Le nouveau découpage régional de la France proposé (il devra être avalisé par le parlement) par le gouvernement le 3 mai a suscité un faisceau de critiques justifiées de toutes parts (voir mon texte d’hier « réforme régionale en France »).
Réforme « gadget » improvisée et sortie « du chapeau » sans aucune concertation sérieuse, ce projet pêche tant par sa méthode que par sa finalité affichée : faire des économies à tout prix (qui se révèleront certainement illusoires) au mépris des identités locales, qui devraient pourtant être valorisées car elles sont source de cohésion sociale et donc facteur de développement économique.
La question régionale (pas seulement en France) m’intéresse au plus haut point, elle me passionne même. C’est pourquoi, j’y ai réfléchi.
Avant même que le gouvernement ait sorti sa nouvelle carte des régions, je m’étais interrogé sur ce que pourrait être une proposition de redécoupage régional (je dis bien « proposition », étant entendu que les gens ne sont pas des enfants, mais des adultes et donc qu’il appartient aux citoyens concernés de décider dans quel cadre territorial ils souhaitent vivre : cette démarche d’inspiration démocratique est tout le contraire des « solutions » bureaucratiques et technocratiques).
A mes lecteurs curieux de cette question, je soumets le texte ci-dessous que j’ai écrit il y a deux mois, couchant sur le papier des idées que j’ai depuis des années. Si certaines propositions recoupent en partie celles du gouvernement, d’autres s’en écartent substantiellement. Mais surtout, la différence est de nature : quand les technocrates (et le gouvernement) parlent « économies », moi je réponds « identité » avec la conviction que, non seulement l’homme ne vit pas seulement de pain mais, qu’en outre, c’est l’identité et la cohésion sociale qui sont les meilleurs garants des constructions pérennes, consensuelles et donc fonctionnelles et sources de ces économies à tout prix qu’on prétend rechercher.
J’ajoute, mais cette problématique n’est pas l’objet de ce texte qui se limite aux limites régionales, que cette question du redécoupage devrait évidemment être replacée, ou couplée avec lui, dans le contexte plus général d’une meilleure affirmation de la démocratie qui passe par une réflexion sur l’Etat, donc de l’expression de la solidarité nationale, et son adéquation aux autres solidarités : régionales et communales (on est d’une localité, d’une région et d’un pays et, j’ajouterais, citoyen de la planète Terre).
Certains considèrent que dans le monde globalisé de 2014, les identités locales et régionales sont dépassées. Il en est même qui estiment que la nation elle-même est dépassée.
Je ne suis pas d’accord parce que, pour vivre en société, on a besoin de valeurs, de racines et d’identités partagées. J’ai personnellement vécu une bonne partie de ma vie dans une quinzaine de pays et je continue à voyager dans le monde entier. Je peux communiquer dans pas mal de langues et j’ai des amis et connaissances loin au-delà des mers. Je me sens bien à peu près partout parce que toutes les cultures ont quelque chose à nous apporter. Pourtant, je fais mienne cette réflexion, je crois de Georges Marchais : « l’internationalisme commence par le patriotisme ». Inter-nationalisme signifie entre les nations. Encore faut-il que ces nations existent et soient vivantes. Je suis en revanche d’accord avec le fait qu’il ne faut pas confondre nationalisme, souvent néfaste, et patriotisme, au contraire souhaitable. Je suis aussi d’accord avec le fait que la défense de la nation ne doit pas être exclusive. Certains sont binationaux et bi ou multiculturels. Tant mieux, c’est une richesse. D’autres, cumulent des identités qui, en quelque sorte, s’emboitent. C’est mon cas : je me définis comme Marseillais (j’y tiens : j’ai la chance d’être né dans une ville à la forte personnalité et qui a 2600 ans d’histoire derrière elle), Provençal, Occitan (la langue occitane, à laquelle je tiens et que je pratique lorsque je le peux, dont le provençal est la variante la plus prestigieuse, a été une grande langue de communication et de culture, malheureusement niée par l’Etat français) et Français (j’ai représenté la France pendant trente ans dans mon métier de diplomate et j’en suis fier). Et en plus, je suis Terrien parce que l’Humanité est une. (Je pourrais ajouter aussi que je suis européen, à condition que ce soit de l’Atlantique à l’Oural, et que je suis méditerranéen).
L’une de mes identités, la régionale, se sent concernée par la question régionale.
Alors, voici mon texte.
FRANCE : ESSAI DE REDECOUPAGE TERRITORIAL
I - Pourquoi un redécoupage ?
Jusqu’en 1789, la France était découpée en unités territoriales appelées, pour simplifier, « provinces ». La plupart d’entre elles avaient un nom et une personnalité qui sont restées jusqu’à aujourd’hui : Normandie, Bretagne, Provence, etc. La réalité était néanmoins plus complexe car des subdivisions diverses existaient en fonction des divisions militaires, fiscales, juridiques (les parlements) ou ecclésiastiques. La liste retenue, un peu conventionnelle, fait état d’une trentaine de « provinces ». Certaines sont immenses (comme la Guyenne-Gascogne), d’autres toutes petites (comté de Foix, Angoumois, etc).
La Révolution abolit les « provinces » et leur substitua les « départements », de tailles à peu près égales (le critère était de pouvoir atteindre le chef-lieu au maximum en une journée de cheval). Avec les ajouts postérieurs, il y a près d’une centaine de départements (hors outre-mer).
Après la seconde guerre mondiale, on décida, pour des raisons de commodité de regrouper les départements en « régions », une vingtaine, dont certaines correspondent aux anciennes provinces. La loi de décentralisation de 1981 entérina ce découpage et conféra tant aux régions qu’aux départements des compétences propres démocratiquement utilisées par les assemblées élues (conseils régionaux et généraux) avec un contrôle à postériori de leur gestion, le préfet n’étant plus compétent qu’en tant que représentant de l’Etat et gestionnaire des services déconcentrés de celui-ci.
Ce système marqua un progrès. Toutefois, au bout d’un peu plus de 30 ans de fonctionnement, ses défauts sont maintenant reconnus : 1/ Concurrence entre les services décentralisés des collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’Etat, 2/ concurrence entre les régions et les départements, les compétences uniques de chacun n’étant pas toujours définies (et même lorsque c’est le cas, les financements croisés sont source de gaspillages) 3/ S’y ajoute la complexité du système communal : communes, communautés de communes, futures « métropoles » (décidées en 2014). En outre les 36 000 communes sont réputées toutes égales alors qu’elles sont loin d’avoir toutes les mêmes moyens.
Les principaux reproches, finalement, adressés au découpage territorial sont sa complexité (le « millefeuille »), l’absence de hiérarchie entre les collectivités et, s’agissant, des régions, leur faiblesse due à la concurrence des départements, au trop grand nombre des régions (c’est du moins ce que l’on dit, mais ce n’est pas vraiment le problème : le nombre des régions en France est comparable à celui de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, qui ont des populations presque équivalentes) et à l’excessive centralisation de la France).
II – Quels critères de redécoupage ?
Sans aborder la question, politique, du degré d’autonomie à accorder aux régions (la gradation va de l’Etat centralisé où les régions sont surtout des circonscriptions d’action de l’Etat, à l’Etat fédéral avec compétences décentralisées étendues), deux questions se posent : 1/ Faut-il supprimer les départements (ou, ce qui revient un peu au même, les conserver comme simples subdivisions des régions) ? 2/ Faut-il diminuer le nombre des régions en opérant des regroupements ou des redécoupages ? 3/ On peut y ajouter une question subsidiaires : en cas de redécoupage régional, est-on obligé de conserver des régions de tailles comparables ? De grandes régions seraient sans doute plus efficaces économiquement, mais des portions de régions actuelles à la forte identité, ne pourraient-elles pas, sur le modèle corse, avoir des statuts particuliers (on pense au Pays Basque français et à la Catalogne Nord, mais aussi, le cas échéant, à des entités comme la Savoie ou le Comté de Nice) ?
De la réponse donnée à ces trois dernières questions, découlent évidemment des scénarios de réforme différents. Je vais donner mes choix (mais on peut en imaginer d’autres).
1/ Les départements : certains sont artificiels (on se souvient du projet, avorté, de suppression des départements alsaciens), d’autres correspondent, au contraire, à des entités aux identités fortes et remontant souvent à l’époque romaine. La solution que je préconise est la suivante : on supprime les départements en tant que collectivités décentralisées. Sont créés à la place des circonscriptions administratives de régions dont le degré d’autonomie et la taille sont laissés à l’appréciation de chaque région. On peut imaginer que dans certaines régions des circonscriptions pouvant recouper les actuels départements seront conservées (cas, par exemple, d’entités bien identifiées comme l’Anjou, la Beauce, le Rouergue, le Gévaudan, le Quercy, etc, qui correspondent respectivement au Maine-et-Loire, à l’Eure-et-Loir, à l’Aveyron, à la Lozère et, à peu près, au Lot). Les régions choisiront de les nommer sous le nom de l’actuel département ou sous un autre nom, souvent plus ancien). Dans d’autres cas, les régions pourront choisir des circonscriptions plus petites que les actuels départements lorsque les « pays » (qui correspondent en général aux arrondissements) ont une identité reconnue (ex : le pays d’Arles, le pays d’Aix, le Pays de Montbéliard, le Pays de Grasse, etc). Les découpages existant à l’étranger pourront, le cas échéant, inspirer les responsables régionaux (« comtés » anglais, « Kreis » allemands, « comarques » d’Espagne, « powiats » de Pologne, etc.) Il n’est pas nécessaire, à cet égard, que la France ait des découpages uniformes.
2/ et 3/ Le Premier Ministre a avancé le chiffre d’une dizaine de régions, chiffre totalement arbitraire lancé presque à la cantonade sans, cela se voit, aucune étude préalable sérieuse, ce qui donnerait des régions en moyenne deux fois plus grandes que les actuelles. Il pense sans doute à une taille comparable à celle des grands « Länder » allemands. Ce peut être une piste. Il est toutefois important de rappeler que si l’Allemagne a quelques grandes régions, et même des très grandes, d’autres sont, en revanche, minuscules comme la Sarre, Brème ou Hambourg). Il en va de même de l’Italie où, à côté d’une Lombardie avec 10M d’habitants, on a le petit Val d’Aoste peuplé de 0,2M. On trouve les mêmes disparités en Espagne : à côté des grandes Catalogne et Andalousie, on a les petites Rioja, Cantabrie et Navarre.
Nous proposons en conséquence des regroupements régionaux lorsque les entités proposées ont une réelle identité (on pense évidemment à la réunification, par exemple, de la Normandie et de la Bretagne). Mais il faut se méfier des à-priori dogmatiques : des regroupements artificiels seraient contreproductifs car, sans identité minimale, la gestion de ces grandes régions ne serait qu’arbitrages permanents et paralysant entre des territoires plus petits.
Le fil conducteur pour les regroupements devrait être, à mon sens, de tenir compte de la réalité des anciennes provinces lorsque elles correspondaient à des territoires plus étendus que les régions actuelles (le Languedoc est un exemple), de celles des langues dites régionales (des regroupements entre anciennes terres d’oc et d’oïl ne me paraissent pas souhaitables) ou des anciennes aires dialectales françaises (une région regroupant Nord-Pas-de-Calais et tout ou partie de l’actuelle Picardie serait pertinente à cet égard. Autre remarque : on a créé les régions actuelles autour de « métropoles régionales ». Cela a un sens, mais il n’est pas sans intérêt de remarquer que ce n’est pas le choix qui a été fait dans beaucoup d’autre pays (l’Allemagne, mais aussi les Etats-Unis en sont des exemples : certains Länder ont plusieurs métropoles régionales, comme la Bavière, tandis que des aires urbaines, comme celle de Francfort, sont traversées par des frontières de Länder. Je propose en conséquence de privilégier l’identité régionale plutôt que des regroupements autour de métropoles. Il faut, en tout état de cause, éviter le dogmatisme : la solution adoptée ici peut être différente de celle choisie là-bas.
S’agissant de la possibilité de conférer un statut régional à des entités ayant une taille infrarégionale, je rappelle que c’est le choix qui a été fait en Allemagne, en Italie et en Espagne. L’Allemagne est un Etat fédéral, l’Espagne a des autonomies « à la carte » (degrés d’autonomie différents selon les régions) et l’Italie, à côté des régions standards, a plusieurs régions à statut particulier (Aoste, Trentin-Sud Tyrol, Frioul, Sardaigne et Sicile). Il existe un tel statut en France pour la Corse. Il me paraitrait légitime d’envisager de tels statuts pour un petit nombre d’autres entités.
III – Les redécoupages possibles
III/ 1 - Philosophie des redécoupages
Dans l’hypothèse de la suppression des départements actuels, un redécoupage régional peut être envisagé sans nécessairement s’en tenir aux frontières actuelles des départements. On peut en effet envisager d’attribuer dans certains cas, une partie d’un département à une région et une autre partie à une autre. Dans la mesure du possible, il sera plus facile de conserver les limites départementales existantes pour des raisons pratiques car beaucoup de services administratifs correspondent aux départements actuels. Même si ceux-ci disparaissent, ces services, souvent subsisteront, au moins dans un premier temps. Mais, lorsque le besoin s’en fera sentir, en particulier lorsqu’il y a des identités infra-départementales fortes, on pourra modifier les frontières actuelles (exemple : la « Drôme provençale » a sans doute vocation à rejoindre la Provence et le sud de l’Oise pourrait être rattaché à l’Ile-de-France. La question peut aussi se poser pour des arrondissements comme ceux de Sens ou de Saint-Quentin). On conservera donc, si possible, au moins les limites d’arrondissements sans toutefois s’interdire des rectifications de frontières lorsque le besoin s’en fera sentir (en particulier lorsque les limites d’arrondissements sont arbitraires : exemple : le Perche ne correspond à aucun arrondissement existant).
Dans tous les cas, il faudra éviter les décisions bureaucratiques. Toute réforme territoriale devra être précédée d’une période suffisamment longue de concertation associant les élus, les organisations représentatives de la société civile et la population. Le risque à éviter est celui d’affrontements politiciens stériles. C’est pourquoi il vaut mieux rechercher des consensus avant de faire entériner les redécoupages par référendum, sans quoi ces consultations populaires risqueraient d’être détournées de leur objet (comme ce fut le cas pour le référendum alsacien). On peut espérer à cet égard que les hommes politiques se détermineront davantage en fonction de l’intérêt des populations et des identités locales qu’en fonction de « fauteuils » à conserver ou à convoiter. Les élus sont utiles dans le processus de redécoupage parce qu’ils connaissent le mieux le terroir, mais un contrôle populaire est indispensable pour éviter toute dérive. L’Etat y veillera. Mais celui-ci aussi doit être contrôlé par un collège d’experts indépendants (à définir) pour éviter, à ce niveau-là aussi, toute dérive politicienne.
Voici les pistes qui pourraient être suivies :
A/ Régions du Nord et de l’Est
A1/ Création d’une région Nord-Picardie par regroupement de la région Nord-Pas-de-Calais, de la Somme et des arrondissements de Saint-Quentin, Laon et Vervins [s’agissant de ces deux derniers, mais aussi de celui de Château-Thierry, un rattachement à la Champagne aurait aussi sa logique. Laon pourrait aussi, comme sous l’ancien régime, être rattaché à l’Ile-de-France : les distances par rapport à Paris et Lille sont équivalentes, mais Amiens, qui conserverait une fonction universitaire et juridique, est plus proche. On s’en remettra, in fine, au vœu de leurs habitants]. La frontière entre cette région et l’Ile-de- France non seulement correspondrait aux zones d’attraction de Lille et de Paris, mais recouperait aussi la limite sous l’ancien régime entre la Picardie et le domaine royal. L’ancienne Picardie s’étendait sur une grande partie du Pas-de-Calais, ce qui va dans le sens du regroupement. De plus, linguistiquement, le parler picard, variété de français longtemps utilisée en Picardie mais aussi dans le Nord (hors Flandre) et dont le parler « chti » est l’héritier, constituait un autre trait commun aux deux régions que l’on propose de regrouper. Il y a donc une identité commune forte qui repose sur l’histoire et la sociologie.
Nouvelle région Nord-Picardie = 4,9M, 23 517 km2, capitale Lille (compétences déconcentrées à Amiens).
A2/ Création d’une région Champagne-Lorraine par regroupement de la Champagne et de la Lorraine. La Champagne actuelle est une petite région (1,4M). Sa métropole, Reims, est dans l’orbite de Paris mais une grande partie de la région (Ardennes, Haute Marne) regarde vers l’Est. Il pourrait être avantageux de relier la Champagne et la Lorraine, drainées par l’axe structurant de l’A4 et du TGV Paris-Strasbourg. La Lorraine y trouverait son compte en se renforçant et en acquérant un nom, celui de Champagne, porteur.
A vérifier, évidemment, si les populations concernées et leurs représentants sont d’accord. Nous ne poussons pas exagérément pour que le regroupement soit réalisé. Au-delà des traits unificateurs, il y en a d’autres qui militent pour le maintien de la séparation, en particulier l’histoire (pendant des siècles, la Champagne fit partie du royaume de France, alors que la Lorraine relevait de l’Empire germanique) mais aussi la linguistique (les variétés de français qui y étaient parlées étaient différentes). Si l’on prend en compte la Champagne historique, on constate que celle-ci s’étendait davantage vers l’ouest (partie de la Seine-et-Marne et arrondissement de Sens), ce qui justifierait aussi de conserver l’autonomie de la région afin qu’elle coopère davantage avec l’Ile-de-France. A discuter donc.
Nouvelle région Champagne-Lorraine = 3,7M, 49 153 km2, capitale Metz (ou Nancy), l’ancienne Champagne conserverait des compétences propres (académie, cour d’appel, etc).
A3/ Compte tenu de sa particularité, il est proposé de conserver la région Alsace telle quelle. Un regroupement avec la Lorraine ne parait pas pertinent, y compris le département de la Moselle (celui-ci est certes partiellement de culture germanique, mais les dialectes parlés en Moselle Thioise et en Alsace ne sont pas les mêmes (le premier de type alémanique central, le second haut allemand).
Région Alsace = 1,8M, 8 280 km2, capitale Strasbourg > inchangée
B/ L’Ile-de-France
L’Ile-de-France pourrait être étendue vers le nord en incluant l’Oise et le sud de l’Aisne (pour recouper à la fois la zone d’attraction de Paris et la limite du domaine royal sous l’ancien régime), ainsi qu’à l’agglomération de Dreux. D’autres élargissements seraient des options : Beauce autour de Chartres, Gâtinais méridional (Montargis), Sénonais (qui faisait partie de la Champagne sous l’ancien régime et non de la Bourgogne). Mais nous ne militons pas en faveur de ces derniers pour ne pas exagérer l’importance de l’Ile-de-France par rapport aux régions périphériques et parce que ces zones, souvent rurales, sont sociologiquement différentes de l’agglomération parisienne.
Région élargie Ile-de-France = 13M, 21 000km2 (inclus : Oise, Aisne-Sud et Dreux), capitale Paris
C/ Régions de l’Ouest
C1/ Réparation d’une anomalie en réunifiant la Normandie [la région du Perche, actuellement partagée entre la Normandie, dont elle ne faisait pas partie sous l’ancien régime, pourrait être rattachée aux Pays de la Loire – elle est plus proche du Mans et de Chartres que de Caen -. Elle constituerait alors un « pays » (avec un peu plus de 0,1M) de cette région qui réunirait les deux-tiers de l’arrondissement de Mortagne-au-Perche – le 1/3 nord est normand - et celui de Nogent-le-Rotrou et la partie ouest de celui de Dreux]
Région Normandie = 3,3M, 28 400 km2 (sans le Perche), capitale Rouen (Caen garderait des compétences pour la Basse Normandie]
C2/ Autre anomalie à réparer en agrandissant la Bretagne à la Loire-Atlantique.
Région Bretagne = 4,4M, 34 113 km2, capitale Rennes (mais avec une partie des services installés à Nantes)
C3/ Charente-Poitou élargi à la Vendée (pourrait s’appeler simplement « Poitou »)
Nouvelle région Poitou = 2,3M, 32 530 km2, capitale Poitiers
C4/ Création d’une nouvelle région Pays de Loire (différente de l’ancienne) par la réunion du Maine, de l’Anjou, du Perche et de l’Orléanais moins Dreux [si l’option, préconisée, de la création d’une région « Berry-Bourbonnais-Nivernais est retenue par ses habitants]
Nouvelle région Pays-de-Loire = 3,9M, 31 050 km2, capitale Tours. Cette région aurait vocation à être décentralisée entre Anjou, Maine, Touraine et Orléanais. Elle pourrait aussi être nommée « Val-de-Loire » ou Ligérie ».
C5/ Création d’une région Berry-Bourbonnais-Nivernais. Ces trois anciennes petites provinces de l’ancien régime, qui ont chacune une personnalité propre affirmée, ont été rattachées, assez arbitrairement, aux régions voisines « Centre », « Bourgogne » et Auvergne ». Le Nivernais est une région du Val de Loire géographiquement et historiquement séparée de la Bourgogne. Le Bourbonnais, terre de transition entre oïl et oc, n’a jamais fait partie dans son histoire de l’Auvergne. Le Berry, formé du Cher et de l’Indre, est en retrait par rapport au Val-de-Loire et sa capitale, Bourges, a joué un rôle historique propre. Dans le cas où l’Allier voudrait rester avec l’Auvergne (Clermont est un peu plus proche que Bourges), la création de la région n’aurait plus d’objet (dans ce cas, on ne toucherait pas aux limites actuelles : Berry avec les pays de la Loire, Nièvre avec la Bourgogne. Nous proposons en conséquence cette région sous réserve de consensus.
Région Berry-Bourbonnais-Nivernais = 1M, 28 183 km2 (un nom plus concis pourrait être retenu, par exemple « Cœur de France », en référence à la fois à la situation géographique et à Jacques Cœur, personnage historique de Bourges)
D/ Régions du Centre-Est
D1/ Regroupement des régions « Bourgogne » et « Franche-Comté ». Ces régions étaient liées au moyen-âge, l’une était le « comté » et l’autre le « duché », tous les deux de « Bourgogne ». Elles connurent néanmoins ensuite des destins différents, la Bourgogne proprement dite ayant rejoint tôt le royaume de France alors que la Franche-Comté resta longtemps à l’écart. Sociologiquement, la Franche-Comté reste très liée à la Suisse et à l’Est de la France tandis que la Bourgogne, sur l’axe Paris-Lyon, regarde plus à l’Ouest et au Sud (c’est déjà une terre d’art roman). En regroupant ces deux petites régions, on aurait une entité ayant plus de consistance. Reste à voir ce qu’en pensent les intéressés. Nous proposons donc cette union sous toute réserve. Dans le cas où le Berry, le Bourbonnais et le Nivernais formeraient une nouvelle région, ce dernier (département de la Nièvre) serait ôté à la Bourgogne.
Région Bourgogne-Franche-Comté = 2,6M, 40 967 km2 (hors Nivernais), capitale Dijon (Besançon conserverait des fonctions importantes) (le nom pourrait être « Bourgogne-Franche-Comté » ou simplement « Bourgogne »)
D2/ Redéfinition de la région Rhône-Alpes. Celle-ci est composite : elle a été formée par la réunion du Lyonnais, du Dauphiné, de la Savoie et deux terres d’oc, la Drôme et l’Ardèche. Il pourrait être demandé aux habitants de ces deux départements s’ils veulent rester rhônalpins ou s’ils désirent rejoindre, pour les premiers, la Provence et pour les seconds, le Languedoc. Pour des raisons pratiques et parce qu’une identité rhônalpine s’est créée, nous proposons le statu quo sauf pour l’extrême-sud de la Drôme, qui s’identifie comme la « Drôme provençale » (arrondissement de Nyons, qui comprend notamment Montélimar)qui pourrait rejoindre la Provence. [En sens inverse, il n’est pas inconcevable d’envisager un rattachement des Hautes-Alpes, terre d’oc mais historiquement part du Dauphiné, à Rhône-Alpes. Nous ne sommes toutefois pas favorables à cette jonction qui romprait l’unité des Alpes du Sud. Ce sera aux locaux de choisir]. S’agissant de la Savoie, notre préférence va à sa sortie de Rhône-Alpes (voir infra).
Région Rhône-Alpes = 5M, 30 924 km2 (après soustraction de la Savoie et de la Drôme provençale), capitale Lyon (Grenoble a également des compétences propres).
D3/ Création d’une région Savoie. Compte tenu de sa particularité historique et culturelle et de la demande exprimée par certains représentants de cette entité, nous sommes favorables à la création d’une région Savoie.
Région Savoie = 1,1M, 10 416 km2
E/ Régions du Sud
E1/ Réunion de l’Auvergne et du Limousin. Ces deux petites régions, qui forment l’extrémité septentrionale des terres d’oc, gagneraient sans doute à en former une plus grande. Les identités, fortes, de chacune seraient valorisées à travers le nom de la nouvelle région et par la conservation de certaines compétences (académies, cour d’appel, etc) dans chacune d’elle. Si une région Berry-Bourbonnais-Nivernais était créée, l’Allier serait détaché de la nouvelle région Auvergne-Limousin. Un détachement de l’arrondissement d’Yssingeaux pour le rattacher à Rhône-Alpes ne serait pas illogique compte tenu de la proximité de Saint-Etienne. Nous n’y sommes pas favorables pour préserver l’unité du Velay. On peut en outre envisager l’hypothèse d’une région « Massif central » par agrégation aux deux entités du nord du massif, celles du sud : Périgord, Quercy, Rouergue et Gévaudan. Géographiquement, cela est séduisant mais la juxtaposition de vastes terres peu peuplées, montagneuses, rurales et pauvres, ne ferait pas une région forte (on pense par exemple au budget « routes »), d’autant que le sud du massif regarde vers les régions du Sud. Il y aurait sans doute un problème de cohésion. Sans rejeter frontalement un tel projet, nous n’y sommes pas favorables.
Région Auvergne-Limousin = 1,7M, 35 615 km2, (diminuée de l’Allier) capitale Clermont-Ferrand (Limoges conserverait des compétences propres).
E2/ Création d’une région « Occitanie ». Le Languedoc était une grande entité historique à la forte personnalité. Sa division entre « Midi-Pyrénées » et « Languedoc-Roussillon » l’a affaibli. L’ancienne entité de Gascogne, à la forte personnalité historique et linguistique, est écartelée entre « Aquitaine » et « Midi-Pyrénées ». Toulouse, qui régna sur un Etat indépendant, le Comté de Toulouse, qui s’étendait à peu près sur Midi-Pyrénées et le Bas Languedoc, est une ville fédératrice des terres entre océan et Méditerranée. Elle reste le grand foyer de la civilisation occitane. Ceci nous conduit à, proposer la création d’une vaste région « Occitanie » réunissant les trois régions actuelles du Grand Sud-Ouest français. Ses composantes seraient le Languedoc, la Guyenne et la Gascogne. Dans le cas où les Aquitains ne se laisseraient pas convaincre d’adhérer à la nouvelle région, la question de l’appartenance du Gers, des Hautes-Pyrénées, du Comminges et du Couserans, parties de l’ancienne Gascogne, se poserait. Ces terres, actuellement midi-pyrénéennes, pourraient vouloir rejoindre l’Aquitaine. Trois petites régions à la forte identité et dont deux pourraient avoir un statut spécial se retireraient de cet ensemble : le Pays Basque Nord, la Catalogne Nord et le Béarn.
Nouvelle région Occitanie = 7,4M, 112 271 km2, capitale Toulouse (Bordeaux et Montpellier conserveraient des compétences étendues). Cette région, désormais la plus vaste de France, mais pas la plus peuplée, serait un peu plus grande que l’Andalousie et légèrement moins peuplée qu’elle. Elle n’est donc pas démesurée.
E3/ Création de régions « Euskadi-Nord », « Béarn » et « Catalogne-Nord ». Le Pays Basque et la Catalogne (dont les plus grandes parties sont en Espagne) ont une langue, une culture, une histoire et une sociologie propres. Ces régions devraient être dotées de statuts particuliers sur le modèle corse. Le Béarn fut un royaume et a une personnalité linguistique spécifique.
Région Euskadi-Nord = 0,3M, 2 270 km2, capitale Bayonne.
Région Béarn = 0,4M, 5 375 km2, capitale Pau
Région Catalogne-Nord = 0,4M, 4 000 km2, capitale Perpignan (déduction faite de la petite région des Fenouillèdes – 28 communes, 10 000 habitants, zone occitane qui n’a jamais été catalane. Cette zone devrait donc être incorporée au département de l’Aude et à l’Occitanie).
E4/ Redéfinition de la région Provence. Si le Comté de Nice décide de se séparer de la Provence et si la Drôme provençale décide de l’incorporer, les dimensions de la Provence seront modifiées.
Région Provence = 4,6M, 30 592 km2 (avec Nyons et sans Nice), capitale Marseille (la capitale pourrait être rétablie à Aix-en-Provence si les autorités régionales le décidaient). Dans tous les cas, le seul nom de « Provence » devrait être retenu à la place de « Provence-Alpes-Côte d’Azur » et de son sigle barbare PACA.
E5/ Création d’une région « Comté de Nice ». Cette entité historique a une identité forte qui justifie la création d’une région à part entière. Nous ne sommes pas favorables à une région Côte d’Azur qui comprendrait l’ensemble des Alpes-Maritimes. Le Pays de Grasse (à l’ouest du fleuve Var) a toujours été provençal et, s’il est lié à Nice, il l’est aussi au reste de la Provence. Compte tenu de la réalité métropolitaine Nice-Cannes-Antibes, une coopération spécifique entre le Comté de Nice et le Pays de Grasse pourrait être conservée à travers des instruments adéquats.
Région « Comté de Nice » = 0,5M, 3067 km2, capitale Nice
E6/ La Corse resterait inchangée : Région Corse = 0,3M, 8 680 km, capitale Ajaccio.
XXX
La France est en crise. Elle a besoin de retrouver une identité forte. Des régions fortes et mettant en valeur leurs personnalités sont susceptibles de resserrer un lien social sensiblement distendu en France. Pas plus qu’une Bavière forte n’est un danger pour la cohésion de l’Allemagne, des régions fortes et bien identifiées seront une contribution à la cohésion et à la force de notre pays.
Il ne faut pourtant pas se tromper d’objectif. Seules des régions bien identifiées dans lesquelles les citoyens se retrouvent fonctionneront. Les économies d’échelle à tout prix, avec une vision purement bureaucratique et comptable, peuvent se révéler finalement très coûteuses si elles ne correspondent pas à des réalités sociologiques. Créer artificiellement des régions vastes et peuplées risquerait, dans beaucoup de cas, d’aboutir à des régions qui, en dépit des apparences, se révèleraient plus faibles que des régions aux dimensions moins ambitieuses.
C’est pourquoi, atteindre une taille supposée « critique » et standard ne devrait pas être l’objectif unique du redécoupage des régions. Au contraire, créer des identités fortes devrait être l’objectif recherché. Les grands pays comparables au nôtre qui nous entourent (Allemagne, Espagne, Italie. Le cas de l’Angleterre, plus petite et moins décentralisée, est différent) montrent qu’on peut faire coexister harmonieusement des régions vastes et très peuplées et d’autres très petites. A titre d’exemple, le Val d’Aoste est minuscule mais il a une identité forte. On a décidé en conséquence en Italie qu’il pourrait être une région, ce qui ne l’empêche pas pour toutes sortes de cas pratiques d’être étroitement associé au Piémont. On pourrait aussi citer les exemples de la Sarre ou de la petite Rioja.
Nous devrions nous inspirer de ces solutions pour nos propres régions : pas de taille uniforme, pas non plus d’organisation standardisée. Les cas particuliers existent, il ne faut pas les ignorer. Quant à l’organisation interne des régions (après suppression des départements, certaines régions voudront conserver leurs territoires comme subdivisions de la région, d’autres préfèreront s’appuyer sur les « pays »), à chacune de trouver la meilleure solution. L’unité de la République ne signifie pas nécessairement uniformité. On peut être uni dans la diversité.
Le nouveau découpage de la France proposé supra nous parait le plus adéquat. Il n’est toutefois pas le seul possible. Toute solution devra, de toute façon, être trouvée après concertation des populations et de leurs représentants.
Dans le cas où le découpage proposé serait choisi, les régions françaises seraient en moyenne d’une taille comparable à celle de nos principaux partenaires européens. Après « écrêtement » de la liste des régions (pour éviter les biais statistiques, on écarte les trois régions les plus peuplées et les trois régions les moins peuplées), on aurait les chiffres suivants (population moyenne de chaque région) : France avant réforme (régions actuelles) = 2,3M, France après réforme = 2,6M, Allemagne = 3,8M, Italie=2,8M et Espagne=2,2M. Ce chiffre moyen de 2,6M donne toutefois une idée insuffisante de la nouvelle réalité : si la réforme est adoptée, à côté de petites régions, la France disposerait de quelques grosses « locomotives » régionales, vastes, peuplées, cohérentes et à l’identité forte (Ile-de-France, Nord-Picardie, Champagne-Lorraine, Normandie, Bretagne, Pays-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Rhône-Alpes, Occitanie, Provence) susceptibles d’entrainer dans leur sillages des régions plus petites (mais fortes de leur identité).
Comme dans d’autres pays (Italie ou Espagne par exemple), des régions dérogatoires du droit commun pourraient coexister à côté de régions plus « ordinaires ». Cela est déjà le cas pour la Corse. Le Pays Basque et la Catalogne-Nord devraient, eux aussi obtenir un statut spécial. Il ne serait pas inconcevable que d’autres régions à l’identité forte puissent obtenir un peu plus de compétences, notamment en matière culturelle et linguistique. On pense à cet égard à l’Alsace, la Bretagne, l’Occitanie, le Béarn, la Provence, Nice et la Savoie, peut-être aussi la Normandie. Tout cas spécifique doit être traité à l’aune des particularités vécues par les citoyens des régions concernées. (Yves Barelli, 24 avril 2014)
Yves Barelli, 4 juin 2014