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1 septembre 2017 5 01 /09 /septembre /2017 19:00

 

J’ai visité le célèbre site du Machu Picchu, dans les Andes péruviennes, il y a quelques années. Après avoir séjourné à Lima, je m’étais rendu en avion à Cusco, l’ancienne capitale des Incas, magnifique ville qui mérite un voyage à elle seule. C’est de là qu’on va au Machu Picchu. Voici mon journal de voyage.   

 

J’avais réservé par l’intermédiaire de l’ambassade [de France à Lima] et de l’Alliance Française [de Cusco] une excursion au Machu Picchu. Prix 130 $. C’est pas donné, mais il faut bien vivre ! Le tourisme est la seule ressource de Cusco. Ce forfait comprend l’entrée au site (prix sur place 10$), le train pour aller au pied du site (120 km de Cusco) et le car pour monter de la gare au Machu Picchu (2x6$ sur place), plus une voiture pour m’accompagner à la gare et venir m’y reprendre. Ça fait donc assez cher du train qui est d’un bon rapport pour ceux qui l’exploitent car c’est la ligne la plus fréquentée du Pérou.

 

Le train du Machu Picchu : 4 heures pour 120 km

 

On vient me chercher à l’hôtel à 5h45 du matin. Le train part à 6h15. C’est bien organisé. J’ai le numéro de mon wagon et de mon siège. En face du wagon, sur le quai, des pancartes portent le numéro de la voiture. On ne peut pas se tromper. Que des touristes dans le train (pour les autochtones, il y a des trains un peu moins rapides et sans doute moins confortables, mais certainement infiniment moins chers). C’est paraît-il la « basse saison », car c’est une période où il peut pleuvoir (été austral). Pourtant, le train est complet. Les sièges, disposés, quatre par quatre, ne sont pas de reste larges. Les wagons semblent tout droit sortir d’un musée. Ce train a du être moderne en 1940. Ça ne va pas être une partie de plaisir. La durée du trajet est d’un peu plus de quatre heures. Pour faire 120 km, ça ne fait pas une grosse moyenne. En face de moi et à côté un couple de deux Brésiliens accompagnés d’un enfant. Pas spécialement des faméliques des « favelas » : la femme est obèse et son fils pareil ; seul l’homme est un peu plus normal. Mais cela est rien : ces braves gens ne vont pas s’arrêter de parler pendant tout le voyage. Arrivé à destination, j’avais, comme on dit, la tête comme un tambour. L‘enfant devait être habitué à cette logorrhée verbale de ses parents, il a préféré dormir pendant tout le voyage. Heureusement que je suis assis à la fenêtre. Je vais pouvoir essayer de m’échapper un peu de leur verbiage en regardant le paysage.

 

Nous quittons la gare à vitesse réduite. On monte tout de suite sur les hauteurs qui entourent Cusco, nous élevant péniblement vers un col situé à plus de 3 600 m d’altitude, avant une longue et progressive descente jusqu’à notre destination.

 

La petite voie ferrée que nous empruntons traverse des quartiers populaires situés sur les hauteurs. On est à quelques mètres des maisons. On croise quelques rues et on longe des épiceries et autres petits commerces. Des gens marchent le long de la voie et nous saluent. Pas mal de chiens assis ou couchés.

 

Les ingénieurs qui ont construit la voie ferrée ont résolu le problème de la pente en organisant, à trois reprises, des va et viens. Le train passe un aiguillage, s’arrête un peu plus loin, puis part à reculons pour bifurquer vers le haut. Au bout de quelques km, il effectue la manœuvre inverse pour se remettre dans le bon sens. Tout cela, on s’en doute, n’est pas rapide. On a largement le temps d’admirer la belle vue sur Cusco dont on aperçoit, comme en avion, mais plus longtemps, la Place d’Armes et ses églises qui en émergent. 

 

On finit par passer le col. On est définitivement sorti de l’agglomération cusqueña. On traverse désormais la campagne, parfois verdoyante, d’autres fois un peu plus pelée. On traverse des villages à grands coups de sifflets pour prévenir les habitants. Dans l’un d’eux un marché indien est visible sur notre droite ; les femmes sont en costume typique et elles portent de longues tresses. Les animaux sont assez nombreux : ânes, vaches, chèvres, animaux de basse-cour, gros cochons aussi, noirs ou bruns. En revanche, quasiment pas de lamas. Coïncidence ou réalité représentative, dans mes trois voyages récents effectués en Equateur, en Bolivie et au Pérou, j’ai vu très peu de lamas. Habitent-ils des zones où je ne suis pas allé ou, tout simplement et plus probablement, tendent-ils à disparaître du paysage, remplacés par des animaux plus pratiques tels les ânes ? Moi qui pensait en voir de partout, j’ai été étonné, et même déçu.

 

En descendant la montagne, on atteint, après avoir effectué un dernier va et vient, le fond d’une vallée. On ne va plus quitter la rive d’une rivière qui, de kilomètre en kilomètre, est de plus en plus large et impétueuse. C’est le rio Urumbamba, déjà si puissant alors qu’il n’est qu’un petit affluent qui va se jeter une centaine de kilomètres plus loin dans une rivière plus forte encore, elle-même obscur affluent d’un affluent du rio Marañon, l’une de ces rivières-fleuves qui alimentent l’Amazone dans le Nord-Est du Pérou, encore à 5 000 km de l’océan Atlantique. On dit que les petits ruisseaux forment les grands fleuves. En l’occurrence, il y a des centaines de rios Urumbamba, des centaines de ces grosses rivières qui  en d’autres terres seraient des fleuves, qui vont alimenter le macro-fleuve géant. Je n’ai encore jamais vu l’Amazone, mais je l’imagine. L’été dernier, je suis allé sur l’Orénoque, au Vénézuéla. Son cours est un Amazone en taille réduite. A 500 km de son embouchure, l’Orénoque a 7 km de large et le car-ferry qui le traverse a besoin d’une demi-heure pour atteindre péniblement l’autre rive. Alors, j’imagine l’Amazone ! [Depuis la rédaction de ce texte, je suis allé en Amazonie et ai navigué sur le fleuve : impressionnant, en effet, une véritable mer intérieure]

 

Cette puissante rivière que nous longeons se creuse une vallée de plus en plus profonde entre les montagnes abruptes. Par endroits, on en aperçoit des sommets lointains enneigés. Lorsque le soleil perce, cette neige étincelle d’une lumière vive qui contraste avec les pentes sombres qui plongent parfois en à pics sur la rivière.

 

La place entre la rivière et les falaises qui la bordent est si étroite que la voie ferrée y semble accrochée. Elle perce les parties les plus resserrées par des tunnels. Ce pauvre train tangue de virage en virage. On a parfois l’impression qu’il est prêt à tomber dans le vide.

 

Il n’y a pas d’autre possibilité pour aller au Machu Picchu que ce tortillard. Ce site se mérite ! On pourrait gagner une heure en se rendant par la route, et ensuite une mauvaise piste, jusqu’à la moitié du trajet, mais ensuite, il n’y a que ce train. Autrefois, on pouvait aller jusqu’au pied du site en hélicoptère, mais le service a été interrompu il y a quatre ans.

 

On arrive enfin à la gare d’Aguas Calientes vers 11h20. On descend du train et on fait cinq cent mètres à pied jusqu’à la station des cars. On ne peut pas se tromper. Tous les touristes sont à la queue leu le. Il n’y a qu’à les suivre.

 

Une montée vertigineuse

 

Les cars sont les uns derrière les autres. On n’attend pas. Sitôt sorti du village, on attaque une route non revêtue où seuls passent les cars. Les virages en épingle à cheveu vont se succéder sur la dizaine de kilomètres de la montée. On est au dessus du vide. Il n’y a pas de barrières de sécurité. Ceux qui croient en Vichnou prient ; ils seront peut-être réincarnés en lamas ou en Incas. Pour les autres, ou on ferme les yeux ou on fait confiance au conducteur, en espérant qu’il n’a pas abusé à midi de « pisco » cet alcool local. En espérant aussi que les véhicules sont en bon état et qu’un pneu ne va pas éclater, ce qui nous enverrait à coup sûr quelques centaines de mètres plus bas. En bas, on voit le village de plus en plus petit, ainsi que la rivière puissante longée tout à l’heure et qui, maintenant, a l’allure d’un mince filet d’eau. Et tout autour, des montagnes avec des falaises vertigineuses. En pays tropical, l’érosion taille souvent des cônes abrupts, style le Pain de Sucre de Rio. Nous sommes entourés de plusieurs « pains de sucre » recouverts d’une abondante végétation vert foncé. C’est impressionnant. On a l’impression d’être loin de tout, en un lieu étrange, étrangeté encore accrue par tout ce qu’on a pu lire auparavant sur le Machu Picchu, lieu magique emprunt de mystère.

 

Aguas Calientes est à 2 050 mètres d’altitude. Le Machu Picchu à 2 800 mètres. La différence est ce que nous venons de monter à flanc de coteau.

 

Dans un dernier virage, on aperçoit enfin le site tant attendu.

 

Il y a des lieux dans le monde où je rêve d’aller depuis que je suis enfant, depuis que je sais qu’ils existent. Lorsque j’étais au cours préparatoire, on m’appelait déjà « le géographe ». Je connaissais toutes les capitales du monde, il est vrai moins nombreuses qu’aujourd’hui. Je n’ignorais rien de « nos » colonies, y compris celle que j’appelais « madame Gaspard » (Madagascar). Parmi les « prix » de géographie que j’avais reçus, je me souviens que l’un décrivait la « mystérieuse île de Pâques ». Je l’ai visitée en 1991. Un autre décrivait les « chemins inca »  de la cordillère des Andes. Il y a longtemps que le Machu Picchu me fascinait. Il y a longtemps que je voulais y aller. J’y suis enfin ! 

 

Machu Picchu fascinant et mystérieux

 

Le Machu Picchu, autrement dit la « vieille montagne » en quechua, est un site exceptionnel. Les ruines, étendues sur un kilomètre de long et cent à deux cent mètres de large, se visitent assez vite. On y voit de remarquables illustrations de l’architecture inca. Les murs sont  constitués de grosses pierres, en général de 30 à 40 cm de large, qui sont si bien taillées et polies, si bien ajustées, qu’on serait bien en peine d’y découvrir le moindre interstice. Tout cela, rappelons-le, sans ciment ni mortier.

 

Mais les ruines ne sont pas le plus intéressant. Ce qui est fascinant, c’est le site grandiose et ce que représente cette ancienne cité.

 

Sitôt entré dans le site, je prends un sentier escarpé qui m’éloigne un peu des troupeaux de touristes et qui me permet de grimper de 100 à 200 mètres au dessus des ruines. J’arrive en fait au débouché d’un sentier appelé « chemin inca » qui fut longtemps le seul lien de la cité avec le reste du monde. Cette ascension essouffle vite car à presque 3 000 mètres d’altitude, l’oxygène est déjà rare. Il faut savoir s’arrêter et récupérer, sinon c’est l’asphyxie assurée.

 

De mon perchoir, le plus haut du site, je domine l’ensemble de Machu Picchu et son environnement. C’est fantastique. A mes pieds, la cité, étirée en longueur entre deux montagnes, celle où je me trouve, et un énorme pain de sucre qui figure sur toutes les photos du site. J’en fais moi aussi, même si c’est pas très original. On se dit toujours que la sienne sera la meilleure. Sur la droite et sur la gauche, des à pics vertigineux de près de 1 000 mètres, avec la rivière décrite plus haut, la même de part et d’autre, car elle contourne aussi le pain de sucre.                

 

Je reste ainsi un bon moment à contempler ce site grandiose. J’essaie d’imaginer comment c’était « avant ». Je rêve aussi aux sensations que je ressentirais si je me trouvais là tout seul, sans ces hordes de visiteurs contre lesquels je n’ai rien à reprocher de particulier si ce n’est de se trouver ici en même temps que moi. Je les vois, en bas, comme des fourmis processionnaires qui porteraient des appareils photos à la place de mies de pains. Mais comment fera-t-on dans vingt ans quand des dizaines de millions de Chinois et d’Indiens viendront visiter le monde (ils commencent déjà). Devra-t-on acheter le billet d’entrée aux pyramides de Gizeh, au Colisée et au Machu Picchu vingt ans à l’avance ? Ou, une fois de plus, fera-t-on une sélection par l’argent avec l’entrée au Louvres au prix d’un repas chez Maxim’s ? A moins que, comme pour les grottes de Lascaux, on ne réserve ces sites à quelques spécialistes, le commun des mortels se contentant de reproductions grandeur nature. Je ne sais, mais sans doute faudrait-t-il commencer à y penser.

 

Un air de mystère se dégage de ce lieu. Je pense, en m’en imprégnant, à Montségur et aux Cathares. Les derniers Incas n’y ont pas été brûlés comme les derniers « parfaits », mais ils ont, eux-aussi, irrémédiablement disparus. Leur âme doit hanter ces ruines la nuit, une fois les derniers touristes partis, ils doivent pleurer sur un monde perdu à jamais. Ils peuvent pleurer sur tous les génocides culturels perpétrés de par ce monde. Et je ne peux m’empêcher, parce que ce lieu me fait penser à Montségur, de rêver à ce qu’aurait pu devenir l’Occitanie si les croisés du pape et du roi ne l’avaient anéantie au 13ème siècle, deux siècles avant l’assassinat du dernier Inca. L’inquisition fut inventée pour juger les Cathares (et ceux qui ne l’étaient pas, mais qui auraient pu l’être, suivant en cela les tristes paroles de Simon de Montfort lorsqu’il mit Béziers à sac: « tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »). Elle servit ensuite en Espagne pour éradiquer l’islam et le judaïsme. On lui fit ensuite traverser l’Atlantique et sévit dans toute l’Amérique. Autre point commun entre Machu Picchu et Montségur.

 

Comme pour Montségur et les Cathares, toutes sortes d’histoires ont circulé sur le Machu Picchu. De fait, le mystère reste entier, porte ouverte à toutes les suppositions, même les plus fantaisistes. On y a vu un point d’arrivée d’extraterrestres. On a spéculé sur les formes des constructions et de la montagne qui pourraient avoir des significations ésotériques.

 

Mais qu’était en réalité Machu Picchu ? Probablement une cité funéraire et un lieu de culte. Peut-être aussi, un point d’observation astronomique, fonction d’ailleurs étroitement associée chez les précolombiens au culte du Soleil et de la Lune. Mais dans ce monde sans écriture, rien ne permet de savoir exactement à quoi servait ce site.

 

L’aspect mystérieux est renforcé par le fait que le Machu Picchu avait probablement été abandonné avant la conquête des Espagnols. Ces derniers n’y sont jamais allés et, semble-t-il, n’en soupçonnèrent même pas l’existence. Le site a, en fait, été découvert par hasard par un Américain, Hiram Bingham, en 1911. Il mit plusieurs années avant de le dégager d’une abondante végétation (que l’on ne soupçonne absolument pas aujourd’hui) et il faudra attendre encore longtemps avant que le site ne soit rendu accessible par la construction de la voie ferrée (je n’ai pas l’année de sa construction) et de la route depuis Aguas Calientes. L’existence de ces ruines était connue depuis toujours par les paysans de la région, mais ils n’en avaient pas parlé, et d’ailleurs personne ne leur avait jamais rien demandé. De telles cachotteries ne sont pas si rares. Des chercheurs qui s’intéressent au domaine occitan ont découvert que des histoires cathares se racontent encore dans certains coins de l’Ariège sept siècles après la fin des « Albigeois ». Des chansons, qui font partie du folklore local, comme « lo boier vèn de laurar» (le bouvier vient de labourer) ont un sens caché grâce à des mots à double sens. On peut imaginer qu’il en va de même dans la région de Cusco. Cette recherche dans le folklore local est une piste que je suggère aux étudiants quechuaphones de l’université de Cusco. Je ne serais pas étonné que par ce biais on perce quelques mystères du Machu Picchu.

 

Mais le Machu Picchu n’est pas un cas unique chez les Incas, comme Montségur n’était pas la seule forteresse cathare. On a découvert dans les environs d’autres sites plus ou moins comparables. L’employée de l’agence de voyage qui m’a vendu l’excursion et qui est venue me rechercher le soir au train m’a dit qu’elle avait récemment fait une expédition de plusieurs jours jusqu’à un site grandiose complètement isolé dans la montagne et découvert il y a peu. Elle m’a dit avoir eu l’émotion de sa vie en contemplant ce lieu aussi mystérieux et plus sauvage encore que le Machu Picchu. Voici la solution pour les dizaines de millions de futurs touristes chinois : leur proposer dix Machu Picchu.

 

Le début de ma visite était sous le signe du beau temps, avec même un beau soleil. Mais, en montagne, le temps peut changer rapidement. Au bout d’une heure, le ciel s’assombrit et la pluie se mit à tomber. J’ai terminé la visite sous une pluie battante. J’avais heureusement pensé à emporter un parapluie. J’ai pourtant dû m’abriter sous une ruine au plus fort de l’orage.

 

Retour à Cusco

 

Vers 14 heures, je décide de redescendre. J’ai encore le temps, mon train n’est qu’à 16h30. mais j’ai vu l’essentiel. Faire la queue leu le derrière les touristes n’est déjà pas drôle. Le faire sous les parapluies et au milieu des flaques l’est moins encore. Je reprends un car qui me redescend dans la vallée. Le temps de trajet est d’environ une demi-heure.

 

En bas, le soleil ressort.  Je passe les deux heures qui me restent à manger un morceau dans un restaurant, puis à déambuler au milieu des boutiques de souvenirs d’Aguas Calientes. Je commence à être blasé. Le Pérou ressemble à la Bolivie et, par rapport à l’Equateur, c’est du pareil au même. Il y a beaucoup de choses, mais rien d’original et, quand il s’agit d’acheter des souvenirs, je ne suis jamais très fort. Entre la pacotille et la qualité, je fais rarement la différence. Alors, je n’achète rien. J’ai besoin de rien. Je n’aime pas acheter à Paris. Pourquoi serait-ce différent au Pérou ?

 

Je reprends le train à 16h30. Aussi bourré qu’à l’aller. Je revois sur le quai mes Brésiliens. Je crains que nous n’ayons les mêmes places qu’à l’aller. Heureusement que nous montons dans des wagons différents. Le mien est cette fois quasiment plein de Coréens. En face de moi, l’un d’eux se met, sans que je lui demande rien, à me poser des questions ; « Do you speak English ? – yes, I do », « Where are you from ? ». Moi, j’ai vraiment envie de parler avec personne ; je suis encore dans le mystère du site et dans mon rêve irréalisable d’y être seul. Alors, ses questions, qui ressemblent à un interrogatoire de police, m’énervent et je lui réponds : « I’m a citizen of the World » et me replonge dans mon guide touristique. Il me fichera ensuite la paix.

 

Divine surprise. Dans une gare intermédiaire (il y en a deux), l’ensemble du groupe coréen descend. Pour les trois heures qui restent, nous ne serons plus qu’une dizaine de personnes dans le wagon. Ça change tout. En avion pareil. Plein c’est un supplice, aux trois-quarts vide ça devient le bonheur. Le train mène son allure de sénateur pépère au bord des flots impétueux de la rivière qu’on voit de moins en moins parce qu’il commence à faire nuit, petite allure rythmée de grands coups de sifflets lorsqu’on traverse des villages. Je traverse ce Pérou profond issu du fond des âges, terre des Incas et des Conquistadores, terre aussi, il n’y a pas si longtemps, du « Sentier Lumineux », ce groupe terroriste maoïste qui a dénaturé par sa violence stupide une cause qui aurait pu être juste, terre de contrastes et d’espoirs déçus, terre aussi d’espérance, peut-être, en un avenir meilleur.

 

Les derniers zigzags de ce petit train me donnent une magnifique vue nocturne sur les lumières de Cusco et de sa cathédrale. J’y parviens à 21 heures. On m’amène à l’hôtel. Je suis plutôt fatigué, mais satisfait. J’ai vu le Machu Picchu. C’est un peu long pour y aller. C’est fait, c’est plus à faire. Reste le souvenir que ce récit m’aidera à conserver vivant dans ma tête.

 

Yves Barelli, janvier 2005

 

Mis en ligne sur mon blog le 1er septembre 2017

 

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