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8 juillet 2016 5 08 /07 /juillet /2016 23:53

La France médiatico-politique est entrée en transe : les « Bleus » ont battu les allemands et sont en finale de l’ « euro » de foot. Depuis hier, nos télévisions ne parlent que de cela. Le foot, grande cause nationale, un exutoire à toutes les frustrations d’un peuple qui semble avoir perdu confiance en lui-même et en son pays. Je ne vais pas me faire que des amis en le disant, mais je suis franc : je trouve le spectacle de ces « franchouillards » brailleurs lamentable.

1/ Le sport est une activité magnifique qui permet de se surpasser et qui peut révéler ce que nous avons de meilleur en nous. De pire aussi lorsque la rage de vaincre, légitime, s’accompagne de cette affreuse maximise selon laquelle « la fin justifie les moyens », synonyme de mépris pour l’adversaire et pour l’éthique.

Malheureusement, lorsque le sport est dévoyé par l’appât du gain d’argent ou par la récupération politique, il s’accompagne de toutes les dérives.

Trop d’enjeux entourent désormais le sport, du moins les sports les plus médiatisés. Le football en est devenu l’archétype. Il est vrai qu’il est populaire et qu’il draine des millions de gens dans les stades et devant les petits écrans. Il est vrai aussi qu’il génère des sommes colossales d’argent. Pas seulement les joueurs aux salaires mirobolants. Mais aussi les droits de télévisions, les produits dérivés et toute la publicité qui l’entoure.

On pourrait dire que cela n’est pas nécessairement un mal en soi. Après tout, c’est une question d’offre et de demande. On offre un spectacle et des millions de gens sont prêts à payer cher pour le voir. Et ils payent de diverses façons : directement par les billets d’entrée, mais aussi indirectement lorsqu’ils achètent les produits dont ils subissent les publicités et lorsque, par leurs impôts, ils financent la construction de stades et autres équipements.

Dans le cadre du système capitaliste qui nous régit, cela est sans doute normal.

Ce qui l’est moins, et même pas du tout, est en revanche le fait qu’on ait laissé se développer les pratiques douteuses et même carrément mafieuses qui transforment le monde du foot à haut niveau en aspirateur à fric et en système généralisé de détournement d’argent, y compris public, et de corruption, comme les récents scandales de la FIFA, face émergée d’un iceberg bien plus massif, l’ont montré.

2/ A ce contexte peu reluisant dans lequel se déroule l’ « euro », s’en ajoute un autre, celui de la dérive du sentiment patriotique, noble, vers un nationalisme étroit, dangereux, et vers le chauvinisme, attitude répréhensible et même ridicule.

Certains diront : la France est en crise, le mécontentement est général, le président et le gouvernement sont au plus bas dans les sondages ; alors, on détourne leur attention vers l’euro en organisant un immense matraquage médiatique.

Je ne crois pas que ce soit réellement cela. Le gouvernement est sans doute content que, pendant quelques jours, on parle moins de chômage, de « loi travail » ou d’article 49-3 de la Constitution (qui permet de faire adopter un texte sans vote).

Mais, si les Français se passionnent pour le foot et pour les Bleus, ils le font tout seuls. Ils n’ont pas besoin que le gouvernement les y pousse.

Je crois en fait que cet « euro » est un exutoire pour un peuple en crise en mal de projet et de réussite collective. La France a été une grande Nation. Elle pourrait le redevenir si elle le voulait et si le système le lui permettait. Mais ce n’est pas le cas. Les Français ont perdu confiance, collectivement, en eux et en leur pays. Dans ce monde mondialisé, leurs valeurs sont battues en brèche et leur identité même est menacée.

Alors, pour un instant, et pour un instant seulement, on se prend à rêver. Rêves de grandeur et de réussite. Rêve que nous sommes les plus forts, et, en particulier, que nous sommes plus forts que les Allemands dont la supposée réussite (sur laquelle il y aurait beaucoup à dire) ventée quotidiennement par nos médias suscite chez nous frustrations et agacement.

3/ Mais je vais être rabat-joie. Je ne crois pas que la fin justifie n’importe quel moyen. Je crois au contraire que gagner dans de mauvaises conditions est pire que perdre dans l’honneur. Mon modèle est plutôt la petite Islande (mon article du 27 juin sur ce blog : « Euro 2016 : magnifique Islande ») qui sait perdre avec le sourire : dans ce pays, les supporters (à commencer par leur président de la République assis sur les gradins au milieu de ses compatriotes et non dans un salon VIP) font corps avec leur équipe qu’ils encouragent et qu’ils remercient, même quand elle perd, remerciements que les joueurs leur rendent.

Personnellement, et je m’en excuse, lorsque je vois un joueur faire une mauvaise action, lorsque je vois une équipe faire de l’antijeu simplement pour protéger une avance et, plus encore, lorsque je vois un arbitrage inéquitable, je m’insurge. Et si l’équipe de France gagne par ces mauvaises méthodes, alors, je soutiens l’équipe adverse.

Cela est arrivé plus d’une fois. On se souvient tous de la qualification il y a quelques années de la France contre l’Irlande grâce à une main non sanctionnée. Dans cet euro même, on a remarqué (fait vite gommé par nos médias) que la France a bénéficié face à la Suisse d’une faute non sanctionnée d’un pénalty.

Hier, on a dépassé les bornes dans l’injustice. L’arbitre italien a systématiquement sanctionné les fautes allemandes et peu les françaises. Le pénalty discutable qu’il sifflé au profit de la France a, contre le cours du jeu, donné un avantage décisif aux Bleus en déstabilisant l’équipe d’Allemagne. Cet arbitre a-t-il voulu venger l’austérité imposée à ses compatriotes par madame Merkel ou a-t-il été sous la pression du formidable enjeu national et commercial pour la France de ce match ?

Peu importe. Je ne vais pas pleurer sur le sort des Allemands. Après tout cette injustice à leur égard compense celle de 1982 à Séville contre la France.

« On a gagné ». Tant mieux. Mais pas avec la manière. Et il serait honnête de le reconnaitre.

4/ L’équipe de France de cette année fait sans doute ce qu’elle peut. Elle n’est pas d’un niveau extraordinaire, à l’image d’ailleurs de l’ensemble de cet euro. Quelques joueurs ont brillé et l’attitude de l’équipe et de son entraineur parait plutôt bonne. Elle contraste même avec les dérives qui ont entaché cette équipe ces dernières années (notamment lors du mondial d’Afrique du Sud). Il est vrai qu’on a écarté quelques voyous footballistiquement performants mais moralement nuls. Tant mieux.

De là à dire qu’on peut être enthousiasmé, il y a un fossé.

En fait, cette équipe s’est hissée au niveau inespéré de la finale par la chance (ses adversaires du premier tout n’étaient pas les meilleurs), aidée en l’occurrence par un bon tirage au sort des groupes et par un arbitrage presque toujours favorable.

Dans ces conditions, j’avoue que je ne comprends ni l’enthousiasme des médias (cela est loin d’être anodin et gratuit), ni celui des supporters. Je trouve tout simplement leur spectacle affligeant.

Et affligeant et ridicule. Je dois dire que si j’étais allemand, je ne pourrais m’empêcher d’être méprisant pour ces Français qui compensent leurs échecs économiques par une victoire acquise sur leur terrain avec la complicité d’un arbitre partial.

5/ La France est en crise, je l’ai écrit plus haut. Il est temps que les Français se réveillent, défendent leur identité et leurs valeurs, se libèrent du joug de l’Union européenne et luttent enfin avec les moyens nécessaires contre l’islamisme et l’islam conquérant.

Je me targue d’être patriote, c’est-à-dire de défendre et promouvoir mon pays. Non contre les autres, mais avec les autres et même pour les autres en apportant au monde tout ce qui a fait le génie de la France et des Français.

Etre patriote, c’est donc le contraire du nationalisme agressif et du chauvinisme. C’est être fier de nos réussites lorsqu’elles sont acquises sans triche. C’est accepter la défaite lorsqu’elle est légitime.

J’ai apprécié hier l’esprit sportif des Allemands. Je note que les joueurs de la Manschaft ont accepté sans broncher les décisions de l’arbitre et que les supporters sont sortis du stade très calmement. D’autres n’auraient pas réagi ainsi.

6/ Et cette finale ?

J’avoue qu’elle ne m’intéresse pas beaucoup. Que le meilleur gagne. Et que l’arbitrage soit, cette fois, impartial.

Si la France gagne honnêtement, bravo. Mais de grâce, évitons ces débordements chauvins ridicules et, vite, passons à autre chose.

Si c’est le Portugal, tant mieux aussi (bien que je n’aime pas beaucoup ce « m’as-tu vu » de Ronaldo). C’est un petit pays en crise soumis à la cruelle austérité de Bruxelles. Un petit pays a besoin de victoires sportives pour exister. Voyez l’Islande, l’Irlande ou le Pays-de-Galles. Pas un grand. Et le Portugal a raté de peu quelques grands rendez-vous de foot. S’il gagne, je serai content. A condition, évidemment, que ce soit avec mérite.

Si la France perd, il n’y a que les imbéciles qui pleureront. Ils n’auront rien compris à la différence entre essentiel et secondaire.

Il est vrai que certains imbéciles ne comprendront jamais rien. Comme disait Renaud (« Hexagone »), « le roi des cons, il est pas portugais ! ».

Yves Barelli, 8 juillet 2016

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