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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 23:50

La forte mobilisation des électeurs (10 points de mieux) au deuxième tour des régionales françaises et le retrait des candidats socialistes là où le Front National était en position de gagner, ont empêché le parti de Marine Le Pen d’emporter des régions. Ce « barrage » du FN est un succès pour le président Hollande, désormais mieux placé que ce qu’on croyait pour être réélu en 2017, d’autant que le PS emporte la plupart des triangulaires. La droite, en dépit de la difficile conquête de l’Ile-de-France, réalise une contre-performance indiscutable, ce qui laisse prévoir de forts remous au sein du Parti des Républicains et obère les chances de Nicolas Sarkozy de remporter la « primaire » de 2016, préalable à une nouvelle candidature présidentielle l’année suivante.

1/ Avec près de 60% de participation, contre 50% au premier tour, on a assisté à une mobilisation exceptionnelle pour une élection régionale.

Ce surcroit de participation est dû à la dramatisation de la campagne entre les deux tours. Le Premier Ministre comme les responsables du PS avaient appelé à faire « barrage » au FN, présentant sous des aspects apocalyptiques une éventuelle victoire frontiste dans les régions où le FN avait rassemblé plus de 40% des électeurs. Manuel Valls était allé jusqu’à parler de « danger de guerre civile » en cas d’une telle victoire.

Cet objectif obsessionnel de « barrage » (sans l’accompagner d’aucun argument sur le fond) est allé jusqu’au « sacrifice » des listes socialistes, sommées par la direction du parti, de se retirer au profit de la droite dans les trois régions où les dirigeants du FN avaient la possibilité de l’emporter (Marine Le Pen dans le Nord, Marion Maréchal Le Pen en Provence et Florian Philippot dans l’Est – où le socialiste, désormais dissident, s’est maintenu mais avec une forte déperdition au profit de la droite -).

Ce choix du Président de la République de priver trois régions importantes de toute représentation socialiste (ce qui, localement est très handicapant) était un pari risqué. Il est gagné. Non en termes de sièges, mais en posture anti-FN dans la perspective de la présidentielle. Il met dans l’embarras Nicolas Sarkozy, qui a refusé toute possibilité de fusion des listes droite et gauche et, qui, ainsi, apparait comme une sorte de traitre aux yeux des centristes (qui ont fait listes communes avec les Républicains) mais aussi de ceux de son propre parti qui le contestent (en particulier Alain Juppé et François Fillon, principaux « challengers » de Sarkozy pour la « primaire » à droite).

2/ Dans ces conditions, la répartition des régions entre droite et gauche, puisque, désormais le FN est hors-jeu, apparait plutôt secondaire (à l’échelle nationale, même si la gestion ou non d’une région n’est pas sans conséquences locales).

La droite emporte, « à la régulière », si on peut dire (là où gauche et droite étaient en concurrence), deux grosses régions : l’Ile-de-France (de peu) et Rhône-Alpes-Auvergne (avec une marge un peu plus forte) et deux régions de moindre importance : les Pays-de-la-Loire (région artificielle de l’ouest autour de Nantes, pourtant capitale historique de la Bretagne) et la Normandie (d’extrême justesse).

Grâce à la forte mobilisation des abstentionnistes du premier tour et, surtout, du report des voix de gauche, la droite l’emporte aussi dans le Nord-Picardie et en Provence. Dans ces deux régions, le FN a été battu assez largement (55/45). Il en a été de même dans l’Est, grâce au passage à droite d’une partie des électeurs PS du premier tour.

La gauche, pour sa part, l’emporte en Bretagne, dans le Centre (région Orléans-Tours), en Aquitaine (« super » région qui va du Poitou au Pays basque inclus), en Midi-Pyrénées-Languedoc (région de Toulouse-Montpellier qui a des chances de devenir l’ « Occitanie ») et en Bourgogne-Franche-Comté. Dans ces cinq régions, la victoire est acquise dans le cadre de triangulaires, donc « à la régulière ».

La Corse est un cas particulier. Il y avait là une quadrangulaire entre gauche, droite, FN et nationalistes. Ce sont ces derniers qui l’emportent, avec une marge confortable, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le destin de l’île.

3/ A gauche, la stratégie est désormais claire en vue de la présidentielle de 2017. On peut imaginer que le « danger » du FN incitera la gauche à se présenter unie dès le premier tour. Non seulement les « frondeurs » du PS vont rentrer dans le rang, mais il est plausible de penser que le Front de Gauche et les écologistes ne prendront pas le risque de présenter des candidats au premier tour de la présidentielle, ce qui risquerait de priver la gauche du deuxième tour (à la présidentielle, seuls les deux premiers restent en lice pour le deuxième tour décisif).

4/ La stratégie de la droite et du centre sera plus difficile à mettre en place. Certains poussent pour une « droitisation » du langage, autrement dit de mieux coller aux préoccupations des électeurs du Front National en matière de sécurité et d’identité. D’autres estiment que la droite doit aller chercher ses voix au centre si elle veut l’emporter à la présidentielle.

Nicolas Sarkozy sera contesté et ses concurrents vont montrer les dents.

S’il l’emporte à la primaire de la droite, il risque de devoir faire face à la candidature du centriste François Bayrou (qui, dans les élections passées, pesait de l’ordre de 10% des voix), mais aussi à une déperdition d’une partie des soutiens d’Alain Juppé qui, entre Sarkozy et Hollande, risquent de passer vers le président sortant.

Si Juppé ou Fillon devaient emporter la primaire, le score d’un tel candidat de droite au premier tour de la présidentielle serait incertain. Cet électorat est peu différentié de celui qui reste au PS : on ne sait vers qui il ira. Quant à l’électorat de la droite plus dure, une partie risque d’aller grossir les rangs des électeurs du FN.

5/ Le principal enseignement de ce deuxième tour des régionales est la limite de l’ascension du Front National.

Seul contre tous, il lui est impossible de l’emporter dans des circonstances normales (hors guerre ou crise économique catastrophique). Et, dans ce cas, nous étions à la limite des circonstances « normales » puisque les attentats islamistes du 13 novembre ont renforcé le sentiment d’insécurité dans la population, ce qui aurait dû jouer encore davantage en faveur du FN qui a sur cette question un langage clair depuis des années.

L’erreur de Marine Le Pen est de penser que l’évolution de la situation joue inexorablement en sa faveur. J’estime que, même au-delà de 2017, elle se trompe. Mais, pour 2017, j’ai toujours pensé, et je persiste, qu’elle ne peut pas gagner un deuxième tour de présidentielle, quel que soit le candidat qu’elle affrontera.

Le Front National est incontestablement aujourd’hui le premier parti de France. Il fait 30% des voix, ce qui est considérable. Sans doute va-t-il encore progresser.

Mais de 30 à 50%, il y a une marge, un gouffre même, impossible à combler en un an et demi.

Voici le commentaire que j’écrivais en juin 2014, il y a un peu plus d’un an, au soir, déjà, de la « victoire » du FN à l’élection européenne. Il reste d’actualité.

« La montée du FN lui permettra-t-il d’arriver au pouvoir, comme l’espère Marine Le Pen ?

Seul, il a peu de chances d’y parvenir. Le problème du FN est celui de ses alliances. Pour le moment, il n’en a pas.

Même si l’opération « dédiabolisation » est d’ores et déjà en grande partie un succès, elle n’est pas encore complète. Le FN a encore trop d’ennemis, il suscite encore trop de rejets rédhibitoires qui l’empêcheront, toutes choses égales par ailleurs, de franchir le second tour de la présidentielle et de presque toutes les autres élections nationales.

Lorsque Jean-Marie Le Pen a été qualifié pour le second tour de la présidentielle de 1995, il n’a pu faire mieux que 20% contre Jacques Chirac.

Aujourd’hui, moins d’électeurs hésitent à franchir le pas. Dans un tel cas de figure, Marine Le Pen atteindrait sans doute 30%, peut-être 40%, mais en aucun cas 50%. N’importe quel candidat serait sûr de l’emporter contre elle.

Le FN a beaucoup évolué depuis trois ans. Mais il traine encore quelques boulets : ses prises de positions passées fascisantes, racistes, antisémites, xénophobes, colonialistes, franchement réactionnaires sur les sujets de société resteront une tare tant que Marine Le Pen ne les aura pas publiquement reniées [elle l’a fait, mais les scories seront longues à disparaitre]. Le FN doit également cesser d’être le seul parti français favorable à la peine de mort. C’est vrai que ce parti, qui défend pourtant les petites gens, donne encore trop souvent l’image de véhiculer une sorte de haine à peine rentrée. Son langage trop systématiquement anti-immigrés, anti-étrangers plait à certains, mais en éloigne d’autres. Il contribue à en détourner des millions de Français aux origines étrangères plus ou moins lointaines qui, sans cela, s’en rapprocheraient peut-être. Là aussi, le FN doit évoluer s’il ambitionne d’arriver un jour aux affaires.

La vérité est que, aujourd’hui, le FN a suffisamment évolué pour qu’il fasse moins peur et que beaucoup puissent estimer qu’il est devenu fréquentable.

Mais pas encore au point de faire alliance avec lui, sauf sur des questions ponctuelles comme le combat contre l’Union européenne. Et sans alliances, il ne peut espérer ni remporter la présidentielle, ni même gouverner beaucoup de municipalités (malgré de bons scores, il n’en a conquis qu’une quinzaine au printemps 2014, et encore, pour certaines, avec des maires apparentés et non encartés). Tout juste peut-il espérer avoir beaucoup de députés si, et seulement si, la proportionnelle est instaurée.

Autres handicaps du FN : peu de relais dans l’opinion. Le FN est le premier parti ouvrier, mais il ne dispose du soutien d’aucun syndicat. Pas davantage de clubs de réflexion, de « think tanks », de relais dans la société civile. Pas d’organes de presse, pas de penseurs connus, pas d’artistes, peu d’économistes. Quasiment pas de cadres locaux non plus (le FN a 1500 élus locaux, mais c’est plus de 100 000 dont disposent chacun le PS et l’UMP).

On compare parfois le FN à ce qu’était le Parti Communiste jusque dans les années 1980 : deux partis un peu en marge de la société, hors système en tout cas. Mais il y a deux différences : le PC disposait d’un nombre considérable de relais, syndicaux, associatifs, culturels ; il constituait en fait une contre société. Ce n’est pas le cas du FN. De plus, le PC s’inscrivait dans le cadre de l’union de la gauche. Pour le moment, la droite parlementaire lui refuse cette alliance. »

Et j’ajoutais ceci :

« Dans ces conditions, la vie politique française risque de se bloquer : droite et gauche démonétisées et FN dans l’incapacité d’accéder au pouvoir.

Les conditions d’une crise systémique sont réunies. On commence à se demander si on pourra aller ainsi jusqu’en 2017. L’impression est celle d’un temps à l’orage : on se doute que la foudre va tomber (mais ce n’est jamais sûr), mais on ne sait précisément ni où ni quand. Politiquement, rien ne se passe, mais pendant ce temps le chômage continue à progresser inexorablement ».

Et depuis que j’ai écrit ces lignes (juin 2014), une nouvelle situation s’est installée : au-delà de la crise économique et sociale, la crise européenne s’est aggravée (Schengen est, de fait, fini et l’UE montre chaque jour son incapacité à traiter quelque problème que ce soit) et, surtout, les attentats islamistes de janvier et de novembre de cette année ont changé la donne : la France est face à la « guerre », selon les mots de Hollande, que lui a déclaré l’Etat Islamique et, pis, un danger de guerre civile, avec une « communauté » musulmane dont une partie se met en marge de la société française, se profile à l’horizon.

6/ Que sera 2017 ?

Hollande était considéré comme battu dès le premier dans tous les cas de figure. Désormais, il est en bien meilleure position.

La droite, quel que soit son candidat, n’est certes pas encore battue. Si les Français ont assez vu Sarkozy, ils sont loin de s’enthousiasmer (c’est un euphémisme) à l’idée de voir Hollande « rempiler ».

Beaucoup, peut-être une majorité, rêvent d’un véritable changement et, surtout, de la prise en compte, enfin, de leurs préoccupations d’avoir un emploi, de mettre fin au recul social et d’avoir un pouvoir fort qui garantisse leur sécurité et qui renforce leur aspiration à défendre l’identité française à la fois contre une Europe nuisible, une mondialisation catastrophique et un islam conquérant qui met en péril leurs valeurs, leur liberté et leur mode de vie.

Si Martine Le Pen est capable de comprendre qu’elle n’arrivera jamais seule au pouvoir, elle devra modifier sa stratégie.

Elle devra faire alliance avec une partie des hommes politiques qui ont des sensibilités proches des siennes mais qu’elle s’obstine à rejeter parce qu’ils appartiennent à l’ « UMPS ». Des gens comme Laurent Wauquier, Eric Ciotti et même Christian Estrosi ou Valérie Pécresse ont en matière d’identité et de sécurité des positions pas si différentes de celles du FN.

D’autres devraient être des alliés encore plus naturels. Nicolas Dupont-Aignan, par exemple, ou, une figure comme Philippe de Villiers, qui pourrait reprendre du service pour peu qu’on le lui demande. Marine Le Pen ne cherche même pas à faire des avances à des politiciens ou politiciennes rejetés par leurs formations. Nadine Morano, par exemple.

Mieux encore, si le Front National veut conquérir des soutiens chez les déçus de la gauche, il faudrait qu’il travaille un peu plus ce secteur de la société.

Nous sommes en effet dans un paradoxe. Le FN est le premier parti de France, mais il l’est encore plus chez les « petits », les « laissés pour compte » de la société française. Une majorité d’ouvriers vote pour le FN mais celui-ci n’a aucun relais syndical. Pourquoi ?

Encore catalogué « extrême droite » par habitude ou par mauvaise foi des médias, le FN doit montrer qu’il n’a rien à voir avec ce côté de l’arc politique, mais que, au contraire, face à une « gauche » qui a trahi ses idéaux, c’est le FN qui prend le relais et qui, désormais veut, comme le prétendait autrefois, le PS, « changer la vie ».

La seule façon pour le FN d’arriver un jour au pouvoir est de « gauchir » un peu plus son langage (il a commencé à le faire), de se créer des relais dans la société civile (là, il est encore très faible) et, surtout, de faire preuve d’humilité en participant à une coalition sans nécessairement vouloir la diriger.

Il est vrai que cette ligne de « gauche » ne fait pas encore l’unanimité au sein du FN. Pour un Florian Philippot, ancien de l’aile gauche socialiste, une Marion Maréchal Le Pen est sur une ligne de droite bien plus « réactionnaire ».

Marine Le Pen devra clarifier encore ses options. Elle devra mettre un peu en sourdine une attitude qui plait à certains mais qui apparait exagérément arrogante à d’autres et, avant de prétendre au premier rôle, accepter des rôles moins en vue.

C’est ce qu’ont fait tous les présidents passés de la France et de la plupart des autres pays comparables. Mitterrand a longtemps participé à des gouvernements où il n’avait pas le premier rôle, Chirac a été premier ministre de Giscard, Sarkozy ministre de Chirac et Hollande s’est longtemps contenté du poste subalterne de premier secrétaire du PS.

Il est douteux que Marine Le Pen, qui n’a encore jamais réussi à se faire élire députée ou présidente de région, puisse, sans passer par ces étapes, arriver à la magistrature suprême.

En démocratie, la conquête du pouvoir est un long chemin. Vouloir tout, tout seul et tout de suite n’est pas la bonne stratégie.

Ces élections régionales le montrent.

Yves Barelli, 13 décembre 2015

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commentaires

C
http://michel.delord.free.fr/maindroite.pdf<br /> <br /> si la démocratie c'est ce que vous décrivez, vive la dictature - ou à bas l'Etat - <br /> <br /> qu'est-ce que vous attendez pour rejoindre l'UPR - François Asselineau - pour nous éviter hollandouille l'abruti qui veut nous imposer une modernisation pour les présidentielles -<br /> <br /> espérons qu'il va se trouver une nouvelle maitresse et s'attraper une bonne chaude pisse
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