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6 décembre 2014 6 06 /12 /décembre /2014 19:00

Le tribunal administratif de Nantes vient d’interdire la crèche de Noël que le conseil général de Vendée avait l’intention de placer dans le hall de l’hôtel du département. La mairie de Béziers est sous la menace d’une même interdiction. Je suis indigné.

Juridiquement, l’arrêt du tribunal administratif peut se comprendre. Saisi par une association de « libres penseurs », il a estimé que la crèche de la Roche-sur-Yon contrevenait aux lois sur la laïcité de 1905 qui interdisent la présence de manifestations religieuses dans les administrations.

Cette interprétation littérale de la loi me parait être une grave erreur compte tenu de ce que représentent désormais les crèches de Noël dans notre pays : une manifestation culturelle plus que religieuse et même, pour beaucoup, un phénomène de société aussi déconnecté de la religion que sont les cadeaux de Noël ou les étoiles qu’on place au sommet de l’arbre de Noël ou dans les rues de nos villes (qui sait encore qu’elles représentaient la direction de Bethléem ?).

Dans certaines régions, en particulier dans celle dont je suis originaire, la Provence, la crèche de Noël est considérée comme un élément très important de l’identité collective. Traditionnellement, on en trouvait partout : dans les églises, bien sûr, mais aussi chez les commerçants et chez la plupart des particuliers. A Marseille, il y avait ainsi une grande crèche à la gare Saint Charles et une autre dans le hall principal de l’aéroport international de Marseille-Provence.

Ce n’est que depuis quelques années que ces crèches ont disparu de ces lieux publics par simple autocensure regrettable, les responsables des institutions estimant, à tort, que cela pourrait choquer les non-Catholiques. Un peu comme les compagnies aériennes qui ont supprimé, sans rien qu’on leur demande, toute trace de porc dans les menus, même lorsqu’il y a le choix entre deux menus, ou comme ces responsables de cantines scolaires qui commencent à faire la même chose. A quand l’interdiction du vin dans les restaurants d’entreprises, comme aux Etats-Unis (pays curieux où, dans beaucoup de milieux, boire de l’alcool ou parler de sexe est considéré comme beaucoup plus grave que la possession d’armes à feu ou l’exhibition de la violence à la télévision devant des jeunes enfants) ? Le vin et la charcuterie font pourtant partie de l’identité de la France. Pourquoi vouloir la nier ? 

Faudra-t-il aussi un jour débaptiser les innombrables communes ou quartiers qui portent des noms de saints ? A Marseille, par exemple, c’est le cas d’environ un tiers des 111 quartiers qui composent la ville. Faudra-t-il ainsi changer le nom des gares Saint Lazare de Paris, Saint Charles de Marseille et sans doute de la Part-Dieu de Lyon ? Quant à la course de voiliers « route du rhum », faudra-t-il débaptiser la course, compte tenu de sa référence à l’alcool, interdit par certaines religions, et celui de la ville de départ, Saint Malo ? Et les calvaires bretons et les nombreux oratoires ou croix qui jalonnent encore nos chemins ruraux, faudra-t-il les démolir ? Que dire enfin, si on veut rester politiquement, religieusement et laïquement correct, de l’adresse du palais présidentiel de l’Elysée sis rue du faubourg Saint Honoré ? Devra-t-on rebaptiser cette voie « rue de la concorde interreligieuse et de la France multiculturelle » ? 

Tout cela est ridicule, grotesque, triste, pitoyable et, j’ajoute, scandaleux.

Un pays qui chasse ses traditions et ses origines est un pays qui perd son identité. Mais quand l’identité à base géographique est chassée, c’est l’identité à base communautariste qui s’installe, tout simplement parce que les gens ont besoin de repères collectifs. Moi, je ne veux pas d’une France qui ne serait qu’une addition de communautés à base ethnique et religieuse. La France a des racines chrétiennes. Même si aujourd’hui une majorité de Français ne se reconnait plus dans cette foi, nier ces racines, c’est se nier, c’est nier la communauté nationale qui constitue l’identité collective de chacun de nous, même si cette identité peut être partagée avec d’autres identités.      

Ne pas comprendre cela est ne rien comprendre aux problèmes qui frappent de plus en plus notre société.

Il y a longtemps que la religion, du moins la religion catholique, n’est plus un problème en France. La société de notre pays avait réussi, après une difficile bataille (et même une guerre), à se libérer de la prétention des tenants de la religion longtemps dominante à l’imposer à ceux qui n’en voulaient pas. Aujourd’hui, la laïcité est la règle en France. Nul ne la remet en cause, du moins chez ceux, Catholiques, Protestants, Juifs ou athées qui se reconnaissent dans ce qui a fait la France depuis des siècles. La plupart des musulmans, qui professent une religion récemment importée, ont la même attitude.

Ceux qui refusent cette identité française n’ont rien à faire sur notre sol. Qu’ils aillent ailleurs. Ils trouveront surement une terre où ils se sentiront mieux. On ne les retient pas.

Ne revenons pas sur un passé dont on est satisfait qu’il soir révolu. S’agissant de la Vendée, il n’est pas anodin qu’une crèche y soit interdite. Dans cette région, le souvenir de ce qu’il faut bien appeler les crimes de la Révolution française est encore présent. Je suis profondément républicain et fier, globalement, des acquis de la Révolution de 1789, mais on ne saurait cautionner les crimes de masse en Vendée qui ont été commis en son nom. Veut-on, avec cette interdiction de la crèche, humilier les Vendéens ? Veut-on rallumer les guerres de religion ?  

 Les seuls qui vont à l’encontre de cette attitude générale de convivialité républicaine basée sur la laïcité, ce ne sont pas, aujourd’hui, les Catholiques de Vendée ou de Bretagne, mais ce sont les islamistes qui prétendent imposer leurs croyances et leur conception de la vie publique non seulement aux autres musulmans, mais de plus en plus à la société entière. Le problème vient aussi des quelques ayatollahs d’une laïcité à sens unique pour lesquels l’ennemi, et l’ennemi seul, est la religion catholique. Des gens comme Jean-Luc Mélenchon s’émeuvent de la venue du pape François au parlement européen (en même temps que  chef de l’Eglise catholique, il est pourtant aussi le chef d’un Etat souverain, le Vatican, avec lequel nous entretenons des relations diplomatiques, mais cela semble avoir échappé à Mélenchon), mais on ne les entend jamais dénoncer la présence de femmes voilées dans les amphis de nos universités ou encore la présence de notre Premier Ministre à la rupture du jeune lors du dernier mois de ramadan ou dans une synagogue en quelque autre circonstance (de telles présences me choquent, comme me choque aussi la participation d’un président de la république à une messe).

Pourtant, quand on descend des hautes sphères, ou ce qu’ils croient tel, de la rive gauche de Paris où évoluent des gens complètement coupés des réalités du peuple au nom duquel ils prétendent parler, on constate que, sur le terrain, il n’y a aucun problème à célébrer la Noël. En Provence, c’est une évidence. Beaucoup continuent à faire la crèche chez eux. Parmi eux, il n’y a qu’une minorité de Catholiques pratiquants. Je n’en fais pas parties (je suis même athée), mais il y a une crèche chez moi. Je suis loin d’être seul dans ce cas.

Pourquoi je fais la crèche chez moi ? Pour deux raisons. La première est que je suis Provençal et fier de l’être. La seconde est que je ne trouve pas choquant, bien au contraire, de célébrer un homme, Jésus (pour moi homme, pour d’autres, en plus Dieu) qui, il y a deux mille ans,  s’est sacrifié pour l’avènement d’une société plus juste et dont le mot d’ordre était « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Cet homme n’était pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche ; c’était un prolétaire né dans une pauvre étable. Réalité historique, manifestation divine ou simple légende, peu importe. Le symbole est beau. Il me plait à le célébrer et je me battrai contre tous les imbéciles qui veulent remettre en cause ce beau symbole.

J’habite maintenant une commune de la banlieue parisienne (non, pas Neuilly, une vraie banlieue) où il doit y avoir au moins la moitié de la population issue de l’immigration, majoritairement du Maghreb. La municipalité à direction communiste (il y en a encore quelques unes !) installe chaque année des sapins de Noël dans les cités HLM avec de grandes inscriptions visibles de loin « Joyeux Noël ». Nul ne s’en émeut. En Provence, beaucoup de municipalités, de toutes obédiences politiques, font la même chose dans les salles des fêtes ou autres lieux publics. Cela ne pose aucun problème. Jusqu’à présent, aucun cinglé n’a encore saisi le tribunal administratif.

Pour moi, comme pour beaucoup d’autres, sans doute une majorité, l’identité locale, régionale et nationale constituent des valeurs importantes. Noël participe à cette identité. Conservons cette belle fête.

Alors, avec quelques jours d’avance, je vous le dis : « Joyeux Noël » !

 

Yves Barelli, 6 décembre 2014 

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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 23:51

Le parlement vient de voter, sur proposition du gouvernement, la réduction du montant des allocations familiales pour les familles ayant les revenus les plus élevés. Cette décision, qui a  suscité une grande controverse, pas seulement dans l’opposition de droite, lie pour la première fois allocations familiales et revenu.

Les Français étant désormais habitués, parfois même résignés, à ce qu’on rogne sur leurs revenus afin de réduire la dépense publique et donc satisfaire aux politiques d’austérité de l’Union européenne, cette mesure, finalement, est passée d’autant plus facilement qu’elle concerne des ménages qui sont loin d’être dans le besoin.

Il est pourtant dommage que le gouvernement, comme les grandes forces politiques ou les médias n’aient pas saisi l’occasion de ce vote pour susciter un véritable débat dans l’opinion et pour, le cas échéant, remettre à plat l’ensemble de la politique familiale de notre pays.

1/ Toute dépense publique doit correspondre à une politique publique bien identifiée. Elle doit être un instrument mis au service d’un objectif.

C’est la définition de l’objectif qui doit évidemment primer au départ. Qu’est-ce qu’on veut ? Une fois cet objectif défini, on se penche sur la question des moyens. Combien est-on prêt à mettre pour essayer d’atteindre l’objectif ? Ensuite, et seulement ensuite, on s’interroge sur le ou les meilleurs moyens d’y parvenir : telle mesure est plus efficace qu’une autre et toutes n’ont pas le même coût. Il s’agit donc de trouver celle ou celles qui a ou qui ont le meilleur rapport coût-avantage. Accessoirement, mais c’est important, il faut vérifier que les moyens mis en œuvre n’ont pas d’effets secondaires pervers non souhaités (un exemple : il est prouvé que l’allocation-logement contribue à la hausse des loyers lorsqu’elle est versée directement au propriétaire).

Les allocations familiales, qui consistent en un complément de revenu non fiscalisé qui dépend du nombre et de l’âge des enfants, ont été instaurées pour tous les salariés de l’industrie et du commerce en 1932 (des prestations avaient été instaurées, dans certaines entreprises, sur une base volontaire, dès 1916 ; l’initiative en revenaient à certains patrons inspirés par les doctrines liées au catholicisme social).

Quel était alors l’objectif ?

C’était de favoriser la natalité. En effet, la France avait été l’un des premiers pays à accomplir sa « révolution démographique » à partir de la fin du 18ème siècle.

La révolution démographique se caractérise par une baisse tant du nombre des décès, grâce aux progrès de l’hygiène, de la médecine et du niveau de vie, que de celui des naissances. Dans la plupart des pays d’Europe, il y eut un décalage entre la baisse de la mortalité, dans un premier temps, et celle ultérieure de la natalité, ce qui entraina une augmentation importante de la population (c’est ce qui se produit aujourd’hui aussi dans les pays du tiers-monde).

La France constitua une exception historique. Chez nous, la baisse des naissances fut concomitante avec celle des décès, de sorte qu’on passa rapidement de l’équilibre ancien (beaucoup de naissances et de décès) au nouveau (peu de naissances et de décès).

Le résultat fut que, au dix-neuvième siècle, alors que les populations britannique, allemande et italienne augmentèrent beaucoup, celle de la France stagna. Vers 1750, la France, pays le plus peuplé d’Europe, avait deux fois plus d’habitants que l’Allemagne alors qu’au début du 20ème siècle, elle en avait moins (en dépit d’une forte émigration germanique, notamment en Amérique, alors que la France, au contraire, était déjà un pays d’immigration).

L’objectif était donc clair en 1932 : il fallait favoriser la natalité.

Cette politique nataliste a été confirmée et même amplifiée après 1945. C’est ce qui explique que le système français d’allocations familiales soit l’un des plus généreux du monde.

Cela a été efficace. La France a rattrapé en termes de population le niveau du Royaume-Uni et de l’Italie et, si la tendance se poursuit, elle dépassera l’Allemagne dans moins d’une génération. Les « trente glorieuses » ont été en grande partie nourries par la croissance démographique.

2/ Aujourd’hui, le système des allocations familiales constitue une part importante de la redistribution sociale qui comprend aussi l’assurance maladie, l’assurance chômage, la retraite par répartition et d’autres prestations plus spécifiques comme l’aide aux handicapés.

Si les allocations familiales répondent à un objectif nataliste, ce n’est pas le cas des autres prestations sociales qui, elles, répondent à un objectif de solidarité (les plus riches payent pour les plus pauvres, les bienportants pour les malades, les valides pour les handicapés et les actifs pour les non actifs involontaires (chômeurs, malades), ceux qui ont passé l’âge de l’être (retraités) ou ceux qui ne le seront que plus tard (écoliers, étudiants).

Jointe à la fiscalité progressive, la politique sociale n’est pas seulement une politique solidaire, mais aussi une politique à vocation économique : en distribuant du pouvoir d’achat, même à ceux qui sont chômeurs, cela crée un « filet social » qui atténue les fluctuations de la conjoncture. Cela a encore joué dans la crise de 2008 qui a touché l’ensemble du monde occidental : alors que la plupart des pays ont connu une grave récession avant de repartir (plus ou moins), en France, lorsqu’il y a crise, on baisse moins qu’ailleurs. Mais le revers de la médaille est que, lorsque la conjoncture repart à la hausse, la France le fait moins vite que les autres (parce qu’elle a moins reculé et donc qu’il y a moins à rattraper).

Tout cela serait très bien et nous pourrions être fiers d’avoir un système aussi généreux et efficace s’il n’y avait pas, hélas, des effets pervers qui, aujourd’hui, posent problème.

3/ Ces effets pervers sont de deux ordres.

a/ La générosité en matière de prestations sociales en général et d’allocations familiales en particulier a un effet direct sur le comportement d’une partie de nos populations à priori les plus démunies mais qui se trouvent, de fait, privilégiées par rapport à d’autres sur le papier moins démunies que les premières, mais qui, par le jeu pervers de la redistribution, se trouvent lésées.

Prenons l’exemple d’un ménage composé de deux adultes et de quatre enfants (dont deux de moins de trois ans) dont la mère reste au foyer et dont le père, soit travaille avec le smic, soit est chômeur. Les allocations versées par la CAF (caisse d’allocations familiales qui distribue les allocations familiales proprement dites plus d’autres allocations qui leur sont plus ou moins liées) sont les suivantes : allocations familiales (AF) pour quatre enfants = 461€/mois (avec trois enfants, ce serait 295€ ; ensuite, c’est 166€ de plus par enfant, quel qu’en soit le nombre) + « allocation de base » = 184€/mois/ménage + « complément de libre choix d’activité » = 2x 390€/mois/enfant (jusqu’à l’âge de 3 ans – pour les plus de 3 ans, il y a un « complément familial » moins avantageux mais substantiel) + « allocation de logement familiale » (dépend du montant du loyer) = disons 100€/mois + prime à la naissance (versée une seule fois, à la naissance) = 923€ + (le cas échéant) allocation de rentrée scolaire = 362 à 395€/an/ par enfant (selon âge, versé seulement aux enfants entre 6 et 16 ans, conditions de ressources).

Je précise que pour recevoir ces prestations, il faut des conditions de ressources (réservées, en principe, à ceux qui ont des revenus faibles hors prestations sociales). Il y a en outre une condition de résidence : tous les individus des ménages concernés doivent habiter la France. Il n’y a, en revanche, aucune condition de nationalité (les étrangers y ont droit à condition d’être en situation régulière). Il n’y a pas non plus de condition quant au statut marital (marié ou non, c’est pareil).     

 Au total, si je prends cette famille de quatre enfants, elle reçoit donc au minimum 1540€ net d’impôt et de toute autre retenue par mois (il suffit de faire l’addition des diverses allocations). On atteint presque 2000€ si ce n’est pas deux mais trois enfants qui ont moins de 3 ans. Si outre la mère, le père n’a pas non plus de travail et qu’il ne perçoit aucune indemnité de chômage, on ajoute le RSA (Revenu de Solidarité Active) = 749€ pour un couple. Comme il est rare qu’un tel couple n’ait aucune activité au noir (ménages, bricolage, etc), le revenu net d’impôt (les prestations sociales ne sont pas imposables et, de toute façon, la moitié des français ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, payable seulement à partir d’un certain revenu) de ce ménage est de l’ordre de 3000€ net/mois.

A ces revenus, s’ajoutent quelques autres avantages : logement en HLM, taxe d’habitation réduite, cantine scolaire à taux très réduit, carte de famille nombreuse qui donne droit à toute une batterie de réductions, notamment pour les transports.

Lorsqu’on sait que le salaire minimum en France (smic) pour un temps plein est de l’ordre de 1000€ net par mois, on comprend que le niveau des prestations sociales n’incite pas les personnes ayant trois enfants ou plus et étant sans qualification, à travailler. Nombre d’entre eux vivent donc entièrement de l’assistanat et ont toutes les chances d’y rester. Quand bien même certains d’entre eux chercheraient effectivement un travail, et le trouveraient, ils constateraient que, en perdant certaines prestations, ils se retrouvent avec moins d’argent que lorsqu’ils ne travaillaient pas. Il est d’ailleurs fréquent que dans les caisses d’allocations familiales, les employés disent aux intéressés qu’effectivement ils n’ont pas intérêt à travailler.  

Le système est donc pervers puisqu’il incite certains à vivre aux crochets de ceux qui travaillent. D’avoir moins de personnes qui « encombrent » le marché du travail en situation de fort chômage comme c’est le cas aujourd’hui, c’est peut-être pratique, mais c’est catastrophique, tant pour les finances de la collectivité (alimentées par les impôts et les cotisations de ceux qui travaillent) que pour la cohésion sociale. Seuls les vendeurs de produits de consommation, y compris de voitures, y trouvent leur compte. Mais a-t-on institué une « prime de rentrée scolaire », versée forfaitairement sans aucune contrainte d’utilisation, pour permettre à des familles d’acheter des écrans plats ? Je ne crois pas. C’est pourtant souvent le cas.   

Cas d’école que ceci ? Pas du tout. Phénomène de masse au contraire : il y a en France 4,7 millions de personnes qui touchent le RSA, et cela va en augmentant. On n’est pas loin d’un résident en France sur dix.  

Quant au nombre de familles qui ont trois ou quatre enfants, c’est loin d’être négligeable : 1,3 million de ménages ont 5 personnes (souvent deux adultes et trois enfants, à moins que ce soit un adulte isolé avec quatre enfants), soit 6 millions de personnes ; 0,6 million ont 6 personnes et plus (en général donc, 4 enfants et plus), soit environ 5 millions de personnes concernées. En tout donc environ 11 millions de résidents en France vivent dans des ménages de 5 personnes ou plus, soit environ 20% du total.

La perversité du système se double d’une perversité sociale. A priori, les familles qui ont 4 enfants et plus sont, en moyenne, les plus pauvres et les moins éduquées (c’est une loi démographique générale valable pour tous les continents ; les exceptions ne font que confirmer cette règle). Le système des allocations familiales favorise les naissances (objectif nataliste, rappelons-le, lorsqu’on l’a créé). Dans ce cadre, on favorise financièrement les naissances nouvelles à la fois par la prime à la naissance, non négligeable (quasiment un smic) et par les allocations spécifiques ou majorées pour les enfants de moins de trois ans. Or, un enfant de moins de trois ans, surtout quand il a des frères et des sœurs (qui peuvent lui passer leurs vêtements ou leurs landaus ou poussettes), ne coûte pas beaucoup à sa famille, et même rapporte beaucoup (par exemple le « complément de libre choix d’activité », qui subventionne la mère au foyer, rapporte près de 400€, soit quasiment le salaire d’un mi-temps payé au smic – et il n’y a aucun frais de transport -).

Le résultat est que les personnes en situation de précarité au départ sont incitées à faire des enfants dont elles ne voient que les avantages sur le court terme. C’est ainsi que se forment les familles nombreuses et c’est ainsi qu’on plonge, pour ne jamais plus en sortir, dans l’assistanat et la marginalisation par rapport à la société (si ces personnes sont logées en HLM dans des banlieues « difficiles » et éloignées et si elles sont issues de l’immigration, c’est le ghetto assuré : nombre de mères au foyer n’ont même presque jamais l’occasion de parler français, langue qu’elles ne connaissent pas toujours, d’autant que les télévisions par satellite court-circuitent les chaînes francophones : dans certaines familles, on ne regarde que les télés du Moyen Orient et on n’écoute que les radios en langue arabe, berbère ou turque).

Ainsi, alors que l’aide sociale devrait aider ceux qui ont des enfants à s’en sortir mieux, on a un système où on a des enfants principalement pour toucher l’aide sociale.

b/ la question de l’aide sociale et des allocations familiales ne peut être dissociée de la question de l’immigration.

La France est un pays d’immigration depuis longtemps. Cela était dû à sa faible natalité. Des générations d’Italiens, d’Espagnols, de Portugais, de Polonais ont ainsi contribué à peupler la France. Toute immigration s’accompagne évidemment de problèmes parce qu’elle est un traumatisme pour celui qui part et parce cela est également un choc pour les sociétés qui accueillent les immigrants, surtout lorsqu’ils sont nombreux. Mais, globalement, la France républicaine et laïque a réussi à accueillir, à intégrer et à assimiler ces immigrants. A titre d’exemple, la région Nord-Pas-de-Calais a de l’ordre du quart de ses habitants d’origine polonaise (il suffit de prendre n’importe quel annuaire de téléphone pour le constater). Aujourd’hui, ces descendants de Polonais, qui, la plupart du temps ne connaissent plus un seul mot de la langue de Mickiewicz, sont devenus de parfaits « Ch’ti » et de parfaits Français. Idem pour les Italiens de Marseille et d’ailleurs en Provence ou pour les Espagnols du Languedoc.

Cette immigration a été une chance pour la France. Elle nous a apporté un sang neuf, grâce au courage individuel de millions de personnes qui ont voulu se fondre dans le creuset français et qui sont devenues souvent plus françaises encore que les Français de souche plus ancienne. Qui prétendrait qu’Yves Montand ou Michel Platini était ou est étranger ? Personne évidemment. J’aime bien cette phrase du regretté Henri Verneuil, grand cinéaste et pur Marseillais : « je suis Arménien, mais plus Français que moi, tu meurs !». Je connais des gens d’origine polonaise qui sont restés catholiques très pratiquants (comme dans le pays d’origine). On n’en a jamais vu un seul demander une dérogation pour leurs enfants pour qu’ils s’absentent de l’école le vendredi saint (jour ouvré en France) pour célébrer cette fête importante pour les catholiques. C’est cela l’intégration républicaine. C’est cela le respect des lois du pays d’accueil, en l’occurrence celles de la laïcité.

Mais depuis une génération environ (et cela s’est considérablement aggravé depuis dix ans)  les choses ont changé dans notre pays. Les Marseillais d’origine maghrébine de plus de 50 ans ont tous l’accent marseillais, preuve qu’ils sont devenus d’authentiques Marseillais. La plupart boivent le pastis et se réfèrent à la protection de Notre-Dame de la Garde, même quand ils sont musulmans. Les plus jeunes connaissent évidement le français (ils sont scolarisés !) mais s’expriment de plus en plus en arabe, arabe d’ailleurs de plus en plus moyen-oriental et de moins en moins maghrébin (ils ne disent plus « sbah el kheir » mais « a salam u aleikoum » et le « choukran » tend à chasser le « saha » ou le « baraklaoufik »). Cela n’est pas propre à Marseille. Je le constate aussi dans les banlieues parisiennes où on parle davantage arabe que dans bien des quartiers d’Alger.

Selon les enquêtes démographiques, il y avait en 2008 19% des habitants de la France issus de l’immigration (soit né à l’étranger, sauf Français de l’étranger, soit avec au moins un parent né à l’étranger- ces chiffres n’incluent pas, évidemment, les départements d’outre-mer puisque, par définition, ce n’est pas l’étranger). Cette même catégorie représente 26,5% des 25 à 54 ans et 28% des nouveaux nés : la population d’origine immigrée est donc plus jeune et fournit plus d’enfants.     

 

Si on calcule sur 3 générations, ce sont 40% des nés entre 2006 et 2008 qui ont au moins un parent ou grand parent immigré (dont 25% hors UE ; l’immigration d’origine d’Europe du Sud ou de Pologne s’est tarie).

 

Le phénomène est en train de s’accentuer, notamment dans certaines régions. Ainsi 40% de la population de l’Ile de France est issue de l’immigration récente (2 générations) ; ce chiffre monte à 57% pour la Seine-Saint-Denis, 40% pour le Val de Marne et le Val d’Oise, 75% pour Aubervilliers et plus de 50% pour plusieurs dizaines de villes de l’Ile de France, dans plusieurs arrondissements de Paris, mais aussi dans plusieurs de Marseille. Pour s’en convaincre davantage encore, il suffit de lire la liste des naissances du mois donnée dans les bulletins municipaux de nos communes. Ainsi à Clichy (Hauts de Seine) et à Bezons (Val d’Oise), j’ai compté de 45 à 50% de prénoms arabes. La liste des élèves de n’importe quelle école primaire est également révélatrice.   

 

Autre chiffre : les deux-tiers d’enfants d’immigrés européens n’ont qu’un parent immigré (ce qui montre une bonne intégration puisque le conjoint est Français de souche). En revanche, 65% des résidents en France issus de l’immigration maghrébine ou d’Afrique subsaharienne ont les deux parents issus de l’immigration : pour eux, l’intégration n’est que très partielle.

 

Pour en revenir à la politique nataliste de la France, l’objectif était de la repeupler et de multiplier le nombre des Français. Pas, évidemment, de servir de colonie de peuplement à des peuples non français qui n’ont aucune volonté de devenir français autrement que pour des « papiers » bien pratiques pour voyager.

 

Accueil d’immigrés, oui. Intégration, oui. Francisation, oui. Mais créer des morceaux de « bled » ou des nouvelles « médinas » sur nos territoires, non. Les personnes qui se baladent en « djellaba » ou en « boubou » à Casa ou à Bamako, c’est pittoresque et souvent joli. Sur les Grands Boulevards ou la Canebière, c’est la face visible d’un problème de fond : la non-intégration. Problème aggravé lorsque cette non-intégration vient d’une démarche voulue et réfléchie et lorsqu’elle se double de revendications d’ordre religieux incompatibles avec les lois de la République.     

 

4/ Il y a donc échec de la politique familiale comme, d’une façon générale, de la politique d’aide sociale en France.

 

Les causes en sont évidemment multiples. Le montant des allocations familiales n’est qu’une d’elles. Il y aurait lieu d’identifier et de hiérarchiser ces causes. Les conséquences sont, en tout cas, catastrophiques.

 

Il me parait en conséquence nécessaire et urgent de tout remettre à plat. Ce devrait être une priorité pour notre pays. Il en va de sa cohésion, et même de son existence en tant que nation.   

 

Qu’est-ce qu’on veut ? Plus d’enfants ? Pour aggraver le problème du logement ? Pour aggraver la situation de l’école ? Pour faire de futurs chômeurs ? Et j’ajouterai, un tantinet provocateur, pour faire de futurs djihadistes ?

 

Par habitude, le discours officiel continue de se féliciter de cette « bonne tenue » de notre démographie, la meilleure, parait-il, de l’Europe. Mais si ces nouveaux consommateurs (qui, souvent, ne seront pas de nouveaux travailleurs) doivent être subventionnés ad vitam aeternam par ceux qui travaillent, il vaudrait mieux augmenter les salaires de ceux qui travaillent afin qu’ils puissent consommer davantage. Les ménages de doubles smicards qui payent la taxe d’habitation plein pot, qui payent leur carte Navigo pour aller bosser et qui sont soumis à toutes sortes de taxes dont sont dispensés ceux qui restent à la maison ou qui passent leurs journées à faire les « hittistes » (mot arabe qui signifie stationner devant un mur) devant leurs cités.    

 

Si les allocations familiales ont pour conséquence d’encourager les plus précaires à avoir plus d’enfants et donc à rester précaires, la société n’est pas gagnante et l’économie non plus car les populations concernées ne sont pas productives.

 

Si les allocations familiales ont pour effet pervers de favoriser la création de ghettos ethniquement et, souvent, religieusement, étrangers, c’est la cohésion sociale et nationale de la France qui s’en trouve affectée.

 

5/ Je reviendrai une prochaine fois sur ce qui me parait souhaitable en matière de politique sociale dans ce pays. J’ai besoin encore un peu de réfléchir à la question. Avec d’autres personnes intéressées, j’ai entamé cette démarche. Elle n’est pas terminée.

 

Je veux simplement en donner les prémices.

 

Je suis, ceux qui me connaissent et ceux qui me lisent régulièrement, le savent, un homme authentiquement de gauche. C’est-à-dire que je privilégie la solidarité à la simple récompense du mérite individuel, le collectif au personnel, l’intérêt général aux intérêts  particuliers, le travail au capital. Je suis partisan d’un Etat fort, stratège, planificateur et redistributeur, je suis égalitariste en matière de revenus, je suis contre l’héritage car il perpétue les inégalités et j’ai toujours accepté de payer des impôts parce que je crois que la collectivité a besoin d’avoir les moyens de redistribuer les richesses en prenant à ceux qui ont pour les donner à ceux qui n’ont pas la chance d’avoir.

 

Dans cet état d’esprit, j’ai toujours trouvé normal qu’il y ait une aide sociale pour ceux qui en ont besoin. C’est un acte élémentaire de solidarité.

 

Mais la France d’aujourd’hui m’interpelle. Trop d’évasions fiscales chez les plus riches (qui le sont de plus en plus), trop de « tire-au-flanc » et de profiteurs chez une partie de ceux qui perçoivent des « allocs » et dont certains ont en fait comme seule profession le fait d’aller à la « chasse aux allocs », alors que dans le même temps, il y a des millions de gens qui se lèvent aux aurores, qui passent des heures dans les transports, qui ruinent leur santé au travail et qui rentrent le soir fatigués dans leur banlieue où ils côtoient des oisifs vivant de l’assistanat (ou des trafics, et souvent des deux).

 

Et quand ceux qui perçoivent les « allocs » donnent l’impression de cracher dans la soupe, c’est-à-dire de cracher sur le pays qui les fait vivre, je dis qu’il y a plus qu’un problème, il y a une situation qui, de toute façon, ne pourra pas durer encore longtemps avant l’explosion.  

 

Cette situation a, en effet, assez duré. En deux mots solidarité oui, assistanat non, intégration oui, constitution de ghettos non.

 

C’est dans cet état d’esprit que doit être repensée la politique sociale.

 

J’ai ma petite idée. Je vais la creuser.

 

Je vous la livrerai plus tard.

 

Yves Barelli , 28 novembre 2014                 

 

 

                                               

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4 septembre 2014 4 04 /09 /septembre /2014 16:05

Madame Trierweiler est une journaliste de troisième zone employée par Paris-Match, hebdomadaire qui aime « le choc des photos » et qui se complait le plus souvent dans la relation des aventures politico-sentimentales des « têtes couronnées » et des « people » de toutes catégories, parmi lesquels les « exilés fiscaux », notamment les artistes de cinéma,  qui font des économies sur les impôts qu’ils devraient payer sur des gains largement assurés par les autres contribuables français qui, eux, payent des impôts.

Madame Trierweiler n’a jamais brillé pour ses qualités professionnelles.

Son seul titre de gloire est d’avoir réussi à séduire un homme politique de premier plan nommé François Hollande, élu président de la république en 2012. La compagne de Hollande devint donc ce qu’on appelle la « première Dame » de France.

Une « première Dame » a beaucoup d’avantages matériels et protocolaires liés à la fonction de son compagnon. Mais elle n’a été élue par personne, seulement choisi par une personnalité elle-même élue par les Français. En démocratie, être élu ne signifie pas que l’on fasse ce que l’on veut. Un président n’est pas un monarque. Nos ancêtres ont fait la Révolution de 1789 pour cela.

Nul n’est obligé d’assumer totalement ce rôle de « première Dame » (ou premier Monsieur). Danielle Mitterrand préférait rester en retrait. Elle avait sa propre personnalité, ses propres idées et elle faisait un travail utile à la tête de la fondation qu’elle avait créée. Son action internationale posait quelquefois des problèmes diplomatiques car elle n’était pas toujours en phase avec la France officielle. Mais on le savait, les périmètres étaient bien balisés et tout se passa bien. Danielle Mitterrand fut une femme très respectée.

Lorsqu’on choisit de « coller » davantage au président, un devoir de réserve s’impose. La première dame est là pour accompagner son compagnon et pour visiter les orphelinats au cours des déplacements officiels. C’est ainsi. Ce sont les règles du jeu.

Madame Trierweiler voulut jouer pleinement à la première dame. Lors de la cérémonie d’investiture, elle alla même au-delà de son rôle en se plaçant ostensiblement au premier rang en voulant être pratiquement sur le même plan que son compagnon. Tout juste si elle ne prit pas la parole. Cela aurait été une première !

Pourtant, prétendant profiter de tous les avantages de sa situation sans en assumer les limites, elle prétendit continuer à donner son avis sur la politique. Pas la grande politique, elle en aurait été bien incapable, mais sur la « petite », celle, par exemple, de la désignation des personnalités aux postes. Confondant politique et jalousie amoureuse, elle alla jusqu’à encourager publiquement un candidat dissident contre la candidate investie par son parti, en l’occurrence Ségolène Royal, personnalité de premier plan, mais qui, aux yeux de madame Trierweiler, avait le péché originel d’avoir été la compagne précédente (et mère de ses enfants) de François Hollande.

Ce comportement ne la rendit pas populaire aux yeux des Français. Madame Trierweiler n’a jamais réussi à susciter leur sympathie. On se demandait même comment François avait pu échanger Ségolène contre cette parvenue.

Lorsque le président de la République « répudia » sa compagne au début de 2014, on fut plutôt soulagé. Le pauvre homme était enfin débarrassé d’une « chipie » à tendance tyrannique.

Madame Trierweiler, qui se prenait pour une victime, se reconvertit alors, le temps d’un voyage, dans la « charité-business ». Elle participa en Inde à un dîner de gala destiné, parait-il, à lutter contre la faim. La faim, surtout celle des participants à ce festin dont la plupart ont assis leur richesse sur l’exploitation des plus pauvres. L’indécence n’a pas de limite. L’outrecuidance de Madame Trierweiler non plus. J’ai dit dans un article publié le 24 janvier (« Trierweiler en Inde : dîner de gala contre la faim »), ce que je pensais de ce voyage effectué en partie aux frais des contribuables français. J’y renvoie le lecteur.

La publication du livre de Madame Trierweiler va encore plus loin dans la bassesse et l’abjection. Ce qu’elle écrit, si on se fie aux « bonnes feuilles » publiées par Paris-Match, n’a rigoureusement aucun intérêt. Bien évidemment, je ne perdrai ni mon temps ni mon argent pour lire ce livre et j’espère qu’il en ira de même de l’écrasante majorité de nos compatriotes.

Ce tissu d’âneries n’est que le produit d’une femme que le séjour sous les ors de la république a complètement déconnecté de la réalité et de la raison.

Ces « révélations » n’intéressent personne de sensé, si ce n’est des médias avides de sensationnel. Je trouve, au passage, affligeant que ce brûlot fasse la une des journaux et des télés depuis deux jours.

Je ne les commenterai donc pas.

Simplement, cela m’amène à un commentaire plus général. Il y a hélas des milliers de Madame Trierweiler, mais comme elles n’ont pas la notoriété  d’une ex première dame, on ne publie pas leurs états d’âme.

Ces personnes-là s’imaginent que parce qu’elles couchent avec un personnage important, elles en deviennent quasiment propriétaires. Et quand elles font un « beau mariage », comme on dit (Hollande a eu l’intelligence de ne pas se marier avec Trierweiler, sinon il risquerait de payer toute sa vie des « prestations compensatoires »), stade suprême de la prostitution, un divorce peut rapporter très gros.

De quel droit ? Pour quel mérite ?

Madame Trierweiler n’était rien, ou pas grand-chose, avant de rencontrer François Hollande. Elle retourne maintenant à ce qui devrait être l’anonymat. Si elle était honnête, elle devrait se sentir chanceuse, et donc heureuse, d’avoir passé les « bons moments » (c’est le titre de son livre) qu’elle a connus aux côtés d’un personnage important.  

Le fait qu’elle ne l’accepte pas relève de la psychanalyse.

J’espère que les Français, quelle que soit l’opinion qu’ils ont du président de la république en tant qu’homme politique (la mienne est mauvaise, comme, selon les sondages, 85% des Français), réserveront à ce torchon de Madame Trierweiler l’accueil qu’il mérite : le mépris.

 

Yves Barelli, 4 septembre 2014                            

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21 août 2014 4 21 /08 /août /2014 13:35

La mort d’un jeune noir tué par un policier blanc à Fergusson, dans le Missouri (Centre-Ouest américain) repose la question des relations interraciales aux Etats-Unis.  

Pratiquement depuis la création des Etats-Unis (fin 18ème siècle), la question raciale s’est posée dans ce pays. Son origine résidait dans le scandale de l’esclavage, véritable « péché originel » de toutes les sociétés néo-européennes du continent américain. Ce système n’était pas seulement l’exploitation honteuse d’une main d’œuvre contrainte mais se doublait d’un profond mépris pour les esclaves, considérés comme des sous-hommes à un point tel que les premiers évangélisateurs se demandaient s’ils avaient une « âme ». Lorsqu’on exploite des gens, on trouve toujours des arguments pour masquer l’injustice. La soit disant infériorité des Noirs en était le principal.

La fin de l’esclavage au 19ème siècle n’a pas résolu le problème. Les Noirs étaient certes devenus des hommes en principe libres, mais dans la plupart des Etats du Sud, longtemps les droits civiques élémentaires leur furent refusés. Dans les années 1950, dans beaucoup de localités, les descendants des anciens esclaves étaient parqués dans des quartiers réservés. Souvent, ils n’avaient même pas le droit de s’asseoir sur les mêmes bancs publics ou de monter dans les mêmes autobus que les Blancs. Même les églises et les temples étaient racialement séparés. Au niveau fédéral, il n’y avait plus, en principe de discrimination, du moins légale ou règlementaire. Pourtant, en ce soixante-et-dixième anniversaire du débarquement de Normandie, on a rappelé que les soldats noirs de 1944 furent systématiquement les plus exposés dans les combats, ce qui n’empêcha pas le service de propagande de l’armée américaine de ne presque jamais publier de photos montrant des combattants noirs : le « GI » libérateur ne pouvait qu’être blanc !

Le racisme américain, s’il était massif vis-à-vis des Noirs, a concerné aussi les autres non-Blancs. Les Amérindiens en furent d’autres victimes, à tel point que cela tourna au génocide : « un bon Indien, était un Indien mort ».

Le cinéma américain contribua longtemps à véhiculer les clichés les plus réducteurs. Les Indiens, le plus souvent, n’étaient que des brutes sanguinaires (il y eut quelques exceptions, heureusement, mais, dans le meilleur des cas, les Indiens étaient de « bons sauvages », pas vraiment des peuples pourvus de culture et d’histoire). Aujourd’hui, les tribus amérindiennes vivent souvent encore dans des « réserves », comme les animaux sauvages, ce qui en dit long sur la conception de la formation de ces territoires, toujours les plus arides et les plus pauvres de l’Ouest. Quant aux Mexicains, le cinéma américain n’a pas été plus tendre avec eux : presque toujours représentés comme des brutes, des paresseux et des menteurs.

La situation commença à changer dans les années 1960 grâce à l’admirable combat en faveur des droits civiques de personnages comme Martin Luther King.

Une fois obtenus ces droits, le combat changea de terrain. Il gagna désormais les quartiers noirs des grandes villes du Nord où se produisirent des émeutes souvent réprimées dans le sang.

Depuis une décennie, le calme semblait revenu et l’élection de Barack Obama donna l’illusion que, désormais, la discrimination raciale appartenait au passé.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

1/ Le racisme primaire, celui du « sale nègre » et autres injures, a disparu, même dans le sud. Le Ku Klux Klan et autres groupes ouvertement racistes, n’existent plus non plus, ou sont si discrets qu’ils ont en fait disparu du paysage.

Le politiquement correct consiste à ne pas parler des discriminations auxquelles, lorsqu’elles existent, sont niées toute connotation raciale. Les télévisions et le cinéma sont désormais attachés jusqu’à la caricature à ce politiquent correct. Vous avez sans doute remarqué que dans les séries télé américaines mettant en jeu des flics, ceux-ci font toujours équipe à deux, toujours un blanc et un noir, parfois aussi un « hispanique » ou un chinois. Au cas où on oublierait cette obligation, les groupes de pression d’origine ethnique défendent ce droit à l’emploi. Sur les chaines d’info en continu de la télévision, on a aussi systématiquement ces couples blanc-noir comme présentateurs.

2/ Est-ce à dire que Blancs et Noirs sont désormais à égalité ? Hélas non, mais la discrimination n’est plus, directement, raciale.

Les Etats-Unis sont le pays de l’argent. On le sait. Or, il faut beaucoup d’argent dans la vie américaine :

a/ Les écoles publiques sont de si mauvaise qualité que seuls ceux qui ne peuvent se payer les bonnes écoles privées y envoient leurs enfants. De fait, les écoles publiques sont majoritairement fréquentées par les Noirs. Comme les bonnes écoles préparent aux meilleures facs, elles-mêmes très chères lorsqu’elles sont réputées, et que les bonnes universités, mais aussi les relations familiales, donnent accès aux meilleurs emplois, les inégalités, notamment raciales, se reproduisent.

b/ La diminution de la fiscalité des plus riches, qui s’est accélérée ces dernières années (on a le même phénomène en Europe) a encore aggravé la situation. Les Etats-Unis sont un pays de plus en plus inégalitaire. Les fils de riches auront toutes les chances d’être riches et les fils de pauvres de rester pauvres. Il se trouve que parmi ces derniers il y a beaucoup de Noirs et d’Hispaniques, alors qu’ils sont peu nombreux chez les riches.

On a eu certes l’émergence d’une classe moyenne d’origine noire ces dernières années. Il y a des profs de fac, des avocats ou des chefs d’entreprises noirs, mais statistiquement relativement peu. La plupart des Noirs restent confinés dans les quartiers pauvres des villes. Un exemple. J’ai parcouru l’Ouest des Etats-Unis en voiture il y a trois ans : un mois dans les parcs nationaux à loger dans des motels. Je n’ai vu aucun noir, si ce n’est les femmes de chambre et les réceptionnistes, dans ces motels. Ils ne sont pas beaucoup plus nombreux dans les avions. Le tourisme de masse n’est pas encore pour les Noirs.

c/ La ségrégation dans le logement reste une réalité. Il y a les quartiers de Blancs et les quartiers de Noirs (avec les Hispaniques). Même les Noirs qui ont socialement réussi ont les pires difficultés à habiter les quartiers résidentiels monopolisés par les Blancs. Ceci pour une raison économique simple. Lorsqu’une famille noire s’installe dans un immeuble, la valeur du mètre carré de l’immeuble diminue automatiquement. Dans les copropriétés, avant d’acheter ou de louer, on doit obtenir l’autorisation des autres copropriétaires. Il est rare qu’ils la donnent pour un Noir et aucune loi ne peut les y obliger. Ceux qui s’opposent ainsi à la venue d’un Noir ne sont pas nécessairement racistes. Simplement ils ne veulent pas perdre de l’argent.

Ceci entraine des frontières nettes entre quartiers blancs et noirs. Ainsi à New York, on passe presque sans transition, en fait entre deux à trois « blocs » (un bloc sépare deux rues, elles- mêmes uniformément distances à Manhattan de soixante mètres), des quartiers résidentiels de l’East Side à Harlem : la frontière se situe vers la 90ème rue.   

d/ Cette ségrégation tient aussi, pour beaucoup, aux différences culturelles. Les Noirs, sans doute parce qu’ils ont été, et sont encore, écartés, du mode de vie des Blancs, souvent, ne se comportent pas comme eux. Beaucoup d’Américains leur reprochent leurs incivilités, voire leur délinquance.

Il est vrai que la vie est plus tranquille avec moins de délinquance là où il y a peu de Noirs. Cela se ressent sur l’atmosphère générale et sur le comportement de la police, plus décontractée dans les régions plus tranquilles (cas, par exemple de certains Etats de l’Ouest)

e/ Cette corrélation délinquance-Noirs  est un cercle vicieux. La police se méfie plus des Noirs que des Blancs, de telle sorte que les Noirs sont davantage contrôlés que les Blancs et sont davantage sanctionnés par les juges, d’autant que, aux Etats-Unis les condamnations sont inversement proportionnelles à la qualité des avocats. Ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des avocats, ce qui est le cas de la majorité des Noirs, risquent de lourdes peines alors que, mieux défendus, ils pourraient échapper à la prison ou, au moins, avoir des peines plus légères. Le résultat est que, si les Noirs constituent 12% de la population américaine, ils forment une majorité absolue de détenus. Aux Etats-Unis, il y a deux millions de détenus, contre 70 000 en France, soit, rapporté à la population, dix fois plus. Les Noirs en sont les premières victimes. Dans certains quartiers, plus d’un jeune sur deux a déjà fait de la prison.

3/ Les Etats-Unis sont un pays fédéral avec une grande autonomie locale. Mais la démocratie a un revers. Les « sheriffs », équivalents des commissaires de police, sont élus par la population. Pour plaire à la majorité, ils ont tendance à se montrer très durs avec les minorités. On ne badine pas avec la tranquillité publique. Les lois fédérales et des Etats sont particulièrement dures avec des peines de prisons prononcées sans commune mesure avec ce que nous connaissons en France. La récidive est particulièrement sanctionnée. Cela ne vise pas spécialement les Noirs, mais ceux-ci, formant les gros contingents de délinquants, ils sont les plus touchés.

L’application des lois et règlements par les polices locales est inégalitaire et parfois excessive. Les « bavures » policières de Fergusson montrent que, dans certains cas, la riposte policière à la délinquance est disproportionnée. Pour réprimer de simples délits, les policiers sont souvent dotés d’armes de guerre. Le racisme n’est certes pas général, mais, dans de nombreux cas, il existe.

4/ Ceci se passe dans un contexte de violence. Le continent américain, que ce soit le Nord ou le Sud, a des traditions de violence. Les délinquants y sont plus violents qu’en Europe. La police aussi. Lorsque la France a connu les évènements de mai 1968 qui ont duré plus d’un mois, les étudiants criaient « CRS SS », mais ils avaient tort. Il n’y eut que deux morts, accidentelles en fait et jamais par balle. Les émeutes des « banlieues » en 2006 ont été violentes. Pourtant aucun mort n’a été à déplorer. C’est, je crois, à l’honneur de notre police et de notre pays. Aux Etats-Unis, les émeutes raciales des années 1980-90 se sont traduites dans tous les cas par plusieurs dizaines de morts : la police n’est pas formée à la répression mesurée et proportionnée, elle tire facilement dans le tas.

XXX

Dire que les Etats-Unis sont encore un pays raciste est devenu exagéré. Institutionnellement, il n’y a plus de racisme. Les comportements individuels de type raciste sont également devenus exceptionnels, y compris s’agissant de la police.

Mais le problème reste celui du système américain. L’argent règle tout et les inégalités se perpétuent du fait du système. Ceux qui sont au bas de l’échelle, les Noirs, ont les plus grandes difficultés à en sortir. Obama est l’exception qui confirme la règle.

Même lorsqu’il n’y a plus de discrimination voulue, il y a toujours séparation. Les sociétés germaniques et anglo-saxonnes se mélangent beaucoup moins que les latines : il y a beaucoup de métis en Amérique du Sud, peu aux Etats-Unis.

La réalité est que les races continuent majoritairement de vivre en circuit fermé. Lorsque j’habitais New York, l’un de mes fils, alors âgé de 7 ans, avait pour meilleur ami le fils de l’ambassadeur du Niger. Nous l’emmenions souvent avec nous, et réciproquement. Je me souviens des regards étonnés à la plage ou au restaurant. C’était pour les Américains  si extravagant que cela les interpellait.

Une dernière réflexion. Les classes populaires de nos villes françaises, souvent à composition « ethnique » (hélas, nous avons importé cette particularité au départ purement américaine), sont fascinées par tout ce qui vient des Etats-Unis : musique, habillement, etc. Beaucoup de nos Noirs s’imaginent que la France est un pays raciste et que les Etats-Unis ne le sont pas, ou plus. La preuve, disent-ils, Obama, président noir et la présence au cinéma et à la télévision des « minorités visibles ». C’est, je crois, la plus grande victoire de l’appareil idéologique du capitalisme américain. Faire croire aux opprimés qu’ils ne le sont pas. Simplement en mettant en avant la réussite individuelle. Elle est vraie pour certains artistes ou sportifs. Mais, pour la grande masse, on en est loin.

En conclusion, disons que la société américaine s’est nettement améliorée si on compare la situation actuelle à celle qui prévalait du temps de Martin Luther King.

Mais il lui reste encore beaucoup à faire pour devenir « civilisée ».

 

Yves Barelli, 21 août 2014      

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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 11:01

Longtemps, les langues de France ont été niées par les pouvoirs publics et ravalées au rang de simples patois. Les recensements de la population les ignoraient et aucune enquête officielle ne les concernait. Seules des initiatives privées, sans grand moyens, s’intéressaient à la question. Quelques collectivités régionales aussi. Yves Barelli a ainsi mené à la fin des années 1970 une étude sur le provençal pour le compte du conseil régional de Provence.  

 

L’étau s’est légèrement desserré depuis quelques années. Plusieurs enquêtes ont ainsi été menées, y compris à la demande du gouvernement (rapport Poignant, maire de Quimper, en 1998). Des organismes publics se saisissent désormais de la question. La Délégation Générale à la Langue Française, qui dépend du Premier ministre, a ainsi été transformée en Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France (l’une des rares propositions du rapport Poignant suivie d’effet).  

 

L’une des enquêtes les plus sérieuses a été menée en 1999 auprès d’un échantillon représentatif particulièrement élevé (380 000 personnes) par l’INSEE (institut de statistiques) et l’INED (institut national d’études démographiques) en complément du recensement de la population. Ses conclusions sont alarmistes.

 

L’enquête concerne toutes les langues autochtones de France, mais aussi les langues issues de l’immigration. L’intérêt de l’étude est non seulement de cerner, indirectement, le nombre de locuteurs, mais aussi de déterminer le taux de transmission des langues d’une génération à l’autre. On a ainsi demandé aux adultes interrogés quelle(s) langue(s), on leur avait parlé à l’âge de cinq ans et quelle(s) langue(s) ils parlent eux-mêmes à leurs enfants âgés de cinq ans. On distingue dans les réponses l’usage habituel (condition pour la recevoir comme langue maternelle, même si elle n’est pas unique) et l’usage occasionnel (on connaît, plus ou moins, la langue, mais elle n’est pas langue première. Le risque de non transmission à la génération suivante est alors accru). 

 

Il y aurait lieu, ce que ne fait pas cette enquête qui préfère s’en tenir aux faits, d’interpréter les résultats et de les confronter à des enquêtes complémentaires. Il n’est pas rare qu’une langue soit transmise non par les parents, mais par les grands-parents, ce qui relève sensiblement le taux de transmission. On peut aussi ne pas avoir entendu la langue dans sa petite enfance, mais l’avoir apprise, par un autre biais, plus tard. L’auteur de ce texte en est un exemple. Il n’est pas unique. Une langue acquise plus tard est certes moins maîtrisée (sauf si elle s’insère dans un cursus scolaire complet : les étrangers qui arrivent à l’école primaire sans connaître un mot de la langue enseignée parlent rapidement comme des autochtones, même dans un environnement étranger – cas des non francophones scolarisés dans les lycées français à l’étranger -) mais si l’environnement est favorable, la récupération de la langue peut s’effectuer : beaucoup de Catalans, par exemple, ont réappris une langue peu ou mal transmise dans l’enfance, simplement parce qu’ils sont scolarisés en catalan et que cette langue est en usage dans la vie publique.        

 

Selon cette étude, il apparaît que les langues régionales ont plus souvent été transmises de façon occasionnelle qu’habituelle, ce qui entraîne généralement une meilleure maîtrise du français que de la langue régionale et donc, sauf volontarisme ou environnement devenu plus favorable, une forte probabilité de privilégier encore davantage le français à la génération suivante, voire d’abandonner, cas fréquent, la langue seconde. Si le phénomène est massif, l’extinction de la langue est programmée.

 

Les principaux résultats sont les suivants :

 

S’agissant de l’occitan, la situation est difficile, voire dramatique. Selon l’enquête, 610 000 adultes ont eu l’occitan comme langue maternelle et 1 060 000 comme langue occasionnelle (il y a 13 millions d’habitants dans les régions occitanes dont environ 60% d’autochtones) et ils ne sont plus que 60 000 à le transmettre à titre principal et moins de 200 000 à titre secondaire. Le taux de perte dépasse 80%.

 

Ces chiffres constituent néanmoins une fourchette inférieure car ils extrapolent la seule transmission par les parents, sans tenir compte de la transmission par les grands-parents et de la réappropriation ultérieure éventuelle de la langue. La perte réelle doit se situer autour des deux-tiers, ce qui est déjà beaucoup.   

 

D’autres études corroborent les résultats ci-dessus. Le sondage effectué en 1991 dans la région Languedoc par Média Pluriel indique que 27% des habitants de la région (les Pyrénées orientales, de langue catalane, sont exclus de l’enquête) affirment savoir parler occitan (22% bien, 8% moyen, 9% un peu – réponses évidemment subjectives. On ne fait pas passer de test de contrôle aux interviewés !) et une bonne moitié le comprennent plus ou moins (20% parfaitement, 13% facilement, 15% le sens global, 25% quelques mots ou expressions, 27% rien). Dans les communes rurales de l’Aude et de la Lozère, plus de la moitié de la population sait encore parler la langue (ce qui ne signifie pas qu’ils l’utilisent effectivement) et les trois-quarts la comprennent, tandis que dans la ville de Montpellier seuls 10% savent parler et 73% ne comprennent rien (une majorité, probablement, n’a quasiment jamais entendu la langue dans la rue). Pour l’ensemble de la région, les moins de 35 ans ne sont plus que 5% à savoir parler la langue et moins de 2% la parlent souvent. On peut déjà parler d’usage résiduel.

 

En Midi-Pyrénées, selon une étude enquête conduite en 2010 à l’initiative du conseil régional, la moitié de la population de la région a une connaissance totale ou partielle de la langue occitane et 74% estiment que « la préservation de la langue occitane est importante ».

 

L’étude menée en 1976 par Yves Barelli (« la langue et la culture régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur ») avait abouti, par extrapolation d’enquêtes locales, à 720 000 locuteurs dans la région, ce qui représentait 20% de la population (mais 40% des autochtones, compte tenu de la proportion d’environ la moitié d’habitants de parents non provençaux). En dehors de Marseille et Toulon (à Nice la langue s’était mieux maintenue chez les autochtones), plus de la moitié des autochtones comprenaient encore la langue. C’était le cas général dans les villages et les petites villes, mais déjà la proportion des locuteurs était très faible chez les moins de trente ans. Mais aujourd’hui, ces anciens jeunes atteignent l’âge de la retraite et la génération suivante est presque totalement désoccitanisée, même dans les villages. En Provence, plus encore qu’en Languedoc, l’occitan est une langue résiduelle.

 

En résumé, on peut retenir les chiffres suivants : 1 à 2 millions de personnes en France sont capables de parler occitan (sans doute aussi 200 000 en Italie et 10 000 en Espagne), ce qui ne signifie pas qu’ils l’utilisent tous les jours. Ceux qui le parlent habituellement ne sont probablement pas plus de quelques centaines de milliers.

 

En revanche, ceux qui le parlent imparfaitement mais suffisamment pour le comprendre ou qui le comprennent partiellement sans le parler sont plusieurs millions. Les rares émissions en occitan de la télévision ont généralement un bon taux d’écoute y compris en ville, ce qui montre qu’elles sont regardées par beaucoup de personnes qui parlent mal ou quasiment pas la langue, mais qui sont capables, surtout à l’aide des images, de suivre des reportages en occitan (surtout lorsqu’ils sont sous-titrés). Même dans une ville comme Marseille, désoccitanisée depuis longtemps, le provençal est encore partiellement accessible à des personnes ne l’ayant jamais parlé mais utilisant leur français régional. Ils ont l’impression de connaître la musique sans maîtriser toutes les paroles. S’il y avait une volonté de reconquête de la langue, cela pourrait se faire sans difficulté insurmontable (ce serait en tout cas plus facile que pour le breton ou le basque). Mais cette volonté n’existe ni dans la population ni chez les politiques.

 

 

Pour l’heure, l’occitan est donc en recul rapide car la transmission d’une génération à l’autre est peu assurée (cf enquête). Pour dix locuteurs qui meurent, il n’y a même pas un nouveau-né qui le parlera. Et encore, le parlera-t-il sans doute moins bien que le français… 

Yves Barelli, 14 août 2014

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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 10:37

 

En cette période de vacances, si vous habitez la moitié nord de la france ou au-dela des frontières, vous vous trouvez peut-être dans le sud de la France. Bien que ceux qui parlent occitan réservent en général leur langue pour des uages privés, vous aurez peut-être l'occasion de l'entendre. Vous remarquerez, de toute façon, que le français parlé dans le sud n'est pas le même que dans le nord parce qu'il reste très influencé par la langue occitane, quelle que soient les appellations qu'on lui donne: provençal, langue d'oc, gascon, niçart, etc. Ce texte vous permettra d'en savoir plus sur cette langue qui fut celle des "troubadours" au moyen-âge et qui, avec Frédéric Mistral reçut un prix Nobel de littérature. Si vous êtes vous-même Français du Midi, il y a de fortes chances pour que vous ayez des connaissances au moins partielle de cette langue. Ce texte vous sera aussi utile car ils vous aidera peut-être à retrouver ou cultiver vos racines.    

L’occitan, qu’es aquò ?, qu’est-ce que c’est ? (es= c’est, aquò= cela). Qu’es aquò ? Cette expression est usitée aujourd’hui en français du sud mais aussi dans celui du nord, en l’orthographiant de divers façons, telles que « késaco ». Ceux qui l’utilisent ont rarement conscience qu’il s’agit d’une expression occitane.

 

L’occitan, c’est la langue première du sud de la France, c’est une langue qui est moins parlée aujourd’hui, que certains croient même morte tant le silence des médias français est assourdissant quand il s’agit des langues dites « régionales », comme l’occitan, mais aussi le breton, le corse et quelques autres. Pourtant cette langue, que ses locuteurs nomment aussi la « lengo nòstro » (notre langue) ou encore provençal, langue d’oc, ou simplement « patois » (mais cette appellation péjorative inventée pour tout ce qui n’est pas français en France est, fort heureusement, de moins en moins employée), est encore parlée par deux millions de personnes et comprise, plus ou moins, par quelques autres millions. Pas seulement des vieux de villages isolés. Regardez les rares émissions en occitan à la télévision (par exemple « Vàqui » en Provence ou « Volèm viure al pais » en Languedoc), vous y verrez des citadins dans la force de l’âge et même des enfants y parler dans un occitan le plus souvent très correct.

 

Quant à ceux qui ne le parlent plus, ils font souvent, comme Monsieur Jourdain, de la prose en langue d’oc sans le savoir. Lorsque nous disons que le « pitchounet » (tout petit) monte la « calade » (la montée) ou fait des « piades » (des traces avec ses pieds), c’est l’occitan que nous utilisons. Quand on joue à la pétanque (mot qui est formé sur « pè tancat », les pieds plantés dans un rond) avec des boules et un bouchon (le « bouchon », que les parisiens nomment de ce vilain mot « cochonet », est littéralement une petite boule - « bòcho= boule, « bouchoun »= petite boule -), c’est encore l’occitan qu’on parle, de même lorsqu’on est « quillé » (quilhat=perché), quand on ramasse de la « farigoule » (le thym), quand on est « escagassé » (fatigué, épuisé), « esquiché » (« quichat=écrasé) et même quand on fait l’amour (ce mot occitan est passé dans la langue française au moyen âge sous l’influence des troubadours, ces poètes courtois occitans ; l’ancien mot français était « ameur », comme on a douleur, bonheur ou tracteur contre « doulour », « bounour » ou « tractour » en occitan). Le mot « labour » est également passé au français à côté de « labeur ». Notez au passage qu’on reconnait souvent les mots occitans ou d’origine occitane entre autres à l’abondance du son « ou ».

 

Dans l’usage quotidien d’un Français du Sud, ce sont plusieurs centaines de mots occitans qui sont employés dans une langue qu’il croit être du français pur. Des lexiques par exemple de « parler marseillais » sont en vente dans les librairies de la cité phocéenne.

 

Quant aux noms de lieux, la plupart ont été à peine traduits et parfois pas du tout. A Marseille par exemple, les noms des 113 quartiers constitueraient à eux seuls un lexique occitan. Pour ne prendre qu’une poignée d’exemple, la « Capelette » est une petite chapelle (capèlo= chapelle, capelèto : diminutif), le « Roucas Blanc » est un gros rocher blanc (ròc= rocher, roucas= gros rocher, rouquèt= petit rocher : l’occitan aime bien les augmentatifs et les diminutifs), la « Calade » une côte tandis que « l’Estaque » est un lieu où on amarrait les bateaux (« estacar »). A Nice, on a le lieu-dit « rompo capèu » parce que, étant situé en haut d’une côte, on y perdait son chapeau les jours de mistral (rompar=casser, « capèu=chapeau). La liste pourrait être longue d’un bout à l’autre du domaine occitan. Presque chaque village, chaque lieu-dit, a sa signification en occitan qu’un simple francophone ne comprend pas toujours.   

 

Ajoutez à cela notre accent « chantant » avec ses voyelles allongées et ses nasales spécifiques et vous aurez toutes les caractéristiques du français tel qu’il est parlé dans les régions méridionales de la France. En un mot, même lorsqu’on a perdu la langue dont on a oublié les paroles, il nous reste la musique. Celle-ci est suffisamment originale pour nous inciter, même si nous ne sommes ni linguistes ni militants de l’ « Occitanie », à nous intéresser à la langue occitane, le plus souvent perdue de vue mais dont les Français du sud restent, parfois sans en être totalement conscients, orphelins.

 

Voici donc quelques raisons pour ceux dont les ancêtres l’ont parlé et qui ne le parlent plus de s’intéresser à la langue occitane. Mais il en est d’autres, plus savantes et susceptibles d’intéresser des personnes qui n’ont aucune attache avec le sud de la France. Pour les littéraires, la langue occitane est l’une de celles qui ont développé le plus tôt et le plus massivement une littérature variée et même sans équivalent. Au moyen âge, les troubadours ont créé les premiers une littérature profane dans laquelle, pour la première fois, on a parlé d’amour. Cette littérature occitane du 11ème au 15ème siècle a eu une influence importante sur toutes les autres littératures en langue « vulgaire » en France (les « trouvères), en Italie (Pétrarque, qui a vécu en Avignon, en a été influencé), en Allemagne (les « minäusinger »), en Angleterre (Richard Cœur de Lion a écrit en occitan) et dans la péninsule ibérique (le portugais a une écriture tirée de l’occitan et le catalan jusqu’à la Renaissance était peu différencié de l’occitan ; il en est resté très proche).

 

La littérature de langue d’oc ne s’est pas arrêtée au moyen-âge. Le 19ème siècle a été un autre âge d’or avec le mouvement dit du « Félibrige », emmené par Frédéric Mistral, le plus grand poète provençal qui a sa statue et sa rue dans la quasi-totalité des localités de la région. Mistral a atteint une notoriété mondiale, ce qui lui valut en 1904 le prix Nobel de littérature pour son œuvre en provençal. Les jeunes sont moins sensibles à son génie, mais les anciens, y compris ceux des villes, sont capables de réciter au moins le début de son poème épique « Mirèio » (Mireille, relatif aux amours d’une jeune paysanne de la Crau, plaine alluviale de l’autre côté de la Camargue, près de l’embouchure du Rhône):

 

« Cante uno chato de Prouvènço.          (Je chante une fille de Provence)

   Dins lis amour de sa jouvènço,           (dans les amours de sa jeunesse)     

   A travers de la Crau, vers la mar, dins li blad, (à travers la Crau, vers la mer,                                                                                       dans les blés)

   Umble escoulan dóu grand Oumèro,   (humble élève du grand Homère)

   Iéu, la vole segui. Coume èro          (moi, je veux la suivre. Comme ce n’était)

   Rèn qu’uno chato de la terro,              (qu’une fille de la terre)

   En foro de la Crau se n’es gaire parla  (en dehors de la Crau, on n’en a guère                                                                                                  parlé)

    Emai soun front noun lusiguèsse        (bien que son front ne resplendit)

   Que de jouinesse ; emai n’aguèsse      (que de jeunesse ; bien qu’elle n’eut)

   Ni diadèmo d’or ni mantèu de Damas  (ni diadème d’or, ni manteau de                                                                                                          Damas)

   Vole qu’en glòri fugue aussado           (je veux qu’en gloire elle soit élevée)

   Coume uno rèino, e caressado             (comme une reine, et caressée)

   Pèr nostro lengo mespresado,              (par notre langue méprisée)

   Car cantan que pèr vautre, o pastre et gènt di mas ! (car nous chantons pour                                                                          vous,ô pâtres et gens des fermes)

  

On récitait aussi d’autres poèmes de Mistral, notamment « Calendal » (l’action se passe à Cassis, près de Marseille) ou « lou Pouèmo dàu Ròse » (le poème du Rhône) et, il y a encore peu, toute réunion amicale de Provençaux se terminait en chantant l’hymne provençal composé par Mistral, la « Coupo santo » (la sainte coupe offerte aux Catalans en signe d’amitié et de complicité historique).

 

Plus près de nous, des chanteurs et des poètes sont restés fidèles à la « lengo nostro ». Patric, Marti, Montanaro, le Massilia Sound System, les « fabulous troubadours » et quelques autres chantent aujourd’hui en occitan et les plus jeunes les écoutent aussi, même s’ils en comprennent de moins en moins les paroles (elles sont souvent bilingues pour être mieux comprises).   

 

Aujourd’hui, l’occitan, en tant que moyen de communication, est en voie de disparition. La centralisation française et la mondialisation sont en train d’en avoir raison. Pourtant, même s’ils ne le parlent plus, ceux qui l’étudient en classe sont nombreux, plus de 10 000 le choisissent chaque année comme épreuve à option au bac et il existe même quelques rares  écoles maternelles et primaires où l’enseignement se fait en occitan (les « bressòlas »). Une cinquantaine d’universités dans le monde s’intéressent à l’occitan, pas seulement en Occitanie, mais aussi dans des pays aussi variés que l’Allemagne, la Pologne ou le Japon.

 

 

Cela n’empêchera pas la langue de mourir, mais, au moins, il en restera le souvenir. Les villes et les villages qui tiennent à mettre des panneaux portant à l’entrée de la localité le nom en occitan et qui placent des plaques de rues avec le nom occitan, ont compris que les peuples avaient besoin de racines et d’identité. Pour les gens du sud de la France, ces racines sont occitanes et leur identité s’écrit dans la langue d’oc.

Yves Barelli, 14 août 2014

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 15:22

Le racket des autoroutes en France est bien connu. Par une privatisation en 2006 inconsidérée et scandaleuse, sous le gouvernement de droite de Dominique de Villepin (mais qui avait été préparée par celui, socialiste, de Lionel Jospin), l’Etat a concédé pour de longues années (plusieurs décennies) la plus grande partie du réseau autoroutier du pays : actuellement 9 048 km d’autoroutes à péage sur un total de 11 882. Inconsidérée, parce que l’Etat s’est ainsi privé de recettes ultérieures importantes mais aussi de la possibilité de créer un réseau cohérent (notamment, par l’interdiction, de fait, d’améliorer sérieusement les routes parallèles aux autoroutes afin de ne pas concurrencer ces dernières). Scandaleuse, parce que les automobilistes doivent s’acquitter des péages les plus chers d’Europe (avec l’Italie) sans vraiment avoir le choix de solutions alternatives (il faut vraiment beaucoup de patience pour supporter les dizaines de ronds-points qui ponctuent n’importe quel trajet routier et les files de camions, qui évitent les autoroutes, trop chères, sur des routes nationales le plus souvent à chaussée unique et deux voies).

Seule consolation, il est objectif de le dire, les autoroutes à péage françaises sont les meilleures d’Europe pour les longues distances (en revanche, sur les courtes, l’intérêt est plus limité du fait du prix, mais aussi parce que les sorties sont peu nombreuses). Elles sont sûres et les aires de repos sont généralement excellentes (par contre, l’essence et les autres prestations y sont bien plus chères que sur les routes ; pour les malchanceux qui tombent en panne, le prix du remorquage est exorbitant). Autrefois, l’avantage était plus grand encore : beaucoup d’usagers roulaient à 170 km/h, sans d’ailleurs un grand danger (en Allemagne, 60% du réseau est sans limitation de vitesse et il n’y a pas plus d’accidents) ; on pouvait ainsi faire Paris-Marseille, 800 km, en période creuse en six heures et Paris-Forbach, 400 km en moins de trois heures. Avec les radars fixes, mais aussi mobiles (avec gendarmes à moto pour intercepter les contrevenants), il faut maintenant respecter plus scrupuleusement les limitations, uniformément fixées à 130 km/h en rase campagne, quelle que soit la configuration de la route et quel que soit le trafic (ce qui est absurde), ce qui allonge les temps de parcours. Désormais, la France est le pays où les excès de vitesse sont les plus systématiquement réprimés. La sécurité est certes un objectif positif, mais lorsque seule la vitesse est considérée comme accidentogène, on frise l’absurdité.

Tout irait bien dans le meilleur des mondes du « business » autoroutier et de la sécurité renforcée, si de graves incohérences n’accompagnaient ce magnifique réseau d’autoroutes à péage.

Le système des concessions a poussé les sociétés concessionnaires à construire (souvent avec un cofinancement des collectivités locales) davantage encore de tronçons parce que, en le faisant, leur concession est allongée et elles sont autorisées à augmenter les péages sur les tronçons les plus chargés. On a ainsi construit des autoroutes en des endroits où elles n’étaient pas vraiment nécessaires mais où le prix du kilomètre construit était relativement moins coûteux.

Ceci explique, sans le justifier évidemment, l’existence d’autoroutes peu fréquentées. Par exemple l’A39 de Dôle à Bourg-en-Bresse (en venant de Mulhouse, elle peut servir  d’alternative à l’A6 de Beaune à Lyon, mais son trafic est faible car il ne concerne pas ceux qui viennent de Paris, du Nord et du Benelux), ou encore l’A19 de Sens à Orléans (trop chère, donc vide camions qui se pressent sur la nationale), l’A84 de Caen à Rennes ou la scandaleuse A65 de Langon à Pau, grande trouée à travers la forêt landaise. La mise à deux fois deux voies des nationales existantes aurait été la solution intelligente : pour des trajets aussi courts, payer l’autoroute pour gagner un quart d’heure ne se justifie pas, d’où le boycott de ces voies, y compris par les camions qui continuent à traverser les villages à côté de l’autoroute déserte.

Le paradoxe est que, à côté d’autoroutes peu utiles, on a « oublié » de construire des autoroutes utiles et de mieux aménager celles qui existent.

Ainsi, à chaque départ ou retour de vacances, mais aussi à des périodes plus normales de l’année, on a toujours les mêmes itinéraires saturés. Je suis un usager fréquent de l’axe Paris-Marseille, soit A6-A7. C’est l’axe vital de la France. Pourtant, sur la moitié du trajet Paris-Lyon l’A6 n’est qu’à deux fois deux voies. Aberrant ! Entre Lyon et Marseille, on a deux fois trois voies, mais le tronçon Valence-Orange, commun à Paris-Marseille, mais aussi aux pays rhénans vers l’Espagne, qui reçoit plus de 200 000 véhicules/jour en période « normale » est saturé. 14 jours par an, ce tronçon est considéré comme un « point noir », c’est-à-dire que les bouchons sont courants.  

Malheureusement, il n’y a pas d’alternative à cet itinéraire : pas d’autoroutes parallèles ou proches, pas de voies rapides. A titre de comparaison entre Hambourg et Munich, on a le choix entre plusieurs itinéraires routiers, notamment dans la vallée du Rhin. Mais pas dans la vallée du Rhône. Entre Grenoble et Gap, il manque cent kilomètres et il n’y a qu’une route difficile de montagne. Idem entre Paris et Lyon : l’autoroute A77 ne va pas au-delà de Moulins.    

Des autoroutes peu utiles d’un côté, pas assez ou trop étroites de l’autre. Il ne semble pas y avoir de vision d’ensemble pour la création d’un réseau cohérent.  

Une vision de service public, d’aménagement du territoire et de cohérence aurait dû inciter, sur certains itinéraires, à construire des voies rapides plutôt que des autoroutes. Les voies rapides gratuites ont davantage de sorties (sur les autoroutes à péage, il y en a moins parce qu’on ne veut pas installer des barrières de péages non « rentables », c’est-à-dire avec un trafic insuffisant : mieux vaut un poste de péage tous les 50 km vers lequel le trafic converge que tous les 5 à 10 km) et irriguent donc mieux les territoires. De plus, la gratuité incite les poids-lourds à les emprunter, ce qui est économiquement mieux pour eux et une garantie de sécurité et de tranquillité pour les riverains des routes nationales.

La complémentarité entre autoroutes de grande liaison et voies rapides sans carrefours, ni piétons ni cyclistes et en général à double chaussée est la solution adoptée par presque tous nos voisins européens (à l’exception de l’Italie où la situation est de type français, en pire). Prenez les cartes des voies à grande circulation (type Michelin au 1/1 000 000ème) de l’Allemagne, de la Grande Bretagne, du Benelux et de l’Espagne et vous verrez toutes ces voies rapides, le plus souvent à deux fois deux voies sans feux ni ronds-points. En Espagne, ces voies rapides, appelées « autovias », aux caractéristiques égales aux autoroutes à péage (ce sont en fait des autoroutes, mais elles sont gratuites, même largeur, même limitation à 120 km/h) sont présentes partout, parfois même (ce qui est absurde, convenons-en ; cela ne s’explique que parce que ce sont les « communautés autonomes » qui les construisent, alors que les autoroutes relèvent de l’Etat) en parallèle avec les autoroutes à péage (là où il y a les deux, seuls les non-initiés, en général les touristes étrangers, payent ; un conseil, au passage, si vous franchissez les Pyrénées, empruntez, quand c’est possible les « autovias » plutôt que les « autopistas », elles portent des appellations en A au lieu de AP ; par exemple sur la côte méditerranéenne, l’A7 est gratuite et l’AP7 est payante ; elles sont parallèles). L’Espagne dispose aujourd’hui de 16 335 km d’autoroutes (« aupistas » et « autovias »), soit plus que la France, dont seulement 20% sont payantes. L’Allemagne, quant à elle, a 12 845 km d’autoroutes, toutes gratuites, hors voies rapides.

Les seules régions françaises avec des réseaux cohérents de voies rapides ou autoroutes gratuites sont la Bretagne (pour des raisons politiques décidées dans les années 1960 par le général de de Gaulle en une période où existait un mouvement séparatiste), le Nord-Pas-de-Calais et l’Alsace (du fait que des voies à péage inciteraient à emprunter les autoroutes gratuites belges et allemandes). On trouve aussi des autoroutes gratuites en zones urbaines ainsi que l’A20 et l’A75 dans la traversée du Massif central (mais le péage de Paris à Clermont-Ferrand est cher et le viaduc de Millau est payant).

Le réseau autoroutier urbain, en particulier autour de Paris, présente un autre type d’incohérence. Là, le problème n’est pas le péage (sauf dans les quelques autoroutes urbaines concédées au privé comme l’absurde « duplex » de l’A86 dans la traversée de Versailles, très chère et interdite aux camions car on a préféré faire des économies dans la hauteur du tunnel, alors que c’est justement le contournement de Paris par les poids-lourds qui pose problème). Le problème est l’inadaptation du réseau routier qui a pour conséquence une saturation des autoroutes.

Je n’ai jamais compris la logique du réglage, ou plutôt du non réglage, des feux tricolores en France. La synchronisation dans ce pays est l’exception. Lorsqu’on emprunte presque toutes les voies urbaines, on est arrêté sans arrêt par un feu rouge. Sitôt quitté le précédent, voici que le suivant passe au rouge. Si le but est de faire baisser la vitesse, c’est raté. En effet, lorsqu’un feu passe au vert, on doit accélérer au maximum pour avoir une chance de ne pas être bloqué au suivant. Lorsqu’on emprunte habituellement un itinéraire, on le sait : si on se limite à 50 km/h, le feu d’après est rouge alors qu’en roulant à 70, si la voie est libre, il sera vert. Résultat : des excès de vitesse volontaires, à moins d’être masochiste, de la pollution et des embouteillages du fait des véhicules à l’arrêt. Résultat annexe : plus de voitures sur les autoroutes sans qu’il y en ait moins sur les routes puisque des véhicules arrêtés tous les cent mètres en font davantage au mètre carré même s’il y en a moins globalement.

La solution pourtant existe. Elle consiste à régler les feux de telle sorte qu’on véhicule qui roule en respectant la limitation de vitesse (en général 50 km/h) prendra tous les feux verts. C’est ce que les Allemands, qui pratiquent ce système, appellent la « grüne Welle », la vague verte. Cela permet de fluidifier le trafic, accroit la sécurité (cela dissuade de dépasser la vitesse limite) et désengorge les autoroutes. Dans certaines villes allemandes ou à Prague, en Tchéquie, on a même un système plus sophistiqué : la vitesse est réglée en fonction du trafic ou des conditions climatiques et les feux sont synchronisés à cette vitesse. Des panneaux lumineux indiquent la vitesse à laquelle rouler. Cela concerne aussi les autoroutes à vitesse limitée mais variable calculée pour optimiser le trafic.

De tels réglages ne sont pas extrêmement coûteux, moins en tout cas que ce que coûtent les embouteillages.

Il ne semble pas, pour une raison qui m’échappe, qu’on recherche en France ce genre d’optimisation. J’ai l’impression, en espérant me tromper, que la doctrine en cours est plutôt d’essayer d’embêter au maximum les automobilistes. On pense peut-être ainsi les décourager d’utiliser la voiture. Mais quand on voit la saturation et souvent l’inadaptation des transports en commun, on constate que, hélas, cette alternative n’existe pas toujours (dans le centre de Paris, oui, mais ailleurs ?).

Il y a quelques exceptions en France à cette absurdité. La plus spectaculaire est l’avenue Charles de Gaulle de Neuilly, entre le tunnel de la Défense et le Périphérique parisien. Elle est empruntée chaque jour par plus de 300 000 véhicules. Ceux qui l’utilisent remarquent que le trafic y est presque toujours fluide, même aux heures de pointe. Cela est dû aux feux parfaitement synchronisés et à l’interdiction, sur tout le parcours, de tourner à gauche.

Ce qui a été possible pour cette voie devrait l’être ailleurs. Pour le moment, il est, en pratique (à moins d’accepter de perdre beaucoup de temps), presque impossible de quitter Paris par un autre moyen que les autoroutes bien qu’il existe des routes le plus souvent larges et parfois plus courtes que le trajet autoroutier. Mais, avez-vous déjà essayé de sortir par la nationale 2 (porte de la Villette), la 3 (porte de Pantin), la 7 (porte d’Italie) ou la 20 (porte d’Orléans) ? C’est, chaque fois, un supplice alors que le trafic n’est pas considérable. Et la ceinture des « maréchaux » de Paris qui pourrait être une alternative au boulevard périphérique surchargé ? Là aussi, feux non synchronisés tous les cinquante mètres. A titre d’exemple, entre la porte d’Auteuil et le pont du Garigliano, sur moins d’un kilomètre, il y a quatre feux. Il est rare de ne pas être arrêté au moins trois fois. Absurde, non ?

Pourtant, on dépense beaucoup pour les travaux routiers (et de moins en moins pour l’entretien des routes, souvent en piteux état). Difficile de savoir exactement combien, tant les chiffres sont opaques et les acteurs multiples. Même lorsque vous lisez un bulletin municipal et que vous cherchez à connaitre les budgets pour la voirie, quasiment impossible à savoir.

Il est vrai que le « lobby » routier est puissant et que les élus se croient obligés de le satisfaire, chantage à l’emploi oblige. Aussi, généralement, les élus votent d’abord des crédits, puis les fonctionnaires se demandent comment exactement ils vont bien pouvoir le dépenser ? D’où, les « améliorations » sans arrêt des voiries et la prolifération des ronds-points et ralentisseurs en tous genres. Et là, on a un argument-massue, celui de la « sécurité ».

Sans doute pourrait-on s’y prendre d’une autre façon pour l’améliorer : d’abord par l’information et la pédagogie. Pas grand-chose. On préfère « sanctionner », mais malheureusement les sanctions ne frappent pas ceux qui devraient l’être. Des PV à 95€ quand sur de larges avenues interdites aux cyclistes et aux piétons, on roule à 55 au lieu de 50. Mais une clémence incompréhensible pour des chauffards coupables d’accidents mortels, des crimes donc, parce qu’ils sont sous l’effet de l’alcool ou de la drogue (ils risquent rarement plus que quelques mois de prison, en général assortis du sursis).

Il faudrait évidemment plus de prévention et des sanctions lourdes pour les véritables criminels de la route (pas vous et moi qui dépassons légèrement les limitations de vitesse sur des tronçons sans danger).

Au-delà, il faut ce que j’appelle la « culture du détail ». Bien souvent, il ne serait pas nécessaire de nouvelles autoroutes ou de nouvelles rocades. Seulement aménager intelligemment les voies existantes. Les feux synchronisés en sont un moyen peu coûteux. Les limitations variables de vitesse un autre. Et d’une façon générale, de l’imagination et, surtout, le souci de faciliter la vie de l’usager et non de la compliquer avec l’idée fausse qu’en la compliquant, on améliore la sécurité alors que c’est tout le contraire. Un exemple d’amélioration qui ne serait pas hors de prix : sur le périphérique parisien, les embranchements vers les autoroutes sont, chaque fois, causes de ralentissements qui se transforment en embouteillages aux heures de pointe. Exemples : sorties vers A6 ou vers A13. Le périphérique devrait être élargi sur un demi-kilomètre à ces endroits avec deux voies réservées à la sortie et ces voies séparées du reste de la chaussée pour éviter les « resquilleurs » du dernier moment. Cela est courant sur les autoroutes des Etats-Unis.

Et c’est ma dernière remarque : il faut sanctionner lourdement (et auparavant bien informer les usagers) le manque de civisme, au volant, comme dans toutes les autres circonstances de la vie. Ceux qui essaient de passer devant les autres, qui leur font des queues de poisson, qui bloquent les intersections ou qui sont grossiers envers les autres, non seulement sont un danger mais, non réprimés, ils en font de plus en plus et incitent les autres à les imiter.

En conclusion, chercher à améliorer la vie des conducteurs plutôt que s’ingénier bêtement à la compliquer, chercher en permanence à améliorer les choses (nous connaissons tous des carrefours aux feux inadaptés qui causent des embouteillages ou des sens uniques là où il n’en faudrait pas et des doubles sens là où des sens uniques s’imposent).

Il n’est pas besoin d’être un spécialiste de la circulation pour proposer des améliorations. Ce devrait être une forme de démocratie élémentaire de consulter les usagers avant de faire des « améliorations » de voirie qui se révèlent parfois catastrophiques. Ceux qui empruntent des itinéraires tous les jours sont mieux placés que ceux qui veulent tout régler depuis leurs bureaux sans même mettre les pieds sur le terrain.

Ce n’est pas forcément les « solutions » les plus chères qui sont les meilleures. On devrait garder cette vérité d’évidence en tête.

Je ne fais pas partie des gens qui pensent que tout est forcément meilleur à l’étranger qu’en France. Je voyage beaucoup dans le monde y compris en voiture, pour savoir que ce n’est pas toujours le cas. La France n’est pas le pays le pire, loin de là. Nous avons même la chance de, globalement, être parmi les meilleurs.

Mais il ne faut pas rejeter systématiquement ce qui vient d’ailleurs. Souvent des solutions adoptées ailleurs seraient utiles en France. Il y a deux pays, en particulier, où j’ai beaucoup circulé, qui me paraissent des modèles : l’Allemagne et les Etats-Unis. Nous pourrions souvent nous en inspirer.

J’ai parlé dans ce texte de la route vue par un automobiliste. Je suis aussi cycliste, piéton et usager des transports en commun. Là aussi, il y aurait beaucoup à faire. J’y viendrai une prochaine fois.

En attendant, bonnes vacances, et essayez d’éviter les bouchons !

 

Yves Barelli, 10 août 2014                                                                            

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6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 16:56

Il y a quelques semaines, on ne donnait pas cher des chances de l’équipe de France de se qualifier pour le mondial de football qui se tient actuellement au Brésil.

Or, non seulement les « Bleus » ont obtenu in-extremis leur qualification, mais ils ont fait mieux que de la figuration puisqu’ils ont terminé en tête de leur groupe (où, par chance, ils n’ont pas été opposés aux favoris du tournoi), ont passé avec succès le barrage des huitièmes de finale (après un match difficile contre le Nigeria) et n’ont été « sortis » qu’en quart de finale, par l’Allemagne, sur le score étriqué de 1 à 0 (après un match insipide).

On ne va évidemment pas se plaindre de ce résultat inespéré.

Poussés par l’enthousiasme des belles prestations face au Honduras (adversaire pas bien méchant) et surtout à la Suisse (autrement plus coriace, sur le papier, mais battue par le score fleuve de 5 à 2), certains voyaient déjà l’équipe de France aller jusqu’en finale et, pourquoi pas, gagner la coupe, renouant ainsi avec l’exploit de 1998.

On peut aimer son pays sans être chauvin et sans coller au comportement primaire du  « supporter » bête et méchant pour lequel il faut gagner à tout prix, quitte à ce que « son » équipe s’impose par l’antijeu, le manque de fair-play et de respect pour l’adversaire et même par la « triche » (on se souvient que la France avait éliminé l’Irlande lors du match de préparation au mondial de 2010 grâce à une « main » de Thierry Henry que l’arbitre n’avait pas vu et que l’intéressé se garda bien de reconnaitre sur le champ, pas plus, malheureusement, que bien des supporters et commentateurs « franchouillards »).

Etre patriote, c’est vouloir gagner, mais pas n’importe comment. Au contraire, c’est être exigeant avec ceux qui ont l’honneur de représenter son pays. Porter le maillot de l’équipe de France (ou tout autre), impose des devoirs : se donner à fond, respecter l’adversaire, mais aussi respecter son public et respecter son pays, à commencer par ses symboles, le drapeau et l’hymne national. Ne pas chanter le Marseillaise ou déclarer, comme l’a fait Benzema, qu’on « ne se sent pas vraiment Français », est rédhibitoire. Pour moi, de tels individus n’ont pas la place dans l’équipe de France. Je me pose même la question sur leur droit à avoir une carte d’identité française.

Je trouve également insupportable ces joueurs, imbus d’eux-mêmes, en l’occurrence pas de leur savoir-faire, mais plutôt de leur bêtise, qui sortent d’un car et refusent ne serait-ce que d’adresser un geste amical aux supporters qui ont passé de longs moments, parfois des heures, à les attendre pour leur exprimer leur soutien. C’est hélas ce que viennent encore de faire les joueurs de l’équipe « de France » à leur retour à Riberão Preto (leur « base » au Brésil) après leur défaite de Rio.

Je préfère, dans ces conditions, une équipe qui brille moins sur le terrain, mais qui fait ce qu’elle peut avec la manière, à des joueurs qui friment et qui se comportent mal, tant sur le terrain qu’en dehors, même si leur équipe gagne. Et quand elle perd, comme les Bleus l’ont fait contre l’Allemagne sans donner l’impression de se « défoncer » pour essayer de gagner, alors, je n’ai aucun respect pour des individus qui ne sont pas dignes du maillot qu’ils portent.

C’est vrai que les Bleus revenaient de loin. Lors du dernier « mondial », en Afrique du Sud, non seulement ils avaient été chassés dans la honte dès le premier tour, mais ils s’étaient en outre comportés à l’extérieur comme des voyous.

Je faisais partie à l’époque de ceux qui pensaient qu’il fallait se séparer des mutins (les joueurs étaient allés jusqu’à faire une grève de l’entrainement pour une raison futile) et reconstruire avec des plus jeunes une équipe digne de ce nom, ce qui aurait pris dix ans, mais aurait permis de construire quelque chose de solide.

La solution adoptée a été intermédiaire. On a essayé de renouveler mais sans se séparer de tous. On a aussi changé d’entraineur, ce qui était la moindre des choses, tant le précédent avait un comportement du même style que les joueurs.

L’équipe sélectionnée pour le Brésil était meilleure. L’entraineur aussi : Didier Deschamps, ancien capitaine de l’équipe de France lorsqu’elle fut championne du monde, entraineur de clubs menés à la victoire, mais aussi, apparemment (je ne le connais pas personnellement et je me méfie toujours un peu des réputations parfois construites par des professionnels de la communication) irréprochable sur les plans non seulement du professionnalisme mais aussi du comportement et de la mentalité.

Apparemment donc, Deschamps a su redonner à l’équipe de France l’âme qu’elle avait perdue.

Les fortes têtes ont été éliminées, comme Nasri ou Ribéry (opportunément « malade »), ou « recadrées », comme Evra. Tous les joueurs ont été « chambrés ». On leur a inculqué des éléments communs de langage, faits de solidarité et de modestie, à tel points que leurs interviews ont été de remarquables morceaux de « langue de bois ».

Apparemment, toujours, le comportement sur le terrain a été meilleur et celui en dehors, disons, « moins pire ».

Mais avons-nous pour autant la « bonne » équipe qui peut laisser espérer une victoire dans l’euro de 2016, qui se tiendra, fait important, en France ?

A ce stade (c’est le cas de le dire lorsqu’on parle « foot »), je ne le crois pas. Mais je pense qu’il n’est pas impossible que Didier Deschamps parvienne à construire d’ici deux ans cette bonne équipe dont nous avons besoin.

Que manque-t-il encore à l’équipe de France ?

1/ Il faut parfaire le « redressement » comportemental des joueurs. C’est mieux, mais, chassez le naturel, il revient au galop. Des voyous (certains l’ont été d’évidence) ne deviennent pas des anges du jour au lendemain. Ne nous berçons pas d’illusions. Les « grosses têtes », bouffies de leur ego aussi ridicule que démesuré, ne filent le droit chemin que si elles sont bien « encadrées », ce qui signifie « recadrés » en permanence (notamment pas la menace implicite de la sanction suprême, être « viré » de l’équipe, quelles que soient les qualités athlétiques des individus). C’est une éducation de longue haleine à faire. Deschamps aura du travail et ce n’est pas gagné d’avance.

2/ Les plus jeunes, qui ont goûté à la compétition de ce niveau pour la première fois, seront sans doute mieux aguerris la prochaine fois. Qu’on les aide à progresser et, surtout, qu’on leur évite de prendre la « grosse tête ».   

3/ Pour les plus grandes « vedettes », il faudra veiller à ce que leur carrière au sein des clubs, certes sans doute légitime et, en tout cas, inévitable (et utile, s’ils n’y laissent pas trop de leurs forces et de leur « hargne » de gagner), ne se fasse pas au détriment de leur performances dans l’équipe nationale.

4/ Il faut dans cette équipe un vrai « patron » sur le terrain, tel que Deschamps le fut lorsqu’il était joueur. On ne le voit pas encore.

5/ Il faut un butteur fiable. Ce n’est pas Karim Benzema. Ce joueur est trop à éclipses. Il suffit de se pencher sur sa carrière pour le constater. Même au Real, où il eut beaucoup de difficultés à s’intégrer, il a souvent été sur le banc de touche. Dans ce mondial, il a certes brillé face au Honduras et à la Suisse, mais n’a pas été bon face à l’Equateur et carrément mauvais en face de l’Allemagne.

6/ Pour tous, il faudra une volonté de tous les instants de se battre, même et surtout dans les situations apparemment désespérées. Ce ne fut pas le cas face à l’Allemagne où on a eu la mauvaise impression (je crois que c’est plus qu’une impression, c’est une réalité) que, l’équipe de France, n’ayant pas été « programmée » cette fois pour gagner le mondial, s’est contentée d’accéder aux quarts de finale. « Contrat respecté » (c’est sans doute ce qu’on avait demandé aux joueurs), on a cru pouvoir se mettre en « roue libre ». A ce niveau, cela est inadmissible.

XXX

Cette équipe de France revient de loin. Le naufrage a été évité. Ce n’est pas pour autant qu’elle est arrivée à bon port. Plus les supporters et les médias se montreront exigeants avec elle, meilleures seront les chances de la voir gagner.

Un essai a sans doute été marqué. Reste à le transformer !

 

                                                        Yves Barelli, 6 juillet 2014   

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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 14:10

Le maire de Nice, Christian Estrosi, a pris un arrêté municipal le 30 juin interdisant sur le territoire de la commune le déploiement ostentatoire de drapeaux étrangers.

J’approuve cette initiative de bon sens et je vais expliquer pourquoi.

Ce qui m’étonne est qu’un maire soit obligé de procéder lui-même à une telle interdiction qui devrait évidemment s’appliquer à l’ensemble du territoire national. Je ne connais pas le détail de la règlementation française sur ce sujet. On me dit qu’il existe une loi qui proscrit l’utilisation de pavillons étrangers sauf usage officiel (ambassades, autres immeubles officiels étrangers tels que centres culturels, véhicules diplomatiques, cimetières militaires étrangers, navires étrangers et cérémonies officielles telles que visites d’Etat). Je ne la connais pas, mais je sais que de telles lois existent dans la plupart des pays. Si cette règlementation est présente en France, ce qui est probable, on peut se demander pourquoi elle n’est pas appliquée. Si elle n’existe pas ou est incomplète, il est temps de la préciser.

Je ne partage pas les opinions politiques du maire de Nice. Il est UMP et est un fervent soutien de Nicolas Sarkozy, ce qui est pour le moins hasardeux par les temps qui courent (on a appris ce matin que l’ancien chef de l’Etat est placé en garde à vue dans le cadre d’une affaire judiciaire et que d’autres affaires le menacent). Mais là n’est pas question. Je connais bien Nice et je peux dire que Christian Estrosi est un maire apprécié par la majorité de ses concitoyens. Il a beaucoup fait pour embellir la ville et rendre le quotidien des Niçois plus agréable que dans la majorité des villes de France. Le soleil et la mer y sont pour beaucoup, mais l’action de la municipalité aussi.

La sécurité s’est sensiblement améliorée à Nice, alors qu’elle se dégrade ailleurs. Le maire a compris que la lutte contre la délinquance commence par celle contre les incivilités. Ainsi, grâce à un réseau développé de caméras, les stationnements gênants sont systématiquement sanctionnés, de sorte qu’il y en a moins qu’ailleurs. Les comportements a-civiques sur la voie publique sont également sanctionnés, tels que beuveries alcoolisées en groupe, mendicité agressive, etc.

Le maire de Nice a pris son arrêté hier en prévision de débordements possibles en soirée dans l’hypothèse où l’équipe d’Algérie aurait remporté son match de mondial de football contre l’Allemagne, comme cela avait été le cas, à Nice et ailleurs, le 26 juin lorsque l’Algérie s’était qualifiée pour les huitièmes de finale. On avait alors eu de nombreux dégâts, des attaques des forces de l’ordre, des pillages de magasins et 74 interpellations avaient dû être effectuées contre les casseurs.

Malgré un excellent match de la courageuse équipe des « Fénecs », l’Algérie a dû s’incliner in extremis après prolongations sur le score de 2 à 1. Elle a même failli égaliser tout à fait à la fin. L’élimination de l’Algérie a peiné tous les amis de l’Algérie, dont je fais partie. Mais, dans le même temps, nous sommes soulagés. On a ainsi évité des incidents hier soir et on a surtout évité un match France-Algérie vendredi prochain, qui aurait été prétexte à extérioriser les sentiments anti-français qui sont hélas le fait de certains énergumènes complexés, mais aussi une joie souvent hystérique et surtout non respectueuse du pays où on vit qui est, rappelons-le, la France et non l’Algérie.

Je sais que ces débordements ne sont le fait que d’une minorité et que l’immense majorité de ceux qui descendent dans les rues françaises sont de braves gens honnêtes et loyaux envers leur pays de résidence, dont la majorité possède aussi la nationalité.

Si mercredi j’avais été présent à Alger, ville où l’ai vécu, où je me rends parfois et dont je me sens très proche, j’aurais fêté la qualification de l’Algérie avec mes amis algériens et j’aurais peut-être défilé derrière un drapeau algérien avant de déboucher une bouteille de Champagne.

Seulement, je n’y étais pas. J’étais à Paris et le spectacle de « supporters » manifestant sans retenue comme en pays conquis derrière des drapeaux étrangers sur le sol français ne m’a  pas plu.

Si ces drapeaux avaient été déployés de concert avec des drapeaux français, j’aurais trouvé cela normal. Je connais plusieurs restaurants ou bistrots appartenant à des franco-algériens qui ont pavoisé aux deux couleurs. Bravo. J’aime l’Algérie et je fraternise avec ceux qui respectent, et j’ose croire, aiment aussi la France. Mais pas avec ceux qui la méprisent ou, tout simplement et le plus souvent sans s’en rendre compte, lui manquent de respect.

Or, manifester sur la voie publique derrière un drapeau étranger non accompagné de la bannière française, c’est manquer de respect vis-à-vis du pays de résidence.

Cela ne concerne pas que les soirs de matchs de foot, mais aussi les mariages avec ces traversées aussi ridicules que scandaleuses de ces cortèges d’idiots juchés sur des limousines somptueuses de location et arborant des drapeaux étrangers, le plus souvent algériens quand ils ne sont pas marocains. Messieurs, on n’est pas au bled ! Allez y faire la fête si vous voulez, mais laissez tranquilles les habitants des villes françaises qui ne partagent pas votre enthousiasme.

Cela concerne aussi n’importe quel rassemblement. Il est devenu rare de voir une foule rassemblée pour les motifs les plus divers sans que des drapeaux algériens, isolés ou parfois en plus grand nombre, ne soient déployés. Un peu de décence, s’il vous plait !

D’ailleurs, les imbéciles qui se cachent derrière ces drapeaux en sont parfois pour leurs frais. J’ai le souvenir d’un concert de la chanteuse Kenza Farah, marseillaise et, par ailleurs, avec des origines algériennes, dans une commune du Val d’Oise, dans la banlieue parisienne. Quelques jeunes, davantage mal élevés que méchants, se sont agités pendant tout le concert derrière un drapeau algérien. Eux venaient voir une compatriote, les autres, dont moi, simplement une chanteuse s’exprimant en français et interprétant des chansons n’ayant rien à voir avec l’autre rive de la Méditerranée. Qui sont les « racistes », qui pointent du doigt les origines « ethniques » des individus ? Quel sont ceux qui « stigmatisent » l’appartenance « ethnique » d’un individu ? Faut-il que cette chanteuse née à Marseille, ayant un magnifique accent marseillais et chantant et parlant en français soit affublée toute sa vie de l’étiquette « algérienne » sous prétexte qu’elle a un nom à consonance maghrébine ? Pour moi, c’est une compatriote. Si elle a en plus une autre nationalité, tant mieux pour elle, c’est un enrichissement culturel. Mais l’enfermer dans cette deuxième nationalité, apparemment contre son grès, c’est insupportable.

Le plus amusant est quand cette chanteuse, à un moment de son concert, a dit : « et maintenant, je vais vous interpréter une chanson de chez moi ». Les « rigolos » derrière leur drapeau ont alors commencé à s’agiter, des « youyou » ont retenti. Ils ont été « mouchés » lorsque la jeune chanteuse s’est mise à chanter un air de Provence ! Du coup, ils ont replié leur drapeau et on ne les a plus entendu jusqu’à la fin du concert.

Oui, on peut aimer l’Algérie sans tolérer que les villes de France soient envahies par des manifestations « ostentatoires » s’apparentant à une invasion d’extra-terrestres. On peut être franco-algérien sans se mettre systématiquement en dehors de la communauté nationale du pays où l’on vit et dont on possède, aussi, la nationalité française.

J’ai moi-même vécu longtemps à l’étranger, dans les pays les plus divers, y compris en Algérie. J’ai appris que la discrétion était la qualité première que doit avoir tout étranger à un pays (cela est vrai aussi dans un même pays lorsqu’on vit dans une région dont on n’est pas originaire) : il doit respecter les lois, les coutumes, les modes de vie du pays, plus encore que les citoyens de ce pays. J’aime bien le mot allemand d’ « invité » synonyme d’étranger. Un invité doit bien se comporter chez son hôte. S’il est là pour « foutre le bordel » ou pour tout casser, tout simplement, on le met à la porte.

Quant aux binationaux (à la différence de Marine le Pen, je suis favorable à la double nationalité, à condition qu’elle soit bien encadrée), il faut leur rappeler qu’être binational, c’est être loyal à chacun des deux pays et c’est n’être que d’une nationalité dans chacun des deux pays : un franco-algérien est français en France, algérien en Algérie et ce qu’il veut ailleurs. Dans ce cas-là, être « algérien de France », ça ne veut rien dire. Si certains se considèrent comme tels, ils devraient avoir l’honnêteté de renoncer à la nationalité française. La plupart l’ont compris, mais hélas, pas tous.      

J’approuve en conséquence totalement l’arrêté de Christian Estrosi. Ce n’est évidemment pas le drapeau en soi qui est source de gêne à l’ordre public, mais, on l’aura compris, le symbole qu’il représente.

Essayez de traverser New York ou Alger avec un drapeau étranger déployé de manière ostentatoire. Vous n’aurez pas fait un demi-kilomètre avant d’être conduit au poste de police.

Pourquoi en irait-il autrement en France ?

Je terminerai sur la réaction du Parti Socialiste. Son porte-parole a condamné l’initiative du maire de Nice qui « stigmatiserait » la « communauté » algérienne.

Décidément, ce parti, de plus en plus coupé des réalités, ne perd pas une occasion pour s’en couper encore davantage. Il a déjà perdu l’essentiel de ses électeurs. Ce n’est pas comme cela qu’il les retrouvera.    

                                                           Yves Barelli, 1er juillet 2014                

 

  

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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 15:02

La première phase du « mondial » de football qui se déroule actuellement au Brésil est terminée. Sur les 32 équipes qui avaient été retenues (à la suite d’une longue phase de matches de sélection), la moitié est éliminée. Les 16 rescapées ont entamé le 28 juin les huitièmes de finale qui, comme les matches suivants, sont à élimination directe. La finale, qui désignera le champion du monde, aura lieu le 13 juillet dans le stade mythique de Maracanã, à Rio de Janeiro.

Je laisse à de plus experts que moi (il n’en manque pas !) le soin de commenter le jeu des uns et des autres, les qualités comparées des joueurs et des équipes et les pronostics qu’ils en tirent. Je me contenterai de quelques observations qui, sans doute, tiennent plus à la sociologie et à la géopolitique qu’au sport.

1/ Ce rendez-vous quadri-annuel mondial reste la manifestation sportive (et même la manifestation tout court) la plus populaire de la planète. C’est en effet l’ensemble du monde qui a actuellement les yeux rivés sur le Brésil. Les audiences des chaînes de télévision battent des records (plus de la moitié de l’audience potentielle en France pour les matches des « bleus ») et, dans tous les milieux, le « mondial » est spontanément au centre des conversations. En France (mais aussi ailleurs, souvent même dans les pays qui n’ont pas été sélectionnés), les jours de matches, les spectacles (cinémas, théâtres, concerts) sont délaissés et les restaurants sont vides (sauf s’ils retransmettent la partie sur écran géant). Il s’agit donc d’un phénomène sociologique de masse qu’il serait ridicule, et méprisant pour ceux qui y sont partie, de négliger. D’ailleurs, les hommes politiques ne s’y trompent pas. Ils sont tous, évidement, des « fanas » de foot (ou ils font semblant) et sont capables de citer tous les joueurs de la sélection de leur pays. C’est vrai aussi que lorsqu’on s’intéresse au foot, ou que l’on fait semblant de s’y intéresser, on peut se faire rapidement des tas d’amis qui partagent la même passion.

2/ La mondialisation du foot-business est une réalité. La plupart des joueurs sélectionnés dans les équipes nationales évoluent le reste du temps dans des clubs, souvent prestigieux, les meilleurs étant situés en Europe. Certains se donnent à fond pour faire gagner leur équipe et leur pays. D’autres paraissent moins motivés. Non qu’ils méprisent nécessairement leur équipe nationale (après tout aller loin dans le mondial, accroit leur palmarès personnel, et donc leur valeur marchande), mais ils se donnent si intensément dans leurs clubs, où, souvent ils gagnent des sommes colossales (par exemple, près de 10 millions d’euro par an au Real Madrid pour Benzema, qui n’est pas le joueur le mieux payé au monde), qu’ils arrivent au « mondial » un peu fatigués et entre se « défoncer » pour l’équipe nationale et le club, le choix est vite fait : c’est le club.

Il n’est pas exclu que cette dichotomie entre équipes nationales et clubs explique, au moins pour partie, l’élimination précoce de pays comme l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne, d’autant que les grands clubs de ces pays ont souvent une proportion telle d’étrangers que, si on enlève, ces derniers, il n’y reste pas grand-chose.

Bref, nos joueurs de foot sont devenus des mercenaires du ballon rond. Ils vont de clubs en clubs, de pays en pays, vers les plus offrants. Pour ces joueurs, du moins pour beaucoup d’entre eux, le mot patriotisme national ou même local est devenu complètement étranger à leur univers mental. On se souvient par exemple de Zinedine Zidane, Marseillais adulé à l’époque dans sa ville natale qui, alors joueur du Real de Madrid, était venu au stade vélodrome et y avait marqué, apparemment sans état d’âme, le but qui éliminait l’équipe phocéenne de la coupe d’Europe. Personnellement, je trouve cela choquant. Les joueurs devraient avoir dans ces cas, un « droit de retrait ». Mais, ils ne pensent même pas à le demander. Leur seule patrie, c’est leur carrière et leur portefeuille.

3/ Cette indifférence, pour ne pas dire plus, envers le pays dont ils portent les couleurs a particulièrement été le cas depuis au moins une décennie des joueurs de l’équipe de France. On se souvient du spectacle indécent d’énergumènes donnant le visage affligeant qui a été celui des « bleus » en Afrique du Sud. On note aussi que, lors de l’exécution des hymnes nationaux, de nombreux joueurs « français » ne chantent pas la Marseillaise. Benzema, peut-être plus franc, ou plus cynique que d’autres, l’a dit un jour dans une interview : il ne se sent pas vraiment français. Cela est grave. C’est encore plus grave qu’on s’en accommode.

Cette année, il semble qu’il y ait un certain progrès, tout relatif néanmoins. On le doit probablement à Didier Deschamps, l’entraineur de l’équipe de France. Il a fait la chasse aux comportements inadmissibles des joueurs dont certains ont une mentalité de petits « càcous » de cités dont la seule ambition dans la vie est de gagner le plus de fric possible pour « rouler les mécaniques » au volant de leur Ferrari. De tels comportements sont désormais bannis et les joueurs, certainement bien « chambrés » par leur « coach », adoptent une attitude plus modeste. Certes, le naturel revient au galop en matière de mépris du public, qui pourtant fait le succès, et la fortune, des vedettes. On a ainsi vu l’arrivée la semaine dernière des joueurs français à Rio. Lorsqu’ils sont descendus du car, ils sont tous passés (sauf Benzema) devant les « supporters » rassemblés sans même un regard pour eux. Cela est inadmissible et je n’ai aucune sympathie pour ces gens-là.

Dans ces conditions, pour moi, l’équipe de France est en sursis. Les plus antipathiques, tels Ribéry, ont été écartés. Des jeunes ont intégré l’équipe. A voir donc quel sera leur comportement dans la suite du « mondial ». Personnellement, et compte tenu du passé, j’étais pour la Suisse contre la France au début du match qui a opposé les bleus aux Helvètes. J’ai changé en cours de partie quand j’ai constaté que le jeu français était bon. Mais pour la suite, mon soutien sera loin d’être automatique. Il dépendra du comportement des joueurs, sur le terrain et en dehors du terrain.

4/ Que le meilleur gagne, donc. Je n’ai pas d’à priori. Cela me ferait néanmoins plaisir que les Pays-Bas l’emportent. C’est un pays de taille réduite et ils ont été deux fois finalistes. Etre enfin champions serait justice. Je vais aussi soutenir par principe les petits pays contre les gros. Ce sera plus facile maintenant que bien des « grands » prétentieux sont éliminés.

4/ Les joueurs de l’équipe du Brésil ne m’ont pas fait très bonne impression pendant cette première phase. Leur qualification in-extremis, en fait grâce aux tirs aux buts, donc au  hasard, confirme cette impression. Ils devraient néanmoins probablement aller assez loin dans la coupe, mais je ne parierais pas cher sur leur victoire finale. Il y a une énorme pression sur les joueurs, ce qui, peut-être, ne les met pas dans les meilleures conditions.

D’autant que, cette année, le soutien du public brésilien n’est pas acquis d’avance. On sait que de fortes critiques ont été adressées aux autorités qui ont dépensé beaucoup d’argent pour cette manifestation alors que les besoins du pays en écoles, en hôpitaux et en transports ne sont pas satisfaits.

Des manifestations et des grèves, y compris de la police, avaient précédé le mondial (voir mon article du 22 mai « Brésil : le mondial sous haute surveillance »). Certains craignaient le pire pour le déroulement de la manifestation. J’avais écrit dans mon blog que je n’étais pas inquiet à ce sujet. J’étais convaincu que tout allait rentrer dans l’ordre sitôt le premier coup de sifflet lançant le premier match aurait retenti.

Je ne m’étais pas trompé. Non seulement les grèves et les manifs ont cessé, mais, jusqu’à présent, la logistique, très déficiente à quelques jours du début, a à peu près suivi. Les accès aux stades, bien que souvent pas terminés à temps, n’ont pas posé de problèmes insurmontables. On a bien constaté quelques « manques », par exemple une panne de sonorisation lors du premier match auquel la France a participé, ou encore des pelouses dans un état non optimal. Mais rien de rédhibitoire. On s’apercevra sans doute assez vite, après le mondial, que les stades, trop vites sortis de terre, ne tiendront pas la distance, mais les étrangers seront déjà repartis.

Reste l’après-mondial. Il risque d’être difficile pour le Brésil, les Brésiliens et leurs dirigeants. Si le Brésil est champion, ce sera un moindre mal. Si ce n’est pas le cas, la colère sera au rendez-vous.

5/ Le football est devenu un sport mondial. Toutefois, la suprématie européenne et latino-américaine reste écrasante. Sur les 32 équipes sélectionnées pour le « mondial », 13 sont européennes, 9 latino-américaines, 5 africaines, 3 asiatiques, plus les Etats-Unis et l’Australie. Pour celles qui sont qualifiées pour les huitièmes de finale, on a 6 européennes, 7 latinos, 2 africaines, les Etats-Unis et aucune asiatique.

Les meilleures performances des latino-américains sont liées au fait que la compétition se passe au Brésil (quand c’est en Europe, les Européens sont meilleurs).

La montée en puissance des Etats-Unis traduit un intérêt accru des Américains, de toutes origines, pour le ballon rond. Toutefois, la présence d’une forte communauté hispanique l’explique en premier lieu.

Les Asiatiques restent presque inexistants, ce qui enlève évidement à l’universalité du football. On joue pourtant de plus en plus au foot en Asie, notamment en Chine, mais les performances restent modestes. Elles devraient s’améliorer dans la prochaine décennie.

Les Africains progressent, notamment grâce à des joueurs qui évoluent dans les grands clubs européens, mais les résultats restent limités car ces pays ont relativement peu de moyens.

Parmi les qualifiés pour les huitièmes, la présence de l’Algérie doit être soulignée. Elle est inédite et méritée. Mais, vu de France, on doit regretter les débordements qui accompagnent toujours dans l’hexagone la célébration des victoires de l’équipe de ce pays : 74 interpellations, des voitures brûlées, des commerces vandalisés, la police attaquée. En outre, ce spectacle de drapeaux algériens dans les rues de nos villes laisse une impression de malaise. S’ils étaient accompagnés de drapeaux français, on s’en réjouirait. Ce n’est pas le cas. Le nationalisme hystérique est regrettable partout. En terre étrangère, il est inadmissible.

6/ Un mot sur l’arbitrage. Les arbitres ont une énorme pression sur les épaules. On comprend qu’ils hésitent à sanctionner l’équipe du pays hôte lorsque cent mille spectateurs sont derrière elle. Mais lorsque cela entraine des erreurs manifestes d’arbitrage, il y a problème. On l’a vu dès le premier match lorsqu’un pénalty a été sifflé sur la Croatie pour une faute imaginaire. Le foot est l’un des seuls sports où la plupart des arbitres se refusent encore à faire appel à la vidéo. Lorsqu’il y a erreur manifeste d’arbitrage (que l’on ose croire involontaire), celle-ci devrait être rectifiée. Ce n’est malheureusement pas le cas et c’est dommage.

7/  Une dernière remarque en guise de conclusion. Le football est un sport qui, comme tous les sports, est, ou devrait être, une activité noble. Cela devrait être synonyme de dépassement de soi, de courage, de solidarité, de fair-play pour les joueurs et de grand moment d’émotion collective, de plaisir du beau spectacle et de rassemblement patriotique pour le public.

L’enthousiasme des supporters est légitime. Il est lui-même noble car personnellement désintéressé. Mais vouloir gagner pour gagner, à tout prix, même au prix de la triche lorsqu’on peut (on se souvient de gestes lamentables, telle cette main de Maradona restée fameuse), me parait inadmissible. Je préfère que « mon » équipe perde dans l’honneur après avoir donné le meilleur d’elle-même que si elle gagne dans le déshonneur, c’est-à-dire par l’antijeu, les coups tordus et le manque de respect de l’adversaire.

Il faudrait surtout que les supporters se persuadent que l’adversaire n’est pas un ennemi mais un concurrent qui a les mêmes aspirations que « son » équipe et que « ceux d’en face » sont aussi respectables que « les nôtres ».

Et puis assez de ces psychodrames collectifs ridicules : quand on gagne, même par un but d’écart, on est les meilleurs et les autres sont des nuls ; quand on perd, bonjour le drame national. Les titres de la presse espagnole après l’élimination des « rojos » étaient tout simplement stupides : une catastrophe nationale, une humiliation insupportable. Quand on voit des « supporters » pleurer parce que « leur » équipe a perdu, cela est dérisoire. Il faut rappeler ces imbéciles aux réalités. Le sport est le sport et n’est que le sport. C’est ni l’alfa ni l’oméga du monde. Ces supporters sont en fait les victimes du système dans lequel il y a trop d’enjeux, financiers notamment. Les médias devraient être un peu plus responsables et éviter de faire trop monter la pression. Et lorsque celle-ci est trop forte, lorsque les succès montent à la tête, finalement le meilleur antidote est une bonne défaite. Cela dé-saoule ! Je me trouvais en Espagne lorsque ce pays a été battu 5 à 1 par la Hollande. Avant le match, il y avait des drapeaux partout et des fanfaronnades à la ronde (« nous sommes les plus forts », « ces moins que rien, on va en faire qu’une bouchée »). J’ai regardé le match dans un bistrot. L’ambiance est vite retombée. Deuil national ensuite. Et ce n’est pas qu’en Espagne. Ailleurs, c’est pareil. Vous ne trouvez pas cela idiot ? Moi si.

Alors que le meilleur gagne, quelle que soit sa nationalité. A condition que ses qualités morales soient à la hauteur de ses performances physiques.

 

                                                            Yves Barelli, 29 juin 2014 

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