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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 11:54

Je ne sais s’il faut qualifier Alexis Tsipras de politicien astucieux et charismatique ou de politicard ambitieux et minable. Je ne connais sans doute pas assez l’homme et la Grèce pour le dire. Peut-être est-il en fait une combinaison des deux, à l’image de ce pays, habitué depuis l’Antiquité aux savantes combinaisons politiciennes données en spectacle sur l’Agora qui sont le reflet de jeux de l’esprit et de la pensée sophistiqués (enfin, si l’on veut, car j’y vois peu de cette « sophia », la sagesse en grec) mais à la déontologie souvent douteuse et aux prolongements pratiques rarement à la hauteur de la rhétorique.

1/ Les élections générales qui se sont tenues le 20 septembre en Grèce sont en fait un non évènement. On a tant parlé de ce pays ces derniers temps que les commentateurs s’y intéressent encore par habitude. Moi aussi. Pourtant, le résultat de ce vote était sans importance puisque le gouvernement grec a accepté cet été pour la troisième fois en peu de temps le dictact européen qui met le pays sous tutelle et lui impose un programme d’austérité que toute personne honnête juge irréaliste et nuisible dans la mesure où il va enfoncer davantage encore le pays dans la crise et, par ricochet, va encore plus fragiliser l’euro (on sait que la prochaine échéance, celle d’un remboursement impossible d’une partie de la dette grecque, est prévue avant la fin de l’année : il nous faudra, une fois de plus, payer pour empêcher la Grèce et l’euro de couler).

2/ Les trois capitulations en rase campagne de la Grèce devant les exigences allemandes ont été le fait de trois forces politiques opposées, les socialistes du PASOK d’abord, puis la droite de la Nouvelle Démocratie, enfin Syriza, présenté avant qu’il ne trahisse ses engagements comme une nouvelle force d’extrême-gauche antisystème.

La gauche du PASOK, là comme ailleurs en Europe, est si déconsidérée, qu’elle a quasiment disparue de l’échiquier politique. Elle a obtenu hier un dérisoire 7,5% des suffrages exprimés.

La droite de Nouvelle Démocratie a au moins le mérite de la constance dans son européisme et son soutien des possédants. Elle a recueilli 28,1%.

Syriza a sauvé les meubles en réunissant encore cette fois 35,5% des voix. Alexis Tsipras, par le jeu institutionnel qui attribue une prime de 50 sièges au parti arrivé en tête et grâce à l’apport de son allié « souverainiste » (mais qui accepte de faire au gouvernement le contraire de ce qu’il dit penser !) de l’ANEL (3,5%), formera à nouveau le gouvernement nominal de la Grèce (le véritable est à Bruxelles).

Les autres formations obtiennent des résultats non négligeables (« Aube dorée », parti présenté comme néo-nazi – 7,1% - et Parti Communiste – 5,5%). Elles seront représentées au parlement, mais n’y auront aucune influence.

Le « parti » qui, en fait, est majoritaire est celui de l’abstention : en dépit du vote en principe obligatoire, 45% des Grecs ne se sont pas présentés dans les bureaux de vote. Ils ont estimé, avec raison, qu’entre des partis qui passent leur temps à renier leurs promesses et d’autres qui ne correspondent pas à leurs aspirations, ils n’avaient pas vraiment le choix, d’autant que, de toute façon, le pouvoir n’est plus à Athènes, s’il y a jamais été.

3/ Ceux qui ont voté ont donc choisi à leurs yeux le moindre mal. Le peu de monde dans les rues d’Athènes pour fêter la dérisoire et amère « victoire » de Syriza montre qu’ils l’ont fait sans enthousiasme, en fait dans la résignation. Ils ont été déçus par Tsipras mais l’étaient encore davantage par les autres. Parmi tous les mauvais, Tsipras a réussi à apparaitre comme le moins mauvais. Ce n’est pas une moindre performance pour quelqu’un qui a menti avec un tel aplomb à son peuple et qui, au pouvoir, fait exactement le contraire de ce pourquoi il avait été élu en janvier dernier. Chapeau l’illusionniste. L’homme est un excellent orateur. Cela plait au bord de la mer Egée où la forme prime souvent sur le fond. Jeune, décontracté, il plait encore aux plus naïfs et, chez les autres, qui ne l’aiment plus, on le trouve quand même moins antipathique que ses concurrents. Pensez : il est allé jusqu’à dire cet été qu’il n’était pas d’accord avec ce qu’il venait de signer. Cela rappelle le soutien d’une bonne partie des Français au maréchal Pétain après sa capitulation face à l’Allemagne en 1940. Lorsqu’on est soi-même pleutre et un peu honteux, on est soulagé d’être représenté par un homme qui vous ressemble.

Les plus optimistes disent que Tsipras est très fort et que, finalement, il a réussi à rester aux commandes alors que les Allemands, la plupart des Européens et les « marchés » voulaient sa peau. Il a plié mais pas rompu et, finalement, au-delà des abandons, il préservera l’essentiel pour la Grèce en limitant les conséquences dramatiques pour les plus faibles du nouveau plan d’austérité imposé à la Grèce. Comme Pétain en 1940 (on sait ce qu’il est advenu après).

Ce n’est pas mon opinion. Les seules choses que Tsipras a sauvées ce sont son ego et son ambition personnelle. Du moins à court terme, car je ne donne cher de son avenir politique. A moins qu’il ne fasse une nouvelle carrière sur une ligne à l’opposé de celle qui l’a porté au pouvoir en janvier. Pas impossible après tout dans un pays où tout et son contraire font partie du paysage.

Mais la carrière de Monsieur Tsipras ne m’intéresse pas et j’ose croire que beaucoup de Grecs sont sur ce sentiment. Ce personnage a trahi et, qu’il réussisse ou pas (mais réussir à quoi, au juste ?), cela ne devrait pas intéresser. Je n’ai jamais eu d’estime pour les conseils de Machiavel au « prince ». Si j’ai apprécié en leurs temps Masaryk et Havel (avant qu’il ne devienne président), c’est parce que je crois qu’en politique et dans la vie la morale a une place. Gagner par la fourberie et la tricherie, cela ne m’intéresse pas. C’est sans doute pour cela que je n’ai jamais fait une carrière politique. Ma démarche manque sans doute d’efficacité. Mais si, pour gagner, y compris pour la bonne cause, il faut mentir, ce sera sans moi.

4/ Pour revenir au sujet, celui de la Grèce, que va-t-il se passer maintenant ?

A court terme, rien. On continue comme avant. Syriza reste aux commandes nominales, le plan d’austérité et de destruction de l’économie et de la société grecques va continuer de s’appliquer et la zone euro continuera de s’enfoncer un peu plus.

Et à plus long terme ?

On peut espérer que les Grecs et les Européens comprendront un jour. Et le plus tôt sera le mieux car toute journée qui passe rend la solution plus difficile et plus douloureuse.

Ma conviction (je peux me tromper mais, depuis quelques temps, je dois dire que mes prévisions, et celles de quelques autres, pessimistes sur les chances de la Grèce et de l’Europe de se redresser en gardant le système actuel se sont avérées justes) est la suivante :

a/ la seule chance de la Grèce de sortir de la situation sans espoir actuelle est la sortie de l’euro = et = des réformes internes de grande ampleur, à commencer par celle des mentalités et des comportements : sortir de l’euro sans changer le fonctionnement du pays ne servirait pas à grand-chose, mais tenter de faire les réformes nécessaires en gardant l’euro est voué à l’échec. Les Grecs, dont les sondages montrent qu’ils sont majoritairement attachés à l’euro, et sans doute aussi à leurs travers historiques, n’y sont pas encore prêts. Sans doute leur faut-il encore plus d’austérité et encore plus de crise pour qu’ils comprennent. Espérons qu’ils ne tardent pas trop.

b/ On peut en dire autant pour les Européens. L’euro plombe nos économies parce que c’est une monnaie artificielle que l’on maintient en survie depuis dix ans à coup d’austérité, de recul social et de sacrifice des services publics. Une majorité de nos concitoyens est consciente de la faiblesse congénitale de l’euro mais a peur pour son épargne et craint qu’en arrêtant avec l’euro, le remède sera pire que le mal. Tant que cet état d’esprit perdurera, nous resterons dans la crise permanente, c’est-à-dire structurelle.

Ce qui est vrai pour l’euro l’est encore plus pour l’Union européenne. Ce monstre institutionnel n’apporte aucune solution, n’a aucune politique cohérente, aucun projet d’avenir (et même de présent). Pas assez de force pour les porter, mais assez de pouvoir pour empêcher les Etats-membres d’en avoir.

Face aux grands défis, croissance, chômage, protection sociale, protection de l’environnement, protection de nos valeurs et de notre sécurité face à l’islamisme conquérant, l’Europe n’a aucun projet et les gouvernements nationaux à peine plus de pouvoir que celui d’Athènes.

En l’état actuel, l’Europe est en train de se suicider.

Il est temps que l’instinct vital de survie entraine chez les peuples européens une reprise en main de leurs destins.

Sans quoi, nous serons tous Grecs.

Yves Barelli, 21 septembre 2015

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commentaires

R
l'UPR - François Asselineau - l'avait bien dit que c'était un leurre - j'avais eu du mal à y croire !!
Répondre
B
Et c'était pourtant juste.

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