27 avril 2018 5 27 /04 /avril /2018 22:42

Je me félicite de la rencontre qui a eu lieu le 27 avril sur la frontière entre les deux Corée entre leurs dirigeants, Kim Jong-un (Nord) et Moon-Jae-in (Sud). C’est un grand pas en avant vers la signature d’un traité de paix entre les deux pays, encore officiellement en guerre 65 ans après la fin du conflit coréen. Contrairement à ce qu’écrivent avec constance nos médias, il ne s’agit pas seulement de démanteler l’armement nucléaire du Nord, mais aussi de mettre fin à la présence armée américaine au Sud (30 000 soldats et un arsenal « classique » considérable, les porte-avions et sous-marins nucléaires navigant en outre à proximité : il serait bon de rappeler que ce sont les Américains qui menacent la Corée du Nord et non le contraire). Dans le prolongement du sommet intercoréen, aura lieu, d’ici un mois, la rencontre entre Donald Trump et Kim-Jong-un. On y verra alors un peu plus clair et il faut se garder d’un enthousiasme excessif car de nombreuses questions restent à régler. Sur ce dossier, on doit saluer l’attitude constructive de la Chine et de la Russie et le suivisme affligeant des pays de l’Union européenne sur les positions les plus agressives des Etats-Unis (dont le revirement plus pacifique les rend, après coup, plutôt ridicules). La France ne joue aucun rôle dans cette partie du monde pour la raison qu’elle y est absente. Peut-être se décidera-t-elle enfin à nouer des relations diplomatiques avec la Corée du Nord (elle est le seul pays de l’UE, avec l’Estonie, à ne pas en avoir : le pragmatisme de la Grande Bretagne est plus intelligent ; elle a une ambassade à Pyongyang) ?   

La Corée est un pays de riche et ancienne culture, pas spécialement dotée par la nature (petit, peu de ressources naturelles et, surtout, coincé entre Chine et Japon), qui a beaucoup souffert dans son histoire, notamment une longue et cruelle colonisation japonaise (jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale), puis l’enjeu de la rivalité Est-Ouest, qui s’est concrétisé par la terrible guerre de Corée (1950-53), dont la division entre le Nord et le Sud est la conséquence.

Avec des méthodes et des alliances différentes, les deux Corée ont relevé le défi. La Corée du Sud est devenue l’une des douze principales puissances économiques du monde, avec des avancées technologiques remarquables. La Corée du Nord a suivi une autre voie. Quasiment sans aide, elle aussi a réalisé des prouesses technologiques en se dotant de l’arme nucléaire et d’engins balistiques. Cette bombe atomique n’est pas destinée à attaquer qui que ce soit : c’est une assurance-vie contre les velléités américaines de détruire tous les pays qui osent contester leur hégémonie mondiale.

J’ai écrit sur ce blog sur les deux Corée. J’y renvoie le lecteur : « La Corée du Sud, modèle pour le France ?» (21 avril 2013), « Essai nucléaire nord-coréen. Fou, Kim Jong-un ? Pas tant que ça ! » (6 janvier 2016), « La Corée du Nord défie, avec succès, les Etats-Unis » (30 août 2017) et « La reprise du dialogue intercoréen, une gifle pour les Américains » (10 février 2018).

J’y ai dit en substance que les deux Corée souhaitent mettre un terme à leur état de guerre, prélude à une coopération dans l’intérêt mutuel, avant, un jour, de pouvoir se réunifier, et que l’armement nucléaire du Nord est une protection contre la menace américaine et un moyen d’engager le dialogue avec le Sud (d’un côté la force militaire, de l’autre l’économique).

Cette reprise du dialogue doit être vue dans le contexte régional. La Chine est en phase de création d’une puissance qui, d’ici deux à trois décennies, fera jeu égal avec les Etats-Unis. Elle ne pourra supporter longtemps la menace et le défi que constitue la forte présence militaire américaine : Corée, mais aussi Japon, Taïwan, Philippines, etc. C’est une règle vieille comme le monde : une grande puissance ne peut tolérer une présence hostile à ses portes. Les Etats-Unis ne l’ont pas accepté à Cuba ; ils devront un jour, de gré ou de force, évacuer leurs armes de l’environnement de la Chine et on peut prévoir que non seulement les Chinois y parviendront en faisant monter la pression, mais que, en outre, ils y seront aidés par les peuples de la région, soit disant « protégés » par les Américains, en fait occupés. L’attitude de la Corée du Sud est à cet égard intéressante à observer. Ils n’affrontent certes pas ouvertement leur « protecteur », mais, en établissant des rapports plus confiants avec la Corée du Nord et avec la Chine, ils ne font pas mystère de leur objectif : s’entendre entre Asiatiques sans ingérence extérieure.

Il ne faut certes pas être exagérément optimiste sur la prochaine entrevue entre le président américain et le dirigeant nord-coréen. Je l’ai écrit en introduction. Elle risque de tourner au dialogue de sourds, les Américains attendant que la Corée du Nord se débarrasse sans condition de son arsenal nucléaire, ce qui serait évidemment suicidaire pour elle. J’attends davantage de la posture sud-coréenne. Son intérêt est une bonne coopération avec le Nord. On peut penser que Washington freinera des quatre fers.

Mais le temps fera sans doute son œuvre. Le temps asiatique est plus long que l’occidental. Moins spectaculaire aussi.

Laissons le temps au temps./.

Yves Barelli. 27 avril 2018                           

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14 avril 2018 6 14 /04 /avril /2018 11:41

Les frappes aériennes opérées par les Etats-Unis (avec la participation symbolique de leurs vassaux britannique et français) contre la Syrie dans la nuit du 13 au 14 avril constituent une agression contre un Etat souverain en dehors de toute légalité internationale et ne sont qu’une gesticulation grotesque (car très limitée et donc sans incidence sur le cours de la guerre en Syrie). Le prétexte (une utilisation non avérée de l’arme chimique sans qu’on en sache ni la réalité ni les auteurs éventuels) est dérisoire et les véritables raisons n’ont rien à voir avec la Syrie (opération de politique intérieure américaine et à replacer dans le cadre de l’impérialisme américain dans le monde qui veut contrer tout pays, en l’occurrence la Russie, contestant son hégémonie). Il est navrant que, avec une triste constance depuis des décennies, les Américains s‘attaquent systématiquement au Moyen-Orient aux forces laïques et couvrent les régimes les plus obscurantistes alors que, nous le voyons notamment en France, le terrorisme qui nous frappe est islamiste et non laïque. Nos dirigeants ouvriront-t-ils un jour les yeux et nos médias se décideront-t-ils à en finir avec une désinformation qui ne les honorent pas ?

1/ L’opération de la nuit dernière est ridicule et sans doute criminelle (il y a toujours des « dégâts collatéraux », en l’occurrence des victimes civiles ou de pauvres militaires présents au mauvais moment et mauvais endroit). Elle constitue de la pure « esbroufe » car ses auteurs ont pris soin d’éviter de toucher les Russes (prévenus précisément du lieu des frappes quelques heures auparavant afin qu’ils évacuent leurs hommes et leur matériel), les Iraniens (probablement indirectement prévenus par les Russes) et les centres de pouvoir syrien afin d’éviter que cette gesticulation ne se transforme en début de guerre internationale. L’objectif désigné (les centres de production et d’entrepôts d’armes chimiques) est lui-même ridicule : si armes chimiques il y a, on peut supposer qu’elles sont suffisamment enterrées pour échapper aux « frappes ».

2/ Il est clair que cette nouvelle gesticulation de Trump obéit à des motifs qui n’ont rien à voir avec la Syrie. Il s’agit d’un acte de diversion destiné à contrer les accusations de manipulation de la dernière élection présidentielle et à satisfaire les secteurs les plus agressifs du Congrès. Plus généralement, cette opération a vocation à tenter d’intimider la Russie qui a le « culot » (l’un des rares pays dans ce cas) de ne pas accepter comme les autres l’hégémonie mondiale de l’impérialisme américain.

A cet égard, on ne peut exclure que la soit disant attaque chimique du gouvernement légal de la Syrie contre les rebelles islamistes (armés par l’Arabie saoudite et les Etats-Unis) de la région de la Ghouta ne soit qu’une manipulation américaine (ou des rebelles, ce qui revient au même). Une telle attaque gouvernementale n’a en effet aucune logique, d’abord parce que la Syrie est en train de gagner la guerre contre la subversion, donc qu’elle n’a aucun besoin d’utiliser des armés prohibées par le droit international, ensuite parce que son gouvernement savait que Washington n’attendait que ce prétexte pour le « punir ».

Ce ne serait pas la première fois que les Américain mentent et tentent de manipuler. Qu’on se souvienne des soit disant armes de destruction massive de l’Irak en 2003 avec leurs « preuves » qui se sont révélées des faux grossiers ; elles avaient « justifié » l’agression américaine contre ce pays, agression dont nous supportons encore les conséquences car elle a marqué le début d’une déstabilisation générale de toute la région.

On peut même lier cette agression contre la Syrie à l’ « affaire » de l’empoisonnement de l’ancien espion russe vivant en Angleterre montée en épingle il y a quelques semaines. Cet espion et sa fille avaient été « empoisonnés » par un produit chimique à l’origine attribuée à la Russie, prétexte à une agitation antirusse de grande envergure. Notre bonne presse suiviste mais aussi le président Macron s’étaient alors indignés face à ce geste « barbare » commis par les hommes de Poutine sur le territoire d’un allié proche. Or, on vient d’apprendre que l’espion et sa fille étaient désormais tirés d’affaire et se portaient comme un charme après une guérison quasi miraculeuse. Bizarre, non?

3/ Nos médias vont nous seriner les oreilles à coup d’émissions spéciales au cours desquelles des experts ou soit disant experts nous expliquent combien ces frappes « chirurgicales » sont une merveille de technologie et de professionnalisme et combien il était nécessaires de réagir devant cette « barbarie » chimique du « régime » de Bachar. « Fiers de défendre la civilisation » qu’ils sont ! Cyniques et hypocrites plutôt, au moment où les Saoudiens massacrent des populations civiles au Yémen et au moment où l’armée israélienne tire dans le tas à Gaza, faisant déjà plus de morts que la soit disant arme chimique de Bachar (cette fois ; la dernière attaque d’envergure contre Gaza en avait fait plus de 1000). Lorsque l’ « émotion » est à ce point à sens unique, elle dépasse les pires limites de l’abjection.

Que Macron se prête au jeu, c’est déjà lamentable mais il a ses raisons de basse politique que la raison ignore. Que nos médias s’engouffrent dans cette manipulation et cette désinformation est tout simplement scandaleux et leur fait perdre toute crédibilité.

4/ Quelle va être la suite de cette agression contre la Syrie ? Sans doute aucune. Pure gesticulation, je le répète.

Cela serait purement « gratuit » s’il n’y avait la vraie guerre, celle que nous livre la terrorisme islamiste et ses « soldats » et complices de l’intérieur.

Une guerre n’est jamais propre mais une cause est juste ou elle ne l’est pas. La guerre menée contre le monde civilisé vient de l’idéologie islamiste. L’islamisme saoudien, qatari et tous leurs complices de Daesh et des frères Musulmans, les mêmes qui avaient réussi, avec la complicité et l’aide occidentales, à de débarrasser de tous les régimes laïques (depuis Nasser jusqu’à Kadhafi en passant par Saddam) au Moyen Orient, ont « mis le paquet » pour tenter de détruire la Syrie laïque (qui protège notamment sa minorité chrétienne alors que les Chrétiens d’Orient sont menacés d’extermination ailleurs). Elle n’a été sauvée que grâce à l’aide russe.

S’il y avait encore une logique et même le sens de l’intérêt bien compris dans cet Occident schizophrène aux comportements trop souvent suicidaires, on devrait considérer que la Syrie et la Russie sont nos alliés face à la barbarie islamiste. Ceux qui égorgent chez nous et tuent des innocents (dernièrement encore à Carcassonne), ce sont les islamistes. Pas les Syriens, pas les Russes, pas les Iraniens (ils l’ont fait il y a longtemps, mais, désormais, ils ont les mêmes intérêts que nous, ou plutôt, nous devrions avoir les mêmes qu’eux).

Les Israéliens ne s‘y trompent pas. Cyniques mais réalistes : ils ménagent la Syrie car ils préfèrent avoir à leurs portes le « régime de Bachar » plutôt que l’islamisme. Quand ils « frappent » sans vergogne en Syrie, ils ne s’en prennent qu’à leurs ennemis iraniens et du Hezbollah. Israël a en, outre, pour les mêmes raisons, d’excellentes relations avec la Russie. (Ce qui ne les met pas à l’abri de leurs propres contradictions : ils luttent contre le Hamas mais pactisent avec Riyad !).

5/ Conclusion plus réjouissante : la Syrie est en train de gagner la guerre et la Russie s’affirme de plus en plus comme une puissance sage et responsable susceptible, avec la Chine et quelques autres pays (y compris la petite Corée du Nord), de contrer efficacement l’insupportable prétention américaine à dominer le monde.

Le grand général de Gaulle, mais aussi, dans une certaine mesure, Jacques Chirac, l’avaient compris. Pas le petit Macron et les minuscules Sarkozy et Hollande./.

Yves Barelli, 14 avril 2018    

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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 21:31

Ça y est, c’est reparti. Macron, petit chien fidèle de Trump et son maitre de Washington s’excitent à nouveau et veulent « frapper » la Syrie qui aurait utilisé l’arme chimique. Toutes nos chaines d’info en continu nous abreuvent depuis trois jours d’émissions spéciales. C’est l’ « horreur » : le « méchant » Bachar, avec la « complicité » de Poutine et des Iraniens, « tue » sa population à coup d’armes chimiques.     

De quoi s’agit-il ?

L’armée syrienne, qui est en train de reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire national, aurait ponctuellement utilisé des armes chimiques, tuant, parait-il,  une quarantaine de civils abondamment montrés par les images tournées par les rebelles islamistes retranchés dans la région de la Ghouta, en passe d’être reconquise par l’armée régulière. Vrai ou faux, on ne le sait pas, mais on désigne le coupable sans plus attendre.

Nos télévisions oublient de préciser que la Syrie, avec l’aide et sous le contrôle de la Russie, a donné toutes facilités aux rebelles et à leurs familles pour quitter les zones encerclées et rejoindre en autocars, fournis par la Syrie, à l’autre bout du pays ce qui reste du réduit islamiste. Il ne s’agissait donc pas d’une reddition sans condition mais d’une réelle possibilité de sortir sains, saufs et en sécurité de la zone de combats. Il en était allé de même lors de la libération d’Alep, seconde ville de Syrie, auparavant aussi aux mains des rebelles. On se souvient que nos « bonnes âmes » droit de l’hommistes (ou qui se prétendent telles) avaient alors crié à l’imminence d’un « désastre humanitaire » qui n’a pas eu lieu : tous ceux qui ont voulu partir sont partis et il n’y a eu aucun massacre.

Ceux qui s’obstinent à rester dans la Ghouta sont donc des jusqu’aux-boutistes purs et durs. Ils veulent mourir en martyrs et veulent entrainer dans leur suicide leurs femmes et enfants.

Dans ces conditions, qu’ils soient tués par des armes chimiques ou conventionnelles ne change rien. Plus vite ils seront éliminés, plus rapidement la Syrie sera libérée.

Je voudrais faire plusieurs remarques :

a/ Les crimes atroces, les violations massives des droits de l’homme et la cruauté sont hélas présentes dans tous les camps syriens et, d’une façon générale, du Moyen Orient. Oui, Bachar est un criminel. Les autres aussi. En Syrie, nous n’avons pas le choix entre des « gentils », qui n’existent pas (les « gentils », comme au Far West, n’y font pas de vieux os car pour survivre, il vaut mieux tuer avant d’être tué) et des « méchants ». Le choix il est entre ceux qui défendent des valeurs de laïcité, les nôtres, et ceux qui veulent imposer l’obscurantisme criminel islamiste (pas seulement en Syrie, mais aussi ailleurs ; nous l’avons constaté il y a encore quelques jours en France). Alors entre un Bachar criminel qui ne nous menace pas et des islamistes criminels qui, au-delà de la Syrie, ont déclaré la guerre au monde entier, je n’hésite pas.  Bachar est mon allié. Ceux qui veulent l’éliminer sont les alliés de « Daesh ». A eux de prendre leurs responsabilités s’ils veulent poursuivre leur politique absurde qui est suicidaire pour l’Occident.

b/ J’ai déjà eu l’occasion de m’insurger dans ce blog contre l’émotion à géométrie variable de nos dirigeants et de nos médias, les deux à la solde du « système », c’est-à-dire du capitalisme mondialisé. Ils sont cyniques et hypocrites et cela est insupportable. En outre, dans le cas syrien, ils sont irresponsables car ils jouent centre ce qui devrait être leur camp.  

Des exemples, pour rester dans la région : l’armée d’Israël, Etat voyou qui viole toutes les résolutions du Conseil de Sécurité ainsi que toutes les conventions relatives au traitement des populations civiles dans les territoires occupés, vient, ces jours derniers par deux fois, de tirer de manière délibérée sur une foule de civils manifestant pacifiquement à la frontière entre Israël et Gaza. Les victimes étaient côté gazaoui, donc en dehors du territoire israélien. Ils ont été tirés comme des lapins par des tireurs d’élite postés à plusieurs centaines de mètres. Il n’y avait même pas l’excuse d’une incursion en Israël. Une trentaine de personnes, y compris des adolescents ont été ainsi lâchement assassinées. Où sont les protestations de Macron et de nos médias ? Rien. Va-t-on faire des « frappes » pour « punir » le régime criminel israélien ? En aucune façon.

Deuxième exemple : l’armée saoudienne est en train d’effectuer un véritable génocide au Yémen, tuant de manière indiscriminée des milliers de civils avec des armes vendues, notamment, par les France. Va-t-on effectuer des « frappes » sur Riyad ? Bien sûr que non. Au contraire, on reçoit à Paris le prince héritier du royaume.

On pourrait aussi citer les bombardements israéliens sur les bases iraniennes de Syrie ou encore le nettoyage ethnique opéré par la Turquie à l’encontre des Kurdes dans le nord de la Syrie.

c/ Alors pourquoi ces deux poids deux mesures ?

Essentiellement à cause de l’unilatéralisme de Trump (son prédécesseur n’était pas mieux). L’Amérique a deux alliés dans la région, Israël et l’Arabie Saoudite. L’ennemi commun de ces deux « régimes », pour reprendre un terme que nos médias réservent habituellement à leurs ennemis, est l’Iran. Israël ménageait plutôt la Syrie car, à tout prendre, elle préférait avoir à sa porte Bachar plutôt que les islamistes. Mais la Syrie est soutenue par l’Iran et par le Hezbollah. Du coup, l’Etat hébreux est un peu moins bienveillant envers Damas mais sans aller jusqu’à la guerre. On peut dire la même chose de l’Arabie saoudite, qui, elle aussi, veut la peau du « régime » des mollahs.

Les Etats-Unis ont deux raisons de s’en prendre à la Syrie. La première est qu’ils soutiennent Israël et donc, les ennemis des amis étant des ennemis, l’Iran est l’ennemi des Etats-Unis et comme l’Iran soutient la Syrie, les Etats-Unis font la guerre à la Syrie (allant, au début, jusqu’à y aider la subversion islamiste, y compris « Daesh »).

La seconde raison est que les Etats-Unis ont décidé de contrer les Russes partout, reprenant ainsi leurs vieux réflexes de la guerre froide. Tant que la Russie, avec Eltsine, leur a livré des pans entiers de son économie pour des bouchées de pain et les a laissé avancer l’OTAN loin vers l’Est, y compris à une partie du territoire ex soviétique (les pays baltes), ça allait. A partir du moment où Poutine a redressé la Russie et lui a redonné sa place dans le monde en s’opposant à l’impérialisme américain, le « régime » russe a rejoint l’ « axe du mal » dans lequel les Américains enferment tous ceux qui ont la moindre velléité de s’opposer à leur hégémonie. Poutine et quelques autres sont les empêcheurs de tourner en rond, je veux dire empêcheurs pour les Américains de dominer le monde et d’imposer leur loi en toute impunité.

Mais le Moyen Orient est compliqué et les alliances ne sont pas nécessairement logiques. Ainsi, la Russie a maintenant d’excellentes relations, non seulement avec l’Iran mais aussi avec la Turquie (pourtant membre de l’OTAN) et ses relations ne sont mauvaises, ni avec Israël ni avec l’Arabie saoudite, ce qui contribue à l’agacement de Trump.

Quant à Israël, pour comprendre le soutien américain, il faut connaitre le contexte intérieur des Etats-Unis : le « lobby » juif y est si fort qu’il « tient » la maison Blanche et plus encore le Congrès. En l’occurrence, on ne peut parler de « dépendance » d’Israël par rapport aux Etats-Unis, mais du contraire, celle des Etats-Unis par rapport à Israël.

d/ Et la France de Macron ?

C’en serait comique si ce n’était pitoyable. On prétend aller « punir » Bachar sans en avoir vraiment les moyens. Tout au plus, fera-t-on ce qu’on fait en Syrie et en Irak depuis plusieurs années. On met quelques avions à la disposition des Américains et on les suit, noyé dans la masse de leur armada. Et, comme on a peur de ne pas se faire remarquer, tant, objectivement, on compte si peu au Moyen Orient, on aboie très fort, plus encore que le maitre de Washington. Hollande, si faible par ailleurs, ne se montrait fort qu’en paroles hostiles envers la Russie, la Syrie ou l’Iran. Macron donnait l’impression, au début, d’être un peu moins partial et ridicule. Il est en train de rattraper son prédécesseur.

Comment peut-on être aveuglé à ce point alors que notre ennemi est ailleurs qu’à Damas? L’islamisme nous frappe directement au cœur. C’est en France qu’il tue, mais aussi en Afrique. Or, c’est sur le continent noir que nous avons des intérêts à défendre. Nos armées seraient bien mieux employées au Sahel, où leurs effectifs sont très insuffisants, plutôt qu’en Syrie.

Il est triste que nos médias servent ainsi d’instruments de propagande pour une cause qui ne va pas dans l’intérêt de la France. Les émotions et dénonciations à géométrie variable desservent totalement une cause qui chacun devrait avoir à cœur de défendre, celle des droits de l’homme, de la justice, de l’équité, du progrès.

En vous servant de cette cause pour participer à un combat hypocrite et cynique qui ne devrait pas être le nôtre, Messieurs de l’Elysée, de BFM-TV et de France-info, vous salissez les belles valeurs que vous prétendez défendre !

C’est scandaleux. C’est dramatique. J’espère que vous, amis lecteurs, vous n’êtes pas tombés dans ce grossier panneau.

Excusez le ton un peu véhément de ce texte qui ne sied pas vraiment avec celui, froid et désincarné, qu’on pense être celui d’un diplomate. Mais c’est un cri du cœur. Ce concert des pleureuses à sens unique (les « pleureuses », dans certains pays, c’est une profession : on pleure pour celui que l’employeur demande de pleurer. Nos politicards et nos soit disant journalistes, profession qu’ils déshonorent, sont des mercenaires) m’est insupportable./.    

Yves Barelli, 10 avril 2018                                                                   

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25 mars 2018 7 25 /03 /mars /2018 19:13

L’histoire est un éternel recommencement. Carles Puigdemont, président en exil du gouvernement catalan qui a dû fuir son pays parce que l’Espagne foule aux pieds les droits démocratiques les plus élémentaires et qui résidait depuis quatre mois en Belgique, a été arrêté ce jour en Allemagne alors qu’il rentrait en voiture de Finlande où il a donné une conférence et s’est entretenu avec des leaders politiques.

Il semble que les services secrets espagnols, qui le suivaient (le dirigeant indépendantiste ne se cachait pas), aient donné l’information aux autorités allemandes qui l’ont fait intercepter un peu après son entrée dans le pays par la police autoroutière.

La dernière fois que les Allemands ont arrêté un président catalan, c’était pendant la seconde guerre mondiale. La gestapo s’était alors emparée de Luis Companys, réfugié en France à la suite de la « guerre d’Espagne », et l’avait livré à leurs complices fascistes espagnols du sinistre France qui fit fusiller le président catalan.

L’Espagne est une soit disant démocratie qui refuse au peuple catalan le droit de se prononcer sur son avenir et l’Allemagne est, parait-il, un état de droit.

Puigdemont s’est déplacé ces dernières semaines dans plusieurs pays de l’UE (entre autres Pays-Bas, Suède, Finlande, Danemark, sans compter la Belgique où il réside. Ces pays n’ont pas touché à sa personne. Les Allemands n’ont eu ce tact, cette humanité et ce sens politique.

Oseront-t-ils le livrer aux néo-franquistes de Rajoy et de sa bande ?

En attendant, sitôt la nouvelle parvenue au pays, les Catalans sont descendus en masse dans les rues pour demander la libération  de leur président légitime mais aussi des cinq autres patriotes catalans, dirigeants de partis légaux qui mènent un combat pacifique pour la Nation catalane et qui sont emprisonnés depuis quatre mois.

L’Union européenne se comporte comme la « Sainte Alliance » du début du 19ème siècle, union de monarchies rétrogrades et répressives qui bâillonnaient les peuples d’Europe épris de liberté.

Face à la barbarie, la lutte pacifique atteint vite ses limites…

Les Catalans commencent à s’en apercevoir.

Yves Barelli, 25 mars 2018        

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