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16 septembre 2015 3 16 /09 /septembre /2015 23:58

La crise des migrants met en relief l’inanité de cette construction artificielle que sont les accords de Schengen et, au-delà, de la viabilité de l’Union européenne.

1/ Par pur dogmatisme fondé sur l’idéologie européiste, on a essayé de mettre en place tous les éléments d’une marche forcée vers le fédéralisme européen. Depuis la mise en œuvre des accords de Maastricht en 1995, on n’a cessé, sans tenir compte des réalités et sans jamais solliciter l’accord des peuples (quand on a consulté les Français et les Hollandais sur la « constitution » européenne, on n‘a pas tenu compte de leur vote négatif) , de faire comme si un Etat fédéral existait : abolition des contrôles aux frontières, libre circulation des hommes et des marchandises, pouvoirs de plus en plus exorbitants pour la Commission, composée de membres jamais élus par personne qui se permet de faire des « remontrances » aux Etats, démantèlement des services publics au profit d’intérêts financiers multinationaux, moins-disance sociale, fiscale et environnementale, religion de la concurrence qui annihile toute possibilité de politique industrielle, imposition de critères budgétaires absurdes qui empêchent la croissance et réduisent la protection sociale et, pour terminer, une monnaie commune unique pourtant condamnée dès sa création à ne pas fonctionner du fait des différences économiques entre les pays et que, depuis dix, en se ruine à maintenir en survie artificielle. Comble symbolique de l’absurdité (mais qui coûte cher), on a même créé des « ambassades » et des « ambassadeurs » européens, dotés de moyens importants (soixante voitures par exemple dans l’ « ambassade » de l’UE dans le petit Monténégro quand l’ambassade de France que j’ai dirigée n’en avait que deux !). Personne ne sait à quoi ils servent puisqu’il n’y a aucune politique étrangère commune des pays de l’UE. On est allé par ailleurs jusqu’à nous affubler de passeports « Union Européenne » et, vous l’avez remarqué, les plaques d’immatriculation sont toutes identiques avec le nom du pays écrit en tellement petit qu’on ne le voit pas. Schizophrénie collective : on fait semblant d’être tous pareils, mais dans chaque réunion européenne, chaque pays défend ses intérêts nationaux comme des chiffonniers se disputent des bouts d’étoffe. Qui se sent « européen » en dehors de quelques rêveurs illuminés et dangereux parce qu’illuminés ?

L’Union européenne est devenue un monstre incapable d’avoir une politique cohérente parce qu’il n’y a pas d’Etat fédéral et qu’il ne peut y en avoir du fait que, en dépit des discours hypocrites contraires, personne n’en veut pour une raison simple, que seuls les « européistes » ne voient pas car ils sont aveuglés par leurs à priori dogmatiques, qu’il n’y pas d’identité commune qui se serait substitué aux identités nationales . Ce montre n’a pas assez de consistance pour avoir une vision et une politique, mais a suffisamment de pouvoir pour empêcher les Etats, qui ne sont plus totalement souverains, d’avoir encore les leurs. L’Europe est devenue un carcan qui ne fait rien mais empêche les Etats et les peuples de faire.

2/ La crise actuelle des migrants illustre aujourd’hui la vanité et la vacuité du projet européen.

Il n’y a en effet aucun projet, aucune vision.

L’Europe est dirigée depuis au moins dix ans par l’Allemagne. Quelle est la vision à long terme de ce pays ? Aucune. Et son programme à court terme ? Maintenir la valeur de la monnaie pour garantir le pouvoir d’achat des rentiers, catégorie la plus influente dans ce pays à la démographie atone et vieillie où les retraités dictent leur loi aux jeunes.

L’Allemagne a réussi à imposer ses vues aux autres pays de la zone euro (ceux qui, comme la Grande Bretagne, ont gardé leur monnaie nationale sont plus indépendants). C’est elle qui a fixé les critères budgétaires qui s’imposent à tous et qui se traduisent par les politiques d’austérité qui ont détruit ou fragilisé les pays du Sud, Grèce, mais aussi Italie, Espagne et Portugal, en attendant peut-être la France.

Le plus étonnant est que la France, qui avait pourtant vocation à être le pays leader, ou au moins l’un des pays leaders en Europe, ait accepté de se plier à l’hégémonie allemande. Les dirigeants allemands ont certes le tact de conserver les apparences d’une direction commune du soit disant « couple » franco-allemand. Mais personne n’est dupe, c’est Berlin qui dirige et qui, de fait, dirige seul. La France est l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, c’est une puissance nucléaire, ses armées sont sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures (Sahel, Moyen-Orient) alors que les troupes allemandes restent à la maison. La France conserve encore une influence mondiale, notamment culturelle, et sa diplomatie est encore capable, à l’occasion (les dernières ont été le refus de la guerre en Irak en 2003 et, au contraire, la décision, malheureuse, d’envoyer des avions pour déstabiliser la Libye en 2011), de mobiliser ses nombreuses amitiés, pas seulement en Afrique mais ailleurs dans les pays du Sud, notamment l’Amérique latine. Et pourtant, son président (Sarkozy et, plus encore Hollande) a pris l’habitude d’aller à Bruxelles et à Berlin pour y chercher ses ordres. Quand Hollande a été élu, sitôt la cérémonie d’investiture terminée, le président français est parti à Berlin pour être reçu par Madame Merkel qui, pourtant, avait refusé de le voir lorsqu’il n’était encore que candidat. Cet homme a un sens de l’honneur, ou plutôt, du déshonneur, tout à fait étonnant. De Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

Par un tel asservissement, la France se déshonore et ne rend pas service aux autres Européens.

Dans la crise des migrants, Hollande a été encore plus lamentable qu’à son habitude. D’abord opposé aux « quotas », il les a finalement acceptés comme l’exigeait Berlin. Quand Madame Merkel a inconsidérément déclaré qu’elle était prête à accueillir 800 000 migrants et qu’elle est allée elle-même leur souhaiter la bienvenue, Hollande s’est cru obligé de faire pareil.

Et maintenant que l’Allemagne, devant l’afflux pourtant prévisible des migrants, ferme ses frontières, Hollande indique que, la France aussi, est prête à surveiller les siennes. Il se dit encore, par habitude et par dogmatisme, attaché à Schengen. Nul doute qu’il sera bientôt contraint de manger son chapeau et de dire le contraire. Dans la relation franco-allemande, les hommes clef sont les traducteurs des discours de Merkel et ceux qui l’interprètent en simultané. Il suffit ensuite de traduire pour avoir les déclarations officielles françaises. Il était de bon ton de gloser autrefois sur les dirigeants des pays communistes qui allaient prendre leurs ordres à Moscou. Chez nous, c’est plus varié : quand ce n’est pas Berlin, c’est Bruxelles, à moins que ce ne soit Washington.

On nage en pleine incohérence à Berlin et en plein suivisme pitoyable à Paris (tandis qu’à Washington, c’est le silence radio chez le futur retraité Obama).

3/ Cette crise aura au moins servi à quelque chose : montrer que Schengen n’était pas viable. C’est bien de franchir en voiture une frontière sans s’arrêter et d’aller acheter en Espagne ou au Luxembourg des cigarettes et des alcools à moitié prix.

Mais il y a un revers à cette belle médaille : les trafiquants, les terroristes et les clandestins profitent, comme les touristes, de l’absence de frontières. Nous sommes inondés d’armes de guerre, les clandestins étaient déjà nombreux bien avant la « crise » des migrants, toutes les zones frontières sont sinistrées du fait des différences de prix et de la liberté de faire passer autant de marchandises que l’on veut, l’agriculture elle-même est atteinte avec des secteurs entiers ruinés du fait de la concurrence déloyale de pays où la main d’œuvre est moins chère et où les taxes sont moins élevées, dans nos pays mêmes, les salariés nationaux sont concurrencés par des travailleurs « détachés » moins chers qu’eux et certains secteurs, comme les transports routiers ou aériens (en attendant les ferroviaires) sont sacrifiés sur l’autel de la « libre » concurrence au profit de pays à faibles salaires et sans couverture sociale.

4/ 80% des Français, selon un sondage, sont favorables au rétablissement des contrôles aux frontières. Ils ont compris que gagner cinq minutes en passant de Strasbourg à Kehl était un bien mince avantage comparé à tous les inconvénients liés au démantèlement des frontières. Je suis du même avis.

Il faut mettre fin aux accords de Schengen et rétablir le contrôle de nos frontières, comme cela existe dans le monde entier. Les Etats-Unis et le Canada, par exemple, sont deux pays amis qui partagent beaucoup de choses, à commencer par une langue commune. Avez-vous déjà passé par la route la frontière (5 000 km de long) entre ces deux pays ? Si ce n’est pas le cas, allez-y : vous serez contrôlés et si vous n’avez pas de visa américain, on vous obligera à le prendre avant de passer. Chez nous, celui qui a pu entrer en Grèce clandestinement peut poursuivre sa route jusqu’au Portugal sans jamais être contrôlé. Ou plutôt, pouvait. L’Allemagne vient de montrer l’exemple en rétablissement les contrôles de passeports et de marchandises.

Schengen, de fait, c’est fini, et il faut s’en réjouir.

4/ Il ne faut pas en rester là. Il est urgent de mettre un terme à toute la bureaucratie bruxelloise qui entrave le fonctionnement des pays européens. L’Union européenne a montré qu’elle avait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. C’est vrai en matière monétaire. C’est vrai en matière agricole. C’est vrai pour tout le reste.

La coopération internationale est évidemment nécessaire. On peut remplacer l’UE par des accords bilatéraux et multilatéraux. L’Agence Spatiale Européenne, Airbus ou EADS fonctionnent bien. Ce sont des accords qui lient plusieurs pays européens. Ils ont été signés en dehors de l’Union européenne avec laquelle ils n’ont rien à voir. Il est heureux qu’ils l’aient été avant que la Commission européenne ne prenne trop d’importance. Si on voulait faire quelque chose d’équivalent aujourd’hui, il n’est pas sûr que cette Commission le permettrait car elle considèrerait sans doute qu’il s’agit d’une entente contraire à la religion de la libre concurrence. Une entente, qui plus est, entre Etats et entreprises publiques, ce que n’aiment pas les chancres du tout privé au pouvoir à Bruxelles.

Un argument complètement éculé est en général mis en avant par les « européistes » pour justifier la poursuite de la chimérique « construction » européenne. Elle garantirait la paix en Europe. Les Etats-Unis et le Canada sont-ils en guerre ? Le sommes-nous avec la Suisse, qui n’est pas membre de l’UE ? Ridicule.

Il est grand temps que les peuples européens reprennent leurs affaires en main.

Schengen est, de fait, mort. L’Union européenne est devenue un vieillard impotent et grincheux.

Tournons cette sinistre page de la soit disant « construction » européenne qui a été en fait la déconstruction de notre continent.

Finissons-en avec l’Europe des capitalistes, des technocrates, des politiciens médiocres, de l’austérité et du recul social.

Et vive l’Europe des peuples. A nous de la construire.

Yves Barelli, 16 septembre 2015

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commentaires

R
et la fin de l'union européenne c'est pour quand ?
Répondre
R
c'était un leurre cette union européenne - cherchons les responsables
Répondre
B
Tout à fait d'accord

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