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15 août 2018 3 15 /08 /août /2018 20:48

Les gorges de l’Ardèche sont l’un des endroits les plus beaux de cette mini-province du Vivarais, partie sous l’ancien régime du Languedoc et aujourd’hui rattachée à la région Rhône-Alpes dont elle constitue l’un des départements, celui de l’Ardèche. C’est en fait une région intermédiaire entre le Midi de la France (la langue autochtone est l’occitan), le couloir rhodanien et le massif central dont elle constitue un piémont : la rivière Ardèche s’en écoule et rejoint le Rhône à la limite entre les départements de l’Ardèche et du Gard. Cette rivière est typiquement méditerranéenne : son cours n’est pas long, mais il est en forte pente et son débit peut brusquement monter lorsqu’un violent orange s’abat sur la montagne.

 

Le Vivarais est une terre essentiellement rurale (il n’y a aucune grande ville) partagée entre la vallée du Rhône et la montagne.

 

Le châtaignier est l’arbre roi qui donne sa matière première, la châtaigne, à quelques spécialités culinaires locales. Le murier était traditionnellement un autre arbre courant ; on y élevait les vers à soie dont les fibres alimentaient les soieries de Lyon. Le figuier, quelques vignes, des troupeaux de moutons complétaient le tableau, presque immuable depuis des millénaires : quelques grottes attestent que nos ancêtres de Cro-Magnon peuplaient déjà la région. Ils y ont laissé quelques belles peintures sur les cavernes.  

 

Dans ces villages, les populations se partagent traditionnellement entre catholiques et protestants. Ces villages sont restés attachés à leurs traditions si admirablement chantées par Jean Ferrat dans sa magnifique chanson désormais emblème de l’Ardèche, « la montagne » :  

 

« Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu’au sommet de la colline
Qu’importent les jours les années
Ils avaient tous l’âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne
Les vignes elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C’était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S’il ne vous tournait pas la tête

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver? »

 

. Cet art de vivre attire un grand nombre de résidents secondaires et de vacanciers. Pour les amateurs de vacances sportives, la descente des gorges de l’Ardèche en canoë est un « must ».

 

Si j’ai tenu de vous parler du Vivarais avant de vous présenter la descente des gorges, c’est que nous sommes ici sur une terre qui a une identité, une histoire et une culture. Certains ne viennent que pour y faire leur sport hors sol, en quelque sorte. Ils sont là comme s’ils étaient au milieu du Népal ou de l’Andalousie. Ils passent à côté d’une richesse

 

Ce n’est pas mon cas Partout où je vais, je respecte la terre où je me trouve et les gens qui y vivent. Les oublier, c’est retirer les trois-quarts de son intérêt à un voyage.        


Voici donc mon récit :

 

Il y a déjà bien longtemps, presque dans une première vie, j’ai fait l’expérience, belle mais fatigante, de descendre les gorges de l’Ardèche, rivière qui a donné son nom au département, en canoë. C’est un grand classique.

 

Système bien organisé : en plus du canoë et des rames, on fournit un conteneur hermétique en plastique pour y mettre ses vêtements, argent, papiers, clefs de voiture, etc. C’est indispensable.

 

On part alors à deux. Moi, débutant dans ce sport, j’ai eu la chance de faire équipe avec une Tchèque, très expérimentée dans cette activité très populaire en Tchéquie. Heureusement pour moi car si on ne sait pas naviguer, l’embarcation se retourne dès le premier rapide.

 

Départ à proximité du Pont d’Arc, une arche naturelle spectaculaire qui enjambe la rivière.

 

Le courant d’une rivière dépend de son débit, de sa profondeur, de sa largeur et de sa pente. Quand la pente n’est pas trop forte et que la rivière est large et profonde, elle peut s’écouler paisiblement, même quand son débit est fort (en climat méditerranéen cela dépend des pluies ; il est donc très irrégulier). Si le débit est élevé, il suffit de se laisser porter par le courant. On pagaye donc très peu. S’il est faible, il faut ramer pour avancer.

 

Lorsque la pente devient plus forte ou que la rivière se trouve entravée par des hauts fonds rocheux diminuant le tirant d’eau, ou par des resserrements dus au relief, on a un « rapide », c’est-à-dire un emballement du cours, la vitesse de l’écoulement de l’eau compensant son moindre volume. C’est dans ce cas que seul un leader expérimenté peut éviter la catastrophe.

 

Le principe est en effet de ramer plus vite que le courant et de le faire plus intensément d’un côté que de l’autre afin de pouvoir incurver la trajectoire, ceci étant d’autant plus nécessaire qu’il y a des rochers au milieu à éviter. Pas facile !

 

Et encore plus difficile en période d’affluence (c’était le cas : en été) avec des embouteillages d’embarcations ! Dans les pays disciplinés (j’ai refait ensuite deux ou trois descentes en Tchéquie : là les gens respectent les règles), les canoës ne s’engagent dans les rapides qu’un à un en laissant de l’espace entre canoës. Ce n’est hélas pas le cas chez nous. En plus des rochers, il faut donc aussi éviter les imbéciles qui font n’importe quoi (idem sur les pistes de ski, activité à laquelle j’ai renoncé en France pour cette raison). Moi, je me contentais de pagayer à gauche ou à droite selon les instructions. De toute façon, je ne voyais pas grand-chose : quand on porte des lunettes, la visibilité est rapidement réduite par les éclaboussures, parfois des gerbes violentes, reçues. Une sacrée expérience ! Quand on a franchi un rapide, on peut souffler un peu…jusqu’au prochain.    

 

Sur la dizaine de kilomètres empruntée, il y a plusieurs de ces rapides qui procurent une émotion certaine, surtout dans la première partie du parcours. Dans la seconde, on est davantage en plaine avec de (trop) longues lignes droites où on ne s’arrête pas de ramer sans beaucoup avancer (en été le débit est plutôt lent).

 

Arrivé au terminus, on rend le canoë (que les organisateurs remontent sur des camionnettes spécialement aménagées pour en porter beaucoup) et on retourne au point de départ en minibus.

 

Pour ceux qui ne sont pas aussi sportifs (ou casse-cous) que moi, la trentaine de kilomètres qui sépare la plaine du Rhône de Vallon-Pont d’Arc, peut se faire en voiture. Spectaculaire aussi, avec quelques beaux points de vues sur la rivière…et ses rameurs. Il ne faut pas craindre les virages ; il y en a beaucoup

 

Cette aventure se passait il y a longtemps, au début des années 1990. Depuis, beaucoup d’eau a passé sous le Pont d’Arc. Mais la montagne a sans doute conservé la mémoire de mon épopée.../.

 

Yves Barelli, 15 août 2018              

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