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28 février 2017 2 28 /02 /février /2017 23:52

Après le retrait de la candidature de Budapest, il n’en reste que deux, celles de Paris et de Los Angeles. Paris a donc de bonnes chances, ou plutôt de bonnes malchances, d’abriter la reine des manifestations sportives. Malchance, en effet, car, comme tous les précédents, les jeux coûteront beaucoup plus que le budget présenté au Comité Olympique International. Et cela pour des retombées économiques et politiques particulièrement minces. Tant qu’à abriter des jeux, la France aurait plutôt eu intérêt à présenter la candidature d’une ville de province. Lyon ou Toulouse en particulier, les mieux placées en termes d’équipements existants ou à construire et en retombées potentielles. Près de cinquante ans après les JO de 1968, Grenoble, alors sortie de l’anonymat, continue à en bénéficier. Idem pour Barcelone 1996. Rien de tel à attendre pour Paris avec, en revanche, un gouffre financier, des défis quant à la sécurité et des retombées qui risquent d’être, au mieux neutres et au pire négatives.

1/ Le budget prévisionnel présenté pour la candidature de Paris est de 6,2 milliards d’euro, dont 3,2 pour le déroulement des jeux, 1,7 pour les équipements sportifs et 1,3 pour les infrastructures de transports. 1,8Md serait à la charge du CIO, 1,4 du privé et 3 sur fonds publics, donc directement à la charge du contribuable. Le budget présenté par Los Angeles est un peu plus faible : 5,3Mds€ dont 2 payés par les sponsors.

Deux remarques. La première est que certaines dépenses peuvent être considérées comme des investissements durables qu’il faudrait peut-être faire en l’absence de jeux. Exemples : stades qui manquaient auparavant, autoroutes, nouvelles lignes de métro, cité olympique transformable ensuite en logements. Je ne dispose d’aucune information suffisante pour porter une appréciation s’agissant de Paris. Une partie des nouveaux équipements sera certainement utilisable après les jeux. Combien ? Je n’en sais rien.

La seconde est que tous les jeux passés ont vu leur coût réel bien supérieur aux prévisions, toujours minimisées afin d’obtenir l’adhésion du public mais aussi du CIO qui recommande des jeux « modestes ». Ainsi les jeux de Londres 2012 ont coûté de l’ordre de 13Mds contre 3 prévus (et 4,8 après une première réévaluation), soit 3 à 4 fois plus. Ce même multiplicateur a été constaté pour Athènes et Barcelone, tandis que Pékin aurait coûté dix fois plus. Rio est d’ores et déjà considéré comme un gouffre difficile à chiffrer tant la corruption et les trucages de chiffres ont été flagrants.

Dans l’histoire, seuls les jeux de Los Angeles de 1984 ont été financièrement positifs. Mais ce cas de figure n’est pas transposable à d’autres villes. Ces jeux étaient intégralement organisés par une entreprise privée qui a pu jouer sur des recettes impossibles ailleurs : droits télé élevés payés par les grands « networks » US, billets d’entrées chers, paiement de toutes sortes de prestations comme par exemple les droits payés par les municipalités pour accueillir la flamme olympique sur le parcours, enfin contributions des sponsors à hauteur du quart du coût des infrastructures (par exemple Mc Do a financé la piscine olympique). Il convient toutefois de rappeler que, aux Etats-Unis, le mécénat permet des allégements fiscaux considérables, de sorte que, au final, cela revient à un financement partiellement public : quand la « générosité » vient en déduction des impôts des mécènes, c’est en fait les contribuables « ordinaires » qui payent. Dans tous les cas, même dans le cas de LA (qui veut probablement rééditer le même type d’organisation pour 2024), les jeux coûtent cher pour le pays ou la ville qui les organisent.

2/ En retour, on peut attendre des retombées.

Dans certains cas, ces retombées ont été très positives, dans d’autres bien en-deçà de l’attente.

Helsinki 1952, Rome 1960, Tokyo 1964, Innsbruck 1964 (hiver), Grenoble 1968 (jeux d’hiver), Munich 1972, Séoul 1988, Barcelone 1996, et même Pékin 2008 (malgré un coût extravagant) ont été utiles pour des raisons variées (qui souvent se combinent). Helsinki a fait connaitre la Finlande ; Rome a marqué l’entrée de l’Italie dans les « trente glorieuses » et leur prospérité (on a parlé de « miracle italien »), Innsbruck et Grenoble ont eu des retombées économiques considérables en termes de fréquentation des stations de ski grâce à la soudaine notoriété de villes jusque-là peu connues. Munich, Séoul et Pékin, comme Rome ont joué un rôle politique important en faisant entrer ou en confirmant ces pays dans leur statut de grande puissance. C’est ce qu’ambitionnait aussi le Brésil avec les JO de 2016 venant juste après le « mondial » de foot. Malheureusement, ces manifestations ont été un fiasco car elles se sont déroulées dans un pays en pleine crise économique et politique.

Lorsque les équipements ont été intelligemment pensés et que les jeux se sont déroulés en dehors des capitales, cela a permis de financer sur budgets nationaux des équipements que les villes ou les régions auraient mis des décennies à réaliser. Grenoble en est un magnifique exemple : voies rapides dans toute l’agglomération (encore très rares ailleurs en France à l’époque), cité olympique transformée en quartier modèle d’avant-garde, équipements sportifs de qualité en ville (la patinoire par exemple) et dans les stations (tremplin de saut par exemple). On peut faire la même remarque pour Innsbruck, Munich ou Barcelone. Ceux qui, comme moi, ont connu la capitale catalane avant les jeux et après, ont constaté qu’elle est passée du jour au lendemain du statut de capitale provinciale aux équipements réduits à celle de grande métropole internationale n’ayant rien à envier à des cités plus grandes. Et Barcelone a eu de la chance car le « tempo » était bon : pays en forte expansion, dotations européennes et tout cela avant la crise de la décennie suivante. Le « boom » de Barcelone en termes de notoriété, prestige et donc de fréquentation touristique, mais aussi d’organisation de manifestations sportives, culturelles, de congrès, mais aussi d’investissements économiques n’ayant rien à voir avec le sport a été tel que la ville en touche encore les dividendes aujourd’hui (ce qui est encore le cas, aussi, malgré le temps, de Grenoble).

En revanche, lorsque on a construit à la va-vite des équipements rapidement obsolètes parce que de mauvaise qualité ou inadaptés à une utilisation ultérieure, on peut parler de gabegie. C’est le cas, spectaculairement, d’Athènes 2004 et de Rio 2016. On estime que le budget grec a été si plombé qu’il a joué un rôle important dans la faillite du pays. Rio est, de son côté, en cessation de paiement et le budget fédéral n’a plus ni la possibilité ni la volonté de renflouer la ville et l’Etat de Rio.

3/ Le bilan de l’organisation des JO n’est donc pas nécessairement négatif, mais il peut l’être.

Qu’en serait-il de Paris ? Probablement un gros déficit que, néanmoins, sauf crise économique majeure d’ici là, la France aura les moyens de combler sans effort excessif.

Les retombées économiques s’avèrent plus qu’aléatoires et sans doute négatives. La ville de Paris est ultra-connue dans le monde. En termes d’image et de notoriété rien, donc, à attendre. S’agissant de la fréquentation touristique, le solde ne devrait pas être sensiblement positif, peut-être même négatif. Le même phénomène a été constaté à Londres : plus de sportifs et de spectateurs certes mais, avec des prix d’hôtels en hausse et des restrictions à la circulation du fait des contraintes de sécurité, les touristes ordinaires, mais aussi les hommes d’affaire, ont évité Londres pendant les jeux et éviteront Paris si, par malchance, la capitale française est sélectionnée.

2024 est encore très loin. Quelle sera la situation politique, sécuritaire et économique de la France en 2024 ? Impossible à prévoir. Certes, l’euro de foot s’est déroulé sans encombre malgré la menace terroriste, mais au prix d’un déploiement sans précédent des forces de l’ordre. Et on a eu de la chance : le risque zéro n’existe pas.

Ce n’est pas le seul problème. La délinquance et les incivilités sont en hausse constante à Paris. Tous les étrangers le disent, ce qui a fait chuter la fréquentation touristique. Si on veut présenter une image au moins passable, il faudra faire un sacré effort d’ici là. Si cet effort est fait parce qu’on a les jeux, ce sera au moins cela de positif.

Globalement, donc, il ne semble pas que l’organisation des JO en 2024 à Paris soit vraiment bénéfique pour la France. Dans le meilleur des cas, on peut espérer quelques équipements supplémentaires, par exemple en ce qui concerne les liaisons avec les aéroports, actuellement mauvaises. Sur le plan politique, tout dépendra de la situation de la France en 2024. Si elle est meilleure, les jeux n’apporteront rien de plus ; si elle est pire, ils ne la compenseront pas.

4/ Je note que les JO ont été le plus souvent bénéfiques lorsqu’ils ont été organisés en dehors des capitales. J’ai cité les exemples de Grenoble, Innsbruck ou Barcelone. On pourrait aussi citer Melbourne 1956, Montréal 1976, Calgary 1988 (hiver), Atlanta 2000 ou Turin 2006 (hiver). Toutes ces villes, plus ou moins connues dans le monde auparavant et parfois même presque inconnues, ont acquis une notoriété grâce aux jeux qui s’est généralement traduite les années suivantes par plus de fréquentation pas seulement touristique mais aussi économique (congrès, voire investissements), sans compter les équipements que ces villes n’avaient pas parce qu’elles n’étaient pas des capitales.

5/ C’est pourquoi j’estime que, en présentant Paris, qui risque d‘être retenu et qui n’apportera rien, la France a raté une occasion, celle de promouvoir une autre ville sur la scène internationale avec toutes les retombées que cela peut laisser espérer.

Les villes potentiellement candidates doivent évidemment répondre à tout un tas de critères (équipements déjà existant et raisonnablement à construire, capacité d’hébergement, lignes aériennes, transports urbains, etc).

Les villes possibles en France se comptent sur les doigts d’une seule main. Ce sont les grandes métropoles régionales. Strasbourg ou Nantes sont un peu petites, Nice est déjà saturée, Marseille, en crise presque permanente relativement peu apte à accueillir une telle manifestation. Bordeaux n’a pas de métro et des équipements un peu justes.

La solution la plus facile serait Lyon, seule grande métropole française de taille réellement continentale en dehors de Paris. Les équipements, pour l’essentiel, existent, les transports sont adéquats. Des jeux à Lyon, ce serait placer la « capitale des Gaules » au rang de Barcelone. La France aurait tout à y gagner.

Une solution plus volontariste encore serait de promouvoir Toulouse. La capitale occitane est certes à un niveau inférieur à Lyon. Mais ce serait l’occasion de la propulser à un rang supérieur et, avec elle, le Grand Sud de l’hexagone qui est une région magnifique à la forte identité et qui gagnerait à être davantage connue à l’étranger.

La France n’est pas seulement Paris. Quand le comprendra-t-on sur les bords de la Seine ?

Yves Barelli, 28 février 2017

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