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2 octobre 2011 7 02 /10 /octobre /2011 21:56

wpid-Euro-300x1994ème partie : Construire un nouveau système monétaire européen 

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Conserver l’euro, mais aménager le système

 

Ce que pourrait être un système alternatif

 

Certains préconisent l’abandon pur et simple de l’euro et le retour aux monnaies nationales. Ce n’est pas exactement ma position.

 

Dans le système antérieur à l’euro, il y avait des ajustements monétaires parfois positifs et d’autres fois beaucoup moins. Certaines dévaluations « compétitives » étaient voulues et le résultat en général bon pour la balance commerciale et pour l’économie. Dans d’autres cas, les ajustements monétaires n’étaient que le résultat d’attaques spéculatives sur les monnaies. La perte de valeur qui en résultait pouvait être le début d’un engrenage catastrophique. Les exportations étaient certes favorisées, à condition que le pays ait réellement des produits à vendre, ce qui n’était pas toujours le cas. Les exemples actuels multiples dans le monde de monnaies qui se déprécient continuellement sans que l’économie en profite réellement (cas de beaucoup de pays faibles du tiers-monde) montrent que la dévaluation n’est pas nécessairement la panacée. Dans ces pays, une double monnaie s’instaure : la monnaie nationale pour les transactions courantes et le dollar pour les transactions un peu plus « sérieuses ».

 

Pour les pays de la zone euro les plus fragiles, le retour immédiat à la monnaie nationale pourrait s’avérer catastrophique : explosion de la dette, enchérissement considérable des produits importés, notamment le pétrole ou les denrées alimentaires (à moins que le pays produise assez pour son marché intérieur. Dans ce cas, l’arrêt des importations est une bonne chose).

 

Avant l’instauration de l’euro, on avait essayé, et on y était relativement bien parvenu, de limiter les variations monétaires par l’instauration de fluctuations coordonnées des monnaies, ce qu’on appelait le « serpent monétaire européen ».

 

Je préconise le retour au principe du « serpent » en l’améliorant.

 

L’euro a montré son utilité en préservant au moins les grands et les petits pays solides des aléas des fluctuations monétaires et des grandes attaques spéculatives. Au moins dans un premier temps, car on peut craindre, compte tenu des crises grecque, portugaise et autres, que les attaques spéculatives ne se limitent plus mais s’étendent à l’ensemble du système euro. On n’en est pas là. Mais les replâtrages coûteux, s’ils demeurent possibles et gérables tant qu’il s’agît de la Grèce, risquent de n’être plus opératoires dès lors qu’un gros pays comme l’Italie serait en difficulté.

 

Pour éviter que le système global soit attaqué, il faut évidemment se donner les moyens de conforter chacune de ses composantes, c’est-à-dire chacun des pays de la zone euro.

 

Dans cet état d’esprit, l’euro pourrait être conservé comme unité de compte pour l’Europe et comme instrument de transactions tant à l’intérieur de la zone euro qu’avec les pays tiers (en complément du dollar, principale monnaie mondiale et instrument de référence). Une réserve monétaire européenne suffisamment dotée constituerait une garantie contre la spéculation.

 

Réintroduire, lorsque cela est nécessaire, les monnaies nationales parallèlement à l’euro

 

Parallèlement à l’euro, les monnaies nationales pourraient être réintroduites dans les pays qui le souhaitent. La valeur de ces monnaies serait strictement gagée sur l’euro afin, là aussi, de décourager la spéculation.

 

Dans ce cas, quel intérêt de rétablir des monnaies nationales ?

 

L’intérêt serait que ces monnaies auraient l’avantage d’avoir une valeur assise sur l’euro sans pour autant figer les taux de change.

 

Pour mieux montrer le lien ténu avec l’euro, on pourrait ne pas revenir exactement aux appellations antérieures et conserver le mot euro dans leurs noms : eurofranc, eurolire, europeseta, etc. Ces monnaies, loin d’être indépendantes, seraient partie intégrante de l’euro.

Parties de l’euro, liées intrinsèquement à lui par des taux fixes, mais pas immuables.

 

La nécessité d’avoir des taux évolutifs est induite par la constatation (cf supra) que les économies des pays européens ne se comportent pas toutes de la même manière et que leur compétitivité peut varier dans le temps.

 

Rappelons que le bon taux de change d’une monnaie est celui pour lequel la somme des avantages liés à ce taux est optimum par rapport aux inconvénients. En d’autres termes, un pays a intérêt à avoir une monnaie forte s’il est capable de vendre cher des produits ou des services de qualité suffisamment attractive pour trouver des clients. Si le prix des BMW augmente de 20%, sans doute trouvera-t-on presque autant d’acheteurs qu’au prix actuel et le bénéfice global augmentera. Inversement, un modèle plus bas de gamme pour lequel le prix est le principal motif d’achat risque de voir ses ventes s’effondrer avec une telle augmentation. Le raisonnement vaut pour les importations : un pays qui produit presque tout chez lui, notamment le pétrole, est moins affecté par une dévaluation qu’un pays fortement importateur. Lorsqu’une autorité monétaire nationale est maîtresse du taux de change, il est plus facile pour elle de trouver le bon taux.

 

Bien que plus délicat à mettre en œuvre, le raisonnement reste valable dans une union monétaire. Lorsqu’un pays veut dévaluer, les autres risquent certes d’être lésés en termes de concurrence, mais si on empêche ce pays de dévaluer et qu’il s’en trouve durablement affaibli (cas de la Grèce aujourd’hui, de l’Italie demain) on doit l’aider pour boucler ses comptes. Cela coûte cher aux autres et n’améliore en rien la compétitivité du pays. C’est l’ensemble du système qui est affaibli.

 

Une alternative plus intelligente est de l’autoriser à dévaluer sa monnaie, seule solution durable. Cela n’est actuellement pas possible avec l’euro unique et le redevient si la monnaie unique cohabite avec les monnaies nationales.

 

Pour procéder aux ajustements monétaires périodiques nécessaires, on peut imaginer la méthode suivante : 1/ un comité d’experts indépendants formé d’économistes reconnus suit chacun des pays, l’évalue et fait des recommandations quant aux ajustements monétaires souhaitables. 2/ Périodiquement, disons tous les cinq ans, sauf cas d’urgence, les ministres des finances de la zone euro se réunissent et décident d’une nouvelle répartition des taux de change à la demande des gouvernements concernés et sur la base des recommandations des experts. Avec un tel système, on pourrait dors et déjà autoriser sans hésiter l’Italie à dévaluer de 10% sa monnaie. L’Allemagne, qui a un excédent structurel de sa balance commerciale pourrait, de son côté avoir intérêt à demander une réévaluation de 5% de sa monnaie.

 

Dans un tel système, on tient compte du comportement différent des opérateurs économiques de chaque pays, de sa structure et de ses possibilités. Cela revient, pour reprendre l’exemple cycliste, à autoriser les changements individuels de braquets et donc de permettre à tous les coureurs de franchir le col.

 

Concrètement, on aurait une circulation parallèle dans chaque pays de deux monnaies, l’euro et la monnaie nationale. Libre à chacun d’utiliser la monnaie de son choix lorsque la loi le permet (on peut envisager, par exemple, d’interdire aux propriétaires de fixer les loyers en euros pour ne pas léser les locataires). Les salaires et les prix seraient fixés en monnaies nationales et convertis en euros aux fins d’échanges ou de comparaisons internationales. Les touristes pourraient continuer à payer en euros (un peu, comme autrefois dans les zones frontalières où les deux monnaies étaient, de fait, toutes deux en usage. Un autre exemple concret était celui d’Andorre où franc et peseta avaient légalement cours).

 

Dans cette nouvelle organisation de la zone euro, souplesse et pragmatisme pourraient, pour une fois (car la construction européenne se caractérise généralement par rigidité et dogmatisme), être la règle. L’euro resterait la monnaie commune, dans certains pays il resterait la seule monnaie en circulation (statu quo actuel), dans d’autres, la monnaie nationale aurait parallèlement cours (selon des modalités variables en fonction des situations locales : les paiements particuliers en euros pourraient ne concerner que les touristes, ailleurs la circulation effective serait plus étendue). Certains pays s’en remettraient totalement à la banque centrale européenne pour fixer les règles applicables par les banques (taux d’intérêt notamment), dans d’autres, la banque nationale jouerait un rôle plus effectif. La seule règle impérative serait la fixation de la parité euro/monnaie nationale par le seul conseil européen afin que le système ne devienne pas anarchique.

 

On peut imaginer que dans un tel système souple et pragmatique pourraient se retrouver des pays européens actuellement attachés à leur monnaie nationale (Grande Bretagne et Suisse notamment). Ces pays pourraient ainsi adhérer à la zone euro sans abandonner leur propre monnaie (inversement, d’autres pourraient quitter la zone en douceur et donc sans drame). Le conseil européen leur délivrerait alors un label « euro » une fois les critères d’adhésion remplis (participation au fonds de réserve. Pour le reste, les traités européens prévoient déjà certains critères, ceux de Maastricht par exemple, valables même pour les membres hors zone euro). Le principal engagement que prendraient ces pays serait de ne pas modifier unilatéralement le taux de change de leur monnaie par rapport à l’euro.

 

L’euro aurait ainsi une chance de devenir la monnaie effective de l’ensemble de l’Union européenne, et même de pays hors UE, ce qui lui permettrait d’améliorer sa présence mondiale face au dollar.

 

XXX

 

Oublier les utopies fondées sur la rigidité dogmatique et revenir aux réalités. Ce n’est qu’à ce prix et avec cette méthode que la zone euro pourra éviter la catastrophe annoncée.

 

Cette démarche intellectuelle vaut pour l’ensemble de la « construction » européenne. Oubliez le rêve fédéraliste dont les peuples ne veulent pas et auquel les gouvernements ne pourront aboutir parce que leur utopie n’a aucune chance de recueillir un consensus et, tout, simplement, n’est pas du domaine du réalisable.

 

L’Europe n’est pas une Nation. Elle est formée de peuples divers qui ont leur personnalité et leur histoire. Ces peuples vivent sur un même continent et peuvent évidemment faire beaucoup de choses ensemble. Ils peuvent aussi y associer des peuples d’autres continents. Il ne devrait pas être interdit d’avoir des amitiés au-delà de Gibraltar et du Bosphore !

 

Toutes les fois qu’on peut harmoniser la vie des Européens, cela est souhaitable. Qui dit harmonisation, ne dit pas fusion. On peut coopérer en conservant son identité. L’économie ne doit pas être une dictature qui s’impose aux peuples et écrase la culture.

 

Sur cette base là, on peut continuer à coopérer au sein d’une Union débarrassée de ses oripeaux d’un fédéralisme mal imité d’un système américain qui n’a pas lieu d’être sur notre continent. Une Union sans « président » autre que tournant, une Union sans « ministre des affaires étrangères », sans soit disant politique commune de défense et de diplomatie alors qu’il n’existe pas et ne peut exister de structure fédérale. Une Union, en revanche fondée sur une volonté de coopération entre pays souverains et entre peuples fiers de leurs identités forgées par des siècles d’histoires nationales.

 

C’est avec cet état d’esprit, que l’Europe restera une zone de civilisation de référence. C’est la diversité qui fait la richesse de l’Europe, non la recherche d’une uniformité utopique qui entrave la richesse de l’ensemble.

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Yves Barelli, le 24 juillet 2011

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commentaires

A
<br /> Personnellement, j'aurais écrit "l'euro est sauf", mais pourquoi pas au féminin ? Pourquoi ne pas faire de l'euro une cocotte capricieuse, entretenue par de riches banquiers compromis dans des<br /> affaires louches avec des politiciens véreux ? Un peu convenu, comme feuilleton, mais ça pourrait être drôle.<br /> Peut-être, en réalité, cet emploi du féminin est-il induit par une crainte majeure pour le salut de l'Europe. On devrait lire alors "l'Europe est sauve avec l'euro". Quoi qu'il en soit, veuillez<br /> pardonner cette incursion futile dans un article aussi sérieux et documenté.<br /> <br /> <br />
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